
gigantefque dont les reftes furent mis à découvert
par les flots, à peu de diftance d’Azof.
Les environs de Koftinsk, qui s’étendent juf-
qti’aux rives du Don , renferment non-feulement
un grand nombre d’offemens de Mammouths,
mais auffl ceux de pluiieurs autres animaux-. Ce
font ces débris que là czar Pierre croyoit être les
reftes des Eléphans d’Alexandre-le-Grand. En
1775 on découvrit des offemens femblables près
du village de Iviatofsk, à quatre lieues de Saint-
Pétersbourg. Près de la riviere Mololchna, dans
la Tartarie , on déterra, à quarante-cinq pieds
de profondeur, une mâchoire de Mammouth qui
doit avoir appartenu à un animal de quatorze à
quinze pieds de hauteur. Elle eft au Muféum
d’ hiftoire naturelle de Paris. Ces ofl'emens font
toujours accompagnés de ceux de piulieurs autres
quadrupèdes, tels que lé Rhinocéros, lé Cheval,
le Bu-ffle & le Cerf. Comme ils ne font jamais à
une profondeur de moins de deux pieds ni à plus
de quinze, les débordemens des neuves & des
rivières peuvent facilement les rejeter à une aifez
grande diflance de leurs bords.
L’exiftence de ces grands animaux dans un pays
tempéré n’ eft pas un phénomène pour les perfonnes
qui n’ont point étudié les monumens des révolutions
phyhques de notre planète; mais quand on
longe que ces mêmes animaux ont laifie'dès dépouilles
innombrables fous le ciel glacé de la
Kuflie d’A f ie , au milieu des terrains de la Sibérie;
qu'ils y ont fans doute vécu avec les nombreux
Rhinocéros dont nous avons parlé, l’explication
de ce fut femble biffer le champ libre à toutes
les conjectures.
Les libériens, dès l’époque la plus reculée, ont
fait un li grand commerce de l'ivoire foffile
qu’ ils déterrent, & qui eft li bien.confervé qu’ on
l'emploie aux mêmes ufages que l’ivoire trais ,
q ue, s’il faut en croire l'hiltorien anglais Sloane,
les czars. ont voulu autrefois s’en réierver le. monopole.
La contrée fituée au nord de la, grande chaîne
des monts Ourâls, eft celle qui contient le plus
de débris de cette efpèce d’Elëphant auquel les
habitans de la Sibérie donnent le nom de Mum-
mont ou de Mammouth , du mot tartare mamma ,
qui lignifie terre, parce que, fuivant les idées populaires
des Sibériens , ce grand animal vit dans la
terre & meurt dès qu’ il voit U lumière. C e préjugé
exifte chez les Chinois pouf le même animal,
qu’ ils nomment Tyn-6 chu3 & dont ils trouvent,
comme les Sibériens, de nombreirfes dépouilles
dans leurs contrées lèptentrionales. Blumehbach
l ’appelle Elephas primigenius.
C e font principalement les" rivières qui defr
cendent vers la mer Glaciale qui mettent à découvert
le plus d’offemens de Mammouths > parce
que coulant au milieu des vaftes' plaines fijblon-
neufes ou limoneufes de la Sibérie » elles s'enflent
çonfidérablement à l’époque du îk entrainent
facilement des portions de leurs rives, qui ,
dans les déchiremens que caufe la crue des eaux,
emportent ces nombreux offemens. Cependant
il faut dire, que partout ou, dans ces plaines baffes,
on creufe un puits ou desfondations, on découvre
un grand nômbre de ces débris. C ’eft furtout
dans les bafljns qu’arrofent la Lena, l’lndigirska,
la Kolima , VAnadir^ Ylrticïi, l’ Angara 3 la. Ton-
gouska, le Khatanga , l’ O b & le JeniJfeaj qu’on en
trouve le plus ; mais les bords de l’Jrtichen renferment
furtout une quantité .prodigieufe.
Pluiieurs corps de ces Mammouths ont été découverts
revêtus encore de leur peau & de leur
chair. Isbrand-ldes cite une tête dont la chair
étoit corrompue, & un pied g e lé , gros comme le
corps d’un homme de moyenne taille ; Jean-Bernard
Muller, une défenfe dont la cavité étoit
remplie d’une matière qui reflembloit â du la'ng
caillé. Ces faits font d’autant plus croyables,
qii’ils rentrent dans la claffe de la découverte du
Rhinocéros des bords du Wilhoui ; mais ce qui
léur donne beaucoup de vraifemblance, ce font
deux exemples du plus haut degré d’authenticité.
Le premier eft la découverte atreftée par le voyageur
Sarytfcheff, d’un Eléphant ou Mammouth,
dont le corps prefqu’entier & revêtu de fa chair,
de fa peau & de longs poils , fut trouvé dans une
poiition verticale fur les bords de l’ Alafeia, rivière
qui fe jette dans la mer Glaciale au-delà de Yln-
digitska.
Le fécond eft la découverte plus importante
encore, d’ un Mammouth entier, obfervé par
M. Adams, de l’Académie de Pétersbourg, fur
lès bords de la mer Glaciale, & dont les reftes
ont été dépofés au Cabinet impérial de cette
ville. Suivant la relation qui èn a été publiée en
octobre 1807 dans, le Journal du Nord, &.en 181 |
dans les Mémoires de l’Académie de Pétersbourg , il
réfulte qu’ en 1799 un pêcheur tongoufe aperçut
près de l’embouchure de la Léna une malle informe
recouverte de glaces ; que l’année fuivante
il vit que cette malle étoit un peu moins engagée
dans les glaçons, mais que pendant l’été de
1801 il reconnut les flancs charnus & les dc-
fènfes d’un grand animal, que la tonte des glâces
avoit mis en partie à découvert. Enfin , en 1804,
les chaleurs ayant été plus grandes, & les glaces
ayant fondu plus v ite , cette maffe vint échouer
fur la côte. Le pêcheur enleva les défenfes & les
Vendit ; mais M. Adams, qui voyageoit alors
dans la Ruffle afiatique, inllruit de cette découverte,
fe rendit fur lesiieux en 1806. 11 y trouva
l ’animal fort mutilé quelques Jakoutes l’avoient
en grande partie dépèce pour en donner la chair
à leurs chiens; les loups & les ours en avoient
dévoré le refte ; mais, à l’exception d’un pied de
devant, le fquelette étoit refté intaét. La tê te ,
couverte d’une peau fèche , pouvoit donner une
idée de celle qui recouvroit le corps, & dont
quelques lambeaux fe ybyoient, ainli que piufiéurs
fleurs’ îigamens, fur des parties peu charnues
affez bien confervées. M. Adams remarqua fur
une des oreilles, reftée entière, une touffe de
crins ; il diftingua même la prunelle de 1 oe i l , &
de plus il retrouva dans le crâne la cervelje def-
féchée. Le cou étoit garni d’une longue crinière,
& quelques portions de peau couvertes de crins
noirs & d’une laine rougeâtre,^ lui prouvèrent
que ce Mammmith en étoit entièrement revêtu.
En effet, la maffe de poils que les chiens & les
autres animaux avoient laiflés en dévorant les
chairs, pefoit plus de trente livres. C et animal
étoit mâle; fes défenfes , que M. Adams retrouva
& racheta à Jakutsk, étoient longues d'environ
douze pieds en fuivant leur courbure ; une feule
pefoit deux c'ent quatre-vingts livres ; fa tê te ,
fans les défenfes , en pefoit plus de quatre cents.
M. Adams ôbferva que l’animal devoir avoir une
queue très-courte & épaiffe. La peau eft d’ un gris
foncé; elle ne diffère de celle des Eléphans des
Indes que parce qu’on n’y diltingue pas les points
bruns qu’ on remarque dans la peau de ces derniers.
Les poils dont il étoit couvert font de trois
fortes : lés plus longs, qui reffemblent à des crins,
olit douze à quinze pouces : leur couleur eft
brune; d’autres n’ont que neuf à dix pouces, ils
font plus minces & de couleur fauve ; enfin, une
laine de quatre à cinq pouces de longueur, mais
fine & douce, & de couleur fauve clair, garniffoit
la racine des autres. Tout annonce donc dans le
Mammouth un animal .deftiné à vivre' dans une
contrée froide avec les Rhinocéros de la même
efpèce que celui du Wilhoui.
Les défenfes du Mammouth font généralement
très-grandes, plus ou moins arquées en fpirale &
dirigées en dehors, de manière que celle de
droite & celle de gauche fe diftinguent facilement,
f>arce que le côté extérieur eft toujours ufé par
es frottemens que leur a fait fubir ranimai. Sa
taille ne dépafloit généralement que de deux à
trois pieds celle de l’Eléphant des Indes, qui en
atteint ordinairement neuf de hauteur; mais il
avoit des formes plus trapues, & quoique l’ef-
pèce des Indes foit celle dont il fe rapprochoit le
plus, on remarque entre ces deux animaux, dit
M. Cuvier, plus de différences qu’il n’y en a entre
l’Ane & le Cheval. Les caractères généraux que
lui affigne ce naturalifte font: un crâne alongé, le
front concave t les alvéoles des défenfes très-longues ,
la mâchoire inférieure obtufe, les mâchelières parallèles
, plus larges & marquées de rubans , plus ferrées
que dans l’Eléphant des Indes.
Pour terminer ce que nous avons à dire de ces
antiques & monftrueux habitans du No rd , nous
ajouterons qu’on trouve fréquemment des débris
de Mammouths fur les bords de la Swiaga, de
1 Irguin, & le long delà Kama, ou ils font mêlés
a des coquillages marins, ainfi que l’ a remarqué
Pallas ; que, fuivant ce voyageur, fur les bords
>r,oura & de l’ Ifète, on en trouve dans des
i*eographie-Phyfque. Tome V ,
couches de fable mêlés avec des dents de Squale
& des bélemnites. Il affure même en avoir vu
jüfque fur l’ A le ï, & même dans une mine d e là
montagne des Serpens, mêlés avec des Entroques:
ce qui annonceroit une formation marine ancienne.
Dans le limon jaunâtre que traverfe le
Jaïk, dans le fable pur au milieu duquel coule
l’Irtis , on en trouve auffi qui font mêlés avec
des coquilles.
Enfin, le voyage fait par Billings dans la mer
Glaciale, par ordre de l’impératrice Catherine I I ,
nous apprend que quelques îles qui s’élèvent au
milieu de cette mer ne paroiffent être, en quelques
endroits, qu’ un immenfe dépôt de ces offemens
confondus avec ceux d’autres animaux,
tels que des Rhinocéros & quelques efpèces de
Boeufs.
« On trou ve, dit M. Sauer, tom e l, page 175,
« rédacteur de ce voyage, beaucoup de dents de
» Mammouth dans les parties élevées & fablon-
» neufes du rivage de la Kovima. Ces dents font
« ordinairement à une grande profondeur; mais
» dans les endroits où les débordemens, qui ont
» lieu au printemps, emportent le fable, elles
» reftent à découvert. Je ne fuis pas furpris que
» ces dents foient fi profondément enterrées, car
» chaque année les inondations dépofent une
» grande quantité de fable & de terre fur les
» bords des rivières de cette partie de la Ruffle.
» C e dépôt annuel eft en général de deux ou
» trois pouces d’épajffeur; & dans les endroits où
» il fe trouve des buiffons, il en a davantage. »
On peut dire avec Pallas que depuis le Don
jufqu’ à l’extrémité du Tchoukotsk, il n’exilte pas
un fleuve, pas une feule rivière dont les bords ne
foient jonchés d’offemens & de défenfes de cet
Eléphant.
Les voyages du capitaine Kotzebue au nord
du détroit de Bering , ont prouvé que les offemens
de Mammouth fe retrouvent en abondance
jufque dans les contrées glacées qui forment
l’extrémité la plus feptentrionale de l ’Amérique.
Nous devons dire encore que le fquelette foffile
d’un animal qui paroît avoir une grande analogie
avec le Mammouth, a été trouvé récemment
dans un fable, jaunâtre aux environs de Ponto-
Manols dans les Etats du Pape. Nous ne tirerons
aucune conféquence de ce fait fingulier, qui mérite
confirmation.
Les défenfes de Mammouth égalent en blancheur
& en fineflè le plus bel ivoire, mais elles
paffent pour être plus dures & plus pefantes.
Merycotherium. Ce nom a été donné par le docteur
Bojanus à un grand ruminant qu’il croit être
d’un genre particulier, & dont quelques dents
ont été trouvées en Sibérie dans les terrains d’al-
luvion de la région des monts Altaï. M. Cuvier
préfume que ce font des dents de Chameau, mais
M. Bojanus, qui a pu examiner ces débris, prétend
qu’elles diffèrent beaucoup des dents d®
L