
petite vallée contenant un beau bois d'oliviers, .
appelé Fra-Ramonio, fubit une révolution très-
extraordinaiie' : des fiffures innombrables tra-
verfèrent la plaine de la rivière dans toutes les
dire étions & abfcrbèrent l'eau, de manière que
la couche argileufe inférieure en fut détrempeè, \
& une grande partie en fut réduite à l’état de
pâte liquide. Il s’enfuivit d'étranges altérations
dans les lignes du fol, qui jufqu'â une grande
profondeur fe contournoit de toutes fortés de
manières. Ajoutons que les débris des collines
voifines furent précipitées dans les excavations
qui fe formèrent} & tandis que beaucoup d’oliviers
étoient déracinés, d’autres continuoient à
végéter fur les malles tombées & inclinées fous
divers angles. La petite rivière du Caridi di(parut
entièrement pendant quelques jours} & lorf-
*qu’ enfin on la revit, elle s’étoit creufé un lit
entièrement nouveau.
«Près deSeminara, un plant d’olivier étendu
-& un verger furent lancés à la diftance de aco
pieds, dans une vallée de 6 0 pieds de profondeur.
En même temps une cr.vafie profonde
s'ouvrit dans une autre partie du plateau élevé,
d'où le teirain avo t été détaché, la rivière y entra
auflitôt & laifla fon ancien lit à fec. Une petite
maifon habitée, lîtuée fur la malfe de ter-re qui
avoit été jetî'e dans la vallée, s’en fut avec
elle tout entière & fans dommage pour les ha-
bitans 3 les oliviers aufli continuèrent à croître fur
cette terre & donnèrent, la même année, une récolte
abondante.
» Deux efpaces de terrain, fur lëfquels. étoit
fituée une grande partie de la ville de Polif-
tena, confiftant en quelques centaines de maifons
, furent détachés & jetés dans un ravin
contigu, à environ un demi-miile de leur première
place } & , ce qu'il y a de plus extraordinaire,
on en retira plufieurs-des h.Eitans
vivans & fans bleflùres. Deux pièces de terre,
près de Mileto, appelées les Marini & Vati-
cano, furent entraînées à la diftance d’un.mille,
en defcendant une vallée. Une chaumière, âinlî
que de grands oliviers Sc mûriers, dont la plupart
relièrent debout, furent tranfportés fans être endommagés
à cette diftance extraordinaire. D’après
Hamilton, la furface déplacée avoit été long-.te-m.ps'
minée par de petits ruifleaux, qui fe trouvèrent à
découvert lorfque la place nue eut été abandonnée
par les champs. Le tremblement de terre femble
avoir ouvert un paftage dans les collines argi-
leufes voifines, par lequel l'eau chargée de terre
avoit foudainement pris fon cours dans les ruif-
feaux fouterrains immédiatement au-deiïous de
ces champs } de forte que toute la pièce de
terre fut mi Ce à flot.
» Un autre exemple d’abaiflement par lequel
les édifices ne furent pas détruits, eft mentionné
par Grimaldi, comme ayant eu lieu
dans la ville de Catanzaro, capiia'.e de la pr-ovince
de ce nom : les maifons du quartier nommé
San-Giufeppe s’enfoncèrent avec le terrain à des
profondeurs variables de deux à quatre pieds, mais
les bâtimens ne furent pas endommagés.
« Il feroit faftidieux & l’efpace ne nous per-
tnettroit pas de fuivre les différents auteurs dans
le détail local de gliflemens de terrains produiis
dans de nombreufes vallées plus petites! mais ils
font extrêmement intéreflans, en ce qu'ils montrent
jufqu'à quel point les vallées peuvent s’élargir
& de grandes portions de terrains être
ent^înées Vers^fa mer, dans les pays où les
tremblements de terre ont- des retours périodiques.
« Parmi d’autres territoires, celui de Cinque-
frondi fut confidérablement bouleverfé, plufieurs
parties du fol furent élevées ou abaiffées, & d'innombrables
filïures traverfèrent le pays dans toutes
les directions. Le long des flancs d'une
petite vallée dans ce canton, il paroît y avoir
eu une ligne non interrompue de gliflemens de
terrains.
« Vivenzio dit que, près de Sitizzano, une vallée
fut prefque comblée & mife de niveau avec les
terrains élevés de chaque côté, par les mafl’es
énormes détachées des collines voifines & jetées
dans le cours de deux ruifleaux. Cette barrière
forma un lac de deux milles de long fur un mille
de#large & d’une grande profondeur} le même
auteur dit qu’en tout, il y eut 50 lacs de formés
pendant les fecoufles, & il en indique les places.
Les infpecteurs du gouvernement en comptèrent
n y, mais ils y comprirent un gratd nombre de
petits étangs. •
« Près de Santo-Lucido, entr’autres lieux, le fol
eft décrit comme ayant été pour ainfi dire diflout,
de forte que de grands torrens de boue inondèrent
tous les terrains bas. On voyoit feulement
fortir de la vafe les cimes des arbres & les ruines
des fermes.
« A deux milles de Laureana, le fol humide de
deux ravins fe remplit de matière calcaire qui
fortit du terrain immédiat ment avant la première
grande fecoufle. Cette boue s’accumulant rapidement
commença bientôt à rouler comme des flots
de lave dans la vallée où les deux ruifleaux fe réunirent
& s'avancèrent avec une grande vitefle de
i'eft à l’ouefl. Ils préfentoient alors une largeur de
'500 palmes fur 10 de profondeur, & lorsqu’ils
çeffèrent d’avancer, il couvroier.t une furface d'un
mille italien de longueur. Dans fa route, ce torrent
engloutit un troupeau de trente chèvres & déracina
des oliviers & des mûriers, qui flottèrent
enfuite comme des navires fur fa furface. Lorfque
cette la v e c a lc a ir e eut celle de fe mouvoir, elle
devint graduellement fèche & dure, & pendant
ce changement elle bailla de 10 palmes. Elle
çontenoit des fragmens d’une terre ferruginétife
& qui exhaloit un odeur fulfureufe.
»Plufieurs des effets obfervés dans les plaines
d'alluvion indiquent clairement l’élèvement & l'a-
baiffèment alternatifs du terrain. Le premier réful-
tat des fecoufles violentes étoit^ ordinairement
\‘affechement des rivières, mais immédiatement
après elles débordoient. Le long des plaines d’al-
luvion, & dans les lieux marécageux , il s’éleva
un nombre immenfe de cônes de fable. Hamilton
explique ces effets en fuppofant que le premier
mouvement élevoit la plaine crevalfée de bas en
haut} de forte que les rivières & l’eau tlagnante
des marais defcendoit, ou du moins n’étoit pas
élevée avec le fol. Mais lorfque le terrain retour-
noit avec violence à fa première pofition , l’eau
étoit lancée en jets à traversées fiîures. «
Dans les rapports de l’Académie, on trouve que
quelques plaines furent couvertes de crêux circulaires
, la plupart de la grandeur d’une roue de
voiture, mais fouvent plus grands ou plus petits.
Lprfqu’ils étoient pleins d’eau jufqu'à un pied
ou deux de la furface, ils reflembloient à des puits,
mais en général ils étoient .remplis de fable fec,
quelquefois avec une furface concave , & d'autres
fois convexe. En les fouillant, on- les trouva faits
en entonnoir, & lé fabe humide & 'remué dans
le centre indiquoit lé tube paréequel l’eau jail-
liffoit. La planche Supplémentaire (fig. XIII ) repréfente
la coupe d’ün de ces cônes- renvêrfés lorf-
que l’eau eut difparu & qu’il n’y refta rien que
üu fable micacé fec.
« Le long des bords de la mer, dans le détroit de
Mefiine > prés du rocher célèbre de Seilla, la chute
de va fie S portions de rochers endommagea beaucoup
de maifons de campagne & de jardins. A Gian-
Greco, une ligne c o n t i h ü i ê de falaifes d'un mille
de long fut re'nvejrfée. On obferva fréquemment
une grande agitation dans ledit de la mer pendant
les fecoufles, & fur les.parties de la côte où le
mouvement étoit le plus violent, on prenoit du
p o i t ï b n de toute efpèce en plus grande abondance
& avce une facilité plus grande. Quelques efpèces
rares, comme celle que l'on nomiyie-cicireUi, q u i fe
tient ordinairement enterrée dans le Cable, furent
vues à la f u r f a c e e n quantité remarquable. On d i t
que la met bouillonnoit auprès7 de^ Meifine, <k
qu’elle étoit agitée comme fi beaucoup de vapeurs
fe dégageoient du fonds.
« Le prince de Seilla avoit perfuadëà une grahde
partie de fes vaflaux de le retirer dans leurs b u reaux
dépêché pour y être en fureté, & lui même
étoit allé à bord. Dans la nuit du 5 février, tandis
que quelques-uns d’entr'eux dormoient dans les
bateaux, & les autres fur une plaine unie , légèrement
élevée au-deffus de la mer, la terre trembla,
& tout-à-coup une mafle énorme fut arrachée
de la montagne voifine de Jaci, & lancée
avec un craquement terrible fdr la plaine : auflicôt
après la mer s’éleva de trente palmes au-defîus de
la plaine baffe, y roula en écumant, & balaya
ceux qui s’y trouvpient. Elle le retira alors , mais
revint avec une plus grande violence, rapportant
avec elle quelques-uns d:S individus & des animaux
qu’elle avoit entraînés. Dans le même temps
tous les bateaux furent coulés ou brifés contre la
côte, & quelques-uns d’entr’eux furent poufles
aflez loin dans l’intérieur. Le vieux prince &
1/430 des fiens périrent*.
Le nombre de perfonnes qui furent viflimes
du tremblement de terre dans les deux Calabres
& la Sicile, eft eftimé par Hamilton à 40,000,
en outre environ 20,000 furent enlevées par les
épidémies càufées par l’infuffifance de la nourriture,
l’expofition aux injures du temps & la
m a la r ia , occafionnée par les eaux ftagnantes. Le
plus grand nombre périt enterré fous les maifons,
tandis que quelques-uns furent confumés
dans les incendies qui fuivirent prefqu’invariable-
ment les fecoufles, & brûlèrent d’immenfes ma-
gafins d’huile & d’autres provifions. Un petit nombre
fut engouffré dans les crevafles & les fiffures,
& leurs fquelettes font peut-être enfevelis dans la
terre jufqu’à préfent à la profondeur de plufieurs
centaines de pieds ; car telle était la profondeur
de quelques - unes.des ouvertures qui ne fe refermèrent
pas.
i '« Les habitans de Pizzo remarquèrent que le y
février 1783, lorfque la grande fecoufle bouleverfa
la Calabre, le volcan de Stromboli, qui eft en
pleine vue de cette ville, à environ yo milles de
• diftance, fuma moins & lança moins de matières
enflammées qu’il n’avoit fait pendant les années
précédantes. D’un autre côté, on dit que le grand
• cratère de l’Etna & Stromboli laiffèrent échapper
beaucoup de vapeurs, le premier au commencement
& le-fécond vers la fin des commotions.
Mais comme aucune éruption de ces deux grandes
iflùes n’eut lieu pendant tout le tremblement de
terré , les caufes des convulfions de la Calabre
& les feux volcaniques de l’Etna & de Stromboli
paroiffent très-indépendans les uns des autres} à
moins toutefois qu’ils n’aient la même relation
mutuelle que le Véfuve & les volcans des Champs
Phlégréens & Ifchia, où un trouble violent dans
un canton fert de foupape de fureté à l’autre, &
qui ne font jamais en pleine activité à la fois.
« Il eft impoflible au géologue, ajoute M. Lyell,
d'examiner attentivement l’effet de ce feul tremblement
de terre de 178 3, & de prévoir les altérations
dans l’état phyfique du pays, auxquelles une férié-
continue de mouvemens pareils donnera lieu à l’avenir,
fans apercevoir que la formation des vallées par
les eaux courantes ne peut jamais être comprife,
fi l’on examine la queftion indépendamment de
l’action des tremblemens de terre. Les rivières
ne commencent pas à agir, comme quelques perfonnes
femblent l’imaginer, quand un pays eft
déjà très-élevé au-deflùs du niveau de la mer,
mais tandis qu’il s’élève & s'abaifle par des mouvemens
fucceflifs. Que la Calabre éprouve maintenant
un changement confidérable dans fon
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