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eft refpeélé pat chaque puiffance : on craint qu’il
lie rafle pencher la balance du côté pour lequel
il fe déclarera.:
Mai$ fi la neutralité a fes avantages , elle a
auifi les inoonvénien's. Il eft dangereux de demeurer
neutre entre deux ennemis , & il y a des
conjonctures ou 1 on doit fe 'déclarer pour l’un
■ ou pour I autre; Le parti mitoyen eft quelquefois
” ph® dansdes ■ grands (dangers$ parce qu'il attire
1 inimitié de deux puiffances belligérantes. On
devient leur proie , .& on fouffre tous les maux
de la guerre,; fans partager J es fruits de la victoire.
; Leiprince neutre indifpofe les combattans.,
toujours mal fatisfaits d’un fouverain qui les a
abandonnés quand il peut les aider , & qui femble
avoirs épié les occafions de fe déclarer avec avantage._
5i- la neutralité h’èft bien ménagée, non-
feulement elle ne fait point d’amis , mais elle n’ ôte
point d’ennemis, & elle expofe de plus les fou-
verams au mépris 8c à la haine des vainqueurs.
■ . On peut dire des princes qui fe conduifent
ainfii qe qu’ un hiftorien a dit autrefois de Mar-
:feille , que'délirant, la .paix elle fe précipitoit
dans la guerre quelle,appréhendoit. Le trop de
prudence dégénère fouvent, en imprudence ;■ &
affez .fouvent,, dans les affaires du monde, rien
ne mène au péril comme le grand foin de s’en
éloigner.
I Pour réfoudre ce problème politique j on peut
établir, cette,première maxime : ,uii prince puiflant
elf , par fa puiffance même, , en.fureté contrecelui
des deux partis qui voudroit l'attaquer. D ’où il ré-
fulte que la neutralité-peut convenir à un prince
qui n’ a rien à eraindre. de la viétoire de l’un des
combattans, qui eft en état dé fe faire refpeéfer
par l'une 8c par l’autre des puiflances belligérantes
, q u i, en fe déclarant, peut faire tomber la
balance, 8c q u i, s.’ij, le veut , peut fe rendre
l ’arbitre de^ leurs différends. Le. plus haut point
de gloire qu’ un fouverain puiffe defirer, c’ eft d^tre
l ’arbitre des autres dpuverains.,
Voici une fécondé maxime : un prince foible
ne pouvant fefoutenir par lui-même, doitfe déclarer
pour l’ un des deux partis. Si l’on demande
pour lequel, je répondrai ce quePhocion difoit
aux athéniens : «.qu'il faut être le plus .'puiflant,
» ou avoir le plÿs puiflant pour ami =>; mais j'en
excepterai Jes,guerres entreprifeEpar une puiffance ’
qui menace la liberté de toutes les-autres $ car
alorsril faut.etqbraffer la querelle, du plus.foible.
. Je crois dit un auteur qonnu , pouvoir éta-
« blir une troifième maxime, qui eft,.à l’ ufage
” de tous les é ta ts,; ou puiffans ou fôibles. Lorf-
” qu on 'voit deux grands peuples, fe faire, une
” guerre longue 8c opiniâtre, c’eft fouvent une
a» mauvaife politique de penfer,qu'on peut en être
=> le fpeélateur, trâfiquille } car'celui des! deux
” peuples qui,demeure vainqueur, entreprend d'a-
” bord de nouvelles guerres ; 8c une nation de
» foldats va combattre contre une nation de ci-
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ë toy ens-.Les romains eurent à peine dompté les
carthaginois, qu'ils attaquèrent de nouveaux
g peuples ,. 8c parurent, dans toute la. terre pour
"• tout: envahip ïo Mais tout.le monde apperçoit
le défaut de jufteffe de cette maxime.; on.voit que
lest exemples tirés de Rome 8c de l’antiquité , ne
font.plus applicables aujourd’hui. Toutes les guerres,
aétuelles decahg.ent les finaqceside la nation
qui les fait ; 8c 1 on fait qu'après de longues hof-
tdites ,. les, nations les plus puiffmtes de l'Europe
ne lont pas en état d’en recommencer de nouvelles.
; , .
On cherche peu, à s’affuret de la neutralité
d. une.puiffance foible , ou du moins on la met
a bas prix, parce, que fi. on l'avoir contre foi
onauroit peu à craindre; parce que fa foibleflé
f expofant a etre entraînée hors de fon fyllême
de neutralité , on ne peut compter fur elle.
, En général , il n eft de bonnes neutralités, que.
celles qui font armées; elles ,fe font refpefter
pendant la guette,, & la terreur qu’elles peuvent
mfpirer a des pmffances qui , feroient capables
d abufer de leurs.fuccès, hâte fouvent le retour
cie la paix.
U faut, par les. râifons que nous avons dites
en pariant des confédérations 8c des ligues 8c
qu il ne fera pas difficile d’appliquer ic i, comp-
ter beaucoup moins fur des neutralités compo-
fees , lors meme qu’elles.ont l'avantage, d'etre
armees, parce que plus elles ont de parties , 8c
plus .il elt a craindre qu'on ne parvienne à les
difloudre ; I expérience montre en effet que leur
dillolution a toujours été prompte.
Il eft une autre efpèce de neutralité perpétuelles
elle ne confifte pas à n’ aider, petfonne, mais à
le partager entre tout le monde. Telle eft-la
conftitucion des fuiffes, q u i, 'par l’utilité'qu’on
en retire , ont acquis le droit fingulier de fec'ourir
out lé.monde fans fâcher aucun de ceux contre
lefquels ils fourmffent des troupes , pourvii qu’el-
ms n excédent pas les proportions anciennement
l f tablies. Le feul aéfe pàffif de neutralité qu’on
leur demande, eft de ne prêter leur tetritoire
a perfonne ; 8c c ’eft un fyftême qu’ils font bien
en état de foutemr, parce que c’eft un pays facile
a défendre, 8c que la nation eft bdlioueufe Sc
toujours bien armée : mais c’eft la feule nation de
I Europe, 8c peut-être du monde entier, qui
puiffe adopter ce fyftême. Tout autre peuple ;
en partageant ainfî fes fecours , indiTpoferoitcha’
cime des puiffances en guerre ; 8c s’il n'était pas
défendu comme le fuiffe par des montagnes impénétrables
, il ne tarderoit pas à en être puni.
Nul peuple n’a trpuvé plus de facilités que le
peuple romain fur l’article des ntutralifés, fur-tout
dans fes guerres hors de l'Italie. C ’étojt l'effet de
la grande puiffance 8c de la terreur de Ton nom,
qui tgifoit craindre à chacun de devenir fon ennemi.
Mais l'état de l'Europe.. elt fi différent aujourd'hui
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Jûurd’huî, que , félon toute apparence, aucune ,
nation n'y obtiendra lejs mêmes avantages.
Les anciens mettoient à iin fî haut prix les neutralitésauxquelles
on s'engageoit avec eux , qu'ils
les regardoient comme des engagemens , pour
ainfi dire, facrés. Les grecs paflart chez les perfes
neutres , payo-ient tout fcrupuleufement ; & Plutarque
nous apprend que Pompée voulant s'affûter
que fes foldats en Sicile n’exerçoierit aucune
violence contraire à la foi de la neutralitéx faifoit
cacheter leurs épées. Les goths, les huns, les
alains eux-mêmes n'étoient pas moins fcrupuleux
én ce genre, du moins à en juger par ce qui
nous,refte des ordonnances militaires dç Théodor
e On Y remarque une attention
Imguliere pour la conservation des biens de la
terre dans les pays qui étoient fous la fauve-garde
des neutralités.
Nous allons ajouter quelques remarques furies
puiflances neutres & les pays neutres- '
Il feroit doux de jouir des douceurs de la paix ,
au milieu des horreurs de la guerre. Mais les
rapports réciproques des puiflances de l’Europe ,
difons même des deux mondes , les obligent trop
fouvent à prendre part aux troubles qui s'élèvent
dans leur voifinage.Tj.ies ont rarement la volonté
©u la liberté de demeurer neutres.
La puiffance neutre ne doit favorifer, en quoi
que ce fo it, l'une des puiffançes belligérantes ,
au préjudice de l'autre > & c'eft par cette raifon
que les loix des ports neutres ont établi que fi
deux navires ennemis y font entrés, & que l'un
en forte, 1 autre ne doit avoir qu'au bour de vingt-
quatre heures la permiflion d'en fortir, pour aller
a fa pourfuite.
« Elle doit, dit un publicifte, tenir pour légi—
I time tout ce que chacun des partis en guerre
” ,a*c.a ^ ^8ard. de l'autre, & aucun exploit mi-
3S *.lta,re ne doit paflfer dans fon efprit pour in-
*| P e^x qui pe font pas juges des parties,
n & qui n ont pris aucune part à la guerre , ne
f l en droit ni de connoître, ni de décider
de la juftice de leur caufe ; ces parties n'ayant
»» point de juges, ne peuvent être ni convain-
eues m condamnées : il faut donc que tout ce
’ • c"acune d’elles a fait pendant la guerre ,
oit regarde de toutes les puiflances neutres
*? comme fait avec droit Mais la remarque n’eft
point exaéle, & fon inexa&itude eft fi fenfible
qu fl n eft pas neceflfaire de l’analyfer.
Npus pourrions ajouter qu'une puiffance neutre
elt obligée de pratiquer également, envers ceux
qm le font la guerre, les loix naturelles j que la
puiliance neutre qui rend à l'un des ennemis quel
que fervice, ne doit pas le refufer à l'autre , à
moins qu il n y ait une raifon bien précife de faire
pour un une chofe que l'autre n'a d'ailleurs
^ fXI§er » qu’elle n'eft pa« tenue a
i^ncire a I un des deux partis les devoirs de l'hu-
- ^^q^elle s'expofetoit à de grands dan^
vecon. polit, $r diplomatique» Tome ƒƒ/,
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g e ts , en les refufant a 1 autre qui a un pareil droit
de les exiger : mais il feroit inutile de recommander
la loi naturelle dans ces fortes d'occafions ;
&, la convenance, les liaifons, fecrettes, les pré-
‘ventions favorables ou les reffentimehs ne permettent
guerç, cette juftice rigoureijfe.
Uçie puiffance neutre ne doit, fournir à aucun
des deux partis, des foldats, des armes ou des
munitions de guerre : mais quelle eft la borne
precife de ce devoir ? quels font précifément les
articles qu il faut regarder comme des munitions
.de guerre? Les dtverfes nations ne font point
igicore d accord fur cet objet : l’impératrice de
Kuflie avoit établi, durant. la guerre qui vient de
fetermmer, une neutralitéj armée & des principes
détaillés la-de/Tus. La Hollande, la Suède / le '
Danemarck, la Pruffe & l’Autriche y ont accédé
d une maniçre publique,, & la France & l'F f0, .
gne fecrètement :-l’AngIeterre feule a vu S avec
deplaifir ces principes. La neutralité armée donr
nous parlons, n’a pas eu tout le fuccès & n’ i
pas produit tout l’effet qu’pn en attendoit ; mais
elle a dqnne un ;bpL exèmpl.e : fes tnanifeftes Sc
fes déclarations fubfiftent, 8c l’intérêt public des
diveçfes nations les déterminera tôt ou tard à fr
reunir fur un objet d utile au commerce & à la
navigation des. puiffances qui font en paix.
Au r e lie , dans le fyftême- de neutralité la
P.“ 'n‘‘ 5 " ^ S^ouvre Jfcs états pour Iç commerce à
I un des combattans , doit-les ouvrir à l ’autre. S i
ft eft?d iV S S] êe®' i W tlüJÊS tl qff de fon devoir de 1 e-xecuter àp,oqn«<elaquueell ecmheonfte ,-
nja,«. elle, ne peut rien faire pour l’un des deux
parus, qu elle n attribue à l’autre le droit d’txi--
ger la meme chofe. Par exemple, f, fe .neuofe.
neutre dopne ou laiffe prendre un paffage fur fes
terres à l’une des puiffances n’a
; i‘ùcUnTu)Ct de fe plaindre l.orfque l ’autre y entre
lprfqu elle pouffuit fqn ennemi partout où elfe
le trouve,. Jorfqu- elle s’aflure l’avantage dont fon
ennemi voulojt profiter. 1 es turc? en guerre avec
I I eurent : raifon d,entrer dans 1e royaume
de .Pologne, qui. jufqu alors avo/t été neutre*
mais qui ne le.fut plus, dçs que la Rulflè eut
viole, fe territoire des polgnois, Quand fe roi des
Deux-Sicftes, qui jufques-là avoir obfervé une
neutralité de convention, eut permis l’entrée de
fe? etats a. larmee efpagnole que l’armée, autrichienne
potrrfuivojt,, le s , autrichiens furent en.
drQit d entrer dans les royaume, de Naples.
: l 7‘M , dans la guerre des, efpagnols & des
j" ? “ f 1 u ^ taïque & quatorze chebecs partis
des ports d Efpagne, chargés d’artillerie & de
poudre pour le fervice des efpagnols en Italie
furent çoutfuiv.s par les angiois ; mais ils échap-
WËÊÊÈÊÈIÊm rfu calme; ils entrèrent dans
le port de Genes, & y débarquèrent leur pou!
dre. Le vice-amoral angiois , nommé Mathews,
qui commandoit dans la Méditerranée les forces
navales dp fa action 9 prétendit cW G ’ ies en
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