Et fur la décadence &r la chute d1 Anvers ,
qu’on attribuoit uniquement à l'avarice & au defpo-
tifme des hollandois, & en particulier fur la clôture
de TEfcaut, ils obferverent quediverfes caufes bien
connues avoient déterminé le commerce étranger
à abandonner cette ville ; que plufieurs de ces
caufes ëtoient antérieures à la clôture » 3c qu aucune
d’elles n’y avoit de rapport. La prospérité
d’Anvers déclinoit, à pas précipités , un fiècle
avant le commencement des troubles & des guerres
des Pays-Bas. Le commerce s’étoit porté dans
d ’autres canaux ; Amfterdam qui étoit confidéra-
blé , long-tems avant cette époque j fes avantages
fupérieurs ëc diverfes caufes de prpfpérité l’avoient
rendu la première ville commerçante de l’Europe,
au temps où on ferma TEfcaut. Anvers toutefois
continua à être opulente > & , malgré,, les pertes
qui réfultèrent du mémorable fiège qu’elle elTuya,
elle aurait maintenu fon importance, fi les choies
qui ont amené la décadence de Bruges & de J
routes les grandes villes des Pays-Bas , n’avoient I
pas amené fa ruine. Le defpotifme , ' la cruauté
& les perfécutions des efpagnols obligèrent les
négocians 3c les manufacturiers à abandonner ces
-villes, & à porter ailleurs le commerce & les
arts. Ün remarqua, comme un fait curieux fur
cette matière , que le roi d’Efpagtae ; fouverain
d’Anvers , n’avoit pas été moins intérefle que la
Hollande à la clôture de TEfcaut, parce que ,
çomme le dit le célèbre Jean de W i t t , dans fes mémoires,
la grandeur & l’opulence de cette ville
n’étoient pas compatibles avec les vues du defpotifme
efpagnol. Au refie,des hollandois ne dirent
pas toutes les frayeurs que leur .eaufa la demande
dç l’ouverture de TEfcaut ; ils craignirent
de montrer à un prince ambitieux le moyen d’o pérer
leur ruine aveç plus de fuccès."
Les diverfes branches de TEfcaut entrecoupent
leurs domaines de telle manière, & communiquent
fi bien avec leurs canaux & leuç? rivières ,
que leurs havres , leurs chantiers, leurs arfe-
riaux , piufieurs de leurs principales villes & d'intérieur
de leur pays fe feraient trouvés expofes
aux entreprifes d’.uQe puîflance formidable, mai-
crèffe du fleuve dont nous parlons.
Tout annonçoit la guerre au printems de l’an- 1
née 178 j . L’impératrice de Rallie avoit déclaré
ou’elle foutiendroit l’empereur : le cabinet de-
Verfailles qui, après le partage de la Pologne ,
ne pouyoït plus fouffrir les vues ambitieufes de ;
la cour de Vienne , laquelle, au milieu des dif- ;
euflions de TEfcaut, s’ôccupoit de l’échange de la
Bavière contre les Pays-Bas, alloit fe. décider en
faveur des hollandois, & la guerre paroiflfoit inévitable}:
mais le comte de Vergennes négocia fi heu,
yeufement que les articles préliminaires de la paix, j
entre l’empereur & les Etats Généraux, furent
lignés à Paris le 20 feptembre 178 5" i & le 8 octobre
de la même année , le traité définitif fut
figné à Fontainebleau , fous la médiation & la
garantie du roi de France. , ,
Le traité de Munfter fervit de bafe à ce traite
de 1785 , qui en renouvella les articles dans tous
les cas qui ne font pas formellement exceptés par
de nouvelles claufes. Voici ces claulès nouvelles:
Les Etats-Généraux ont reconnu la fouveraiiiete
abfolue 3c indépendante de, l’empereur fur chaque
partie de TEfcaut, depuis Anvers jufqu auxlimi-’
tes du comté de Saftingen , conformément à une.»
ligne tirée en 1604 : ils ont renoncé au droit de
lever aucune taxe ou impôt jfur-cette partie du-
fleuve, 3c ils fè font engagés à ne pas y interrompre
la navigation des fujets de Tempereur. : le
refte de lajivière , au-delà de ces limites jufqu’à
la mer, ainfi que les canaux du S a s , le Swin,
& lfes autres embouchuresTTont reliés : fous la
fouveraineté des Etats-Généraux, conformément
au traité de Munfier : il a été fiipulé de plus ,
que les hollandois évacueroient & démolirpient
les forts de Kruifchans & de Frédéric-HenriSc
qu’ ils en céderaient les territoires à la- majefte
impériale y que pour donner à l’empereur-une
nouvelle preuve .de leur defir, d’établir la plus,
parfaite intelligence entre fesedeux pays, les Etats-
. Généraux évacueroient 3c fou mettraient a fa, dife
crétion les forts de Lillo &- de Liefkenshock ,
avec les fortifications telles qu’elles fe trouvoient j
ils le font réferves feulement le droit d’en retirer
l’artillerie & les munitions : que l’empereur
renonce à toutes les. prétentions qu’il avoit . for-?
mées ou qu’il peut former;, en vertu du traité de
1673 3 fur Maëftriçht &c fes dépendances , & que;
les Etats-Généraux' paieraient à fa majefté impériale
la fomme de -9 millions & derni'de florins ,
monnoie de Hollande ; de plus un’ demi-million
de florins , pour dédommager fes fujets des dommages
caufes par les inondations ( i) ;. Les autres»
articles contiennent diverfes renonciations à des
droits , ou à des prétentions des deux parties ; des
cédions mutuelles de'villages & diftriCts 5 des fixations
de limites; des difpoiitions,locales , ou des
réglemens intérieurs. On y déclare qu’ à l’avenir
on n’ élevera pas de forts & de batteries à la portée
du canon , des limites de l’un ou l’autre côté ,
& qu’on démolira ceux qui fe trouvent.conftruits.
Toutes les dettes ou réclamerions péçuniaires, entre
les deux états font annullées ; & les parties
contractantes renoncent, fans aucune rétèrve, à
toutes-les prétentions ultérieures qu’ils pourraient
former l’une contre l’autre. ,
Si la tranquillité de l’Europe fut affermie for
les bords de TEfcaut, un autre projet de la coup
de Vienne, mit en fermentation l’Allemagne en*
(r) hollandois, avoient ouvert le$ digues en quelques endroit?.
tière,
lière. C ’étoit-epirare .poi^cet héritage de la maifon
palâtineT Je.' Bayiere , déjà, troi^-fois dans, le^dix-
huitièmg'fiçcTeL^attaqué , difputé ou envahi. H nôj :j
s ’agifio^rii d'u ie ufjfpatîcn, ni dfone conquy:te_; >
c ’étoit une échange, à l’amiable, propofé aux j
membres dç la maifon,palatine, des états.de Ba-
vièrëiContre le? provinces des iJays-Bas refiées à-la
niâifoh d’ Autriche V a l’exception de Luxembourg,
& du comté dé Narnur* Depuis quelques mois ,
le fecret de cet arrangement avoit tranfpiré dans
fe public ; on pàrloit d’ouvertures faites au duc
de Deux-Ponts, & de la réfiftance de cet héri-
tier-préfomptif de 1’éleCteur Palatin A du confen-
tement de cé dernier prince., & de l’appui que
la cour de Ruflie pretoit à ee projet. Ces rumeurs
acquirent un, nouveau degré de créance ,
par lés al larmes des.fujets bavarois, parieurs, représentations
au Yôuvèràin , qui menaçoit de. les
abandonner , & par un voyage de TeleCteur à
Duffeldorp , dans cet ipfiant critique, ; voyage qu’on
s’obftinoit à regarder comme une évafion. Toutes
ces incertitudes ne tardèrent pas à fe diffiper y le
roi de Pmffe Te chargea d’éclairer l’Europe. C e
monarque j averÉCpar le duc de Deux - Pqnts ,
s’aliarma a fin ëyénement;, contre lequel fa po-
iitiqüe éc fes armées^ voient déjà tenu T Allemagne
èn gàrde. De nouveau il Te préfenta comme le
fléfenfeur de fo liberté germanique 3 c’efi-à-dire
d’ un équilibre < clé puiflance dans l’Empire. , Le
grand âge de ce prince,, 3c fa fanté fréquem
ment ébrânléeJ, etoient de fpibie? obfiacles aux
mefürës difficiles qu’iLafiqit embralTer. On, l’avoit
vu parcourir lui - même Tes états » vifîter fes . armées
, paflfer en revue en Siléfîe quatre - vingt \
mille hommes dans un jour , & bravet, à chev
a l , la fatigue , la pluie , & L’intemperië des
faifons. Lôrfque fes defleins furent mûris1, il les
communiqua aux diverfes cours de l’Europe. Il
aiVnonÇa qu’ uni aux ëleéleurs de Saxe & de
Hanovre, il s’oppoferoit à une entreprife qu’ il
jugeoit; contraire aux traités , au droit ; public
dé l’Empire , aux conventions les plus , explicites,
aux convenances les plus importantes.
En même temps il invita les membres' du corps
germanique 3 à s’afiTôcier à une ligue , dont leur
repos devoit être Sc le feul but & le feul fruit.
La cour- de Vienne s’irrita d’ une pareille confédération
., dirigée contre le chef de l’Empire ,
te produite par une défiance dont cette cour ne
put s’empêcher de marquer fon reffentiment. Elle
fit combattre avec vivacité les imputations & les .
argurhehs de la cour de Berlin : il ferait inutile ;
de récapituler'ces longues difcufllons. Elles pro- ;
voquerent une réplique détaillée , dans laquelle le ]
roi de Pruffé confirma à l’Europe fa fermeté , I
fes intentions & les motifs, i
Il eft un point cependant fur lequel les deux
cours parurent s’accorder, du moins en apparence
; c eft que les étars bavarois ne peuvent
changer de maître , fans le libre cônfentement du
(Scoiu polit. & diplomatique. Torn, III.
prince qui doit les- gouverner',un jour; O r , jufqu ici
le duc; des Deux - Ponts ayant été in'ébranlable^a
rejetter toute*, propolltioà d’échange , & le but de
la ligue1 qui js^e/oppofe $e le/ deflein de la epur-
de .Vienne, de :1e. ré ali fe r , femble tomber abfolu-
ment. Mais le roLde Pruil’e. a été' plus loin pans
fes déclaratiphs:;, il a foutenu que l’ aveu même
de l’héritier Àeda Bavière n’en rendrait pas,l alienation
plus validé-Dans tous les cas, ce monarque
; s’avance Comme une barrière qu’ il, faudra forcer,
avant de tranfporter à Bruxelles la couronne des,
ducs de Bavière.
Quelle'1 que foitTiflue de ce différend, q u i,
malheureüfement ne tardera pas à renaître & qui
: peutanettre en péril là tranquillité de l’Allemagne
i & de l’Europe ; il eft intéreffanrde connoîrre la
1 valeur de Tob je t'd e -f échange médité. Selon les
calculs préfentés par le miniftre de Prufte, les
états de Bavière ont 784 milles d’Allemagne
; qUarrés, 1 Vj 9^,000 habitans , & donnent au fouverain
un revenu de fept millions de florins. La
partie des Pays-Bas1autrichiens offerte en retour,
contient 29b milles quarrés, 1,200,000 habitans«,
3c produifent un revenu de deux à trois millions
dé; florins. Mais quoique l’empereur voulût fe
rëferver une partie des Pays-Bas 3 nous croyons
que les calculs de la cour de Berlin font un peu
trop Toibles’.
S e c T i o n I V e.
Des troubles que vient d'vccaflottner Pempereur dans
les Pays-Bas,en V.oùlànt changer la forme d'ad-
minif ration 3 les ‘ tHhunqux de ces provinces ,
& y établir des réformes.
Les diverfes provinces des Pays - Bas avoient
accueilli avec cha.leuu-les prétentions de Tempereur
fur l’ouverture de TEfcaut ; mais elles ne tardèrent
pas, à .oppofer une vive, véfiftançe aux change-
mens qu’il eiiâya>: de faire en 1786, dans T.admi-
niftratjpn intériquré ,de ces provinces. Il voulut
les divifer en cercles, 3c y établir des intendansj
& les-habitans,.bien inftruits des réclamations
qu’excitoient les intendans en France, & très-
zélés .pour le. -maintien de leurs privilèges ,
'n’ont pas,voulu.y confentir'. La cour de Vienne
fe propofoit, malgré la diverfité des privilèges,
des préjuges & des habitudes de fes divers états ,
d’établir un régime uniforme pour les collèges
d’adminiftration & les tribunaux de juftice ; 3c
les provinces des Pays Bas ont paru difpofées à
défendre, les armes à la main, les anciens tribu-
1 naux : Tem.perej.ir , -fur ces entrefaites, avoit fup-
i primé beaucoup dé couvents ; & il avoit fait d’au-
| très innovations dans le régime ëccléfiaftique ; 3c
cette opération qui; blefioit les dévots, a réuni
tous les ordres; de citoyens : on Ifs a vu s’armer
I contre le fouverain , difeuter chaque point de déç