
trempe clé Ton aine, qui le poftort à vouloir au-
delà même de ce qu'il pouvoir, donnoit une
iroüvélle forcé à cès réflexions. Rien ne l'effrayoit
d^ins le grand rôle qu'il fe difpofoit à jouer à fîx
niillè lieues dé fa patrie. Inutilement voulut - on
■ lui en faire craindre les dangers; Il ri'étoit frappé
que dè l'avantagé glorieux d'afiurer à la France
une domination nouvelle aü milieu de l ’A f ie , de
là mettre eri état^ par les revenus qü}ÿ fèroieht
attaches , de- couvrir lés frais de commerce & lés
déperifés dé fbüverainetë ,■ dé l'affranchir mên*e
du tribut que notre luxe paye à.l'induftrie des iit-
diéhs , en1 procurant au royaume dès cârgà-ifëns
rréhés 8é nombreüfes, qui né feroient achetées
pat aucune exportation d'ârgèht 3 mais dbnt le
fonds féroit fait par là füfab'ortdânce dés-nouveaux
rèvenus. Plein de cè grand projet, Dupleix fai-
tft avec efhpteflémérit là première oceafion qui
le préfènta dè l'exécuter ; & bientôt il ofa dif-
pbfèr de la foiibabie du Dècari 3 dè la nababie
dit Garnàtè 3 en faveur de- d'euX hotrimés prêts à
tèus les facriflces: qu'il exigeroit. Voyez Particle
D ecan.
La foubâbiè de Décan étant devenue vacante
eh 1748, DüpleiXj après une fuite d'événemens
& de révolutions, où la corruption des mogols,
\i foibleffe 4és indiens, l'audace des françois, fe
firent également remarquer , en mit en pofleflion
aü commencement de É g p Salabetzingue, l'un
des fils du dernier vice-roi. Ce. fuccès afluroit de
grands avantages aux établiflemens françois répandus
fur la côte de Coromandel : mais l'importance
dé Pondichéry parut exiger des foins plus
particuliers. Cette ville fituée dans le Carnate ,
a des rapports fi fuivis & fi immédiats avec le
nabab dè cette riche contrée, qu'on crut nécef-
faire de procurer le gouvernement de la province
à un homme, fur l'affeétion & la dépendance duquel
on pût compter. Le choix tomba fur Cban-
dâfaeb , connu par fes intrigues, par fes malheurs,
par. fes faits de guerre , par un cara&ère ferme,
& parent du dernier nabab.
Pbur prix dé leurs fèrvices, les françois fe firent
ceder un territoire immenfe. A la tête de
leurs ^ acquittions étoit M e de Scheringham ,
formée par .deux branches du Caveri. Cette ifle
longue & fertile doit fon nom & fa célébrité à
Une pagode qui eft fortifiée , comme la plupart
des grands édifices deftinés au culte public.
Indépendamment cfes autres avantages que Sche-
ringham offroit aux françois, ils y trouvoientune
pofition qui devoir . leur .donner une grande influence
dans les pays^ voifins, & un empire abfolu
fur le- Tanjaôur , qu'ils étoient les maîtres de pri-
ver, quand ils le voudroient, des eaux nécefïaires
pour la culture de fes riz.
Kârical & Pondichéry virent augmenter ch a- >
cime leur territoire d'un efpàce de dix lieues &
de quatre-vingt aidées. Si ces acquifitions ' n'é-
*dient pas auffi confidérables que celle de Scherînghâm.
pour l'influence dans les affaires généré
les, elles étoient bien plus avantageufes au com^
merce.
Mais c'étoit encore peu de chofe, au prix dis
territoire qu'on gagnoit au nord. Il embraffoit le
Condavir , Mazulipatnam, l'ifle de D iv y , & les
quatre provinces de Moutafaganar, d'Elour, de^
Ragimendry & de Chicakol. Des conceflions de
cette importance rèndoient les françois maîtres
d è la côte dans une étendue de fix cents milles,
& dévoient leur dbnner des toiles fupérieures à
celles qui fortent de l'Indoftan. Il eft vrai qu'ils
ne dévoient jouir des quatre provinces, qu'au-
: tant qu'ils entretiendroient au ferviêe dufoubale
nombre de troupes dont on étoit convenu > mais
cet engagement qui ne lioit que leur probité, ne
des inquiétoit guère. Leur ambition dévoroit d'avance
lés tréfors accumulés dans ces vaftes contrées
depuis tant de fièclès.
L'ambition des françois & leurs projets de conquête
aljoient bien plus- loin encore. Ils fe pro-
pofoient de fe faire céder la capitale des colonies
portugaifes, & de s'emparer du triangle qui eft
entre Mazulipatnam, G o a , & le cap ConVorin.
En attendant que le temps fût venu réalifet
ces brillantes chimères, ils regardoient les honneurs
qu'on prodiguoit perfonnellement à Dupleix,
comme le préfage des plus grandes profpérités.
On n'ignore pas que toute colonie étrangère eft
plus ou moins odieufe aux indigènes j qu'il eft
dans lés principes d'une conduite judicieufe de
chercher à diminuer cette averfion , & que le
plus puiflant moyen pour arriver à ce b u t , eft
d'adopter , autant qu'il eft poflîble, les ufages du
pays où l'on veut vivre. Cette maxime généralement
vraie, l'eft fur-tout dans les contrées où
l'on penfe peu, & par conféquent aux Indes.
Le penchant que le chef des françois avoit,pour
le fafte- asiatique , l'affermifioit encore plus ^clans
ces principes. Auffi fut-il comblé de joie*, lorfr
qu'il fe vit revêtu de la dignité de nabab. C e
titre le rendoit l'égal de ceux dont on avoir été
réduit jufqu’alors à briguer la prote&ion, & lui
donnoit une grande facilité pour préparer les révolutions
qu'il jugeroit convenables aux grands
intérêts qui lui étoient confiés. Il efpéra encore
davantage du gouvernement qu'il obtint de toutes
les pofleffions mogoles, dans un efpace-prefque
auffi étendu que la France entière. Tous les revenus
de ces riches contrées dévoient être dépo-
fés dans fes mains, fans qu'il fût obligé d'en
rendre compte-qu'au fouba même.
Quoique ces arrangement faits pàr des marchands,
ne duflent pas être agréables à là cour
de De lhy, on craignît peu fon reflentiment. Privée
des fecours d'hommes & d'argent, que les
foubas , les nababs , les rajas, fes moindres pré-
pofés , fe permettoient de lui refufer, elle fe voyoit:
afiaillie de tous les côtés.
Les rajeputes, defcendans de ces indiens que
combattit Alexandre , chaffés de leurs terres par
les mogols, fe font réfugiés dans des montagnes
prefqu'inacceffibles. Des troubles continuels les
mettent hors d'état de former des projets de conquête
: mais , dans les momens de repos que leur
laiflent leurs diflenfions, ils font des incurfions
qui fatiguent un Empire ,épuifé.
Les patanes font des ennemis encore plus redoutables.
Chaffés par les mogols de la plupart
des trônes de YIndoftan, ils fe font réfugiés au
pied du mont Irnaüs , qui eft une branche du
Caucafe. Ce féjour a finguliérement changé leurs '
moeurs, & leur a donné une férocité de caractère
qu'ils n'avoient pas fous un ciel plus doux.
La guerre eft leur occupation la plus ordinaire.
O n les voit fe ranger indifféremment fous les
étendards des princes indiens ou mahométans >
mais leur docilité n'égale pas leur valeur. De
quelque crime qu’ils fe foient rendu coupables ,
il eft dangereux de les en punir , parce que l'ef-
prit de vengeance les porte- à l'aflaffinat quand
ils font ^bibles, & à la révolte lotfque leur nombre
peut les enhardir à des démarches audacieu-
fes. Depuis que la puiffance dominante a perdu
fa fo rc e , la nation a fecoué le joug. Ses généraux
ont même , il y a peu d'années , pouffé leurs,
ravages jufqu'à D e lh y , qu'ils n'ont abandonné
qu’après un affreux.pillage.
Au nord de YIndoftaneil une nation qui, quoique
nouvelle., infpire encore plus de terreur. Ces
gouverneur de Madrafs.eût eu plus de tro.upes ,
ou celui de Pondichéry de meilleurs officiers. 1 oijt
portoit à .douter lequel de ces deux hommes^, à
qui la nature avoit donné le même caractère d'inflexibilité
peuples , connus fous le nom de Selks, ont lu j
fe tirer des fers -du aefpotifme & de la fuperfti- 1
tion , quoiqu'entourés de nations efclaves. Mais |
de tous'les çnnemis du M o g o l, il n'y-en a pas 1
d'auffi dangereux que les marattes. Voye% l'article
Mar attes.
Tandis que la cour de Delhy luttoit avec des
avantages contre tant d'ennemis acharnés à fa ruin
e , M. de Buffy, qui avec un foible corps de
françois & une armée indienne avoit conduit Sa-
Tabetzingue à Aurengabad fa capitale , s'occupoit
avec fuccès du foin de l’affermir fur le trône où
il i ’avoit placé. L'imbécillité du prince, les conf-
pirations dont elle fut la caufe , l'inquiétude des
marattes , les firmans qu'on avoit accordés à des
rivaux, d'autres obftacles traverfèrent les vues
fans y rien changer. 14 fit régner le protégé des
François plus paifîblement que les circonftances né
permettoient de l'efpérer, & il le maintint dans
une indépendance abfolue du chef de l'Empire.
La fituation de Chandafaeb, nommé à la nababie
du Carnate , n’ étoit pas fi heureufe. Les
anglois, toujours oppofés àüx françois, lui avoient
fufcité un rival, nommé M.ahmet-Ali-han. Le nom
de ces deux princes fervoit de voile aux deux nations
pour fe faire une guerre vive.. Elles combat-
toient pour h gloire, pour la richeffe , pour fer-
vir les pallions de leurs chefs, Dupleix & Saun-
ders. La viéfcoire palfa fouvent de l'un a l autre
camp. Les fuccès auroient été moins variés, fi le
, finiroit par donner la loi j mais on
étoit bien affuré qu'aucun ne la recevrait, tout le
temps qu'il lui rèfteroit un foldat ou une roupie
pour fe foutenir. ' C e t épuifemen.t même, , malgré
leurs efforts exceffifs , paroiffoit fort éloigné , par-
ce, qu'ils trouvoiènt l'un & l'autre dans leur génie,
des reffources que les plus habiles ne foup-
çonnoient pas. Il étoit manifefte que les troubles
ne cefferoient point dans le Carnate , à moins
que la paix n'y arrivât d'Europe j & l'on pouvoit
craindre que le feu. concentré depuis fix ans dans
l'Inde, ne fe communiquât gu loin. Les miniftrçs
de France ,& d'Angleterre diffipèrent ce danger,
en ordonnant aux deux compagnies de.fe rapprocher.
Elles firent un traité conditionnel, qui commença
par fufpendreles. hoftilités dans les premiers
jours de 17 y y , & qui devoit finir par. établir en--
tr'elles une égalité entière de territoire , de force
1 & de commerce à la cote de Coromandel .& ..à
celle d'Orixa. C e t arrangement .n’aypit pas encore
obtenu la fanélion des cours de Londres &
de Verfailles, lorfque de plus grands intérêts rallumèrent
le flambeau d e là guerre .entre les deux
nations.
La nouvelle de ce grand incendie, qui de l 'A-
mérique feptentrionale fe communiqua à tout l'univers
, arriva aux Indes, dans un temps où les
anglois avoient à foutenir contre le fouba du Bengale
une guerre très-embarraifante. Si lès françois
avoient été alors ce qu’ils étoient quelques années
auparavant, ils auroient joint leurs intérêts aux
intérêts des naturels du pays. Des vues étroites
& une politique mal combinée leur firent defirer
d'affurer, par une convention formelle , une neutralité
q u i, dans les dernières diflenfions, avoit
eu lieu fur les bords du Gange. Leur rival leur
fit efpérer cet arrangement, tant qu'il eut befoin
de leur inaction. Mais suffi-tôt que fes fuccès l'eurent
mis en état de donner la loi , il attaqua
Chandernagor. La prife de cette place entraîna
la ruine de tous les comptoirs qui lui étoient
fubordonfiés, & elle mit les anglois en état de
faire paffer des hommes , de l'argent, des vivres,
des vaiffeaux à la côte de Coromandel , où les
françois venoient d’ arriver avec fies forces confidérables
de terre & de mer.
Avant le commencement des hoftilités, la compagnie
françoife pofledoit aux. côtes d'Orixa &
de Coromandel, Mazulipatnam avec cinq provinces,
,un grand arrondiflement autour de Pondichéry
qui n'avoir eu long-temps qu'une langue
de fab le, un domaine, à peu près égal près de
Karical , & enfin l'ifle dé Scheringham. Ces po'f-
feffions formoient quatre maffes, trop éloignées
les unes des autres pour s'étayer mutuellemer r.
On y voyoit l’empreinte de l'efprit un peu dé