
bénéfices pour lèurs opinions, que des fe&aires
obfcurs , que les dogmes nouveaux s’attachent
en foule parmi: lé peuple. Les émigrations devinrent
peu à peu communes dans d’autres claf-
.• fes de citoyens. Avec le temps, même les plus
grands feigneurs, que l’ambition , l’humeur ou
la confcience avoient entraînés dans le puritain
ifme , imaginèrent de fe ménager d’avance un
afyle, dans ces climats éloignés. Ils y firent bâtir
des maifons , défricher des terres, avec le def-
fein de s’y retirer , s’ ils éçhouoient dans le projet
d’établir la liberté civile 3 fous l’abri de la ré-
formation. Le fanatifme , qui répandoit l’anarchie
dans la métropole , introduifoit ls£ fubor-
dination dans la colonie j ou plutôt des moeurs
• auftères tenoient - lieu de loi dans un pays
fauvage ».
« Les habitans de la Nouvelle-Angleterre vécurent
quelque temps en paix , fans fonger à
donner une bafe folide à leur bonheur. C e n’ eft
pas que leur charte ne les autorisât à établir la
forme de gouvernement qui leur conviendroit :
mais ces enthoufiaftes ne s’ en oceupoient pas 3
& la métropole ne prenoit pas affez d’intérêt à
leur deftinée ,• pour les prelfer d’affurer leur tranquillité.
C e ne fut qu’en 1630, qu’ils fentirent 1
la néceflîté de donner une forme à leur colonie ».
«On convint, à cette époque , d’avoir tous les
ans une affemblée, dont les députés fetoient'
nommés par le peuple, où ne pourroient fiéger
que les membres de l’églife établie, & qui feroit
préfidée pan un chef fans autorité particulière. Il
fût fait en même-temps deux réglemens remar- -
quables. Le premier fixok le prix du bled. Par
le fécond , les fauvages devoient-ètre dépouillés de
toutes les terres qu’ils ne cultiveroient pas s & il
étoit défendu à tous les européens, fous peine
d’ une forte amende, de leur vendre des liqueurs
fortes ou des munitions de guerre ».
. _« Le confeil national étoit chargé de régler les j
affaires publiques. C ’étoit encore une de fes obligations,
de juger tous les procès , mais avec les
feules lumières de la raifon, & fans le fecours ou
l’embarras d’aucun code ».
« On n’imagina pas non plus des loix criminelles:
mais celle? des juifs furent adoptées. Le fortilège ,
le blafphême, l’adultère , le faux, témoignage
furent punis de mort. Les enfans, affez dénaturés
pour frapper ou pour maudire les auteurs
de lêursjours, attiroient' fur eux le même châtiment.
Ceux qui feroient furpris en menfonge,
dans l’ivreffe ou à la danfe, dévoient être fouettés
publiquement 5 & le piaifïr étoit interdit comme
le vice ou le crime. Le jurement & la violation
du dimanche ( toient expiés par une forte’amende ».
« Cetteconduite annonce un peuple très-fuperf- 1
titieux. Elle fut pouffée fi loin,, qu’on changea
le nom des jours & des mois, comme ayant une
origine payenne. L e nom de S a in t fut également
ôté aux apôtres, à leurs fucceffeurs, à tous lc$
lieux connus fous cette dénomination , afin de
n’avoir pas cette apparence de communauté avec
l’églife de Rome. D’autres innovations auffi bizarres
font encore atteftées par les monumens les
plus authentiques ». -,
« Il eft également prouvé que le gouvernement
défendit, fous peine de mort, aux puritains,
le culte des images, comme auttefois Mo’ife avoit
défendu aux hébreux le culte des dieux étrran*
gers 3 que la même punition étoit décernée contre
les prêtres catholiques qui reviendroient dans
la colonie, après en avoir été bannis ».^
Toute l’Europe fut étonnée d’une intolérance
fi révoltante. Nous avons dit à l’article N o u -
vellh-Hampshire , que nulle part on avoit vu
. l’intolérance établie en principe d’une manière
auffi formelle & auffi terrible. Nous avons eu
foin de remarquer que cent ans après , ces mêmes
contrées établiffent la tolérance en principe de
la manière la plus explicite 8c la plus étendue,
& que c’eft une belle réponfe à faire à ces détrac*
teurs qui demandent l’effet du progrès des lu'-.
; mières. .
Cent des infortunés habitans de la Nouvelle-
Angleterre q ui, moins furieux que leurs frères,
ofèrent dire que le magiftrat n’avoit pas le droit de
contrainte en matière de religion, furent regardés
comme des blafphémateurs-, par des. théologiens
qui avoient mieux aimé quitter leur patrie
, que de montrer quelque déférence pour
J’ épifcopat. Par cette pente du coeur humain,
qui marche de l’indépendance à la domination,
ils avoient changé de maxime en changeant de
climat, & fembloient ne s’ être arrogé la liberté
depenfer, que pour l’interdire aux autres. C e fyf-
tême d’intoiérance fut appuyé du glaive de la
lo i , qui voulut trancher fur les opinions, en
frappant les diffidens de peines capitales. L e s
hommes convaincus ou foupçonnés de toléran-
tifme, furent expofés à de fi cruelles vexations,-
qu’ils fe virent obligés d’abandonner leur nouvel
afyle, pour en chercher un autre expofé à
moins d’orages.
Cette maladie de religion étendit fa févérité
jufqu’aux objets les plus indifférens de leur nature.
On en a pour garant une délibération publique
, copiée fur les regiffres même de la
colonie.
-» C ’eft une chofe univerfellement reconnue,
» que l’ ufage de porter les cheveux longs à-la ma-
» nière, des perfonnes fans'moeurs , & des bar*
» bares indiens , n’a pu s’introduire en Angle-
» terre, qu’ au mépris facrilège de l’ordre exprès
» de Dieu ,.qui dit qu’il eft honteux à un homme
»qui a quelque foin de fon ame , de,porter des
» cheveux longs. Cette abomination excitant l’in—
» dignation de tous les gens pieux j nous , ma-
» giftrats, zélés pour la pureté de la f o i , décla-
». rons expreflement & authentiquement que
» nous condamnons l’impie ufage dé laiffer croître
» fa chevelure ; ufage que nous regardons comme
» une chofe évidemment indécente 8c mal-hon-
» nête , qui défigure horriblement les. hommes.,
» offenle les âmes fages & modeftes , autant
» qu’elle corrompt Les bonnes moeurs. Juftement
» indignés contre ce fcandaleux ufage, nous prions,
» exhortons •]; -invitons iriftamment tous les an-
»ciens de notre continent, de-faire éclater leur
» zèle contre cette odieufe coutume ^de la prof-
» crire par toutes-fortes de moyens, & fur-tout
» d ’avoir foin que les membres de leurs églifes
» n’en foient point fouillés j afin que ceux qui,
»malgré ces févères défenfes* 8c les voies de
»’ correction qui feront pratiquées à ce fujet, ne
» fe hâteront pas de s’interdire cet ufage, aient
» Dieu 8c lès hommes en même temps contre
». eux ». ’ •
’ C e rigorifme, qui rend l’homme dur a lui-
même, puis infociabie, d’abord viCtime, eniuite
tyran, fé déchaîna contre les quakers. Ils furent
emprifonnés , fouettés 8c bannis. La fiere firn-
pjicîté de ces nouveaux enthoufiaftes qui bénif-
foient le ciel 8c les hommes au milieu des tour-
mens & de l’ignominie, infpira de la vénération
pour ieurs perfonnes, fit aimer leurs fenti-
mens, & multiplia leurs .profélyte9. C e fuçcès
aigrit leurs perfécuteurs, & les porta aux extrémités
les plus fanguinaires. Us firent prendre cinq de
ces malheureux, qui étoient furtivement revenus;
de leur exil. On eût dit que les anglois
n’étoient allés en -Amérique que pour • exercer
fur leurs compatriotes toutes les cruautés que les
espagnols .avoient exercées contre les indiens v
foit que le changement de climat rendît les Européens
plus féroces > foit que la fureur de religion
ne puiffe trouver de terme que dans l’extinction
de fes apôtres ou de fes martyrs. La^per-
fécution fut enfin arrêtée par la métropole même,
d’où elle avoit été .portée.
Charles I I , touché des fupplices des quakers,
en interrompit le cours en Amérique , par
une ordonnance de 1661 : mais il ne put y étoufter
entièrement l’efprit perfécuteur.
La colonie avoit mis à fa tête Henri Vane,
fils de ce Vane qui s’étoit fort fignalé dans les
troubles de fa patrie. C e jeune homme, enthou-
fiafte, entêté, digne en tout de fon père, ne
pouvant vivre en paix lui-même, ni y laiffer les
autres, relîucita les difputes de la grâce & du
libre arbitre. On fe paffiotina pour ces quertions.
Peut-être auroient-elles allumé une guerre civile',
fi des nations fauvages, réuniès entr’ elles, tombant
fur les plantations des Anglois, n’en euffent
mafiacré un grand nombre. Grâces à leur querelles
theologiques , les colons fentirent d’abord
foiblement: une fi rude perte. Mais enfin, le
danger univerfel devint fi preffant, qu’on courut
aux armes. L ’ennemi repouffe , la colonie rentra
' dans fofl 'caraâère' de diffenfîon. Cet eiprit
de vertige éclata m'étire en 169a , par des. atrocités
dont l'hiftoire offre peu. d'exemples.
Le calme vint après la; fièvre ardente, & ce
fombre accès d’enthoufiafme. ne reprit plus aux
puritains de la Nouvelle-Angleterre.
En renonçant à l'efprit de perfécution qui a
marqué de fang toutes les feéles, les. habitans de
cette colonie confervètent encore de trop fortes
teintes du fanatifme 8c de la férocité , qui avoient
fignalé les triftes jours de fa naiffance.
La petite - vérole , qui eft .moins ordinaire ,
mais plus meurtrière en Amérique qu'en Europ
e , caufoit en 1 7 1 1 , des ravages inexprimables
à Majfachufett : cette calamité fait penfer à
Tinnoculation. Pour prouver l'efficacité, de
cet heureux préfervatil, un me'decin habile &
' courageux inocule fa femme, fes enfans 8c fes
domeftiques ; il s'inocule lui-même. On l'infulte ,
on le regarde comme un monftre vomi par. l'enfer
; on le menacé de l'afiaffincr. Ces fureurs
n'ayant pas empêché un; jeune homme très-inté--
reffant de recourir à cette pratique falutaire , un
fcélérat fupètffitieux monte à fa fenêtre durant la
nuit, 8c jette dans là;chambre une grenade remplie
de matières combuftibles
Les citoyens les plus raifonnables ne font pas
révoltés de tant d'atrocités ; 8c leur indignation
j f» porte fur les efprits hardis qui aiment mieux
recourir au favoir des.hommes.,, que de s'en rapporter
aux vues de la providence. Le peuple eft
affermi , par ces difcours infenfés , dans la ré-,
folution de ne pas fouffrür une nouveauté qui doit
attirer fur l'état entier les infaillibles 8c terribles
effets du courroux célelle. lie magiftrat, qm craint
une l'édition , ordonne aux içédecins de s-alfem-
bler. Par conviétion, par foibleffe ou.par politique
, ils déclarent l'inoculation daugéreufe.. Un
bill la défend ; &. ce bill eft reçu avec un ap-
plaudiffement dont il n'y avoir p'oifit d'exemple.
Peu d'années' après, s'ôuvre une nouvelle fcène
encore plus atroce. Depuis -long temps on accor-
doit dans ces provinces une odieufe prime à ceux
; des colons qui donnoietit la mort à quelque
Indien. Cette récompenfe fur portée 'èn 1714 à
1 ,1 JO livres. John LoveWel , encouragé par un
prix fi confidérable, forme une compagnie d'hommes
féroces comme lu i, pouf aller a la chaue
des fauvages. Un jour il en découvrit dix , pai-
fiblement endormis autour d'un grand feu. Il les
maffacra, porta leur chevelure à Bofton, 8ç reçut
la récompenfe promife.
Des loix trop févères fubfiftent. toujours dans
ces contre'es. On a pu juger de ce. rigorifme par
le difcours que tint, il n'y a pas long-temps „
devant les magiftrats, une fille convaincue d'avoir
produit, pour la cinquième fois , un fruit illégitime.
La fuite de l'hiftoire politique de Majfachu-
f e t fe trouve à l'article E ta t s -U n is : le leéteur y
verra que le parlement d'Angleterre ayant fermé