
Quant à ceux de nos femblables qui tiennent à
s'ifoler dans la création, ils doivent d’autant plus
adopter nos idées fur la diverfité des efpèces dans
le genre humain, que la noblefie dans la leur en
iemble devoir être nécefiairement rehauffée } ils
pourront fans remords autorifer la traite des nègres
qui ne leur feront plus de fi proches parens.
Quant à nous, qui ne voudrions pas qu’on maltraitât
même le dernier des animaux, lailfant refp.ec-
tueufement de côté les preuves bibliques qu’ il
nous feroit facile d'accumuler en faveur de nos
idé es, c’eft par les faits matériels feulement que
nous effayerons de les établir.
De ce que le blanc & le nègre produifent en-
femble des métis féconds, & que par diverfes
combinaifons on peut ramener à l’ une des deux
fources les defcendans provenus de leur croife-
ment, l’ on a conclu qu’ il y avoit identité d’origine
! Cependant la faculté de produire des métis
féconds n’eft pas une preuve que le père & la
mère foient d’efpèces identiques. L’oegagre &|la
brebis , le loup & nos chiens , la linotte & le fe-
rin qui font d’efpèces très diftin&es, donnent le
jour , par leur union, à des êtres capables de fe
reproduire} mais du cheval & de l’ âne, pourtant fi
relfemblans, ne réfultent que des mulets ordinai ■
rement inféconds. Tandis q u e , dans un même
genre, on trouve fréquemment des efpèces ref-
femblantes qui ne fe fécondent pas l’ une l’autre,
ou dont l’ union adultère ne donne que des produits
ftériles 3 on en trouve d’aflez diiTembla-
bles dont les hybrides profpèrent, fructifient de
deviennent parfois des chefs de races toujours
reproduites, de qui finiffent même par acquérir
cette forte de phyfîonomie qui doit tôt ou tard
leur donner droit à l'admifiioL ou au rang des
efpèces.
llfaud roir, pour prouver que le blanc & le
nègre tiennent leur différence de celle des climats
fous lefquelsils vivent, que la lignée du nègre ou
du blanc eût changé fans croifement du blanc au
noir, ou du noir au blanc, après avoir été tranf-
portée du fud au nord -ou du nord au fud. La
chofe n’ a jamais eu lieu, encore que des é c r ivains
obftinés, dans leurs étroites vues d’identité
, l’aient affirmé} elle eft même impoffible. Ces
écrivains abufent de l’axiôme : que la couleur
n’eft pas un caractère fpécifique, & feignent
d’ignorer qu’ il eft cependant des cas où les couleurs,
quand elles font confiantes, fourniffent des
caractères fuffifans. On a particulièrement remarqué
fur la côte d’Angole, ainfi qu’ à Saii t-
Thomas fous la ligne, au fond du golfe de
Guinée, que les Portugais établis depuis environ
trois fiècles, fous l'influence d’un ciel de feu, ne
font guère devenus plus foncés qu’on ne l’eft généralement
dans la péninfule ibérique, & qu'ils y
ft>nt demeurés des blancs tant qu’ils ne fe font
pas croifés. Sous le brûlant équateur * qui tra-
yerfe dans l ’ancien .Monde la patrie des. Ethiopjens
couleur d'ébène de des Papous biftrés , on
n a pas trouvé de nègres en Amérique, où le s
naturels femblent au contraire être d ’autant plus
blancs qu’ ils fe rapprochent davantage de la ligne
équinoxiale} & la preuve que la couleur noire
n’eft pas caufée uniquement par l’ardeur des contrées
intertropicales, c'eft que les Lapons & les
Groenlandais, nés fous un ciel glacial, ont la
peau plus foncée que les Malais des parties lés
plus chaudes de l’Univers. Ceux q u i, parmi ces
hyperboréens, s’élèvent le plus vers les pôles, y
deviennent prefque des nègres.
Ce n’eft d ailleurs point de la couleur feule*
m.ent cltie efpèces d’hommes empruntent leurs
différences :.ces efpèces fe diftinguent encore les
unes dés autres par leur ftruélure & par plufieurs
traits de leur organifation intime, dont l’influence
s’ étend jufque lur les facultés intellectuelles, de,
conféquemment. qui déterminent le degré de développement
moral où chacune peut atteindre.
On a encore argué en faveur de l’ identité du
blanc & du nègre, de ce que les virus morbifiques
de les maladies contagieufes fe communiquent
de l’ un à l’autre. Nous n’entendons pas
nier cette trifte vérité , trop démontrée par le fu-
nefte échange que firent de la variole 8e de la
maladie fyphilitique l’ancien & le nouveau Monde.
Mais n’eft-il pas prouvé que le vice vénérien a été
communiqué à des chiens, & la petite-vérole à
des linges, 8e q ue , conféquemment, le même
virus petit agir dans certaines circonftances fur
des efpèces appartenant à des genres plus ou
moins, éloignés ? Si ôn conteftoit ce fait, ne fê
verroit-on pas réduit à convenir, après la de-
couverte de l’immortel Jenner , que l’homme
peut être confondu parmi les boeufs, parce que
les vaches lui fourniffent le vaccin ? Les ento-
mologiftes n’ ont-ils pas reconnu, d’ailleurs, que
les poux du nègre étoient d’ une autre efpèce que
les poux du blanc ? & l’on fait que la plupart des
animaux à fang chaud nourriffent, félon leur efpèce
, des parafites de ce genre toujours différens.
Enfin, a t-on dit encore fort judicieufement : « Si
les naturaliftes voyoient deux infedtes ou deux
quadrupèdes auflî conftamment différens par leurs
formes extérieures & leur couleur permanente
quelle font l’homme blanc &: le nègre, malgré les
métis qui naîtroient de leur mélange, ils n’ héfitè-
roient pas à en établir deux efpèces diftinétes. »
Linné, qui le premier claffa le genre Homme
dans le règne animal, en lui alfignant néanmoins
le premier rang, y admit d’abord deux efpèces,
Y Homo fapiens & le Troglodytes ,• ce dernier étoit
un être imaginaire, compofé de ce qu’on favoit
des orangs & de l’homme noéturne de Bontius,
qui n’étoit qu’un albinos mal obfervé. Lorfqu’il
eut acquis des notions plus exactes, il n’y ie-
connut que la première efpèce, 8e la divifa en
cinq variétés.
*. L’A méricaine brune.
L ’ E uropéenne blanche.
y. L’ Asiatique jaunâtre.
L ’A fric ain e noire.
t. La Mo n s tr u eu s e , compofée de toutes les
défeéiuofîtés qui fe rencontrent dans les quatre
autres.
Une telle divifion étoit inexa&e , aucune des
quatre parties du Monde de la vieille géographie
ne produit exclufivement une feule efpèce ou
variété, & le profeffeiir Necker, de Manheim,
s’éleva avec une forte de brutalité contre fon
auteur. 11 propofa d’autres divifions, n’ admettant
chez l’ homme que des races, mais en affez grand
nombre. Parmi ces races il en étoit une de la
terre du Labrador, dont les caractères étoient
d'avoir la figure toute couverte de poils comme
un Ours, mais qui n’exifte pas, & il adopta fans
difficulté la race des hommes à queue de vache ,
qui n’exifle pas davantage. Les hommes , pour
Necker, étoient d’une feule efpèce, mais d’une
efpèce qui n’étoit pas unique dans fon genre
appelé des Da c t y lo ph o r e s , c ’eft-à-dire portant
des doigts. Le pongo o i f orang-outang étoit la fécondé
efpèce du genre} les finges formoient la
troifjème, & Jèurs racés étoient, félon l’antago-
niJe de Linné , moins nombreufes que,les nôtres.'
Perfonne ne. fut tenté de 'relever ces rêveries 3
elles pafterent inaperçues dans un ouvrage b izarre
, intitulé Phyto^oologie philosophique'.
Buflfon, qui ne voulant pas que l 'homme fût un
animal, ne l en décrivit pas. moins dans fon Hif-
toire naturelle des a n im a u x n’admît pas plus que
le légiflateur du Nord d’efpèces- diftinétes. Se
bornant à mentionner diverfes races, d'après ce I
qu’ il put tirer des relations de voyages, il prépara 1
les matériaux d'un excellent travail que perfonne :
n’avoit eflayé de compléter après lui. M. Dtiméril,
dans fa Zoologie analytique, ouvrage fort efti-
mable, établit la famille des bimanes, où le
genre Homme fut feul admis. Suivant les traces ■.
de fes devanciers, ce lavant n’y vit point d ’efpèces,
mais fix races ou variétés principales lui
durent leur établilfèment : t°. la Caucafique ou
Arafre-éiiropéènnei i ° . l'Hyperboréenne} 30. la
Mongole } 40. l’ Américaine 3 j p. la Ma Life 3 ;
6 °. l’Éthiopienne. M. Cuvier, dans fa mémorable,
Hifloire du régné animal, les réduifit à trois fia i
Caucafique ou .blanche; 2°. la Mongolique ou
jaune ; l’Ethiopique ou nègre, en avouant néanmoins
qu’il ne favoit à quelle des trois rapporter
les Malais, les Papous & les Américains.;
Le géographe Malcebrun, à qui les fcfinces
naturelles n’étoient pas étrangères , porta le
nombre des races à feize , 8e fon travail fur le
genre humain, compris dans le premier volume
du grand Traité où le nom de Mentelie fe trouve
atrocié, mérite qu’ on le confulte. Les races que
mentionne le favant danois font les fuivantes :
1*. La R ace po l air e , qui répond à notre efpèce
hyperboréenne n°. 6.
2.0. La R ace fi noise du nord de l’Europe, qui
n'eft pour nous qu’un rameau de la fuivante , moderne
fans doute fur le G lo b e , car ce n’eft pas
fort anciennement que fa patrie , appartenant au
domaine de l’Océan , n’étoit habitée que par des
poiffons.
3°. La Race sclavone , qui répond exactement
à la fécondé variété de notre race germanique de
l’efpèce japétique.
40. La R ace g o th iço -germ an iqu e , répondant
à celle q u i , dans le préfent ouvrage, porte Amplement
le nom de germanique.
50. La Race de l’ E urope o c c id e n t a l e , que
nous appellerons Celtique.
6°. Les R aces grecqu e & p é l a g ien n e , qui
répondent à nos variétés caucafique & pelage de
l’ efpèce japétique n°. 1.
7°. La R ace arabe , qui eft notre race adami-
qtie de l’efpèce arabique n°. 2.
8°. La R ace t a r t a r e & m o n g o le , que nous
féparons en efpèces feythique n°. 4 , Sc finique
n°. y.
9®. La R ace in dienn e , qui forme notre efpèce
hindoue n°. 3.
ïo°. La R ace malaise, que nous avons qualifiée
d'efpèce neptunienne n°. 7.
' i i °. La R ace noire de l ’O céan p a c if iq u e ,
où l’ auteur paroît confondre notre race papoue de
l’efpèce neptunienne n®. 7 , & l’ efpèce pour laquelle
nous propofons le nom de mélanienne
n°. 14.
i i ° . La R ace basanée du grand O céan in d
ie n , qui eft la feçonde race océanique de notre
efpèce neptunienne n®. 7.
1 30. La Race m a u r e , qui répond exactement
à la race atlantique de notre efpèce arabique
n°. 2.
14°. La R ace nègre , qui repréfente notre efpèce
éthiopique.
iy° . Les R aces de l ’A fr iq u e o r ien t a le , où
M. Malcebrun paroît confondre nos efpèces cafre
n°. 1 & hottentote n®. i y , avec des tribus ada-
miques de l'efpèce arabique n°. 2.
i6°. Les Races d’A mérique, dont l’auteur paroît
regarder tous les indigènes comme formant
une race à part, mais dont il diftingue parfaitement
les peuplades étrangères venues du nord de
l’Europe, ou des parties de l’Europe oppofées.
Pinkerton, géographe anglais, dans un ouvrage
fur l ’origine des Scythes, s’ eft aufli occupé d’une
forte de claflification des races humaines de l’Europe
de de l'Afie. Il en donne même un tableau
qu'il qualifie de linnée«, ce qui prouve que les
tableaux dont les hommes forment le fujet ne font
pas des chofes absolument neuves, comme un anonyme
l’ a récemment imprimé dans le Bulletin du
baron d'Audelard de Feruffac, mais qui ne prouve
pas que ces tableaux aient été fort bien faits juf-
qu’à ce jour. Pinkerton penfe que l’Europe fut
peuplée par fix races primitives.
K k 1