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y ait fait paffer une population fufïirante pour le I
féconder.
Un peu plus haut , mais fur la rive occidentale,
fe^ décharge dans le Mifliflipi la rivière Rouge.
Ç*eft à trente lieues de ion embouchure & fur les
terres des nachitoches que les françois , à leur
arrivée dans la Louifiàne 3 élevèrent quelques pa-
liflades. C e ppfte avoir pour objet de tirer du
Nouveau-Mexique des betes à poil & à cornes,
dont une colonie naiffante a toujours befoin , &
celui d'ouvrir un commerce interlope avec le fort
efpàgnol des Aday es, qui n'en eft éloigné que
de fept lieues. Il y a long-temps que la multiplication
dès troupeaux, dans les campagnes où il
talloit les naturaÜfer , a fait cefler la première
liaifon : on a voit encore plutôt compris que la
fécondé, avec un des plus pauvres établiflemens
du monde, n'àùroit jamais d'utilité réelle; Aufli
les nachitoches ne tardèrent-ils pas a être abandonnes
par ceux que l'efpoir d'une grande fortune
y avoit attirés. On n'y voit plus que les defcen-
dans de quelques foldats qui s'y font fixes à la
fin de leur engagement. Leur nombre ne paffe pas'
deux cents. Ils vivent du maïs ou des légumes
qu ils • cultivent, & vendent le fuperflu de ces
productions à leur indolent voifîn. L ?argent qu'ils
reçoivent de cette foiblé garnïfon., leur fert à
payer les boiflons 8c les vêtemens qu'ils font obligés
de tirer d'ailleurs.
; L'ëtabliffement formé aux Akânfas eft plus mi-
ferable encore. Infailliblement il feroit devenu très-
'floriflant, fi les troupes, les armes, les engagés ,
les vivres 8c les marchandifes que Law y faifoit
■ paffer pour fon compte particulier, n’euflènt été
confisqués après la difgràce de cet -homme entreprenant.
Il ne s'eft depuis fixé dans cet excellent
pays que quelques canadiens qui ont pris pour
compagnes des femmes indigènes. De ces liaisons
eft bientôt fortie une race prefqüe fauvage. Les
familles en font très-peu nombreufes j elles vivent
di'fperfées, & iie s'occupent guère que de
la chalfe.
Pour arriver ides Akanfas aux illinois, il faut
faire trois cents lieues. ; car les peuples ne fe touchent
pas en Amérique comme en Europe , &
n'en font que plus indépendans. « Les illinois 3
dit l'auteur de l'Hiftoire philofophique 8c politique,
des établiflemens européens dans les deux ,
Indes, placés dans la partie la plus feptentrionale
de la Louifiàne 3 étoient continuellement battus ,
& toujours à la veille d’être détruits par les iro-f*
quois ou par d'autres nations belliqueüfes. Il leur
falloit un défenfeur, & le françois le devint,
en occupant une partie de leur territoire à l'em-
' bouchnre de'leur rivière 8c : fur les rives plus
riantes ., plus fécondes du Mifliflipi. Raflemblés
autour de lui/, ils ont évité la deftmée de la
plupart des peuplades de ce nouveau - Monde ,
,dont .iî; ji;efte à peine quelque,fouyenir. Cependant -
leur nombre a diminué à mefure que celui de
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leurs protecteurs, s'eft accru. Cés étrangers opt
formé peu-à-peu une population de deux mille
trois cents quatre-vingt personnes libres 8c de huit
cents efclaves , diftribués, dans fix bourgades ,
dont cinq font fituées fur le bord oriental du
fleuve ».
«• Malheureufement la plupart d'entr'eux ont
eu la paffion de courir les bois pour y acheter
des pelleteries, ou d'attendre dans leurs magafins
que les fauvages leur apportaffent le produit de
leurs chaffes. Ils auroient travaillé plus utilement
pour eu x , pour la colonie & pour la France ,
s'ils euflent fouillé le fol excellent où la fortune
les avoit placés$ s'ils lui avoient demandé les
grains de l'ancien monde , que la Louifiàne a toujours
été obligée de tirer de l'Europe ou de l 'A mérique
feptentrionale. Mais combien l'établifle-
ment formé par les françois du pays des illinois ,
combien leurs autres établiflemens font reliés loin
de cette profpérité»! Ces détails manquent d'exactitude,
ou il faut les appliquer feulement Jt la
partie de la Louifiàne qui eft à l'oueft du Mifliflipi,
en face de la.rivière des illinois j car à l'èft du
Mifliflipi 8c dans le pays proprement, dit dès Illinois
, on trouve le fort de iCaskakias qui ap*
part.enoit, ainfi que tous les environs, aux ari-
glois, & qui appartient aujourd'hui aux colonies
américaines.
Commerce de la Louifiàne. Jamais , dans fon plus
grand é c la t, la Louifiàne n'eut plus de fept mille
blancs, fans y comprendre les troupes qui varièrent
depuis trois" cents jufqu'à deux mille hommes.
Cette foi.ble population étoit difperfée. fur
les bords du Mifliflipi, dans un efpace de cinq
cents lieues, & foutenue par quelques mauvais
forts fitués à unë diftance immenfe l'un de l'autre.
Cependant elle n'étoit point engendrée de
cette écume de l'Europe que la France avoit comme
vomie dans le nouveau-Monde au temps du
fyftême. Tous ces miférables avoient péri fansjfe
reproduire. Les colons étoient des hommes forts
8c robuftes, fortis du Canada, ou des foldats
congédiés qui avoient fu préférer les travaux de
l'agriculture à la fainéahtife , où, le préjugé les
laifloit orgueilleufement croupir. Les uns 8c les
autres recevaient du gouvernement un terrein convenable
& de quoi l'enfemencer, un f jM , line
hache, une pioche, une vache & fon veau, pn
. coq & fix poules, :avec une .nourriture faine
abondante durant trois ans. Quelques officiers ,
quelques hommes riches avoient formé des plantations
aflez confidérables, qui occupoient huit
mille efclaves.
Cettë peuplade envoyoit à la France quatre-
vingt milliers d'indigo , quelques cuirs & beaucoup
de pelleteries. Elle envoyoit aux ifies, du
fui f , . des viandes fumées, des légumes, du r iz ,
du maïs, du brai > du. goudroç du merrain 8c
.des'bois,;de charpente. Tant.djobjcts réunis pçu-
voient valoir 2,000,000 de livres. Cette fômme
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étoit payée en marchandions d'Europe , & en
productions des Indes occidentales. La colonie
reeevoit même beaucoup plus qu'elle ne donnoiti
& c'étoient les frais de fouverainete qui lui pro-
curoient ce fingulier avantage.
Les dépenfes publiques furent toujours trop
confidérables à la Louifiàne. Elles furpafferent ,
même en pleine paix, le produit entier de cet
établiffement. Peut-être les agens du gouvernement
auroient-ils été plus circonfpects, M les operations
euflent été faites avec des métaux. La
malheureufe facilité de tout payer avec du papier
, qui 11e devoit erre acquitte que dans la
métropole , les rendit généralement prodigues.
Plufieurs furent même infidèles. Pour leur interet
particulier, ils ordonnèrent la confttuéiion des
forts, qui n'étoient d’aucune utilité , 8c qui coû-
toient vingt fois plus qu'il ne falloit. Ils multiplièrent,
fans motif comme fans mefure , lespre-
fens annuels que la cour de Verfailles etoit dans
l'habitude de faire aux tribus fauvages.
Les exportations & les importations de la L°ui-
fiane ne fe faifoient pas fur des navires qui lui
fuffent propres. Jamais elle ne s'avifa d en avoir
un feul. Il lui arrivoit quelquefois de foibles embarcations
des ports de France. Quelquefois les
files à fucre lui envoyoient de gros bateaux. Mais
le plus fouvent desvaiffeaux, partis de la métropole
pour Saint-Domingue , depofoient dans
ce riche établiffement une partie de leur cargaison,
âiloient vendre le refte au Mifliflipi, 8c s y char-
geoient en retour de ce qui pouvoit convenir a
Saint-Domingue, de ce qui pouvoit convenir a la
métropole. , . , ,
La Louifiàne feroit arrivée à la profperite des
colonies angloifes de l'Amérique^ feptentrionale j
elle auroit fait les progrès que fait aujourd’hui la
colonie de Kentucke, qui occupe une partie du
terrein qu'on comprenoit autrefois fous le nom
de Louifiàne j elle auroit eu les fuccês qu auront
les habitans des Etats-Unis, qui iront s établir
fur lés terres fituées à l'eft du Mifliflipi, en remontant
ce fleuve jufqu'à la hauteur des lacs ,
fi l'on eût écouté les voeux des proteftans françois
, réfugiés dans les colonies établies par les
anelois au nouveau-Monde.
Les trois cents mille familles, établies en France
à l’époque de la révocation de l'édit de Nantes.,
furent difperfées dans les différentes parties du
glo be , & elles tournoient par-tout de trilles^regards
vers leur ancienne patrie. Ceux qui avoient
trouvé un afyle au nord de.l'Amérique, defefper
rant de revoir jamais leurs premiers foyers , vou-
loient du moins être réunis à la nation aimable
dont on les. avoit féparés. ïls offroient dé porter
leur induftrie & leurs capitaux à la Louifiàne ,
pourvu qu'il leur fût permis d'y profeffer leur
culte. Mais Louis X IV & le régent firent rejetter
çes propofitions.
Peut-être encore la Louifiàne n'auroit-elle pa$
(Econ. polit. Ç/ diplomatique. Tant. I I I . '
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langui fi long-temps, fans la faute qu'on fit, dès,
l'origine, d'accorder des terres au hafard & félon
le caprice de ceux qui les demandoienc. Des dé-
ferts immenfss n'auroient pas feparé les colons
les uns des autres. Rapprochés d un centre com-;
mun, ils le feroient prêté des fecours mutuels,
& auroient heureufement /oui de tous les avantages
d'une fociété régulière & bien ordonnée.:
A mefure que la population auroit augmenté , 1e:
cercle des défrichemens fe feroit étendu. Au lieu
de quelques hordes de fauvages, on eût^vu s'élever
une riche colonie , qui feroit peut-être devenue
avec le temps une nation puiflante. Que
d’avantages il en eût réfulté pour la France même !
C e royaume, qui a acheté chaque année dix-
huit â vingt millions pefant de tabac, & qui
l'a tiré de l'Angleterre iufqu'à la révolution d 'A mérique^
auroit pu le faire cultiver dans la Loui-
fiane. Ainfi le penfoit & l'efpéroic le gouvernement,
quand il fit arracher cette plante en France,
Convaincu que les terres de fes provinces étaient
propres à des cultures plus riches & plus importantes
, il crut fervir à la fois la métropole & 1»
colonie, en affinant à cet établiffement naiffant
le débouché de la produdion qui demandoit le
moins d’avances, le moins de temps & le moins
d'expérience. Le difcrédit où tomba Law , auteur
du projet, fit tomber dans l’oubli cette vue,
dont les avantages étoient fi fenfibles, avec celles
qui n'avoient pour bafe qu’une: Imagination déréglée.
Les intérêts particuliers des agens du fife'
empêchèrent enfuite le miniftère de renouvelle!
ce plan.
C e s détails font inutiles aujourd’hui pour ta
France qui ne poffède plus la Louifiàne ; mais *
ils peuvent fervir à l'Efpagne, 8c nous allons les
continuer.
è Les richeffes que le tabac eût fait entrer dans
la colonie , lui auroient ouvert les yeux (ur l'utilité
des vaftes 8c belles prairies dont elle eft
remplie. Bientôt elles fe fuffent couvertes ds
nombreux troupeaux , dont les cuirs auroient dil-
penfé la métropole d'en acheter de plufieurs nations,
8c dont la chair préparée 8c falée auroit
remplacé le boe u f étranger dans les ifies. Les chevaux
8c les mulets , qui s'y feroient multipliés dans
la même proportion, euflent tiré les colonies fran-
çoifes de la dépendance où elles ont toujours
é t é , où elles font encore , des anglois 8c des ef-
pagnols , pour cet objet indifpenfable.
Une fois mis en aéiion, les efprits feroient montés
d'une branche d'induftrie à l’autre. Auroiènt-
ils pu fê refufer à la conftruélion des vaifleaux ?
Le pays étoit , couvert des bois propres pour le
corps dunavire. La mâture 8c le goudron fe trou-
voient dans les pins qui remplifloient les côtes.
Le chêne ne manquoit pas pour le liordagé, 8c
il pouvoit être remplacé par le cyprès, moins fu-
jet à fe fendre, à fe courber, à fe rompre., 8c
tachetant par un peu d'épaifleur ce que la nature