
4°. Un grand miniftre ne fe contentoit pas
d’employer plufieurs négociateurs pour une même,
affaire ; il gartageôft fpuÿent ehtr’eux le feeret'de'
fes ~ deftèin$, & i l . faifipii:, mpiiyojir- divers,raiforts
poiir lès raire réuffir. Outre les .miniftres publics
qù il envoyôit dans chaque pays , il y entretenoit
encore des ageris fecrets ; &. dès pepnonnaires du
pays même , qui 1 avertifloient de tout ce qui s’y
pafïbit fans la participation des ambafladeurs de
fon maîtrej qui igaoroient fouvent les commif-
ïîons de ces émiffaires. Rien n’échappoit àfacon-
n<-îi?anc;e » d étoit, en état de, red^elfeqles am~
qui fa(i.ïbîëht quelque faute, où , qui
ÎOinbcftentdàn's quelque erreur.-.
L art de iiegqclçr ràvec lès fouyerains eft fi im-
portdnt , que' la fortune des plus ; grands états
dépend quelquefois de la bonne où mauvaife conduite
du négociateur. R demande une .grande éten-
c‘ue de: connoiffances j ,$ç un difeernement jufte
& ’délicat.
■ .dfWt êt-rk.agréable
au pfiùfce à qui' if e,lt çqvpye ,^ansfquoi le fuccès
de la négociation’’ferVpUî.s difficile, é
. dont j’éjfprft'aiéié- ciiltiÿé par les lettrés,
n’ont pas' ébtijoufs- été de bons ambaffa-
deùr.Sj, parce que le fa voir feul nefuffit pas pour
. foutenir le poids d’une ambafidde ^ & qu’il ne
fupplee ni à ce qui .manqué;dù.,côiédes qualités
naturelles iii_à‘ beïquj'jin^hqd'e.ÿû-.cofé de .la .pat
Pac)icf 9 :P?génie qe§ jilfaî^es > mais,eft;.général',,
un ftormire 'dé' léthés.éi|,plus propre, aux nego-
5i-afi,on5 qu’un hqrrmié !fàns3.etü3es. 16^ fans prin-
cipes. L ’ art de négocier .dipp.ofè. ladconnoiflan ce
d^d’hdmnle en général-8è dés" hommes en particulier
j & toutes chôfes d’ailleurs .égales , celui.
qui les connoît le mieux , Ig philofophe moral qui
a le- plus réfléchi fur: leurs 'caractères , doit/ être
le plus habile négociateur. ■ •
. -yttfes* qu’onpeut prendre étant problématiques,
là'plupart des hommes fe conduifent par
les exemples y 8é .bien 'que la diverfitë des .teins ,
dés-lieux & dès- perfonnes mette fouvent de la
différence dans la manière.de négocier, il eft des
règles pour tous ces. cas, & les principes ne varie!
« point." Or /u n homme' dër lettrés,fait répondre
jufte fur tout ce qu’on lui dit, parle avec ,
connoiftance .dë'sr droits des. fouverains,- explique i
ceux, de fqff prince , les appuiè par: des faits &
par "des: exemples/qiï’il rapporte.‘à. propos , & ,
pèrfüade par ;des réflexions j.üdîcjeuïè's.'jAu, contraire
, un négociateur fans, étude né'-fait alléguer
pour toute raifon que la volonté & la poiffance de
ion maître, & il eftftijet à tomber dahs plufieurs
inconvéniens par l’obfçurité de fes di (cours. & de
Tes ‘dépêches/ C ’ eft pour faife : entendre, que les !
négociateurs doivent favoi.r bien parler ,& être élo-
' quens , que lès ; romains lg.ut HohnoienV, le nom
d’orateurs. L ’homme dè.déftfès'rend d’homme du
mOnde -plus1 agréable, St. l’homme public plus
utile.r:
En général, les eccléfiaftiques ne doivent pas
: defirer les ambaftades ou les négociations. L ’ôfi'
méconnaît Jes miniftres de la religion dans la
! pompe des emplois publics. 11 eft peu convenable
qu’un eçcléfiaftique mène une vie tumultueule ab-
folument contraire à celle de fon état..
La réfidence des palpeurs eft de droit divin , &
il convient peu que les princes tirent un évêque
du fein de fon églife, pour l’employer aux affaires
politiques.
Il eft des occafîon$ où il faut plus de courage
& de fermeté que n’en peuvent avoir les eccléfiaf-
tiques-j ils font- .d’ailleurs moins dépendans des
princes que les laïcs, & ils peuvent n’avoir; pas
le. même zèle. Ç ’ eft pour cela que NumaPompi"
lius, ce roi religieux & politique, voulut que la
députation j chargée de quelques fonctions relatives
à la paix ou à là guerre0 ne fût confiée qu’ à
des, féciaux dont le père.fût encore vivant, &
qui fuifeqt eux-mêmes pères.ide plufieursjenfans.
Le 'caxdfii^L de: RicheKeti x à,cet égard > eft un
e^empl-q 4 e ,.ce;qu’ i( y aurojc^à^craindre de i’unipn
dgs .titres ; qui» impqfent des- obligations contradictoires;
b fi icelui -qui- les réunit é,tôi-t capable de là-;
‘ crifiet: les devoirs de l’un aux intérêts de l’ autre.
Le chapeau de cardinal , donné à Ma^arin ^
l’adoucit infiniment fur les • mauvais traitements
qy'é.prqüva >lq maréchal d’Eftrées à Rome. -
.On a yu ;4es évêques employés à Ja Porte ,
chofe plus étrange que de voir des miniftres pro-
teftans réfider auprès du pape*/1 ’
Pie II refufit de recevoir une âmbaffade de
i’empereur , parce qu’elle, étoit obfcure. :Ce n’eft
pas ici le lieu d’examiner le contrafte de cette
conduite du vicaire de Jefus-Chrift avec celle de
Jefus-Chnft .lui-même..
Maître Q livie rcomyne parlent les hifto.riens g
valet-de-chambre-barbier de.Louis X I , envoyé
par ce prihçe en" "ambaffade -a,upoès de-s gantois *
après la-mort; ;deàCharles-, duc de Bourgogne.,-
reçut mille affront$ dans .un pays , où il avoit reçu
le jour, & où par conféquent la balfelfe de fon
extraction étoit connue. Il portojt en ,vain le titre
de comte de Mëîulan..Sqn ambaflade fut-fi defa-
gréable aux gantois ,,que s’il ne fût fe r t ile leur
ville., on l’eut :infailli:bleQien.t. jettér dans la rivière,
. A .parler-en général , on eft par-tout moins
drfppfé -à, refpeCi.er les hommes, nouveaux que les
perfonnes forties de ces familles qui,font ‘depuis
long-temps en ppffeffion'- des honnéùrs. La naijT-
fance donne de l’éclat , aux autres qualités, & il
eft de la grandeur de j ’état de n’employer dans
les ambaftades. que ‘des perfonnes d’un ;rang dif-
tingué." Un• prince "qui- en ufe autrement., avilit fa
propre‘dignité, & -marque peu d’égard-à :1a cour
où il enypiç. "
, . Comme ifn’y; a, pas deux nations dans le monde,
ni .deux-. gouvérnemens dont • les .caràélères fpient
abfolüment les mêmes, de m'êmeauffi chaque affaire
eft différented’uhé autre.: le meme homme’
ne pouvant . convenir ni à tou t, ni par r tout , \
quoique doué d’excellentes qualités, xeüx à qui |
jl appartient de -choifir les . inftrumens de .leur j
politique, dqiyent <appliquer chaque homme au;
genre d’affaires.ÿ auxquelles',il peut être le.plus!
pi opre.
S’il faut; fuivre . une longue ^négociation on !
prendra un'homme patient & tranquille.
S’il finit brufquer une affaire , on cherchera un
homme décidé.
S’il faut çonfeiller.cks..partis hardis i on ne fe
fer vira pas d’un efprittimide. >
S’il- faut difcnterp un.c affaire ; contentiéufe:-, oh
chpifira un homme d ’étude, un homme profond.
Il feroit, auffi peu çonvénable d ’envoyer un. hom-
me d’épée difcu'ceit une affaire, de -droit 3: qqerd’enr
voÿer un homme de! robe traiter des moyens dé
faire la. guerre.j’, . ; > :■ . ! / oh 3îcc»
S’il eft queftion d’un arrangement, ilfaut un
hp© me. capablejde1 fuivre. des détàils. ,-h.
S’il ne s’agit-que de repré/entation;, uruhomme
rn^igçifique, généreux , aimant le luxe ;&:la::'clé'-
penfe, y -eft feul. propre. .;<•>
, ..Ujfaut enfin envoyef un audaèieùx:3 fî'.l’ôn veut
faire des,reproches: > -un homme dduîx , & l’on veut
perfuader j un homme.-fin -, fi Kon veut; découvrir
de,s. fecrets.
. • Fariïiidgs perfonnes doftt le caraCIère eft pro4
pertionné à layjiature de j ’a f fa i r e o n ! 'd o it .
plpj^er- pajt préférence ceux duiîoot déja- rénfti ]
qu’ils- ont.de.rexpéHence., & 'qu’ils ferbnt
tp^is -teujrs,(effqrts peut foutenir leur; réputation. !
U eft bon, difent/les! puhliciftes, que1 .-le né-r
gociateur.Côit un homme de bdhne mine : mais; on
fait que jce. mérite extérieur'fe. remplace avanta-
g.e ufe ment par le mérite perfonnel. ?
' L ’orateur Léon , am]>aftade;uc de-iEyzance à Athènes,
avoit-une taille1 défagréable. Lorfqu’il parut
a la tribune aux.haranguas,'fon. ventre arrondi &
fes, jambes extrêmement iÇburteS ex.-citeTent de
grands (éclats de yire.dans l’^fternhlée d’un .peuple
porté ài faifir par-tout le ridicule'. .L’ambaffadeut
rie.fe déconcerta point': «V o u s ririez bien da-
” vantage , dit-il aux athéniens j-1fi vous; voyiez
m m a ; femme ^ .elle eft une fois, plus petite que
f/moi,-^Cependant , quand-nous ne Gammes, pas
M d’accord , la yille de- Byzance ne'.peut pasaious
** contenir^. Cette réponfç»fit.ce-lfer;les éclats
de rire ■ concilia, une attention ‘ .favorable à
Lambaftadeur».
L ’empereur ; Valéntinîe;n I , qui étoit fort fujet
à la colère, s’offenfa de l’air bas.& pauvre des
amoaftadeurs des quàdes j il leur parla avec tant
de violence , qu’il, fe rompit une.veine ou;une artère
don>c, * 1 mon ryjt. , r / vi j à .-n à •• ï'u
C e t Horaçe; qui fauy-a , dit-on., Ja république
romaine > pour .ayqir- hiii feul défendu cèrttre l’armée
viélorieufe ,.d.e Porfenna;, roi-de • Glufium ,
le paffage du.pont qui féparoit Romodu Janicule,’
Ce. brave-Horace' fut l’admiration 8c les délices
de fa patrie 5 il en reçut dé grandes récompen-
fes.} mais-il: étoit borgne.’& boiteux, Sc cette- dif-
-forraité J ’empêéha; thùjôùrs dé parvenir au con-
fu la t t a n t on avoit foin alors que nulle perfection
du■ ; corps & de l’efprit ne màhquât à ceux
•qu’on mettoit à la- têtè de la république.
--..Nous diforis -, - dl-fis- J’hiftpîrfe d^Elpagne-, que
les àmbaffadeurs de J’ ün de nos rois étant allés à
la,Cour d?Aiphonfe IX demander en mariage l ’une
de fes filles , choifirent la moins belle, qui s’ap*
pelloitrBlâoÂe y St laiflerent la plus‘belle , rpatce
quq fon -nom d’Urraca; Ifeüf parût étrange.
3 Elffafôth:; fèinè d?AiVjgféteti:êj n’ad,mettoit dans
| fôn -cph^èil' 'qiié '■ 'des fÿèiJ»s;Rjeh faits; Sans" dp Lite",
i c.ettç'Wltdàfefte èft Céflê d’"u;he femmç tes' au-
tè'jjts qïïi.Concluent d’uti pareil exemple , qu’il
faut chpifitJés' miniftres qu’on envoie aux fpuve-
ràihs": étràhg'érs femblent égaler la petiteife de
çétté reinë/
t, -Oof tîç Jfaùçpit .traiter .lortg-tetpps^ avec ides né-
goÿâteûrs^ de^màu\{aife fo i , parce qu’on ne.Tau-
rqi.'q fe 'fâTré ijfÂc fifijete.. Nous, Tomme# j ordinal'-?
reme^rt, les d^pës.ffu premièr.çftàiqu’pnrfait, contr'e
n.ôiis';. mais, apres cette épreuve, -nous: nous, te*
hons fur' nos gardes , parce que ja. mauvaife foi
fait perdre aux.politiques qui s’y font,une fois
livrés,,. la 'confiance de , ceux - avec)qui ils jiiégor
cient.'.
-, .Une."grande réputation:'de;;probité difpéfe -au
contraire4’ûne manièreTav.arabieij elle fait- éteôu-
ter ,avèc comfplaifa-nce;,j; & cille facilite te fiiccès:
Ilfâ'ut au hêg-ociâUür-im efprît- àttèntif St‘ appliqué
, qui ne fe laifîe'pas dilfraire par les plai-
firs & par les-amufemens frivoles 5' tin fens droit
qui conçoive nettement les* chofés telles qu’ elles
font > :>Sè qui aillé-au but par les voies les plus
couf$és.'i& lès-plus naturelles âè la' pénétration
pour découvrir ce qui fe pafte; dans le cceur dés
♦ hommes • p^dut"^ fâvolr ^prèfitef des‘ moindres
lîîotévëin'èns de leurs1 Vifagés & des autres'" effets
deulentS' paftionsj de ■ Tlfab-ileté - à profiter des
! fautes des autres & à réparer les jiennés ; de là
dextérité :à faïre valoir les moindres chofes, quand
< elles nous foiit favotables, à atténuer lès plus.
: grandes^ ‘lorfqu èllês nous font contraires 5 fin'- éf-
prit fécond en expe'fiiens poqr applamr lés- diffi^
| cultes qiîi"■ : fe- /rencbhtrent 5 de l’attention" pour
! écouter , & pout ne jamais précipiter fa tépqnfe *
i de la préfence d’efprit pour répondre a pix-
: pbsTur les -chofes imprévués/ & polir !fé tirer
d’un mauvais pas par dés. réponfes , judieieufes -
une humeur égale, un naturel tranquille $t pa*
tient-, toa-joursf'difpofé à «écouter fahs diflràélion '
Le négociateur tioirêtre juftë’Sç ihddefté en toutes
; fesmêfionsy'rëipe'Ûueux envèr^lés'pnn'ées complaifant
avecTes égaux ,' caf'âftànt* avec fés inférieurs
? doux , civil & honnête avec toiit le ,mon?
ü ûec II doit-,? en-im-mot', employer tôüf-à-tôuf la
F f f 2