
nefefpérés qui jvoient tenté de brifer leurs chaînes.
L'introduâion de la petite-vérole accrut la
dépopulation j qui fut encore biéntôt après augmentée
parles épidémies de i j 4y & de 1 1 7 6 ,
dont la première coûta huit cents mille habitans
a 1 empire ; & la fécondé deux millions , fi -l'an
veut adopter les calculs du crédule, delexagé-
rateur Torquemada. Il eft même démontré que ,
fans aucune caufe accidentelle ^ le nombre des
indigènes s’eft infenfiblement réduit à très - peu a: chofe. Selon les regiftres de iéoo , ii y avoit
cinq cents mille indiens tributaires dans le dio-
cefe de Mexico , & il n'y en.reftoit plus que
cent dix-neuf mille fix cents onze en 1741. Il y
f n *V01* df ux cents cinquante-cinq mille dans
le diocefe de los-Angeles S & il n'en reftoit que
quatre-vingt-huit mille deux cents quarante. Il y
en avoir cent cinquante mille dans le diocèfe
a Uaxaca, & ii n'en reftoit plus que quarante-
quatre mille deux cents vingt-deux. Nous igno
rons les révolutions arrivées dans les 6 autres éeli-
fes : mais il eft vraifemblable quelles ont été par-
tout les memes.
L'ufage où étoient, où font encore les efpa-
gnols, les métis, les mulâtres, les nègres , dé
prendre fouvent leurs femmes parmi les indiennes
, tandis qu'aucuDe de ces races n'y a jamais
ou prefque jamais choifi de maris , a contribué
fans doute à l'affoibliffement de cette nation :
mais cette influence a dû être aflez bornée & fi
nous ne nous trompons , une adminiftration trop
ngoureufe a produit des effets beaucoup plus
etendüs.
On ne diffimulera pas, qu'à mefure que le peuple
indigène voyoit diminuer fa population, celle
des races ^étrangères augmentoit dans une pro-
greflion très - remarquable. En 1600, le diocèfe
de Mexico ne comptoit que fept mille décès familles
, & leur nombre s'éleva en 1741 à cent
dix-neuf mille cinq cents onze. Le diocèfe de"
los-Angeles n en comptoit que quatre mille & il
s éleva , t trente mille fix cents. Le diocèfe
d üaxaca n en comptoit que mille, & il s'éleva
a fept mille deux cents quatre-vingt-feize. C e pendant
les anciens habitans n'ont été qu'impar-
faitement remplacés par les nouveaux. La culture
des terres & l'exploitation des mines étoient l'occupation
ordinaire des indiens. Les efpagnols, les
métis, les mulâtres, les noirs même ont dédaign
e , la plupart, ces grands objets. Plufieurs vivent
dans 1 oifiveté. Un plus grand nombre donne
quelqties momens aux arts & au commerce. Le
relre eft employé au fervice des gens-riches.
C eft fur - tout dans la capitale de l’empire
qu on eft révolté de ce dernier fpéïlacle- Mexico
, qui put quelque tems douter fi les caftillans
étoient. un eflaim de brigands ou un peuple conquérant
, fe vit prefque totalement détruit par les
«ruelles guerres dont il fut le théâtre.. Cartes
ne tarda pas à le rebâtir d'une manière fort fupé-
rieure a celte qu il étoit avant fon défaftre.
La ville s élève au milieu d'un grfnd lac , dont les
rives offrent des fîtes heureux qui feraient char-
mans , fi l'art y^ fecondoit un peu la nature. Sur
1e lac meme, l'oeil contemple avec furprife &
fatisfaélion des ifles flottantes. C e font des radeaux
formés avec des rofeaux entrelacés & af-
fez folides 'pour porter de fortes couches de terre ,
8e même des habitations légèrement conftruites.
Quelques indiens font là leur demeure, & y cultivent
une aflez grande abondance de légumes.
Ces jardins fînguliers n'occùpent pas toujours le
meme efpaceP Ils changent. de fîtuation , lorfque
ce changement convient à leurs poflefleurs.
Des levées fort larges & bâties fur pilotis con-
duîfent a la cité. Cinq ou fix canaux portent à
ion centre & dans fes plus beaux quartiers toutes
les productions de la campagne. Une eau falu-
bre 3 qu on tire d'une montagne éloignée feulement
de cinq à fix mille, toifes , eft diftribuée
dans toutes les maifons 3 & même à leurs diffé-
rens etages 3 par des aqueducs très - bien entendus.
L air qu'on refpire dans cette v ille, eft très-
tempere. On y peut porter toute l'année des
vetemens de laine. Les moindres précautions fuf*
fifent pour Savoir rien à fouffrir de la chaleur.
Chartes-Quint demandoit à un efpagnol qui ar-
rivoit de Mexico, combien il y avoit de temps
entre l’hiver & l'été : autant 3 répondit-il avec
vérité & avec efprit 3 quil en faut pour pajfer du
foleil a Vombre.
L'avantage qu'a cette cité d'être le chef-lieu
de là Nouvefle-Efpagne, ena fucceflivement multiplie
les habitans. En 1777| le nombre des naif-
fances s y éleva a cinq mille neuf cents quinze,
& celui des morts à cinq mille onze , d’où l'on
peut conclure que fa population ne s'éloigne guè-
res de deux cents mille âmes. Tous les citoyens
ne font pas opulens ; mais plufieurs le font plus
peut-etre qu'en aucun lieu du globe. Ces riçheffes
accumulées très - rapidement eurent bientôt une
influence remarquable. La plupart des chofes qui
font ailleurs de fer ou de cuivre, furent d'argent
ou d or. On fit fetvir ces brillans métaux à Port
e n t des valets, des chevaux, des meubles
les plus communs, aux plus vils offices. Les moeurs
qui fuivent toujours le cours du luxe, fe montèrent
au ton de cette magnificence romanefque.
Les femmes, dans leur intérieur, furent fervies
par des milliers d'efclaves, & ne parurent en
public qu'avec un cortège réfervé parmi nous à
la majefte du trône. Les hommes ajoutoient à
ces profufions, des profufions encore plus grandes
pour des negreffes qu'ils élevoient publiquement
au rang de leurs maitrefles. C e luxe fi effréné
dans les allions ordinaires de la v ie , paffoit
toutes les bornes a 1-occafion de la moindre fête.
L'orgueil général étoit alors en mouvemertf, &
chacun prodiguoit les millions pour juftifier le 1
fien.
Tout prit l'empreinte d'une oftentation inconnue
jufqu'alors jdkms les deux hémifphères. Les
citoyens ne fe contentèrent plus d’ une habitation
modefte, placée fur des rués larges & bien alignées.
Il fallut, à la plupart, des.hôtels qui eurent
plus d'étendue que de commodités ou d'élégance.
On multiplia les édifices publics, fans
que pref qu'aucun rappellât à l'efprit les beaux
jours de l'architeéture , pas même les bons tems
gothiques. Les places principales eurent toutes la
même forme, la même régularité, une fontaine
femblable avec des ornemens de mauvais goût.
Des arbres mal choifis & d'un vilain, feuillage
ôtèrent aux promenades ce que des allées bien
diftribuées & des eaux ^illilïantèe auroient pu
leur donner d'agrément. Dans les cinquante-cinq
couvens que l'efprit religieux aŸoit fondés , on
en voyoit fort peu qui ne révoltaffent par les
vices de lenrs conftruétions. Les innombrables
temples où tes tréfors du globe étoient entafles,
manqüoient généralement de majefté, & n'inf-
piroient pas à ceux qui les fréquentoient, des
idées & des fentimens dignes de l'Etre fuprême
qu’on y venoit adorer,. Dans cette multitude d'im-
menfes conftruétions , il n'y a que deux monu-
mens dignes de fixer l'attention d'un voyageur.
L'un eft le palais du vice-rqi, où s’aflemblent
auffi les tribunaux , où l'on fabrique la monnoie,
où eft le dépôt du v if -argent. Un peuple que
la famine poufloit au défefpoir, 1e brûla en 1692.
On l'a rebâti depuis fur un meilleur plan. C ’eft
un qùarré qui a quatre tours & fept cents cinquante
.pieds de long fur fix cents quatre-vingt-
dix de large, La cathédrale , commencée en 1573
& finie en l 66y , feroit également honneur aux
meilleurs artiftes. Sa longueur eft de quatre cens
pieds, fa largeur de cent quatre-vingt-quinze ,
& elle a coûté 9,460,800 livres. Malheureufe-
ment ces édifices n'ont pas la folidité qu'on leur
defirèroif.
On a vu que Mexico eft fitué dans un lac con-
fiderable qu'une langue de terre fort étroite di-
vife en deux parties , l'une remplie d'eaux douces
, & l'autre d'eaux falées. Ces eaux paroiflent
également fortir d'une haute 'montagne fituée à
peu de diftance de la ville, avec cette.différence
que les dernières doivent traverfer des mines qui
leur communiquent leur qualité. Mais indépen- (
damment de ces fources régulières, il exifte un
peu plus loin quatre petits lacs, q u i, dans le tems
des orages , fe déchargent quelquefois dans le
grand avec une violence deftruftive.
Les anciens habitans avoient toujours été ex-
pofés à des inondations qui leur faifoient payer
Fort cher les avantages que leur prôcuroit l'emplacement
qu'ils avoient choifi pour en faire le
centre de leur puiflance. Aux calamités infépara-
bles de ces débordemens trop répétés fe joignit
! pont leur vainqueur le chagrin de voir fes batte
mens plus pefans s'enfoncer, quoiqu'élevés fur
pilotis, en fort peu d't temps , de quatre , de
cinq, de fix pieds dans un terrein qui n'avoit pas
aflez de folidité pour les porter.
Qn eflaya à plufieurs reprifes de détourner des
torrens fi terribles : mais les directeurs dé ces
grands ouvrages n'avoient pas des connoiffanees
ui^ifantes pour employer les méthodes les plus
efficaces, ni les .agens fubalternes aflez de zèle
pour fuppléer par leurs efforts à l'incapacité des
chefs.
L'ingénieur Martinès'eufr en 1607 l'idée d'un
grand canal, qui parut généralement préférable
à tous tes moyens mis en ufage jufqu'à cette
époque. Pour fournir à cetre dépenfe , on exigea
le centième du prix des maifons , de$ terres, •
.des marchandifes : impôt inconnu dans le Nouveau
Monde. Quatre cents foixante & onze'mille
cent cinquante-quatre indiens furent occupés pendant
fix mois à ce travail, & l'entreprife fut ju-
èée enfuite impraticable.
La cour, fatiguée de la diverfité des opinions
& des troubles qu'elle occafionnoit, arrêta en
1631 que Mexico feroit abandonné, & qu’ofi
conftruiroit ailleurs une nouvelle capitale. L'avarice
qui ne vouloir rien facrifier > la volupté qui
craignoit d'interrompre fes plaifirs î la parefle qui
redoutoit tes foins : toutes les paflions fe réunirent
pour faire changer les réfolutions du minif-
tère, & leur efpérance ne fut pas trompée.
Il fe pafla un fiècle & plus, fans que le gouvernement
s'occupât de l'obligation de prévenir
des malheurs dont les peuples avoient â gémir
fans ceffe. A la fin, tes efprits fe font réveillés.
On s'eff déterminé, en 1763 , à couper une montagne
où l’on s'étoit contenté jufqu'alors de faire
'quelques excavations ; & depuis , tes eaux ont eu
tout l'écoulement que la fureté publique pouvoit
exiger. C'eft le commerce qui s'eft charge de ce
grand ouvrage pour 4,320,000 liv. Lui-même il
a voulu fupporter tout ce que cette éntreprife
coûteroit de plus j & que fi l'on faifoit des économies
, elles tournaflent du côté du fifc. Cette
générofité n'a pu être une vertu d'oftentation. Il
en a coûté 1,890,000 liv. aux négocians, pour
avoir fervi leur patrie.
On médite d'autres travaux. Le projet de défi»
fécher 1e grand lac qui entoure Mexico , paroîc
arrêté, & le s gens de l'art demandent 8,100,000 1.
pour conduire le nouveau plan à un heureux terme.
C 'e ft beaucoup. Mais qu'eft-ce que l'argent,
quand il s'agit de la falubrité de l'air , de la con-
fervation des hommes, de la multiplication des
denrées.
Nous renvoyons à l’article Philippines ce
qui regarde la communication & le commerce du
Mexique avec les Philippines.
Voye^ l'article Espagne , où nous avons fait