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qui exifte entre les membres 8c le corps. Dans les
Auftralafiens, le tronc eft bien conltitué, 8c tel
qu'il doit être chez des hommes de forte taille
doués d’une certaine vigueur phyfique ; mais des
bras longs & grêles, des cuifles & des jambes
fluettes, & qui femblent à peine capables de les
foutenir, traniffènt une foibleffe que les expériences
du dinamomètre ont démontrée. On ne
peut difconvenir que de telles formes ne montrent
un partage du genre Homme au genre Orang. Le
Champanzé ou Chimpanlé, qui eft l’ Orang noir
des mammalogiftes, n’a pas les bras plus longs
que l’Auftralafien, ni le mollet moins fort. Chez
les femmes, où les cuifles 8c les jambes font également
menues, le baflin n’eft guère plus prononcé
que chez les hommes, & la gorg e , à peu près
hémifphérique, n’acquiert qu’avec l’âge cette con*
formation pyriforme qui nous par oit fi défagréable
chezles individus femelles des efpèces éthiopienne
& hyperboréenne. Les plus bruts entre les hommes,
fortis peut-être les derniers des mains de la nature,
on ne leur connoît pas d’habitations fixes, pas
même de tentes ; leur intelligence ne va pas ft
loin que celle des Orangs, quand il eft queflion de
fe fouftraire aux intempéries du c ie l , qu'ils fup-
portent avec une réfignation ftupide. On fait que
les Orangs noirs & roux fe conftruifent des cabanes
de feuillage, 8c de véritables hamacs de
verdure dans les cimes des arbres» l’Auftralafien
paroît n’en pas l’avoir faire autant î à peine, lorsqu'il
allume un peu de feu pour faire rôtir quelques
coquillages , fe forme-t il un abri du côté du
vent avec quelques branchages groflièrement raf-
femblés, & qui ne le peuvent garantir de la pluie :
on les a foupçonnés a anthropophagie, mais fans
raifor.s fuffifantes. Ils font exclnfivement propres
à l'Auftralafie, d’abord appelée Nouveile-Hollande.
On les a plus particulièrement obfervés à la Nouvelle
Galles du Sud. On ne fait rien fur la durée de
leur v ie , mais on a de fortes raiions de loup-
çonner qu’elle eft moins longue que celle des autres
hommes. A cette efpèce appartiennent évi -
demment ces familles malheureufes répandues dans
la Nouvelle Guinée 8c dans les grandes îles de la
Polynéfîe, où tons les autres hommes femblent fe
plaire à les perfécuter fous le nom d’Haraforas,
d'Alfourous & d‘Endamtnes; elle compofa peut-
être la population primitive des Moluques, mais
à coup iûr i’île de Madagascar n’offrit jamais rien
d’analogue, c’eft une erreur que les voyageurs
répètent les uns d’après les autres ; & 1 idée de
faire revenir des nègres à extrémités grêles, crépus
ou non crépus, de quelque région africaine
que ce fo it, pour peupler la terre de Diémen, les
îles Fidji ou Mindanao, nous paroît insoutenable.
Aucune race éthiopienne n’ a jamais été naviga-
trice ; l’hiftoire l’attelle, & Madagafcar, fur fa
côte occidentale feulement, préfentoit quelques
familles cafres que le voifinage avoir pu y attirer >
mais, les Canaries, fi rapprochées de la Sénégam-
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bie , étoient peuplées d’atlantes 8c non de nègres
quand on les découvrit, tandis que les îles du
Cap-Vert, d’Annebon, du Prince, de Saint-Thomas
8c du canal de Mofambique, fi proches de
l’Afrique, demeuroient déferres. Comment des
hommes qui n’ avoient pas fongé à palier fur des
terres fi voifines qu’on en eût pu diftinguer plu-
fieurs du rivage oppofé , enflent ils traverfé l’O céan
indien & les écueils de la Sonde, pour aller
peupler à revers la Nouvelle-Hollande, avec les-
îles qui pour eux étoient les plus éloignées de
l’Univers ? Dans une pareille traverfée, ne fe-
roit-il pas refté la moindre famille éthiopienne
comme jalons fur les îles de Mafcareigne , de
Maurice, de Rodrigue & de Séchelles, qu’ on
trouva fans habitans quand les Européens les découvrirent
il y a peu de fiècles? D’ailleurs , ni les
Auftralafiens, ni les Alfourous ou Haraforas, ne
font des nègres, félon la lignification propre du
m o t, qui emporte, l’ idée de cheveux crépus, &
ceux des hommes bafanés à cheveux liftes qu’on
rencontre dans les parties orientales de Madagafcar,
dont nous avons examiné plufieurs, appartiennent
à la race malaife pure.
* * * Efpèces propres au Nouveau*Monde.
I X . E s p è c e c o l o m b i q u e , home eolomhicus.
Defcription. Celle-ci, qu’ on ne doirpas chercher
dans ce mélange de blancs & de nègres de toutes
les efpèces qui fe croifentfurle nouveau continent
depuis fa découverte, s’eft confervée aflez intatte
dans les folitudes où elle eflâie de fe mettre à
l ’abri des violences de l ’Européen. D’ un tempéra»
ment flegmatique & bilieux , les hommes y font
bien faits, plus forts que ne le font ordinairement
ce que l’ on appelle des fauvages, n’ayant pas
les extrémités grêles comme ceux de l’Auftra-
lafie î leur tête eft bien conformée, il en refulte
une figure agréablement ovale, où le front eft cependant
fingulièrement aplati. Le nez eft long »
prononcé, fortement aquilin ; la bouche moyennement
fendue, avec les dents verticales & le«
lèvres femblables aux nôtres L’oeil eft grand &
brun ; les cheveux font noirs, plats, gros, durs,
luifans, de moyenne longueur 8c dépalfant peu les
épaules, vers lefquelies on ne les voit pas boucler
: on dit qu’ ils ne grifonnent jamais. Les Co-
lombiques font prefque glabres, ou s’arrachent
foigneufement le peu de poils qui croiflent çà & là
fur les parties où d’autres peuples en ont beaucoup.
Ils répandent, quand ils font échauffés &
en lueur, une odeur que Ton prétend avoir quel*
qu’analogie avec celle du chien. La couleur de
leur peau eft rougeâtre , tirant fur celle du cuivte
de rofette. Chez les femmes condamnées aux travaux
les plus durs, & pour ainfi dire réduites à la
condition de bêtes de Comme, le fein, quoiqu’ un
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peu bas, eft aflez bien conformé, tant qu’il n’a
pas fervi à l’allaitement ; & la nubilité fe développe
de très-bonne heure, foit que «ces femmes
appartiennent aux tribus feptentrionales, foit
cu’elles faffent partie de celles qui vivent fous
l'équateur. On cite dans cette efpèce des exemples
de longévité.
Habitat. L’efpèce qui nous occupe fortit probablement
des racines des monts Alleghanys 8c
des Apalaches. Elle peuple vers le nord le vafte
baflin du fleuve Saint-Laurent, jufque par le 46e.
8c le 47e. degré. PafTant des Florides, & d’îles en
îles dans le Midi, elle occupa les rives orientales
des régions mexicaines, les Antilles, & ce qu’ on
nomme la Terre-Ferme, avec les Guyanes, depuis
le territoire de Cumana jufque fous la ligne, 8ç
toujours parallèlement aux côtes d’où les repouffent
de jour en jour les Européens. Les Canadiens
, les nombreufes peuplades qui s’effacent
peu à peu dans l’admirable état focial de l’Amérique
feptentrionale, les naturels de Jucatan 8c
de Honduras, les Caraïbes, les Galibis, lui appartiennent.
On a beaucoup difeuté pour (avoir d’ou
& quand ces peuples avoient dû pénétrer dans les
contrées où les Européens les trouvèrent, 8c
ceux-là même qui voulurent reconnoître en eux
desen fa ns d’ Adam, fe font complus à les exter- 1
miner. C e n’eft pas chez eux qu’il faut chercher
ces coiffures brillantes, ces tuniques & ces manteaux
nuancés de plumages, dont les peintres
ignorans ont coutume d’ affubler les Américains
dans leurs tableaux infidèles. Les Neptuniens exotiques
des bords de la mer du Sud employ oient au
Pérou ainfi qu’au Mexique de tels ornemens > les
Colombiens ne connoiifent d’autres moyens de
s'embellir que de fe barbouiller de rocou, & de fe
rendre ainfi encore plus rouges qu’ ils ne le (ont
naturellement. Sans imagination, fans énergie, ils
ont été partout facilement trompés 8c dépoflédés :
avant la fin de ce fiècle, il n’en exiftera plus probablement
que le fouvenit > ils auront difparu de
leur terre natale comme les Guanches des Canaries,
comme le dronte & les tortues de Mafcarei-
gn ë , comme les loups de T Angleterre. Ce font
ces Col orphiques q u i, fous le nom de Canadiens 3
8c de Caraïbes principalement, ont fourni aux phi-
iofophes du fiècle dernier le texte de ces déclamations,
où la fupériorité du fauvage fur l’homme
vivant en fociété policée étoit li pompeufement
établie II ne faut pas croire un mot de ce qu’on a
rapporté de leurs beaux difeours, & de la (agefle
des traités folennels qu’étoient cenlés conclure
entr’éux, en échangeant le calumet de paix, c’eft-
à-dire la pipe à la bouche, de tels barbares, naturellement
vagabonds, chaffeurs, greffiers, pard
ieu x, querelleurs , anthropophages , mangeant
non-feulement leurs ennemis vaincus, mais jufqu'a
leur propre père , afin qu’il ne foit pas mange des
v e r s , & repouffant avec une horreur^ motivée
peut-être par le mal qu’ elle leur f it , la civilifation
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où l’ on a tenté de les plier. Intempérans, altères
de liqueurs fortes , ils ne cultivent pas de champs,
8c ne forment de corps de nation nulle part.
Chriflophe Colomb ayant découvert- ou retrouvé
le nouveau Monde, auquel l’ingratitude de
l’ancien voulut qu’un autre nom que le fien- fût
attaché , nous avons cru devoir rendre hommage
à la mémoire de cet homme extraorJinaire, en
appelant Colombique celle des efpeces humaines
avec laquelle il mit les Européens en communication.
X . E s p è c e américaine, homo ame-
ricanus.
Defcription. Cette efpèce a été la plus imparfaitement
obfervée, & peut-être y reconnoitra-
t-on d’autres efpèces & furtout diverfes races,
quand les vaf.es régions où nous en plaçons
l’exiftence, auront été explorées par des voyageurs
plus foigneux de bien parler des pays
qu’ils parcourent, que de faire parler d eux. Ces
Américains, nous dit-on , préfentent quelques
: traits de la phyfionomie (inique, au point qu’ un
d’entr’eux, conduit en Europe par M.Augufte de
Saint-Hilaire, crut reconnoître fa propre race dans
certains chinois qu’il rencontra dans un lieu de
relâche, & qu’il falua du titre d oncles , tandis
que les Botocudos, peuplade américaine, font
d’ un brun-clair & quelquefois blancs vers les tropiques,
8c que les Gayacos, prefque fous la ligne,
font parfaitement blancs 5 les Charuas de
Buenos-Ayres, qu’ on nous dit être identiques,
font prefque noirs , & même fans nuance de
noirâtre, fous le 40e. degre fud. Les^ Omaguas,
par le 5e. degré méridional, font couleur de bif-
tre î ils ont le front fingulièrement difforme , avec
le ventre gros , la barbe très-fournie & la poitrine'
velue ; les Guaranis & les Caruados,.au contraire,
font à peu près glabres, c’ efl-à-dire fans poils
fur la poitrine ou au menton. I ous ces hommes
1 ont, à peu d’exception près , la tête ronde, d'un
volume Jifproportionné, enfoncée dans les épaule
s , lourde , aplatie au vevtex, avec le front
large, autant déprimé qu’ il eft poflible ; l’arcade
fourcilière très-relevée en dehors ; les pommettes
fort Taillantes ; les yeux éteints 8c petits 5 le nez
aplati avec l’aile ouverte , les lèvres girofles, la
bouche grande, avec les dents néanmoins verticales,
la peau tannée plutôt que jaune & cuivrée,
& les cheveux noirs, plats, femblables a du crin
par leur confîüance. Des mains 8c des pieds qui
pâfferoient, dit-on, pour parfaits chez les Euro-
ropéens mêmes, font des compensations à la laideur
de tous les Américains ; on les prétend à peu
près dépourvus d’intelligence > leur antipathie pour
lesColombiques eft, dit-on, extrême au point de
contaét des territoires refpeélifs. Le nom de Chi-
quitos, donné à certaines de leurs peuplades par
les Efpagnoîs, indique qu’il en eft dont la taille
Mm 1