
environ deux millions d’ames, renaîtra-pour couvrir
Tes ports & Tes rades de flottes agiffantes..
Cette création-fera difficile, fans doute., pour une
-piiiffance dont le pavillon n'eft connu fur aucune
mer d'Europe , & qui, depuis un fièoele, a abandonné
fa navigation à qui va* voulu s'en f-iur j.
mais un gouvernement devenu"-fage' fur montera
tous les obftacles. Une fois parvenu à faire toute
la navigation qui lui eft propre, il retiendra dans
l'é ta t , des fommes considérables que le fret en
fait fortir continuellement.
C e changement influera fur le fort des ifles
foumifes à la couronne. Madère , dont les exportations
annuelles -s'élèvent à 4,658,800 livres*,
verra augmenter fes travaux, fesv profpérités &
lés richeffes. L'amélioration des Açores fera plus
grande encore. On fait que cët archipel compofé
de neuf ifles, dont Tercere eit la principale, n'a
que cent quarante - deux mille habitans, & ne
vend actuellement à fa métropole , au Brefil &
à l'Amérique feptentrionale ,■ de fes vins , de fes
toiles, de fes grains & de fes belliaux, que pour
z ,440,000 liv. Les ifles même du Cap - Verd ,
malgré les fréquentes fèchereffès qu'elles éprouvent
, pourront multiplier leurs mulets & plus
particuliérement l’orfeille, cette efpèce d'herbe
couleur de moufle , que le nord de l'Europe emploie
fi utilement dans lès teintures. Le gouvernement
ne fe bornera pas à encourager, dans fes
pôffeffions-, les cultures qui y font connues. Ses
foins y en introduiront de nouvelles, que-la fertilité
du fo l, que la température & la variété du
climat ne celfent d'appeller.
C e nouvel efprit le fera fentir principalement
dans le Brefil, cette .grande colonie qui ne fut
jamais ce quelle devoit être.
Avant l ï i f y elle ne reçut que quelques proif
erits , fans moeurs ou fans fortune. *
Les grands qui, à cette époque , y obtinrent
des provinces, en firent un théâtre de carnage
& de deftruétion. C e fut une lutte dé foixante
ans entre les portugais qui vouloient tout affervir, 3c les indiens qui fe refufoient aux chaînes qu'on
leur préfentoit, ou qui les brifoient après les avoir
portées.
Les travaux même du peu de brefiliens que
la vigilance de l'adminiftrafion parvenoit a retenir
fous le jou g , étoieryt peu de chofe. Ceux
des européens n'étoïent rien , parce qu'ils fe fe-
roient cru dégradés par les occupations de l'ef-
clavage. On ne pouvoit attendre quelque fuccès
que des noirs : mais ils ne commencèrent à fe
multiplier que vers 1570.
Dix ans après , le Portugal fat aflervi ; & l'on
croira fans peine que le gouvernement efpagnol,
qui laiffoit tomber dané-lè chaos fes anciennes^
poffeflàons de l'autre frémifphèré, ne travailla
pas à donner une meilleure dire&ion aux colo-
nies d'une nation- qui, quoique foumife , lui était
lufpe&e. - 1
Les longues & (ànglantes guerres que le Brefil
eut a foutenir contre les hollandois, retardèrent
de toutes les manières fon amélioration-
Il vit encore fes progrès arrêtés par la révolution
qui délivra le P ortugnl de l'Efpagne, mais en
tenant pendant dix-huit ans les deux peuples fous
les armes.
Pendant ces démêlés , les nations de l’Europe
qui avoient formé des établiflemens en Amérique,
commencèrent à y cultiver des productions
qui jufqu'alors avoient été propres au Brefil. La
concurrence en fit bailler le prix , 3c la colonie
découragée n'en exporta plus que la moitié de ce
qu'elle vendoit auparavant.
Un fi grand malheur avertifïbit le miniftère de
la néceffité de décharger ces denrées des taxes
qui les aecabloienc à leur arrivée dans la métropole.
La découverte des mines fit négliger des
objets qui parurent dès-lors moinsintéreffans qu'ils
ne l'étoient.
( L'or 3c les diamans, ces tréfors-de convention,
nuifirent eux-mêmes aux cultures qu'ils auroient
pu encourager, L'efpoir de .faire une fortune en
ramaffantees richeffes fugitives 3c précaires, détermina
un grand'nombre de propriétaires^ abandonner
leurs plantations.
Cette illufîon funefte commençoit à fe diflî-
p e r , lorfque les monopoles arrêtèrent le penchant
qu'on montroit généralement pour rentrer dans
une carriers pj'us-fûre & même plus lucrative que
; celle qui avoit d'abord enflammé tant d'imaginations.
Enfin les derniers démêlés avec I’Efpàgne fù-
'renc upe nouvelle fouree de défôlatiori pour Ja
colonie. On arracha violemment les citoyéns à
leurs travaux. On en exigea, fans intérêt, des
prêts dont ils ne font pas encore rembourfés.
Maintenant que ces obftacles à tout bien font1
la plupart levés, il ne faut plus repouffér les riche
ffes qu'offre inutilement le Brefil depuis trois
fiècles. Le climat eft .fain dans cette partie dir
Nouveau-Monde. Les ports y font multipliés. Ses
côtes , d'un accès facile , font généralement fer-:
tiles. L'inférieur du pays, encore plus productif
& coupé par un grand nombre de fleuves navigables,
peut être cultivé pour lés befôins ou les
delices de l'Europe. Les productions particulières
à l'Amérique y profpèrent toutes , malgré les
dégâts des fourmis, fans qu'il faille craindre de
les voir détruites par ces terribles ouragans, par
ces-féchereffes dévorantes qui défolent fi fouvent
les meilleures ifles de cet hémifphère. On y eft
encouragé au travail par l'abondance 3c le bon
marché des fubfiftances, des beftiaux, des ef-
claves. Rien-n'y manque pour en faire un des plus
beaux établiffemens du globe.
Il le deviendra , lorfqu’on l’aura déchargé de
ce'tte multitude d’impôts de cette foule de traitons
qui l'humilient & qui l'oppriment ; lorfque
d'inpombrables- monopoles n'enchaîneront plus
fon adivité. ; '-lorfque le prix «les marchandifes
qu'on lui porte, ne fera pas doublé par les taxes
dont on les accable.; lorfque fes productions ne
paieront plus de droits, ou n’en paieront pas de
plus, conndérables que celles de fes .concurr-ens ;
lorfque fa communication avec les autres poffef-
fions nationales aura été débarraffée des entraves
qui :1a gênent ; lorfquon lui aura ouvert les Indes
orientales, & permis de tirer de fon propre fein
l’argent qu’exiger oit -cette liaifon nouvelle.
L a colonie a des bras.fitffilans .pour multiplier,
pour étendre fes travaux. Au temps où nous
écrivons', elle compte cent foixante - fdzoe mille
vingt-huit blancs, trois cents .quarante-fept mille
huit cen-ts -cinquante-huit efeiaves , deux cents
foixante dix-huit mille trois cents quarante-neuf
indiens : ce qui lui forme une population de huit
cents deux mille deux cents trente-cinq perfon-
nes. On fait monter à deux cents mille le nombre
des fauvages encore err-ans dans île Brefil. Peut-
être ne fer oit-fl pas impoffibie de -leur faire reconnaître
l’autorité de la cour de Lisbonne:-niais
ce feroit fans beaucoup d’-udlité , a moins que des
adminiftrateurs plus éclairés que ceux qui les ont
précédés , n'imaginaffent des méthodes qui ont
échappé à trois fiècles de «méditation.
Un moyen plus fur d'augmenter ‘la maffe des
produ&ions feroit de recevoir au Brefil tous les
étrangers -qui voudraient en ^entreprendre la culture.
Une infinité d ’américains ranglois., François
, hollandois , dont -les plantations font .épui-
féès , beaucoup d'européens qui ont la manie
devenue «fi 'commune de faire promptement Fortune
, y porteroient leur activité , leur induftrie
& leurs .capitaux. ;Ces hommes entreprenans
mtroduiroient un meilleur efprit dans la colonie* 3c redonneroient à la-race dégénérée des portur
gais créoles un reffort -qu’ils .ont perdu depuis
très long-temps* ; - ■ •
Get ordre de chofes s'établiroit fans bleffer
aucun intérêt. Les deux tiers des bords des grandes
rivières font en friche. Ces terres vierges appartiennent
à la couronne, dontle fyftême a toujours
été d’accorder gratuitement une lieue de
fo l, fous la condition formelle de le mettre en
valeur dans le temps preferit. En- diftribuant ces
domaines à fés nouveaux fujets , elle ;ne dépouillerait
pas les anciens, & elle augmenterait fes
cultures, ai-nfi que le nombre de fes defen-
feurs.
L'opinion établie -à la cour de Lisbonne, que
l'état ne fauroiç ni exifter, ni devenir floriffant
que par lés anglois , a retardé jufqu'ici les progrès
du . Portugal, On oublie que la monarchie
portugaife f^ forma fans le -fecours des autres
nations; q u e , durant tout le temps de fés dér
mêlés avec les maures, elle n'eut aucun appui
etranger ; qu'elle s'étoit agrandie pendant trois
fiècles d’elle-même , lorlqu'elle établit fa domination
fur l'Afrique & dans les deux «Indesavec
fes propies forces. Toutes ces -grandes chqfis
furent opérées par les feuls portugais. 11 falloir
donc que ce peuple découvrit un grand créfor ,
eût la propriété des mines les plus abondantes,
pour qu'on .«imaginât qu'il ne pouvoit fe foutenir
par lui-même : femblnble à c-es nouveau? .parvenus,
que l'embarras des rieheffes jette dans la
pufillanimité.
N u l état ne doit fe laiffer protéger. S'il eft fa--
g e ., i l doit avoir des forces relativement à fa fi-
tuation , & il n'a .jamais plus d'ennemis que de
moyens. A moins que fon ambition ne fait dé-
mélurée, il a des alliés qui , pour leur propre
fureté., fputiennejnt fes intérêts avec autant de
chaleur que de bonne, foi. C'eft une vérité générale
, applicable fur-tout aux états qui poffèdent
les mines. Tous les peuples ont intérêt à leur
plaire, 3c fe réuniront, -quand il le-faudra ,-pour
leur confervation. Que Je Portugal tienne la ba?
lance «égale entre .toutes les nations de l'Europe ,
& elles formeront autour de lui une barrière impénétrable.
L'Angleterre elle - même , quoique
privée despréférences dont elle a trop long-temps
joui, fouciendra .toujours un état dont 1'indépen-
danc.e eft effentielle à l'équilibre de toutes les
autres puiffances. Leur concert feroit fur - tout
unanime■ & bientôt'formé , fi LETpagne , fe livrant
a là manie fies conquêtes , for-moit contre lui quel-
ques’èutreprifes. làm-àis h pôl-itiquefoupçonneufe,
inquiète & prévoyante de notre -fiéele, -ne fouf-;
firiroit que tous Tes tréfors du 'NéfUveaùiMondé
fuffent dans la mêmejmaih, mi qii'uhe feule m^ifon
venantadominer en Amérique, menaçat-la liberté
de-l'Europe;
Cette fécurité'ne devroit pas pourtant engager
la cour de Lisbonne à pouffer la négligence auffi
loin qu’ elle le faifoit, lorfqu’elle fe repofoit de
fa défenfe fur les armes britanniques, ou que
fôn indolence-s’endormoit fur -celles de :fes voifins.
Comme elle n’ avoit ni for-ces dé terre a mi forces
de mer , elle étoit comptée pour rien dans le fyf-
tême politique ^5 de q u ié f t le dernier des opprobres
pour un empire. Veut-elle regagner de la
confidération ? il faudra qu’ elle fermette en état
de ne pas craindré la guerre; qu’elle la faffe
même, fi fes droits on fa fureté .l’exigent. Ce
n’éft paS: toujours «un avantage pour une nation dé
demeurer en paix lorfque tous les peuples font
en armes. Dans le «monde politique«,/comme dans
le -monde phyfique , irnjgrand événemerrt a des
effets -très-étendus. L ’élévation ou la ruined’une
puiffanceintéreffent toutes lesautres-Gelles même
qui font les plus éloignées des champs de carnage
, font fouvent -les vî&imes de leur modération
.ou d e leur fb'ibleffe.
Comparaifôn -du gouvernement d’Efp.agàe & 'de. celui
du Portugal.
Te Portugal démembré de l'Elpagne en a d