
gent, une foule d'autres ont fuccombé , après
avoir lutté long-tems contre la progreflîon de
l’ impôt & de la cherté. Quand l'équinoxe du
printems amène à la fois lès hautes * marées 8c
la fonte dés neiges , un pays ell inondé par le
débordement des fleuves. Dès que la multitude
des impôts fait hauifer le prix des vivres ^l'ouvrier
qui paie davantage fes cohfommations,
fans gagner plus de faillite, défertè les fabriques
& les atteliers. La Hollande n'a faUvé du naufrage
que celles de fes manufàélures qui n’ont
pas e'té expofées à la concurrence des autres
nations.
L'agriculture de la république, s’ il ell permis
d’appeller de ce nom la pêche du hareng , n'a
guère moins fouffërt. Cette pêche , qu'on nomma
long tems la mine d’or de l’état, à caufè de la
quantité d'hommes qu’elle faifôit vivre , que
même elle enrichiffoit, a non-feulement diminue
de la moitié ; mais fes bénéfices, de même que
ceux de la pêche de la baleine , fe font réduits
peu à peu à rien j £c la concurrence des anglois
va lui porter le dernier coup : nous en avons
déjà parlé dans la fêélion fécondé. L’impoffibilité
où ell la Hollande de^fiire un ufàge plus utile
de fer nombreux capitaux , a feule fauve les
relies de cette fource primitive de la profpérité
publique.
L'énormité des droits 3 qui a détruit lès manufactures
de la république , 8c réduit à fi peu
de chofe le bénéfice de fes pêcheries 3 a beaucoup
reiferré fa navigation. Les hollandois tirent
toujours de la première main les matériaux de
leur -conltruffion. Ils parcourent rarement les
mers far leur left. Ils vivent avec une extrême
fobriété. La légèreté de la manoeuvre de leurs
navires leur permet d’avoir des équipages peu
nombreux ; 8c ces équipages, toujours excellens,
fe forment à bon marché par l’abondance dés
matelots qui couvrent un pays où tout eft mer
ou rivage. Malgré tant d'avantages foutenus du
bas prix dé l’argent g ils fè font vu forcés de
partager le fret de l'Europe avec les fuédois »
avec les danois , fur-tout avec les hàmbpur-
geois , chez qui tous les leviers de la marine ne
font pas grevés des mêmes chargés. ' , ' 1
Les commiifions ont diminué dans les Provinces
Unies j en même tems que le fret qui les
amène. Lorfqùe la Hollande fut devenue un
grand e n t r e p ô t le s marchandifés y furent envoyées
de toutes parts. comme au marché où
la vente étoit la.. plu,s“ p.çpmpte , la plus fûre j 1
la plus avantageufè. LeS-'hégocians étrangers les
y faifoient paffer fouvent ' pour leur compte ,
d’ autant plus volontiers qu’ils y, trouvoient un
crédit peu cher, juiqu’ à la concurrence des deux
tiers , des trois quarts de la valeur de leurs
effets. Cette pratique afîuroît aux hollandois lé
double avantagé de faire valoir leurs fonds fans
rifque j 8c d’obtenir une commiffion. Les bénéfices
du commerce étoient alors fi confiderables
qu’ils pouvoienc foutenir ces frais. Les gains font
tellement bornés , depuis que La lumière a multiplié
les concut rens , que le vendeur doit tout
faire paifer au. tonfommateur , fans l’intervention
d’aucun agent intermédiaire. Que fi dans
quelques occafions, il convient d’y recourir, on
préférera, toutes chofès d’ ailleurs égales, les
ports où les marchandifés ne payent aucun droit
d’entrée & de fortie.
La république a vu fortir aulïi de fes mains
• le commerce d’affurance qu’elle avoit fait autrefois
, pour ainfi dire ,. exclufivement. C ’eil dans
fes ports que toutes les' contrées de l’Europe faifoient
afiurer leurs cargaifons, au grand avantage
des aifureurs , q u i, en divifant, en multipliant
leurs rifques , manquoient rarement de
s’enrichir. A mefure que l’efprit d’analyfe s’ eft
: introduit dans toutes les idées, foit de philo-
fophie, loit d’économie , on a fénti par - tout
l’utilité de ces fpéculations. L ’ufage en eft devenu
familier & général ; & ce que les autres peu-,
pies ont gagné, la Hollande l’a perdu néceffai-
rement.
De ces obfervations, il réfuite que toutes les
branches du commerce de la république ont fouffërt
d’énormes diminutions. Peut-être même
âuroient - elles été la plupart anéanties, fi la
raaffe de fon numéraire & fon extrême écono-,
mie ne l’eu Cent mis en état de fe contenter d’ un
bénéfice de trois pour cen t, auquel nous pen-
fons qu’on doit évaluer le produit de fes affaires.
Un fi grand vuide a été rempli par le placement
d’argent que les hollandois ont fait en Angle-
terre, en France, en Autriche, en Saxe, en
! Danemarck , en Ruffie même , & qui peut
monter à feize ou dix-fept cents millions de
livres.
L ’état proferivit autrefois cette branche de
commerce , devenue depuis la plus importante
de toutes* Si la loi eût été obfervée, les fonds
qu’on a prêtés à l’étranger feroient reliés fans
emploi dans le pays > parce que le commerce y
trouve en fi grande’ quantité les capitaux qui
peuvent y être employés , que pour peu qu’on
y ajoutât, loin de donner du bénéfice, il de-
viendroit ruineux par l’excès de la concurrence.
La furabondance de l’argent auroit élevé dès
lors les Provinces-Unies à ce période où l’excès
des richeffes eft fuivi de la pauvreté. Des milliers
de capitaliftes n’auroient pas eu de quoi
vivre au milieu de leurs tréfors.
La pratique contraire à fait la plus grande
reffource de la république. Son numéraire , prêté
aux nations voifines, lui a procuré tous les ans
une balance avantageufe , par le revenu qu’il lui
a formé. La créance exifte toujours entière, &
produit toujours les mêmes intérêts.,
On n’aura pas la préfomption de calculer
combien de tems les hollandois jouiront d'une
fituatiôn fi douce. L ’évidence âutorife feulement '
à dire que les gouvernemens q u i, pour le malheur
des peuples, ont adopté le déteftable fyf-
tême des emprunts , doivent tôt au tard l ’abjurer
} & que l’abus qu’ils en ont fa it , les forcera
vrai femh 1 a b 1 em eut à être infidèles. Alors la
grande reffource de la république fera dans fa
culture.
Cette culture, quoique- fufeeptible d*augmentation
dans les pays de Breda , de Bois-le-Duc,
de Zutphen & dans la Gueldre, ne fauroit jamais
devenir fort confidérable. Le territoire des Pro-
vinces-Unies eft fi borné, qu’un fulta-n avoit
prefque raifon de dire , en voyant avec quel
acharnement les hollandois 8c les - efpagnols fe
le difputoient , que s’il étoit à lui, il le feroit
jetter dans la mer par fes pionniers. Le fol n’en
eft bon que pour les poiffons, qui le couvraient
avant lès hollandois.,On a d i t , avec autant d’énergie
que de vérité, que les quatre- élémens n’y
étoient qu’ébauchés.
L ’exiftence de la république en Europe eft
précaire par fa position locale, au milieu d’un
élément capricieux & violent qui l’environne, :
qui la menace fans, ceffe, & contre lequel elle
eft obligée d’entretenir des forces auffi difpen-
dieufes qu’une nombreufe armée } par dès voifins
redoutables , les uns fur les mers, les autres fur
le continent} par l’ingratitude d’un fol qui ne
lui fournit rien de ce qu’exige le befoin abfolu
de tous les jours. Sans richeffe qui lui foit propre,
fës magafins, aujourd’hui pleins de marchandifés ,
étrangères, demain feront vuides ou relieront fur-
chargés , lorfqu’ il plaira aux nations, ou deceffer de
leur en fournir,ou de ceffer de leur en demander.Expo
fés à toutes fortes de difettes, fes habitanS feront
forcés de s’expatrier ou de mourir de faim fur leurs
coffres-forts , fi l’on ne peut les fecourir , ou fi on
leur refufe des fecours. S’il arrive que les peuples
s’éclairent fur leurs intérêts, & fe réfolvent à
porter eux-mêmes leurs productions aux différentes
contrées de la terre, & à en rapporter
fur leurs vaiffeaux celles qu’ils en recevront en
échange , que deviendront des voituriers inutiles ?
Privée dès matières premières -, dont les poffef-
feurs font les maîtres de prohiber l’exportation
ou de les porter à un prix exorbitant, que deviendront
fes manufactures ? Soit que la deftinée
d’une puiffance dépende de la fageffe des
autres puiffânees * ou qu’ elle dépende de leur
folie , elle eft prefque également à plaindre.
Saris la découverte du Nouveau-Monde , la Hollande
ne feroit rien ; l’Angleterre feroit peu de
chofe } l’Efpagne & le Portugal feroient puif-
fans} la France feroit ce qu’ elle eft & ce qu’elle
reliera , malgré fa détreffe. Une longue fuite
de calamités peut la plonger dans le malheur :
mais ce malheur ne fera que momentané , la
nature travaillant perpétuellement à réparer fes
d é fa ite . Et voilà l’énorme différence entre la ’
condition d’un peuple indigent, 8c la condition
d’ un peuple riche par fon territoire. C e dernier
peut fe paffer de toutes les nations , qui ne
peuvent guère .fe palier de lui. Il faut que fa
population s’accroiffe fans ceffe, fi une mau-
vaife adminiftration n’en ralentit pas les progrès.
Plufieurs années fucceffîves d’une difette générale
ne le jetteronr que dans un mai alfe paffa-
ger » fi la prudence du fouverain y pourvoit.
Il n’a prefque aucun befoin, d’alliés. La politique
combinée de toutes les autres, puiffânees
lui laifferoit les denrées, qu’il n’éprouveroit que
l’ inconvénient du fuperflu & la diminution de
fon luxe } effet qui tournerait au profit de fa
force qu’il énerve , & de fes moeurs qu’il a
corrompues. La véritable richeffe , il l’a 3 il n’a
pas befoin de l’ aller chercher au loin. Que peut
pour ou contre fon bonheur la furabondance ,
. ou la lareté du métal qui la repréfente ?
Rien.
S e c t i o n X e.,
Rapports politiques des Provinces - Unies avec les
'autres états de l'Europe ,* & dernier traité de
ces républiques avec la France.
Intérêts politiques de la république des Pro-
vinces- Unies.
Les hollandois, fi aélîfs,. n’ont pu établir de
grandes relations de commerce avec le Portugal :
nous avons dit à l’article P ortugal comment
l’Angleterre s’étoit appropriée le commerce de
ce royaume. Les Provinces - Unies ont jufqu’icî
tiré peu de vins & d’autres denrées du Portugal $
& cependant le commerce qui fe fait entre les
deux nations, ou l’efpérance de l’augmenter dans
des circonftances plus heureufes, ont déterminé
les Etats-Généraux à entretenir un miriiftre à la
cour de Lisbonne , & divers cônfuls dans les
ports de mer, qui protègent, en même -tems,
les négocians hollandois, établis en grand nombre
dans toutes les villes marchandes du Portugal.
La politique des. Provinces-Unies à l’égard du
Portugal à changé : ejies firent, jadis, diverfe’s
tentatives, avec peu de fuccès, fur le Rréfil &
les autres poffeffions portugaifes en Amérique.
Elles furent plus heureufes en Afie 3 & elles
enlevèrent aux portugais la plus grande partie des
étabüffemens des Indes orientales. Elles chercheront
bientôt à nuire , autant qu’ elles le pourront
, aux portugais en A fie , mais à les laiffer
tranquilles en Amérique Les tems font changés :
les Provinces - Unies n’ ont plus l’énergie & la
vigueur qu’elles avoient autrefois 3 elles ne doivent
plus fonger à conquérir : leurs efforts fur ce
point feroient vraifemblablement inutiles 5 elles
exciteroient la jaloufie de l’Angleterre, & peut-
être de quelques autres nations 5 elles doiveut
* fe borner au maintien des relies de leur com-î