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qui avoient chacun leurs juges , & chaque àiftriâ;
comprenait un certain nombre de bailliages, qui
tous avoient. cinq juges inférieurs chargés d'ad-
miniftrer la juftice en première inftance j de veiller
à la tranquillité publique & au bon ordre, de
convoquer les affemblées ordinaires & extraordinaires
du bailliage > auxquelles affiftoient tous les
tenanciers qui avoient un bien libre d'une certaine
valeur. Ces affemblées choififfoient les cinq
juges.ou baillifs, qui dévoient être recommandables
par leur fageffe 8c leur expérience, 8c
pofiéder en outre un revend affez confidérable ,
afin que la pauvreté ne les expofat pas au mépris
& à la corruption. Dans les affaires très importantes
, toute l'affemblée motivoit fon avis en
détail. On ne permettoit pas de recevoir un nouveau
membre dans la communauté fans le confen-
tement général : ceux qui defîroient y être admis ,
js'adreffoient d'abord au canton, qui examinoit
leur demande, & la rejettoit s'ils avoient manqué
à l'honneur en quelques occafions 3 ou s'ils étoient
pauvres 5 car la communauté pourvoyant à la fub-
fiftance de ceux des citoyens qu'un accident ré-
duifoit à la mifère , il étoit de l'intérêt public
d ’en écarter ceux qui n'apportoient pas des ri-
cheffes en fe préfentant. Le fonds deftiné à ceux
qui étoient dans le befoin, fe formoit des contributions
des particuliers & du produit des amendes
3 qui étoient d'autant plus confidérables alors
que l’on n'infligeoitcguère d'autres peines.
De plus, cette même affemblée du bailliage
jouiffoit du droit d'examiner la conduite des baillifs
, d'entendre les plaintes qu'on portoit contre
.eux , & de les punir quand ils abufoient de leur
autorité. Les membres ou les députés de dix de
ces bailliages 3 formoient un des diftriéfcs dont on
a parlé plus haut. Le chef d'un diftriét jouiffoit
d'un pouvoir fort étendu. Il avoit le droit de
convoquer les dix communautés pour leur deman-'
der du fecours 3 8c il préiîdoif à toutes les affem-
Llées ordinaires ou extraordinaires 5 il ordonnoit
aufïi les facrifices & les cérémonies religieufes ,
qui s'accompliffoient dans le même lieu où on
xégloit toutes les affaires politiques 8c civiles.
On appelloit des fentences des baillifs des différentes
communautés à cette affemblée 3 qui ré-
gloit d'ailleurs tous les différends entre les juges.
L e préfident de l'affemblée recevoir le tribut que
chaque citoyen devoir payer pour les dépenfes
des cérémonies religieufes j & en fa qualité de
grand-prêtre , il jugeoit ceux qu'on accufoit d'avoir
profané les temples ., d'ayoir manqué de ref-
peét aux dieux, ou d’avoir donné d'autres preuves
d'irreligion : il impofoit ordinairement à ces cou-
pables, des amendes que l'affemblée lui accordoir
enfuite , en l'obligeant à pourvoir à l'entretien '
des temples.
. Quand il falloir délibérer fur des affaires d'une j
grande importance pour la nation, ou qui inté--
jeffoient toute la province , tous les membres ou *
1 s L
les députés des trois diftri&s fe réuniffoierft 5c
compofoient les états de la province. Ces affem-
blées provinciales ne fe tenoient pas régulièrement
comme celles des bailliages dont on vient de parler
3 qu'on convoquoit au moins une fois par an.
On ne fait pas précifément quel étoit l'objet de
leurs délibérations : on peut fuppofer feulement
qu'elles arrangeoient les différends entre les diftricls
d'une province, & qu'elles s'occupoient des moyens
d'écarter les dangers qui menaçoient toute
la peuplade.
Ces diverfes affemblées des bailliages 8c de
la province relevoient des états - généraux de
l'ifle , qui fe tenoient une fois chaque année :
tous les bons citoyens fe croyoient obligés, par
l'honneur & le devoir, d'y affilier. Le.préfi-
dent étoit le juge fouverain : il exerçoit cette
charge jufqu'à fa mort , mais il la recevoit
des états : fes principales fondions étoient de
convoquer la diète générale, & de faire exécuter
les loix 5 il pouvoit examiner en préfence des états §
8c caffer toutes les fentences des juges inférieurs
dans toute l'étendue de l'ifle, annuller leurs ordonnances
8c les punir, s'il les trouvoit coupables
5 il propofoit les nouvelles loix ,8c l’abolition
ou le changement des anciennes. Lorfquc les loix
desiflandois furent écrites, 8c que toute l'ifle eut
adopté la même jurifprudence, il fut dépofitaire
de l'original du code de la nation 3 les baillifs ou
les juges des diftrids, dont le préfident des états-
généraux revoyoit la fentence, étoient obligés
d'examiner l’ affaire une fécondé fois avec lui 5 8c
en fa qualité de juge fupérieur , il prononçoit entre
les parties 8c les juges. La crainte d'être condamné
& puni devant une affemblée fi nombreufe,
intimidoit tous les juges fubalternes 8c les contenait
dans les bornes de leur devoir.
L'affemblée des états-généraux ne duroit guè-
res que feize jours 5 elle commençoit 8c fe ter-
minoit par des facrifices 8c des cérémonies relf-
gieufes.. C'eft fur- tout durant cet intervalle que
le juge fuprême exerçoit fon autorité : il ne pa-
-roît pas qu'après la diffolutiôn de la diète , fes
fondions fiiffent bien étendues : on le traitok-
cependant toujours avec re fp ed , & on lui ren-
doit beaucoup d'honneurs, comme à l'organe des
loix 8c au protedeur du peuple.
Telle fut l'ancienne conftitution de la république
â’IJlande, qui a fubfiflé pendant plufîeurs fiè-
cles, mais qui eft totalement oubliée aujourd'hui,
même dans le nord. Il eft aifé de découvririci l'efprit
des nations celtiques, & leurs idées fur le goiL-
vernement. Cette diftribution du peuple en différentes
communautés, fubordonnées les unes aux
autres 5 le droit de n'être jugés que par un certain
nombre de ces communautés 5 ces affemblées générales
de la nation , revêtues de toute la puif-
fance légiflative, exiftoient chez les germains au
fiècle de Tacite ,• .& peut-être long-temps avant
lui : on les retrouvok auff en Danemarck ea
1 s T
Suède & dans le Holftein , où il y en a encore |
des traces, malgré le defpotifme des rois de Da-
nemarck. v
II paroît que cette ancienne forme de gouvernement
produifit lés effets les plus heureux 5 8c la
conftitution dont nous venons de parler, n'eft pas
le feul phénomène qu'offrent les anciennes anna- .
les de Yljlande. Sa littérature, à cette époque ,
n'eft pas moins extraordinaire : on en trouve des
véftiges par-tout, & nous n'en dirons rien ici :
il y a lieu de croire qu'à cette époque, les if-
landois vivoient dans l’aifance , 8c que , maigre
les rigueurs du climat & les défavantages de leur
pofîtion, ils étoient affez heureux. Foye^ les articles
Danemarck: 8c N orwege.
ISLE IN C O N N U E ou MÉMOIRES DU
CH E V A L IER DE GA STIN ES . C'eft le titre
d'un roman politique de M. Grivel, des académies
de Dijon 8c de la Rochelle : la première édition
a 4 vol. 8c la fécondé en contient 6.
Le chevalier de Gaftines eft jetté dans une ifle
déferte comme Robinfon Crufoë $ mais il y eft
jetté avec une femme 5 & au lieu des petites
vues, des petits moyens & des petits effets de
l'auteur anglois, M. Grivel a tiré de cette cir-
conftance, de grandes vues fur la formation 8c
le développement des fociétés 3 fur l'utilité des
principes de l'économie politique, fur l'agriculture,
& fur les moyens de ramener les nations & les
adminiftrateurs à la raifon & à la nature : ce qui
donne bonne opinion de l'auteur françois , on
yoit que la félicité des hommes l'intéreffe vivement
: il fait des tableaux intéreffans de la vie
agricole 5 il montre le bonheur dans des moeurs
fimples 8c honnêtes 5 dans les travaux qu'impofent
les premiers befoins, 8c les afféêlions que produit
lune famille. .
L é chevalier de Gaftines 8c Léonore fa compagne
donnent le jour à plufieursoenfans , qui eux-
mêmes fe marient & forment de nouvelles familles
: ail moment ou ces diverfes familles féparent
leurs habitations, M . Grivel trace un précis
des loix politiques, des loix fondamentales & des
loix pofitives de cette petite fociété j & il y développe
les principes qu'ont établis fur la politique
, la propriété , les finances , les impôts-,
l'induftrie & le commerce, ces refpe&ables citoyens
qu'on appelle économises : il y ajoute d'au- '
très principes fur l'adminiftration de la juftice &
le régime des états, dijftés par une faine philosophie.
IS T R IE , prefqu'ifle d'Italie, qui appartient
à- l'état de Venife & à la maifon d'Autriche.
• La partie autrichienne de Ylfirie fait partie de
la Catniole : nous avons oublié d'en parler à
l ’article C arniole : nous allons réparer cette '
omiffon , & nous renvoyons à l'article V enise
ce qui regarde Ylfirie vénitienne.
La partie autrichienne de Ylfirie eft très-fertile
I T A
en vîhs/fen huiles, en grains & autres denrées.
Elle comprend :
i ° . Le comté de Mitterbourg , ancien domaine
des comtes de G oe r t z , q u i, après leur mort ,
paffa à la maifon d'Autriche. En 1644, l'empereur
Ferdinand III l'engagea aux comtes Flangini,
qui, dans la fuite, le donnèrent à la maifon prin-
cière de Portia, & par-là le démembrèrent entièrement
de la Carniole. Allarmés de cette fépara-
tion$ les états du duché firent des remontrances à
l'empereur en 16645 8c de fon confentement, ils
achetèrent ce comté des princes de Portia, pour
5 yo,ooo florins. Ils le revendirent enfuite au prince
d’Aversberg, en ftipulant qu'il ne dépendroit
point & qu'il ne feroit point jufticiable de la Carniole
5 ce qui prévint le démembrement redouté.
Les princes d'Aversberg le cédèrent à l'empereur
Ferdinand I I I , en échange de Theugen en Sua-
be ; il parvint enfuite au marquis de P r ié , qui le
revendit en 1667 au comte Montecucculi, envoyé
de Modène à Vienne, pour la fomme de 24Q
mille florins. Il a un évêque réfidant à Biben, & il
contient vingt - huit paroiffes , dont cinq églifes
collégiales.
Il comprend en outre la feigneurie de Caftna,
qui échut en 1400 à la maifon d'Autriche, 8c fut
incorporée à la Carniole : elle appartenoit dernièrement
aux jéfuites de Fi urne 5 mais nous ignorons
fi elle eft rentrée dans le domaine de la maifon
d'Autriche.
Foyei l'article C a r n io l e & les autres articles
des divers états que poffède la maifon d'Autriche;
IT A L IE , grandepéninfule de l'Europe : elle
contient divers états, dont nous parlerons dans
des articles particuliers. Voyeç les articles G êne
s , P ié m o n t , V e n is e , P a r m e , M o d e n e ^
T o s c a n e , E t a t d e l ' é g l i s e , N a p l e s , 8ccl
nous nous bornerons ici à quelques remarques fur
les intérêts politiques des divers gouvernemens
d'Italie.
Les princes d'Italie ont deux fortes d'intérêts
l'intérêt général de leur nation par rapport aux
étrangers, 8c l'intérêt particulier de leurs états
les uns à l’égard des autres. Il ne s'agit ici que
de cet intérêt général : nous indiquerons les intérêts
particuliers dans les articles des divers
états.
Après avoir diffpé les nations barbares qui
avoient fi long-temps ravagé l'Italie 3 les princes
entre lefquels cette belle partit,, de l'Europe fe
trouva partagée, n'avoient rieri^à defîrer , finon
d’être féparés des autres nations par leurs intérêts
, comme ils le font, par la fituation de leur
pays , entre* les Alpes 8c la Méditerranée ; ils
dévoient écarter les puiffances étrangères de leurs
différends. L'Italie n’ avoit jamais été fi floriffante
ni fi paifible qu’elle le fut fur la fin ’du quinzième
fiècle. Une paix profonde régnoit dans toutes fes
provinces 5 mais l'incurfion de Charles V I I I , roi