
«qu'en 1763 3 de 40 liv. Il ne fut que de 2© liv.
en 1764. Ces détails démontrent que le dividende
la valeur de l'aétion qui.s'y proportionnoit toujours
s étoient néceflairement alïujettis au hafard
du commerce & ait flux & reflux de 1 opinion
publique. De l i ces écarts prodigieux , qui tantôt
éjevoienf, tantôt abaiffoient le prix de fa c tion,
qui de deux cents piftoles la réduifoient a
cent dans la< même année 3 qui la ,repoitoient en-
fuite à 180Ô1 liv. pour la taire retombera jo o l.
quelque temps après. Cependant, au milieu de
ces révolutions, les capitaux de la compagnie
étoient prefque toujours les mêmes. Mais c'eft
un calcul que lé . public ne fait jamais. La circonf-
tance du moment le détermine, & , dans fa-confiance
comme dans fes craintes, il va toujours au-
delà du but.
Les actionnaires, perpétuellement expofés à
voir,léiu\fortuné diminuer de moitié en un jour,
ne voulurent .plus courir les h a fards d'une pareille
fît nation. En Lu fan t de nouveaux fonds pour
la reprifé du commerce , ils demandèrent à mettre.
à couvert tout ce qui reftoit de leur bien ;
de manière que dans tous les temps l'action eût
un capital fixe & ' une rente afluréè. Le gouvernement
cbnfacrà'çet arrangement par fon édit du
mois d'août 1764. L'article .XIII porte expreffé-
ment que , pour affûter aux actionnaires un fort
fix e , -étable & indépendant dé tout événement
futur du commerce , il fera détaché de la -portion
du contrat qui fe trouvoit libre alors , ,1e fonds
néceflfaire pour former à chaqué aCtion un capital
de 1600 liv. & un intérêt de 80 li y. , fans que
cet intérêt & ce capitàl foient tenus de répondre , en
aucun cas pour quelque caufe que ce ;oit , des
engagemens que là compagnie pourrait contracter postérieurement
a cet edit.
La compagnie devoir donc pour trente - fix
mille neuf cents vingt aCtions & fix huitièmes,
fur le pied de 80 liv. par aCtion, un intérêt de
2,953,660 liv. Elle paÿoit pour les différens contrats
2,727,506 livres ; ce qui faifoit en tout
'5,681,166 livres de rentes perpétuelles. Les rentes
viagères moiitoient à 3,0743899 livres. Ainfi
la totalité des rentes viagèrés & perpétuelles for-
moi c une fournie de 8,756,065 livres. On va voir
maintenant quels étoient les moyens de la compagnie
, pour faire face à des engagemens fi con-
îidérabîes.
C e grand corps , beaucoup trop mêlé dans les
opérations de La\y, avoit prêté au fifc 90,000,000
de livres, A la chute du fyfiême, on lui abandonna
pour fon paiement la vente exclufive du tabac,
qui rendoit alors 3,006,000 livres par an,*
mais il ne lui reftoit aucun fonds pour fon commerce.
Aufli fon inaCtion dura-t elle jufqu'en
1726, que le gouvernement vint à fon fecours. La
célérité de fes progrès étonna toutes les nations.
L 'd fo r qu'il prenoit, fembloit devoir l'élever audeflus
des compagnies les plus florifTantes. Cette
opinion, qui étoit générale, enhardilfoit les actionnaires
à fe plaindre de ce qu'on ne doubloic
pas , qu'on ne triploit pas les répartitions. Ils
croyoient, & le public croyoit avec eux, que le
tréfor du prince s'enrichifloit de leurs dépouilles.
Le profond my.ftère fous lequel on enfevelilfoit le
fecret des opérations, donnoit beaucoup de force
à ces conjectures.
Le commencement des hoftilités entre la France
& l'Angleterre , en. 174 4 , rompit le charme. Le
miniftèie, trop gêné dans fes affaires pour faire
des facrifices à la compagnie, l'abandonna à elle-
même. On fut alors bien furpris de voir tout prêt
à s'écrouler, ce colofle qui n’avoit point éprouvé
de lecoufies, & dont tous les malheurs fe réduifoient
à la perte de deux vaiffeaux d'une valeur ~
médiocre. C'en étoit fait de fon fort, fi en 1747
le gouvernement ne fe tût reconnu débiteur envers
la compagnie de 180,ooo,ooo-de livres, dont
il s'obligeoit de lui payer à perpétuité l'intérêt au
denier vingt. Cet engagement qui devoit lui tenir
lieu de la vente exclufive du tabac, eft un
point fi important dans fon hiftoire, qu'on ne lé
trouveroit pas allez éclairci, fi nops ne reprenions
les chofes de plus haut.
L'ufage du tabac, introduit en Europe après
la découverte de l'Amérique, ne fit pas en France
des progrès rapides. La confommation eh étoit
fi bornée, que Je premier bail, qui commença le
premier décembre 1674 & finit le premier o c tobre
1680 , ne . rendit au gouvernement que
500.000 liv. les deux premières années, & 60.0,006
livres les quatre dernières , quoiqu'on eût joint à
ce privilège le droit de marque fur l’étain. Cette
ferme fut confondue dans les fermes générales jufqu'en
1691, qu'elle y refta encore unie; mais elle
y fut comprife pour 1,500,000 livres par an. En
16 97, elle redevint une, ferme particulière aux
mêmes conditions., jufqu’en 1709, ou elle reçut
une augmentation de 1 ©0,000 iivres jufqu'en
1715. Elle ne fut alors renouvellée que pour trois
années , dont les deux premières dévoient rendre
2,000,000 de .livres, & la dernière 200,000 livres
de plus. A cette époque , elle fut élevée à
4.020.000 livres par.an; mais cet arrangement
ne dura que du premier octobre. 1718 au premier
juin 1720. Le tabac devint marchand dans
toute l’étendue du royaume, & refta fur ce pied
jufqu'au premier feptembre 1721. Les particuliers
en firent dans ce court intervalle de fi grandes
provifions, que lorfqu'on voulut rétablir cette
ferme , on ne put la porter qu'à un prix modique.
C e bail, qui étoit le onzième, devoit
durer neuf ans , à commencer du premier novembre
1711 , au premier octobre 1730. Les fermiers
do'nn-oient pour les treize premiers mois, 1, ?oo,coo
livres ; 1,806,000 livres , pour la fécondé année;
2.5.60.000 livres pour la uoifième année 5 &
1,000,000 de livres pour chacune des fix dernières.
Cet arrangement n'eut pas lieu, parce que
la compagnie des Indes, à qui le gouvernement
devoit 90,000,000 de livres pottées au tréfor
royal en 1717, demanda la ferme du tabac, qui
lui avoit été alors aliénée à perpétuité , & dont
des événemens particuliers l'avoient empêchée
de jouir. Sa requête fut trouvée jufte;, & on lui
adjugea ce qu'elle follicitoit avec la plus grande
vivacité.
Elle régit par elle-même cette ferrrie depuis le
premier oélobre 1713 jufqu'au dernier feptembre
173a; L e produit durant cetefpace fut de
10,083.967 liv. 11 f. 9 den. ce qui faifoit par an
7,134,832 liv. 10 f. 3 den. fur quoi il falloit déduire
chaque année, pour les frais d’exploitation,
3,042,963 livres 19 fols 6 deniers.
Cés frais énormes firent juger, qu’ une affaire
qui devenoit tous les jours' plus confidérable,
feroit mieux entre les mains des fermiers-généraux
-, qui la conduiraient avec moins de dépen-
fe , par le moyen des commis qu'ils avoie-.it pour
d'autres ufagés. La compagnie leur en fit un bail
pour huit années. Iis s’engagèrent à lui payer
7,300,000 livres pour chacune dés quatre premières
années, 8c 8,o00jO00 de liv. pour cha;
cune des quatre dernières. C e bail fut continué
fur le même pied jufqu’ au mois de juin 17 4 7 ,
& le roi promit de tenir compte à la compagnie
de l’augmentation de produit, lorfqu’elle feroit
connue & cottftatée.
A cette époque , le roi réunit la ferme du tabac
à fes autres droits, en créant & aliénant au
profit de la compagnie 9,000,000 de liv. de rente
perpétuelle, au principal de 180,000,000 de liv.
On crut lui devoir ce grand dédommagement
pour l'ancienne dette de 90,000,000 de livres,
pour l’excédant du produit de la ferme du tabac
depuis 1738 jufqu’ en 174 7, & pour l’indemnifer
des dépenfes faites pour la- traite des nègres, des
pertes fouffertes pendant la guerre, de la rétro-
ceflion du privilège exclufif du commerce de
faint-Domingue, de la non-jouiffance du droit
de tonneau, dont le paiement avoient été fuf-
pendu depuis 1731. C e traitement a paru cependant
infuffifant à quelques ailionnaires qui
font parvenus à découvrir que depuis 1738, il
s ’eft vendu annuellement dans le royaume onze
millions fept cents mille livres de tabac à un
écu la livre, quoiqu’il n’eût coûté d’achat que
27 livres le cent pefant.
La nation penfa bien différemment. Elle accufa
les adminiftrateurs, qui déterminèrent le gouvernement
à fe reconnoïtre débiteur d’une fomme
fi confidérable, d’avoir immolé la fortune publique
aux intérêts d’une fociété particulière. Un
écrivain qui examineroit de nos jours fi ce reproche
étoit ou n’étoit pas fondé , pafferoit pour
un homme oifif. Cette difeuffion eft devenue trèsinutile
depuis que les vraies lumières fe font répandues.
Il fuffira de remarquer que c ’elt avec les
9,000,000 de liv. de rente mal à-propos factifiéés
par l’état , que la compagnie faifoit face aux
8,736,663 livres, dont elle étoit chargée; de manière
qu’il lüi reftoit encore environ 244,0150
livres de revenu libre.
Il eft vrai qu'elle devoit, en dettes chiroera-
’phaires, 74,303,000 livres; mais elle avoit dans
fon commerce, dans fa caiffe ou dans fes. recou-
vremens à faire , 70,733,000 livres. On conviendra
qu’indépendamment de la différence dans iss
valeurs , il y en avoir dans les lûrerés. En effet,
le gouvernement devoit s'attendre à remplir tous
les engagemens de la compagnie. Cependant il a
fauve 10,000,000 de liv. dont les titres de créance
ou les créanciers ont malheureufement péri dans les
révolutions fi multipliées de l'Afie. Les pertes
jqu’on a faites fur ce qui croit dû à la compagnie
en Europe, en Amérique & dans les Indes ,
n’ont pas été beaucoup plus confidérables ; &' H
les ifles de France & de Bourbon étoient jamais
en état de payer les 7,106,000 livres qu’ elles
doivent, la léfion fur ce po|fit n’auroit pas été
fort confidérable. _
L'unique fortune de la compagnie confiftoït
donc en effets mobiliers ou immobiliers, pour
environ 10,000,000 de liv. & dans l'efpéraisce
de i’extinéiion des rentes viagères, qui avec le
temps devoit lui donner 3,000,000 de liv. de revenu,
dont la valeur aéluelle pouvoit être afli-
milée à un capital libre de 30,000,000 de litres.
Indépendamment de ces propriétés, la^ compagnie
jouiffoit de quelques droits qui lui étoient
extrêmement utiles. On lui avoit accordé le commerce
exclufif dtt café. Le bien général exigea
que celui qui venoit des ifles de l’Amérique for-
ut de fon privilège en 1736 : mais il lui fut accordé
en dédommagement une fomme annuelle
de 30,090 livres, qui lui fut toujours, payée.
Le privilège même du café de Moka fut détruit
en 1767', le gouvernement ayant, permis l’intro-
ditéHon de celui‘ qui étoit tiré du Levant. La
compagnie n’ obtint à ce fujec aucune indemnité.
Elle avoit éprouvé l’année précédente une privation
plus fenfible. On lui avoit accordé en 1720
le droit de porter feule des efeiaves dans les colonies
d'Amérique. Le vice de ce fyftême ne-tarda
pas à fe faire fentir; & il fut décidé que tous les
négocians du royaume pourraient prendre part à
ce trafic, à condition qu’ ils ajouteroient une pif-
tole par tête aux 13 livres qu’avoit accordées le
tréfor royal. En fuppofant que les ifles françoi-
fes recevoient quinze mille noirs par an, il en
réfultoit un revenu de 343.000 livres pour la
compagnie. C et encouragement , qni lui étoit
donné pour un commerce qu’elle ne feifoit pas ,
fut fupprimé en 17 6 7 , mais remplacé par un
équivalent moins déraifonnable.
La compagnie, au temps de fa formation, avoit