
domanial, la chofe eft fort indifférente. S’il eft
avantageux à l'état qu'une partie des impofitions
porte fur le produit des mines , ( queftion très-fuf-
ceptible de doute > fie que j'examinerai plus bas )
le prince n'a befoin que de fon autorité pour éta-
blir-cet impôt; fi au contraire l'état a plus d'intérêt
à encourager l'exploitation des mines par une
entière franchife, qu'à en tirer une branche de
revenu, l'état fera très-fagement de remettre fon
droit domanial ; 8e c'eft ce que le roi de France a
fait en plufîeurs occafions, notamment par l'édit
de février 1722 , en faveur d'une compagnie établie
pour exploiter les mines du royaume. Dans
l ’un fie l'autre cas, la parité eft entière entre l ’impôt
& le droit domanial ; 8e puifque l'expérience a
démontré que l’état ne peut trouver aucun avantage
à faire travailler les mines pour fon propre
Compte , il en refulte évidemmment que le fifc n'a
aucun intérêt direét au maintien du principe que
la propriété des mines fait partie du domaine public
; f donc fans objet 8e fans intérêt que l'avidité
fifçale a dérangé fur ce point l'ordre que la
nature des çhofes avoit établi.
Examen des motifs qu on allégua pouf fejlreindre
la liberté naturelle de Texploitation des mines &
qu’on tire de l 1 intérêt qu’a l’état, à ce quelles [oient
exploitées de la manière la plus fruftueufe.
Après avoir détruit le véritable motif qui a fait
introduire la jürifprudence domaniale furies mines,
il me relie à difcuter les prétextes dont on a cherché
à l'appuyer.
On part d’ un principe inconteftable ; c’ eft l’intérêt
qu’ a l ’état à ce que les mines foient mifes en
valeur Se exploitées de la manière la plus avantag
é e , foit pour épargner l’achat des matières
qu’on feroit obligé de tirer de l’ étranger pour foûi-
nir aux différens befoins de la focieté, foit pour
mettre dans'le commerce de nouvelles valeurs qui
en augmentent J'aâivité.
O r , on prétend que la liberté laiffée à tout
propriétaire d’ouvrir fur fon terrein, à l’exclufion
de tout autre, eft incompatible avec l’exploitation
fruétueufe des mines.
Première objeBion contre la liberté, fondée fur la
néceffité de faire de grôjfes avances & de cpurir de
très-gros rifques pour mettre une mine en valeur : doit
l’ on conclut qu’il ejl indifpenfable d’ajfurer a un feul
entrepreneur le droit exclujif de faire travailler toutes
les mines qui fe trouvent dans une certaine étendue de
ferrein.
| 1 n’eft pas poffible, dit-on , de mettre une
mine en valeur, fans commencer par faire les
plus grandes dépenfes ; il faut creufer des puits,
percer des galeries dans le ro c , foutenir les uns
8c les autres par de forts étais, établir des machines
pou» l’épuifement des eaux, bâtir les 1
fourneaux , payer une foule d’ouvriers , acheter'
du b o is , extraire h mine, la fondre, avant d’ en
retirer un fou. De pareilles avances , effrayantes
par leur immenfité , le font encore plus par l’incertitude
du fuccès. On fait que les plus habiles
artiftes ne peuvent former que des conjectures
plus ou moins probables fur la richefle d’une
mine, ni même fur la vraie direction des filons ,
dont la marche irrégulière déconcerte fouvent
les mineurs les plus expérimentés. Maintenant,
quel eft l’homme qui voudra faire des avances
/ortes & rifquer fa fortune, s’il n’eft pas
aflure de recueillir, fans partage, le fruit de fes
travaux ? Si lorfque fes recherches lui auront enfin
découvert une mine fuivie & abondante, les
propriétaires de chacun des héritages fous lef-
quels elle paffe, ou ceux à qui les propriétaires
auroient cédé leurs droits , peuvent, en ouvrant
la terre de leur c ô té , s’emparer des richefles
qu elle renferme , & s’approprier fans rifque le
fruit de tant de travaux & de dépenfes, fur quelle
affurance l’entrepreneur d’une mine pourra-t-il engager
des gens riches- à s’aflocièr avec lui & à lui
confier leur fonds ?
Il eft donc nécelfaire, pour qu'un homme puilfe
entreprendre h recherche & l ’exploitation d’une
mine> que l’état lui en aflure la pofleflîon • fans
trouble 5 ce qui ne peut fe faire qu’en lui donnant
la çonceflion exclufîvement à tout autre ,
de toutes les mines qui fe trouvent aux environs
du lieu où il fe propofe de fouiller, dans une
etendue allez grande, pour qu’il puifle être in-
demnifé de fes frais, & trouver un profit fuffi-
fant. O r , l’état ne peut faire cette concef-
lion, s’il n’a pas, à l’exelufion des propriétaires
de la fuperficie , la propriété des matières
fouterreines. La loi qui la lui donne eft nécelfaire,
parce que fans elle, les mines 1 es plus riches demeureront
à jamais des tréfors enfouis & perdus
pouf l’état. Cette loi n’a rien d’injufte ; car elle
n’ôte au propriétaire de la fuperficie qu’un droit
inutile , & qui ne peut lui fervir qu’ à empêcher
un autre de mettre en valeur des richefles, dont
lui-même ne profite pas.
Sacrifier à ces prétendus droits toutes les richefles
que le travail des mines peut procurer au
royaume , ce feroit facrifier à un intérêt chimérique
& de nulle valeur pour un particulier, un
intérêt très-réel & très-confidérable pour l’état.
Quand il s’agiroit même de la valeur du. fonds où
l’on doit creufer , c’eft-à-dire , de quelques ar-
pens de terre, elle ne pourroit être comparée
aux dépenfes immenfes de l’exploitation d’une
mine , ni par conféquent aux produits qui, dans
toute entreprife, doivent toujours faire rentrer
les dépenfes avec un profit proportionné. On
ne devroit pas même craindre d’obliger le propriétaire
à céder fon fonds , s’ il le falloit, en
obligeant l’entrepreneur à lui en payer la valeur.
Seconde
Seconde objection contre la liberté. NéceJJîté cto-
bliger Le propriétaire de la fuperficie de confentir,
moyennant un dédommagement , aux ouvertures 3
dont Us mineurs ont befoin pour continuer leur exploitation.
C e feroit bien en vain que l’état donneroit à
un entrepreneur de mines la conceflion de toutes
celles qui fe trouvent dans un certain arrondifle-
raient, fi le propriétaire de la furface n’étoit pas '
forcé par une loi de permettre dans fon terrain
toutes les ouvertures néceflaires pour l’exploitation
de ces mines. Il eft indifpenfable de multiplier
ces ouvertures pour chercher de nouvelles
traces d’un fi on interrompu, pour rendre l’extraction
des matières moins difpendieufe , pour
établir des pompes ou ménager des écoulemens
aux eaux, enfin pour donner de l’air aux ouvriers.
O r , fi le propriétaire du terrain peut re-
fufer fon, confentement à l’ouverture , il ne faudra
qu’un homme de mauvaife humeur pour faire
perdre le fruit d’une dépenfe immenfe, ruiner
les entrepreneurs, & rendre impoflible l’exploitation
de la mine la plus riche & la plus avan-
tageufe pour l'état. Quelqu’étendue qu’on puifle
donner au drô t du propriétaire du fol , il ne
fauroit avoir celui de ruiner, fans intérêt , 1 a
fortune d’un autre citoyen. La loi doit les protéger
tous également > par conféquent elle doit ordonner
au propriétaire de fouffrir une ouverture
dont le mineur ne peut fe pafler, & obliger le
mineur à lui donner un dédommagement te l, ]
qu’il demeure entièrement indeïnnifé. Le droit
des particuliers a toujours cédé à l’intérêt public }
& pourvu que le particulier foit dédommagé, il
n’a pas à fe plaindre. C e dédommagement peut
être fixé par la loi même j mais il paroît plus
jufte que le dédommagement foit plus ou moins
fo r t , fuivant le plus ou le moins de tort que
fouffre le propriétaire ; ce qui dépend .de mille
circonftances locales & variables. Il fuffit donc
que l’indemnité foit fixée, à dire d’experts & par
l'autorite du jug e , lorfque les parties ne peuvent
s’accorder.
Troifieme objeftion contre la liberté , fondée fur
le danger des petites exploitations irrégulières que
chaque propriétaire pourroit faire fur fon terrain,
Conféquences des trois objections ci 1 defus, en
faveur de Vutilité & de la nécejjité des fyflêmes
établis fur la yurïfprudence & fur l*adminifixat ion des
mines.
En effet, des concédions accordées en con-
noiflance de caufe , font l’unique moyen d’obvier
aux petites exploitations irrégulières qui produiront
peu pour le moment & nuifent pour l’avenir
, en devenant un obftacle à des exploitations
plus régulières. L ’état , en donnant à ces con-
QEcon, polit. diplomatique. Tom% 111,
ceflions une certaine étendue , aflure auX entrepreneurs
, outre, la rentrée de leurs frais, des
profits fu{fifans pour les exciter à multiplier leurs
entreprifes , & às mettre en valeur toutes les richefles
que le royaume poflede en ce genre. En
n’accordant ces concédions que pour un tems limité
, & ftatuant que dans le cas où les concef-
fionnaires négligeroient ou abandonneroient l’exploitation
de la mine concédée , l’état y rentrera
de plein d ro it, on n’ a point à craindre qu’ un
privilège accordé à un conceflionnaire qui n’en
feroit point ufage, devienne dans la fuite un
obftacle à ce qu’ un autre entreprenne de mettre
la même mine en valeur.
T e l eft précifément le fyftême aCfuel de l’ ad-
miniltration fur la police des mines dans une partie
de l’Europe, & c’eft le feul dans lequel elles
puiflent être exploitées de la manière la plus avantageuse
pour l’état. Ce'fyftême fuppofe que la
propriété des matières fouterraines foit diftinguée
de celle de la fuperficie , & qu’elle appartienne
au prince : il eft donc néceflaire que la loi lui
donne irrévocablement' cette propriété , non pour
l’intérêt de fon tréfor, mais pour l’intérêt public.
On trouvera dans Je dictionnaire dé Robinet
une réfutation des raifôns qu’ on allègue en faveur
du fyftême établi fur l’adminiftration des
mines : nous les indiquerons.feulement, & nous
ajouterons quelques modifications qui ramèneront
au point de vérité, les aflertions exagérées des
deux partis fur cetrd matière*
Ces raifons reflemblent à celles qu’ on allègue
en faveur des monopoles de tout-e efpèce.
Réponfe a la première objection. I l nefi nullement
nécefaire de donner aux entrepreneurs des mines
le droit exclujif de travailler toutes celles d'un certain
canton,
Réponfe a la fécondé objection. I l ejl inutile de
forcer te propriétaire du fo l a foufrir que Us mineurs
y fajfent les ouvertures nécejfaires pour continuer
leur exploitation,
Réponfe a la troijième objection, tirée du prétendu
danger des exploitations irrégulières,
. Exemples, de plufieurc mines mifes en valeur avec
le plus grand fuccès 3 fans aucune concejfion ex-
ctufive, .
Conclufton en faveur du fyjléme , qui , en réfer-
vaut au propriétaire de la furface , la faculté exclu-
five de pratiquer des ouvertures dans fon héritage
attribue la propriété des matières fouterraines au are-
I mier occupant,
L ’adminiftration fans doute a le droit d'or.don-
I ner les facvifices fie les dédommagetnens qui font
Te