
On évaluoit les forces d’Ayder - Ali - Khan à
cent quatre-vingt ou deux cents mille hommes
environ , dont vingt- cinq mille de cavalerie}
mais comme il falloir garnir toutes les forteref-
fes , & Jaifler quelques troupes fur les frontiè-
r e s , 1 armee qu il faifoit marcher contre les an-
g lo is , etoit de cinquante à cinquante-cinq mille
hommes, dont dix-huit mille de cavalerie} il avoit
dix mille hommes d’excellente cavalerie, & environ
huit mille marattes, pandaris & autres ,
qu on ne peut mieux comparer qu’ aux cofa-
ques qui fui vent 1 armée ruffej car ils ne font propres
qu a ravager le pays & à piller les bagages.
I l avoit en infanterie vingt mille cipaies ou topas,
armes de^ feize mille^ bons fufils } le relie de l'infanterie
etoit des peadars, carnates ou caleros ,
•armes de fufils à mèche & de lances, t
Le nombre des européens montoit à environ
fept cents cinquante, divifés en deux compagnies
de dragons ou huflards, en deux cents
cinquante canoniers ; & en officiers & fergens
difperfes dans les regimens de grenadiers & de
topas.
Il avoit environ mille hommes , dont les armes
font inconnues ou hors d’ufage en Europe : ceux-
c i étoient montés deux à deux fur des chameaux ,
de courfe 3 ils portoient de longs moufquets à
ferpentins , du calibre d’une balle d'environ trois
onces, qui ont une très-grande portée. Ces m®uf-
quets s’appuient fur une fourche de fer attachée
au canon : ce corps, formé d’excellens tireurs ,
fuivoit la cavalerie 5 il fe jettoit fur les flancs dans
des lieux fourrés.
Mille ou douze cents hommes portoient des
fouguettes pu fufées de fer : ce font des boëtes
de toile attachées à des baguettes & pleines d'artifice
, qu’on peut Setter comme les fufées 5 il y
«n a qui contiennent plus d’une livre de poudre
ou d'artifice , & qui ont une portée de cinq cens
toifes. Plufieurs de ces fufées éclatent , d’autres
ont le bout du fer acéré , & ^roduifent l’ effet
d ’une arme perçante. D ’autres ont le bout
percé & mettent le feu 5 cette arme eft difpen-
dieufe & peu proportionnée à fes effets î mais
elle met quelquefois le feu aux caiffons de munitions.
Ces fouguettes font très-propres à incendier
les villes & les villages où l’ennemi a des
magafins. Une cavalerie qui n’y eft point habituée,
feroit bientôt mife en défordre} elles ont fur le
fufll l'avantage de parcourir une ligne courbe
par conséquent de pouvoir être tirées par des
gens qui^ font derrière rine ligne de xrombattans à
pied ou a cheval j en tombant aux pieds des chevaux
,< elles y produifent une efpèce de feu de
forge qui les effraie ; elles éclatent & bleflent
les chevaux aux jambes, & elles décrivent des
iigzags qui les incommodent beaucoup. Les anglais
fe font fervis de cette’àrme contre* la cavalerie
d’Ayder.
Nous ne ferons.point entrer au nombre des I
forces d’Ayder, fa flottille qui n’étoit alors comp
o s e que d’ un vieux vaiffeau acheté des danois »
percé pour foixante pièces de canon, & qui en
portoit cinquante 5 de trois autres de vingt-quatre
a trente-deux canons 5 de fept à huit prames ,
batimens à voiles & à rames de douze & quatorze
canons, & d’une vingtaines degalvètesou grandes
galiotes, portant quatre-vingts hommes & deux
canons. Nous voudrions pouvoir indiquer la po*
pulation, les revenus, & c. des états d’Ayder-
A ly 5 mais nous n’avons pu obtenir fur ce point
des détails précis. Le le&eur trouvera quelques
details fur l’étendue, la population , les revenus
& les forces des différentes fouverainetés de l’Ind
e , dans XAnimal regifter3 ouvrage, précieux dont
on publie un volume chaque' annee. Il verra ,
par exemple, dans-celui de 1782, des détails de
ce genre fur le pays des marattes : nous les donnerons
à l’ article M a r a t t e s . Voye£ les
les articles A rcate , Madrass , Bengale ,
Bo m b a y , C oromandel, M a l a b a r , Ma rattes
, Indostan, T an jao u r , & c.
M A JO R A T . Voyeç N oblesse.
MALA BAR (c ô te d e ) , dans l’Inde.
Le Malabar proprement dit n’efl que le pays
fîtué entre le cap Cômorin & la rivière de Ne -
liceram.^ Cependant, pour nous conformer aux
idées généralement reçues en Europe, nous appellerons
de ce nom tout l’efpace qui s’étend
depuis i’Indus jufqu’au cap Comorin. Nous y comprendrons
meme les-ifles voîfines» en commençant
par les maldives.
Les maldives-forment une longue chaîne d’ifles
à l’ouell du cap Comorin , qui eft la terre ferme
la plus voifine. Elles font partagées en treize- provinces,
qu’on nomme Atollons. Cette dïvifion
eft l’ouvrage de la nature , qui a entouré chaque
Atcllon d'un banc de pierre qui le défend mieux'
que. les meilleures fortifications contre l’impé-
tuofité des flots , ou les attaques de l'ennemi-
Les, naturels du pays font monter à douze mille
le nombre de ces ifles, dont les plus petites n’offrent
que des monceaux de fables fubmergés dans
les hautes marées , & les plus grandes n’ont qu’une
très-petite circonférence. De tous les canaux qui
les féparent, il n’y en a que quatre qui puiffent
recevoir des navires. Les autres font fi peu profonds,
qu’on y trouve rarement plus de trois
pieds d’eau. On conjecture avec fondement, que
toutes ces différentes ifles n’en faifoient autrefois
qu’une, que l’effort des vagues & des couransr
ou quelque grand accident de la nature,, aura
divifée en plufieurs portions.
Il eft vraifemblabfe que cet archipel fut ori-
ginairementpeuplé par des hommes venus du Malabar.
Dans la fuite 3 les arabes y pafsèrent', en
ufupèrent la fouveraineté, & y établirent leur religion.
Les deux nations n’ en faifoient plus qu’une
lorfque les portugais., peu de temps après leux
M A E
arrivée aux Indes , la mirent fous le joug. Cette
tyrannie dura peu. La garnifon qui en tenôit les
chaînes fût exterminée, & les maldives recouvrèrent
leur indépendance. Depuis cette époque,
elles étoient foumifes à un defpote qui tenoit fa
cour à M ale , & qui avoit abandonné toute
l ’autorité aux prêtres. Il étoit le feul' négociant
de fes états. Nous avons dit à l ’article Mayss our,
que l’un des généraux d’Ayder-AIy conquit les
ifles maldives, & fit crever les yeux de leur roi.
Nous ignorons fi les maldives ont recouvré leur
iudépendance depuis cette époque.
Une pareille adminiftration, & la llérilité du pays
qui ne produit que des cocotièrs, empêchoient le
commerce d’y être confidérable. Les exportations
fe réduifoient à des cauris, du poîffon & du kaire.
Le kaire eft l’écorce du cocotier, dont on fait
des cables qui fervent à la navigation dans l’ Inde.
Nulle part il n’eft aufli bon., auffi abondant au’aux
maldives. On en porte une grande quantité avec
des cauris, à Ceylan, où ces marchandifes font
échangées contre les noix d’ areque.
Achem recevoit tous les ans des cargaifons
dejpoiflons qu’ il payoit avec de l’or & du benjoin.
L ’or reftoît dans les maldives , & le benjoin
etoit envoyé-à M ok a, où il fervoit à acheter environ
trois cents balles de cafés, néceffaires à la
ctmfommation de ces ifles.
Les cauris font des coquilles blanches & lui-
fantes, qui fervent de monnoie. On en fait des
paquets de douze mille. C e qui ne reftoit pas
dans la circulation du pays, ou n’étoit pas porté
à Ceylan, pafïoit fur les bords du Gange. Il
fortoit tous les ans de ce fleuve un grand nombre
de batimens qui alioient vendre du fucre m
du r iz , des toiles, quelques autres objets moins
confidérables aux maldives, & qui fe chargeoient
en retour, de cauris pour fept ou huit cents mille
livres. Une partie fevdifperfoic dans le Bengale,
où il fervoit de petite monnoie. Le relie étoit
enlevé par les européens, qui l’employoient utilement,
dans leur commerce d’Afrique. Ils payoient
la livre fix fols , la vendoient depuis douze juf-
qu’à dix-huit dans leurs métropoles, & elle vaut
en Guinée jufqu’ à trente-cinq.
Le royaume de Travancor, qui s’ étend du cap
Comorin aux frontières de C o ch in , n’étoit autrefois
guère plus opulent que les maldives. Il
eft vraifemblable qu'il ne dut qu’ à fa pauvreté la
confervation de fon indépendance , lorfque les
mogols s’emparèrent du Maduré. Un monarque
qui monta fur le trône vers 1750 , & qui l’oc-r
cupa près de quarante ans, donna à cette couronne
une dignité qu’elle n’avoit jamais eue. C ’étoit
un homme d’un fens exquis & profond. Il recevoit
d’un de fes voifins deux ambaffadeurs, dont
l ’un ayoit commencé une harangue prolixe que
l’autre.fe difpofoit à continuer. Ne foyeç pas lpng3
la vie eft, courte 3 lui dit ce prince avec un vifage
• auftère. Son règne ne fyt entaché que par unç foi-
M A L 2 i £
bleffe. Il étoit naïre, & fe trouvoit humilié de
ne pas appartenir à la première de fes caftes. Dan? -
la vue de s’y incorporer, autant qu’il étoit poffible >
il fit fondre en 175-2 un veau d’o r , y entra par
le muffle, & en fortit par la partie oppofée. Ses
,édits furent datés depuis du jour d’une fi glorieufe
renaiffance} & au grand fcandale de tout l’In-
doftan, -il fut reconnu pour brame par ceux de
fes fujetsqui jouiffoient de cette grande prérogative.
Par les foins d’un françois nommé la N o y é ,
ce monarque étoit parvenu à former l’armée la
mieux difeiplinée qu'on eût jamais vue dans ces
contrées. Avec ces forces il comptoit, dit-on
conquérir le Malabar entier} & peut-être le fuc-
( cès auroit-il couronné fon ambition, fi les nations-
Européennes ne l’euffent traverfée. Malgré ces
obftacles, il réuflit à reculer les frontières de fe*
états, & ce qui étoit infiniment plus difficile,
à rendre fes usurpations utiles à fes peuples. Au
milieu du tumulte des armes , l’agriculture fut:
encouragée, & il s’éleva des manufaélures grof-
fières de coton. Il paroît qu’Ayder-Aly avoit
conquis le Travancor} mais nous ignorons fi ce
, royaume fait partie de la fucceflion laiflfée à Tippo-
Saïb.
Il s’ eft formé deux établiffemens européens dans-
le Travancor.
Celui que les Danois ont à Colefchey eft Tans
activité : il eft rare & très-rare que cette nation
y faffe le plus petit achat ou la moindre .vente.
Le comptoir anglois d’Anjinga eft placé fur une
langue de terre, à l’embouchure d’une petite,
rivière obftruée par des fables durant la plus grande
partie de l’année. La ville eft remplie de métiers,
l & fort peuplée. Quatre petits battions, fans foffé ,
& une garnifon de cent cinquante hommes la
défendoient. Cette dépenfe a été jugée inutile.
Un feul agent conduit aujourd’hui les affaires avec
moins d’éclat Sr^plus d’utilité.
Cochin étoit fort confidérable lorfque les portugais
arrivèrent dans l’Inde. Ils s’'emparèrent.de
cette place, dont ils furent chaffés depuis par
les hollandois. L e fouverain en la perdant avoit
cônfervé fes états, qui dans l’efpace de vingt-
cinq ans ont été envahis fucceffivement par le
Travancor. Avant l’in vafion d’Ayder-Aly , fes mal*
heurs L’avoient réduit à fe réfugier fous les murs
de fon ancienne capitale, où il fubfiftoit d’environ
14,400 liv.qu’on s’étoit obligé, par d’an-r
ciennes capitulations, à lui donner fur le produit
de fes douanes. On voyoit dans le mémo
faubourg une colonie de juifs indullrieux & blancs*
qui ayoient la folle prétention de s’ y être établi*
du temps de la captivité de B ab ylonemais qui
certainement y fout depuis très-long-temps. Une
ville entourée de campagnes très-fertile, bâtie
fur une rivière qui reçoit des vaiffeaux de cinq
\ cents tonneaux, & qui forme dans l’intérieur du
pays plufieurs braaches navigables devroit être
I naturellement florÜTante. S’il n’en eft pas ainfi,