
nous faifions tout-à-l’heure, eft encore applicable
ici.
Comme tout miniftre public doit jouir , en vertu
du droit des gens, du libre exercice de fa relig
io n , tant pour lui que pour ceux qui font partie
de fa fuite & de fa maifon cette prérogative
inconteftable fuppofe la nécëffité d’un aumônier
que le miniftre doit entretenir pour deffervir fa
chapellej & cet aumônier, difent quelques pu-
bliciftes , « eft également fous la protection du
« droit des gens pris dans toute fon étendue».
En général, les publiciftes ont mal explique ce
qu’ils entendent par la prote&ion du droit des
gens , & ils n’ expliquent point «lu tout la nature
& les bornes des privilèges qu’ils attribuent ou
qu’ ils refufent aux minières publics, ou aux officiers
qui fe trouvent à la fuite des ambajTadeurs
& des autres miniftres.
Foyei l'article A m b a s sa d eu r .
M IN O R IT É . L ’état de celui qui n’a pas encore
atteint l’ âge de majorité.
Nous ne parlerons ici que de la minorité & de
la majorité des rois, &nous renverrons au diétion-
naire de jurifprudence ce qui regarde la minorité
des autres hommes.
Tous les états. monarchiques héréditaires ont
adopté cette maxime de la coutume de Paris : le
mort [aifit le vif. Il n’y a jamais de vacance. L ’au- i
torité ne meurt point , & la puiffance royale eft |
toujours la même. Si le roi eft mineur, il y a dans
le royaume un régent dépofitaire de fon autorité >
& des officiers pour remplir les diverfes fonctions
de l’adminiftration publique.
C ’elt toujours au nom du roi que le royaume eft
gouverné dans fes différentes parties, parce que c’ell
fa puiffance qui le régit alors î & ceux qui font chargés
de radminiftration, ne font qu’exercer une autorité
empruntée. Le parlement de Paris écrivoit à
Charles IX : Sire, quand vous ne feriez âgé que
d ’un jour, vous fériez majeur quant à la juftice,
comme fi vous aviez trente ans, parce qu’elle eft
adminiftrée par la puiffance que Dieu vous en a
donnée & en votre nom. En effet, les magiftrats
qui fè trouvent en place à la mort du fouverain,
ont reçu du roi mort un pouvoir qu’ ils exercent au
nom du roi qui lui a {accédé. Il ne peut y avoir
d’ interruption dans cet exercice, parce qu’il ne
doit pas y en avoir dans celui de la juftice, qui eft
due aux peuples. Le roi a établi des corps de judi-
cature, des magiftrats & des officiers , non comme
homme, mais comme roij & ce qu’il a fait, le
prince qui lui fuccède eft préfumé le confirmer,
jufqu’ à ce qu’il ait expreffement déclaré fa volonté.
« C e que le parlement de Paris écrivoit à Charries
IX ’, les gouverneurs & les commandans des
villes & des provinces, & tous ceux qui ont quel-
qu’autorité dans l’état peuvent le dire dans le même
fens.
Il n’y a point de minorité dans les rois à l’égard
! de la puiffance & de l’autorité, point de foibîeffe
ni de déchéance, dit un grand chancelier. Cela eft
fi vrai, que le roi mineur, dont l’autorité eft confiée
a un régent, tient fon lit de juftice comme
s’il étoit majeur ,1 & que tout s’y décide par fon
autorité ; mais les. officiers des parkmens du
royaume n’ont-ils en fa préfence que voix confulta-
tive ? .C ’eft une queftion fut laquelle nous ne prononcerons
pas. Louis X IV ttoit dans fa feptième
année lorfqu’il tint un premier lit de juftice. 11 en
tint d’autres encore ayant fa majorité. Louis X V en
tint plufieurs auffi.
Tous les états ont des loix, qui fixent la majorité
des citoyens à un certain âge , & qui chargent les
parens de la tutelle de leur perfonne & de leurs
biens pendant leur minorité. Comme l’on a établi
des règles fur la minorité des particuliers , on en a
fait auffi dans les monarchies héréditaires & fuc-
cëffives pour la minorité des fouverains.
Les loix fur la minorité des princes font diverfes
félon les différens états. Ces loix ont même fou-
vent varié dans le même état, parce que toutes les
loix arbitraires varient. Il n’eft, à cet égard, qu’une
feule règle qui ne varie point, c’eft que le légifla-
teur à qui il appartient de porter la lo i, doit l’accommoder
au bien & au repos de Tétât, la proportionner
aux lieux, & prévoir les diverfes fîtua-
rions où la monarchie peut fe trouver, Ces
circonftances particulières, qui font la règle du
légiflateur, n’ont pas toujours été prévues, lorfque
la loi a été faite.Delà les variations qu’on remarque
dans une jurifprudence qui a pour objet l’un des plus,
grands intérêts de l’état.
Les germains ( & perfonne n’ignore que les.
francs étoient originaires de la Germanie ) ne fâi-
foient aucune affaire publique ni particulière fans
être armés. Ils donnoient leur avis par un figne
qu’ils faifoient avec leurs armes. Dès qu’ ils pourvoient
les porter, on les préfentoit à l’affemblée ,
on leur mettoit dans les mains un javelot ; ils for-
toient alors de l’enfance ; ils n’avoient été qu’une-
partie de la famille, & ils en dever.oient une de la
république.
Childebert II avoir quinze ans, lorfque Gon-
tran, fon oncle, le déclara majeur & capable de-
gouverner par lui-même. « J’ai mis, lui dît-il, ce-
» javelot dans tes mains, comme un figne que je
» t’ai donné tout mon royaume »$ & fe tournant
vers I’ affemblée : Vous .voyez, ajouta-t-il, que
m mon fils Childebert eft devenu un homme x
» obéiffez-lui ».
Dans la loi des rîpuaires, cet âge de quinze
ans, fa capacité de porter les armes, & la majorité
marchent enfemble. Si un ripuaire eft mort
ou a été tué, y eft-il dit, & qu’ il ait Jaiffê un-
fils, il ne pourra pourfuivre ni être pourfuivi et»
jugement, s’il n’a pas quinze ans ré v o lu s ,.&
pour lors il répondra lui-même, ou choifira un
champion.. Il ralloit que l ’efprit fût affez formé
pour fe défendre dans le jugement, & que le .
corps le fût allez pour, fe defendre dans le. combat■
Chez les bourguignons qui avoient auffi l’ ufage
du combat dans les aétions judiciaires, la majorité
étoit encore » quinze ans.
Les enfans de Clodomir, roi d Orléans, & conquérant
delà Bourgogne, ne furent point déclarés
rois, parce que dans l'âge tendre où ils étoient,
ils ne pouvoient pas être, présentés-à l'affemblée.
Ils n’étoient pas rois encore , mais iis devoienc
l’être, lorfquils feroient capables de porter les
armes, & cependantClotilde, leur aïeule, gou-
vecnoit l’ état.
La première race de nos rois, dont le gouvernement
a e'té plein de difeorde, & ou la force &
la violence ont fouvent élevé leur voix au-deffus
des lo ix , ne nous préfente aucune tègle à con-
fulter. La fécondé, qui s'eft fentie des défordres
de la première, ne nous en montre pas non plus.
Mais la règle fe fait voir avec évidence dans la
troifième, où la juftice & la puiffance royale pa-
roiffent dans tout leur éclat.
Du Tillet a écrit que les régences fous Philippe
I &fous Philippe II durèrent jufqu’à la quinzième
année de leur âge, c’éft-à dire, que la minorité
des rois finiffoit à quinze ans ; mais il ne
rapporte aucune preuve de fon fentiment; & il
contredit les monumens que l’hiftoire nous fournit.
Elle nous apprend que Philippe Augufte, l’un des
rois qu’ il nomme , étoit encore mineur en 114S ,
& il avoit alors dix-neuf ou vingt ans. Il paroit que
l’ufage commun de ce royaume avoit, dans ce
temps-là, fixé la majorité des rois à vingt-un ans,
& que c’ eft à cet ufage que Louis V I I I fe conforma,
lorfqu’ il ordonna que fes enfans fuffent
fous la tutelle de Blanche de Caftille, leur mère,
jufqu’ à ce qu’ ils euffent atteint vingt-un ans. Saint
Louis, fon fils aîné, n’avoit que douze ans quand
il parvint à la couronne, & il ne fortit de minorité
qu'à vingt-un ans.
Charles V eft le premier de nos fouverains qui
ait fixé la majorité des rois à quatorze ans. Il fit
cette déclaration , fondé fur les exemples de Joas
& de Jofias , & appuyé de l’autorité de David ,
de Salomon & de Jérémie , & il la fit d’une manière
folemnelle; car ce fut en tenant fon lit de
juftice au parlement de Paris, où il voulut que le
reéleur de i’univerfité, le prévôt des marchands &
les échevins affiftaffent. Il ordonna que les fils
aînés des rois de France, préfens & à venir, fe-
. roient âgés, & tenus pour âgés, dès qu’ils au-
roient atteint la quatorzième année de leur âge. Le.
chancelier de l'Hôpital expliqua depuis cette ordonnance
, fous le règne de Charles IX ; & il fut
dit que l’efprit d éjà loi é toit, que les rois fuffent
majeurs à quatorze ans commencés & non pas accomplis
, fuivant la règle que dans les caufes favorables
l’ année commencée étoit tenue pour ré-
vo lue.
C e prince étant mort au bout de fix ans, Charles,
dauphin de Viennois, fon fils aîné, monta fur le
trône fous le nom de Charles. V I , & gouverna
avant même l’âge de quatorze ap$. Louis, duc
d’Anjou & de Touraine, comte du Maine, régent
du royaume, & les ducs de B e r ry ,. de Bourgogne
& de Bourbon , tous, oncles du nouveau
roi , étant allés :au parlement avec les prélats &
les barons, ie régent dit que : “ Combien.que le
» roi nôtre lire , qui eft à préfent, fût minent
30 par la coutume de France, & ne fût que de
» r.âgë.de douze .ans, néanmoins pour le bien de
» la chofe publique & pour Je bon. gouvernera
ment, pour nourrir bonne paix & union
» entre le.roi nôtre fire~& fes oncles deffus nom-
« mes , le dit monfieurje régent a voulu & con-
» fenti que le roi.nôt&e lire qui eft à préfent foit
. » facré & couronné à Rheims en la manière ac-
» c o u t u m é e c e fait, qu’il ait le gouvernement
» & adminiftration du royaume, foit gouverné
» en fon nom par le confeil & avis des dits on-
» clés meffeigneurs, en tant que chacun touche ,
» & pour c e , & à cette fin, monfieur le régent
» l’a âgé, & pour tel réputé ».
Sous les rois fucceffeurs de Charles V , l ’édit
de ce prince a été confirmé ou exécuté. Charles
I X , dont la majorité fut déclarée au parlement
de Rouen , renouvella cette loi de Charles V.
I Sous la fécondé race de nos rois, les aéles de la
fouveraineté ne fe faifoient pas au nom du roi pu-
pilIe.Tn effet, les régens du royaume touchoient
autrefois, fans en rendre compte, les revenus de
la couronne, recevoient les foi & hommage,
donnoient les charges & les efciplois , faifoient
la paix & la guerre, publioient des ordonnances
pour l’adminiftration de la juftice, & difpofoient
abfolument des affaires fous leur propre nom.
Toutes les lettres étoient expédiées fous le fceau
du régent, fans y employer ni le feeau ni le nom
du roi. C ’eft pour cettè raifon fans doute qu’or>
rompoit le fceau du roi défunt, & qu’on le jettoit
dans fon fépulcre. Lorfqu’orr l’ inhumoitainfi, l’on;
fuppofoit par fiétiort une efpèce d’interrègne entre
-la mort du roi & l’avènement de fon fucceffeur.
On donnoit même, fous la fécondé race de nos-
rois, le titre de rois aux régens, pour les autoriser
davantage, &- pour faire, pendant la minorité
3 plus refpeéler teürs ordres à des feigneurs
qui commençôient-à fe faire, de leurs gouverne-
mens, des fouveràinëtés féodales. Eudes, fils de
Robm-le-Fort, eut le titre de -*
fut cme qê iütsyr du ys ;lt5ble roi.
C ’ttoit un abus manifefte , & un abus dont les
conféquences pouvoient être dangereufes. Charles
V J qui en fentit les ïticonvéniens^ voulut du
moins en abréger le temps, & ce fut ce qui l’engagea
à abtéger la minorité des'rois > comme nous
l’ avons vu. Il diminua par là'le grand pouv'oir des