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bue fur-le-champ, pour ne pas donner à la liqueur
le teins de noircir;
L'herbe du Paraguay eftjndifférente à l'Europe
qui n'en confomme point, 8c nous ne prenons
pas plus d'intérêt au commerce que fait cette région
de fes excellentes mules dans les autres contrées
du Nouveau-Mondel
Get animal utile eft très-multiplié fur le territoire
de Buenos-Aires. Les habitans du Tucuman
y portent des bois de conftruélion & de la
çire, qu'il$ échangent chaque année contre 60
millé mulets de deux ans , qui chacun ne coû-
toit pas autrefois trois livres, mais qu'il faut
payer huit où dix aujourd'hui. On les tient quatorze
mois dans les pâtutâges de Cordoue, huit
dans ceux de Saltaj & ‘par des routes de fix
cents , de fept cents , de neuf cents lieues , ils
l'ont conduits en troupeaux de quinze cents ou
de deux mille dans le Pérou , où on les vend
près d'Oruro , de Cufco , de Guanca - Velica,
depuis foixante-dix jufqu'à cent livres , fuivant
le plus ou le moins d’éloignement. -
Le Tucuman livre d'ailieurs au Potofi feize ou
dix-huit mille boeufs & quatre ou cinq mille chevaux
nés & élevés far Ion propre territoire. C e
fol fournirait vingt fois davantage des uns. & des
autres, s'il étoit poftible de leur trouver quelque
débouché.
Une connoiflançe qui fera peut-être moins in différente
pour nos négôcians , c'eft la route que
prennent les cargaifons qu'ils envoient dans cette
partie d.e l'autre hémifphère.-
* Il y a rarement quelque communication entre
les bourgades femées de loin en loin fur cette
ïégîon. Outre qu’on ne l'entretiendroit pas fans
de grandes fatigues, fans de grands dangers, elle |
feroit de peu d'utilité à des hommes qui n'ont
rien ou prefque rien à s'offrir , rien ou prefque
lien à fe demander. Buenos Aires feule avoir un
grand intérêt à trouver des débouchés pour les
inarchandifes d?Europe qui lui arrivoient, tantôt
ouvertement, tantôt en fraude , & elle parr
vint à ouvrir un commerce afiez régulier avec le
Chili & avec le Pérou. Originairement, les caravanes
qui formoient ces liaifons, employoient
le fecours de la bouflole pour fe conduire dans
les vaftes déferts qu'il leur falloit traverfer : mais
avec le temps on eft parvenu à fe paffer de cet
inftrument fi néceffaire pour d'autres ufages bien
plus importans. ■
Des chariots partent maintenant de Buenos-
Aires pour leur deftination refpe&ive. Plufieurs
fe joignent pour être en état de réfifter aux na1
• tions fauvages > qui les, attaquent fouvent dans'
leur marche. Tous font traînés par quatre boeufs ,
portent cinquante quintaux & font fept lieues
par jour. Ceux qui prennent la route du Pérou j
$!arrêtent à Juguy » après avoir parcouru quatre
cents foixante-fépt lieues ; & ceux qui font défîmes
pour le Chili , n’en ont que deux cents
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foixante-quatre à faire pour gagner Mendoza. Les
premiers reçoivent quatre piaftres ou 21 livres
8 fols par quintal, 8c les féconds un prix pro- '
portionné à l’efpace qu’ils ont parcouru. Un troupeau
de bêtes à poil & à cornes fuit toujours ces
voitures. Les chevaux font montés par ceux des
voyageurs que le chariot ennuie ou fatigue» les
boeufs doivent fervir pour la nourriture & pour
le renouvellement des attelages.
L ’an 1764 fut l’époque heureufe d’une autre
inftitution utile. Le miniftère avoit pris enfin^le
parti d’expédier tous les deux mois, de la C o rogne,
un paquebot pour Buenos-Aires. G ’étoit
un entrepôt, d'où il s agifloit de faire arriver les
lettres & les paflagers dans toutes les pofieflions
efpagnohs de la mer du fud. Le trajet étoit de
neuf cents quarante fix lieues jufqu'à Lima, de
trois cents foixante-quatre jufqu'à San-Yago, 8c
des déferts immenfes occupoient une grande partie
de ce vafte efpace. Un homme aétif 8c in-
teliigent .vint cependant à bout d'établir une
porte régulière de la capitale du Paraguay aux.
capitales du Pérou 8c du C h ili, au grand' avantage
des trois colonies, & par conféquent de la
métropole..
Le Paraguay envoie à l’Efpagne plufieurs objets
plLis ou moins importans : mais ils y ont
été tous apportés des contrées limitrophes. De
fes propres domaines, le pays ne fournit que des
cuirs.
Lorfqu’en 1539 les efpagnols abandonnèrent
Bùenos-Aires pour remonter le fleuve, ils laif-
fèrent dans les campagnes voifines quelques bêtes
à cornes qu'ils avoient amenées de leur patrie.
Elles fe multiplièrent tellement, que,perfonne ne
daigna fe les approprier, lorfqu’ on rétablit la ville.
Dans la fuite , il parut utile de les artommer pour
en vendre la peau à l’Europe. La manière dont
on s’y prend , eft remarquable.
Plufieurs chaffeurs le rendent à cheval dans les
plaines, où ils favent qu’il y a le plus de boeufs
fauvages* Ils pourfuivent chacun le leur, & lui
coupent le jarret avec un long bâton , armé d'un
fer- taillé en croiffànt & bien aiguifé. Cet, anir
mal abattu, fon vainqueur en pourfuît d'autres
qu'il abat de même. Après quelques jours d'un
exercice fi violent, les chaffeurs retournent fur
• leurs pas , retrouvent les taureaux qu'ils ont
terrafies, lés écorchent, en prennent la peau,
quelquefois la langue ou le fu if , & abandonnent
le refte à des chiens fauvages, ou à des vautours.
Les cuirs étoient originairement à fi bon marché
, qu'ils ne-codtoient que deux livres, quoique
les acheteurs rebutaffent ceux qui avoient la
plus légère imperfection , parce qu'ils dévoient
le même impôt que ceux qui étoient les mieux
conditionnés. Avec le temps, le nombre en di-
rninna tellement qu'il fallut donner 43 liv. 4 fols
pour lés grands, 37 liv. 16 fols pour les .médiocres
,
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diocres, & 32 liv. 8 fols pour les petits. Le
gouvernement, qui voyoit avec regret fe réduire
peu-à-peu à rien cette branche de commerce , défendit
de tuer les jeunes taureaux. Quelques citoyens,
aétifs réunirent un grand nombre de ge-
nilfes dans-des parcs immenfes $ 8c depuis ces
innovations, les cuirs qui font tous en poil 8c
qui pèfent depuis vingt jufqu'à cinquante livres ,
ont baiffë d’environ un tiers. Tous doivent au fife
onze livres.
Depuis 1748 jufqu’en 1743 , l'Efpagne reçut
par an., de cette colonie 8,7$2,o6y livres. L'or
entra dans cette fomme pour 1,514,705 livres,
l'argent pour 3,780,000 liv. 8c les productions
pour 3,447,360 liv. Le dernier article fut forme
.par trois cents quintaux de laine de vigogne, qui
produifirent 207,360 livres , 8c par cent cinquante
mille cuirs qui rendirent 3,240,000 livres. Tout
étoit pour le commerce , rien n'appartenoit au
gouvernement.
La métropole ne doit pas tarder à voir couler
de Cette région , dans fon fein, des valeurs nouvelles
; & parce que la colonie du Saint-Sacrement
, par où s'écouloient les richeftes, eft fortie
des mains des portugais, & parce que le Paraguay
a reçu une exiftence plus confidérable que celle
dont il jouilfoit.
Remarques fur l’adminifirat'ton du Paraguny & i'au-
. : loritê qu 'y avoient acquife les jéfuites.
L'empire immenfe que la Caftille avoit fondé
dans. l'Amérique méridionale fut iong-tems fub-
ordonnée à un chef unique. Les parties éloignées
du centre de l’autorité éroient alors né-
ceffairement abandonnées aux caprices^, à l’inexpérience
, à la rapacité d'une foule de tyrans
fubalternes. Aucun efpagnol, aucun indien n’a- :
Voit la folie de faire des milliers de lieues pouri
aller réclamer une juftice qu'il étoit prefque mv\
de ne pas obtenir. La force de l’habitude , qui
étouffe fi fouvent le cri de la .raifon , 8c qui gouverne
encorè plus abfolument les états que les
individus, empêchoit qu'on n'ouvrit les yeux fur
le principe certain de tant de calamités. La con-
fufion devint, à la fin , fi générale , que^ce qu'on
appelle le: nouveau royaume de Grenade fut détaché
, en 1 7 1 8 , de cette gigantefque domination.
Elle reftoit encore beaucoup trop étendue j
& le miniftère l'a de nouveau rertreinre, en 1776,
en formant d’une partie du diocèfe de Cufco ,
de tout celui d é jà Paz , de l'archevêché de la
m m des provinces de Sinta-Crux deda Sierra ,
de Cuyo , du Tucuman, du Paraguay , une autre
vice-royauté, dont le fiegè-eft à Buenos-Aires. Le
gouvernement ne tardera pas fans'doute à régler
le fort de ces finguhères miftionsque les louanges
de fes panégÿriftès, que les fatyrès de fes
détracteurs rendirent également*célèbres* Un auteur
tres^connu , qui nous a fourni cet article ,
' GEcon.polit, üj- diplomatique, Tom. IIJ.
P A R y a t
parlé des mîffions des jéfuites au Paraguay :
nous ne ferons qu’une remarque fur fes ob fer varions
expofées avec tant d’intérêt : les ufages
monaftiques peuvent-ils rendre heureufe une grande
peuplade ? L’ afterviffement continuel > quelque
doux qu’ il fo it , peut il convenir à des fauvages ?
& les petites punitions conviennent-elles à des
hommes ? m -■ : ' t,*
« On dévaftoit l’Amérique depuis^un fiècle, dit-iU
lorfque les jéfuites y portèrent cette infatigable
aélivité qui, les avoit fait fi finguliérement remarquer
dès leur origine. Ces hommes entreprenant
pe pouvoiçnt pas rappeller du tombeau les trop
noinbreufes viélimes qu’une aveugle férocité y
avoit malheureufement plongées j ils ne pouvoient
pas arracher aux entrailles de la terre les timides
indiens que l’avarice des conquérans y faifoit tous
les jours defeendre. Leur follicitude fe tourna
vers les fauvages, que leur vie errante avoit juft-
qu’ alors fouftraits au glaive , à la tyrannie. Le
plan étoit de les tirer de leurs forêts & de_ les
raffembler en corps de nation , mais loin des lieux
habités par les oppreffeurs du nouvel hémifphére.
Un fuccès, plus ou moins grand, couronna ces
vues dans la Californie, chez les Moxos , parmi
les Chiquites, fur l ’Amazone & dans quelques
autres contrées. Cependant aucune de ces inftir
tutions ne jetta un auflî grand éclat que-celle qui
fut formée dans le Pcragaar, parce qu’on lui donna
pour bafe les maximes que fui voient les incas dans
le gouvernement de leur empire & dans leurs.conquêtes
»; •
« Les defeendans de Manco - Capac fe reii-
doient fur leurs frontières avec des armées qui
favoient du moins ob éir, combattre enfcmble,
fe retrancher, 8c qui avec des armes offenfives ,
.meilleures que celles des fauvages, avoient des
boucliers & des armes défenfives que leurs ennemis
n’avoient pas- Ils propofoient à la nation qu’ils
vouloient ajouter à leur domaine, d’adopter leur
religion, leurs ioix & leurs moeurs. Ces invitations
étoient ordinairement rejettées. De nouveaux
députés, plus preflans que les premiers,
étoient envoyés. Quelquefois on les maflacroit ,
& on fondoit inopinément fur ceux qu’ils repré-
fentoiênt. Les troupes provoquées avoient affez
généralement la fupéricrité : mais elles s’arrê- ^
toîent au moment de la viéloire, 8c traitoient
leurs prifonniers avec tant de douceur , qu’ils
faifoient aimer de leurs compagnons un vainqueur
humain. Il n’arriva guère qu’une armée
péruvienne attaquât la première > 8c il arriva
fouvent qu'après avoir vu fes foldats maftacrés,
qu'après avoir éprouvé la perfidie des barbares ,
l'inca ne fiermettoit pa$ encore les hoftilités »3..
« Les jéfuites , qui n'avoient point d’armées., fe
bornèrent à la perfuafion. Ils s'enfonçoient dans
les forêts pour ,chercher des fuivages, & ils les
déterminèrent à renoncer à leurs- habitudes.,- à
leurs préjugés ,. pour emj^rafter une rdigicn à
i ’V v v