
fondé à confïdérer l’ atmofphère comme la cornue
du chimifte, dans laquelle fe développent diffe-
rens gaz , où fe précipitent divers dépôts, félon
la variété des diflolvans ou des corps fournis à
leur adtion.
Dans cet e x p o fé , nous ne nous attacherons
point à procéder fuivant la marche fi eflentielle
dans les fciences > du connu à l’inconnu , car les
caufes des phénomènes les plus fréquens font
connues d’une minière fi peu fatisfaifante, qu’ ils
nous fourniroient un trop petit nombre de faits
allez bien confiâtes pour nous fervir de guides
dans la carrière hypothétique que nous nous pro-
pofons de parcourir.
Nous allons feulement tenter d’examiner fi,
lorfque les- roches granitiques fe formèrent à la
furface de la terre , ou f i , lorfque les premiers
êtres doués d’organes & de vie prirent naiflance
& dépotèrent leurs débris ou leurs empreintes
dans les terrains de tranfition , ou enfin fi, lorfque
les dépôts défignés fous les dénominations de
roches de fécondé & de troifeme formation fe précipitèrent
au fond des eaux , l’atmofphère devoit
être de même nature que celle dans laquelle nous
refpirons.
ôi cet examen nous prouve que l’épaifleur & la
compofition des couches atmofphériques ont dû
futur des modifications graduelles & importantes,
nous aurons déjà fait un pas dans la route conjecturale
de l’explication des faits ; nous aurons
reconnu aufli pourquoi les phénomèpes, dont les
derniers dépôts de j’enveloppe terreftre nous offrent
des traces fi nombre\ifes , ne paroifîent pas
fe reproduire avec autant d’in:entité qu’ à l'époque
qui précéda la naiifance de l’homme ; nous aurons
enfin fait l’ application des découvertes géologiques
à l’ une des queftions les plus intérefiàntes
& les plus philosophiques.
L ’ atmofphère de notre G lobe a dû éprouver di-
verfes modifications aux époques des changemens
fucceflifs qui ont laiffé fur la terre des traces ineffaçables.
C e n’ eft point ici le moment d’émettre
une opinion fur le mode de formation de cette
planète} aucune hypothèfe ne pourra être raisonnablement
admife qu’autant qu’ elle fera en rapport
avec les faits que préfentent les obfervations
géologiques. Mais fi, comme ces faits le prouvent,
la terre a été d'abord foumife à une véritable in-
candefcence, fon atmosphère a dû avoir alors une
aètion beaucoup plus puiflante que de nos jours,
& les phénomènes que le s uns attribuent à l’eau
& les autres au feu , feront ia conléquence de
cette aétion. < . ,
Quelques favans, guidés par leur imagination
plutôt que par leurs" connoilîahces , ont cherché
à déterminer la nature du noyau de la terre. Les
uns ont voulu que , femblable à une immenie
géode , il fûc creux au centre; d’autres ont prétendu
que ce noyau devoit être métallique. Cette
opinion, plus vraifemblable que la précédente,
s’aeçorderoit davantage avec les calculs de l ’un
de nos plus favans, géomètres : M. de Laplace a
en effet reconnu q u e , fuivant les lois de la pe-
fanteur, les couches fituées à une grande profondeur
dévoient .être d’une denfité beaucoup plus
confidérable que celles, qui s ’offrent à' nos regards.
Cependant ces dernières couches , qui attellent
tant de changemens différens, préfentent des
phénomènes qui ne peuvent être expliqués que
par les faits recueillis par les géologifies de tous
les pays. Depuis long temps on s’ eft occupé à
chercher à deviner la marche de la nature relativement
à l’exiftence de ces animaux habitués à
un climat méridional, dont les dépouilles fe trouvent
à des profondeurs confidérables dans les régions
tempérées,. & même dans les plus fepten-
triqnales;
On a été jufqu’à fuppofer que les pôles de la
terre avoient pu changer de pofition , & que la
Sibérie avoit pu , à une certaine époque, fe trouver
près de l’équateur. Mais cette fuppofition
n’expliqueroit pas l’exiftence de ces quadrupèdes
perdus, dont M. Cuvier a étudié & clalfé les
dépouilles , que l’ on retrouve journellement dans
la pierre à plâtre des environs de Paris. D’ ailleurs,
M. de Laplace a encore reconnu que les caufes
mécaniques qui ont déterminé la forme ellipfoïde
de la terre s’oppofent à l’admiffion de cette hypo-
thèfe. D’ un autre côté, les obfervations faites
en Angleterre prouvent que plus on defeend profondément
dans les mines, & plus la température
s’élève. Il eft vrai que cette élévation de température
eft te lle , que fi l’on ne tenoit pas compte
de celle que produit la decompofition du fer f i l -
furé> connu fous le nom de pyrite , il faudroit fup-
pofer qu’il exifte à environ vingt lieues au-def-
fous de la furface de notre Globe , une chaleur fi
confidérablè, que celle de nos fourneaux ariens
n’en donneroit qu’une très-foible idée ; niais en
réduîfant tout à un terme moyen , il ne paroîtroit
pas hors de vraiièmblance que le centre de la
terre ne fût dans, un état complet d’incandef-
cence.
D’après ces données réunies aux faits raflèm-
blés par la géologie, examinons la marche qu’a dû
fuivre la nature dans la formation de la croûte de
notre Globe, & le rôle que l acmofphère a pu y
jouer comme ,agent.
Tous les géologifies ont reconnu que cette formation
avoit étéfucceflive, &que la plus-ancienne
roche eft celle à laquelle appartient le granité.
Mais le granité offre toutes les traces d’ une criftal-
lifrtion confufe : les fubftances qui le compofent,
telles que le q u a r t le feldfpath & le mica ; celles
qui s'y trouvent renfermées accidentellement, telles
que la tourmaline, \épiiote3 1*émeraude, &C ,
n’ont pu fe criftallifer qu’à l’aide d’une eau particulière,
de gaz abondans & d’une forte chaleur.
Ce liquide primitif a dû tenir en diffolution tous
les oxides, tous les g a z , tous les acides, car
l’atmofphère conteaoit en abondance ces différens
principes qui, fous certains points de vue, peuvent
être confidérés comme élémentaires.
Ainfi, par exemple > fi l ’on veut fe faire une
idée de ce que devoit être la terre avant la formation
des roches granitiques, il faut, félon nous, fe
repréfenter un globe incandefcent, contenant à
1 état métallique lè filiciumy l’aluminium , le calcium
& le fe r, lefquels, volatilifés & réduits en
oxide par la chaleur, fe condenfèrent par le refroi-
diffement de la croûte terreftre,où ils s’ étoient dé-
pofés , & formèrent le granité & les divers crif-
taux qu’il renferme.
L ’atmofphère qui enveloppoit la terre à cette
époque fi reculée, étoit donc bien différente de ce
qu’elle e fij fa hauteur dut être plus confidérable,
car les eaux répandues fur la furface du Globe
durent perdre par l’évaporation beaucoup plus
que de nos jours; fes couches inférieures dûrent
avoir plus de denfité, elles dûrent alors concentrer
davantage la chaleur; chargée de matières gazeu-
fes les plus défavorables à la vitalité , elle dut
s’oppofer à la naiflance des êtres organifés, & en
effet, les roches appeléesprimitives ne préfentent
nuis vertiges de végétaux ni d’animaux. La grande
mafle de fer répandu fur la terre annonce par .fon
affinité avec le fluide magnétique, que ce fluide
dut avoir une grande aètion fur fon état originel.
Lorfque cette antique atmofphère eut précipité
à la furface de la terre les différentes fubftances
que l’ on rencontre criftallifées au milieu des terrains
primitifs; quand les gneifs, les porphyres
( voyeç Rochets) , furent formés; quand le calcaire
primitif, c’ eft-à-dire fans aucune trace de
débris organifés, eut paru; quand plufieurs roche's
pyrogènes, telles que les trachytes, fe furent montrées
, latmofphère, alors plus pure, commença
à favorifer la naiflance de quelques animaux dont
les dépouilles atteftent la fimplicité dè leur conformation.
Ici ce font des madrépores & en général
tous leszoophytes, êtres dont la prodigieufe m .1-
tiplicité ièmbloit être néceflaire pour accélérer la
defliccation du G lobe; là des bélemnuçs, animaux
renfermés dans un tube & dont la tête étoit
armée de bras, ainfi que les zoologiftes modernes
l ’ont reconnu; là ce font des orthocératiies, animaux
de-la même famille; plus loin enfin, ces
terrains, témoins de ia plus antique création, renferment
des t ri lob i tes, animaux fingyliers qui par
leur conformation fe rapprochent des cruftacés ,
& q u i, ainfi que la plupart des précédens, n’ont
point d’analogues parmi les êtrés yivans. A ces ha-
bitans des eaux fuccèdent des ammonites, famille
nombreufe dont les gigantefques-individus
étonnent fouventje naturalifte. A ceux-ci fe joignent
quelques plantes voifines des graminées, &
.qui femblent être contemporaines des térébratules
& d’autres coquilles bivalves , qui diflinguent ces
premiers eflais de la nature. Mais l’atmofphère
encore chargée de principes eriftallifables, con-
Géographie-Phyfque. Tome V ,
j tribue bientôt à la formation de nouvelles roches
j parmi lefquelles fe montrent des porphyres , Ôc
même à la précipitation de plufieurs filons métal-
| liques.
■ Déjà une partie du calcaire formé par une multitude
d’êtres nouveaux avoit diminué la quantité
des eaux répandues fur la terre, par fuite de la
condenfation de l ’atmofphère ; de nombreufes
plantes, abforbant encore une partie de la mafle
atmofphérique, croifloient avec rapidité. Ces plantes,
telles que des palmiers, des bambous, des
fougères & d’autres encore qui ne fe plaifent que
dans line atmofphère brûlante, formèrent, par
leurs énormes amas, ces nombreux bancs de houille
que l ’on trouve dans l’ancien comme dans le nouveau
continent. Mais bientôt une caufe violente
foulève la mer; elle vient engloutir ces immenfes
débris de végétaux & former ces divers terrains
compofés de tout ce qui conflitue les dépôts
d’oolithes & de craie, puis ceux d’argile, de
calcaire groflier, de marnes, de grès, auxquels
fuccèdent des terrains d’alluvion & des filex dont
la plupart font caraétérifés par de nombreux mollufques
d’eau douce, ainfi que des terrains d’at-
tériflement.
Au milieu de certaines cafpiennes & de quelques
lacs, des volcans fortis du fein des roches
granitiques rejettent de prodigieux amas de laves
qui forment, par un refroidiflement lent & gradué,
à une profondeur qui les met à l’abri de l’aétion
deTatmofphèré, ces magnifiques colonnades ba-
faltiques que la nature femble avoir lailfées debout
pour attefter la puiflance de çes antiques
feux fouterr^ins. Mais fur quelques parties du
G lo b e , l’air atmofphérique femble être devenu
favorable aux êtres de la dernière création $c
à l’homme en particulier, que l’on doit confidéret
comme le plus perfectionné des êtres qui constituent
la grande chaîne animale, & en même
temps comme le contemporain de tous les animaux
qui peuplent aujourd'hui notre Globe. En
effet, c ’eft une vérité reconnue, que les terrains
appelés fecondaires & tertiaires font dépourvus
de débris humains.
- A des mollufques marins inconnus, fuccèdent
des reptiles & des poiffons d’eau douce différens
des nôtres , puis des mollufques plus voifins
de ceux qui vivent dans l ’Océan moderne; ces
derniers font remplacés par des animaux ter-
reftres la plupart inconnus, dont les dépouilles
font recouvertes par des formations d’eau douce ,
que remplacent encore des mollufques marins
fouvent analogues à ceux de nos mers.; mais
enfin, à ces derniers fuccèdent des mollufques
dont plufieurs refîembient à ceux de nos rivières
& de nos marais.
Ainfi il paroît confiant que lorfque l’homme
parut, l’atmofphère étoit bien differente de ce
qu’elle avoit été dans l’origine. Pour ce nouvel
i habitant de notre Globe, le monde venoit de fot-
B b