
il a jugé que cet animal devoit être élevé de terre
de plus de quatre pieds , fans compter, ajoute-t-il,
la hauteur du pied lui-même , ni celle de l'épine du
dos au-dejfus de la cavité cotyloide. Ainfi cet animal,
inconnu fur la terre, furpaffoit en grandeur les
plus grands Crocodiles. De la forme tranchante
de fes dents, M. Cuvier conclut qu’il devoit être
très-vorace. Là fituation de fon fquelette au milieu
d’un nombre immenfe de mollufques marins,
annonce suffi qu’il devoit habiter l’Océan.
La localité de Stonesfield n’eft pas la feule en
Angleterre où l’ on ait trouvé des offemens de
Mégalofaurus ; on en a recueilli de plus grands
encore dans le fable ferrugineux de la forêt de
Tilgate. Dans ce même fable, on a auffi trouvé
des dents que M. Cuvier regarde comme ayant
appartenu a un reptile herbivore, ainfi que le
prouvent fes dents ufées comme celles des animaux
qui fe nourriffent d'herbages.
Pcérodafty/us. Sous ce nom, M. Cuvier défigne.
un genre de Sauriens qui diffère totalement de tous
ceux que nous connoiffons vivans ou foffiles : en
e ffe t,, il s’ agit ici d’ un Lézard volant au moyen
d ’ailes foutenues par un des doigts très-prolongés
de chaque membre antérieur.
Les terrains de calcaire fecondaire d’Aichftedt,
dans la vallée de l’Altmiihl, affluent du Danube,
analogues à ceux de Pappenheim par leur pofi-
tion & par leur proximité de cette dernière lo c a lité
, renferment dans leurs lits marneux & lchif-
teux feuilletés , exploités pour l’art de la lithographie,
des débris d’ offemens de Ptérodactyle.
M. Cuvier y a reconnu deux efpèces : l’ une
grande, à mufeau alongé , qu’il appelle P. longi-
rojtris ; l’autre pe tite , à mufeau court, qu’il dé-
ligne fous le nom de P. breyiroftris.
Ces animaux finguliers, que plusieurs obferva-
teursavoierït pris pour des oifeaux ou deschauves-
fouris, offrent dans leur fyftème oftéologique,
depuis les dents jufqu’ au bout des ongles , tous
les caraClères des Sauriens. Ils ont dû , félon
M. C u v ie r , en avoir auffi les écailles , la circulation
, les organes de la génération, & c . } de
plus, leur-têt-e, armée d’ un bec-garni de dents
pointues propres à faifir des infeCtes & d’autres
petits animaux , étoit attachée à l’extrémité d'un
long cou j ils étoient pourvus d’ailes membra-
neufes, & de la faculté de voler comme les oi-
lèaux , avec cette différence que les petits doigts
placés aux extrémités de-leurs membres antérieurs
pouvoient leur iervir à fe fufpendre aux branches
des arbres.
Ces animaux, dont on retrouve les dépouilles
au milieu d’un grand nombre d’autres qui ne
vivent que fous la zone torride, étoient, par l’ en-
femble de leur organifation, entièrement différens
de tous ceux que nous connoiffons.
M. Cuvier a encore reconnu une efpèce de
Ptérodactyle trouvée dans le même terrain, mais
beaucoup plus grande que les deux autres > il le
nomme P. grandis.
Crocodiles. La formation fecondaire de la rive
gauche de la Meurthe aux environs de Lunéville
, & qui fait partie des dépôts fupérieurs
du calcaire alpin, ainfi que l’ a reconnu M. Gail-
lardeau , naturalise difiingué de cette v ille , renferme
, fuivant cet obfervateur, au milieu d’un
grand nombre de mollufques pétrifiés, des offè-
mens d’animaux que M. Cuvier regarde comme
ayant appartenu à un reptile inconnu, voifin des
Crocodiles, ou tenant à la fois des Crocodiles
0 des Sauriens, & d’autres qui fe rapprochent
beaucoup de ceux de 13 Ichthyofaurus & du Plêfto-
faurus, dont nous parlerons ci-après.
Quant aux vrais Crocodiles, leurs débris of-
feux ne font point rares dans les dépôts du calcaire
fecondaire ancien- Ainfi les fehiftes calcaires
de la vallée de l ’Altmühl, dont nous avons parlé
plus haut, recèlent beaucoup d’offemens de ce
genre, lis fe rapportent à une efpèce voifîne du
Gavial, mais qui en diffère cependant aflez pour
être regardée comme inconnue. Soemmering en a
décrit un individu qui avoit à peu près la taille du
Gavial vivant, & auquel il a donné le nom de
Crocodilus prifeus.
Dans une argile fehifieufe grife qui forme les
pentes nord-oued de l'Albe deSouabe, montagne
qui appartient à la chaîne du Jura, lur les bords
de la Wils & de la Lindach, affluens du Ne cke r,
on a trouvé auffi d'autres offemens, que M. Cuvier
croit appartenir à un Crocodile de la même
efpèce que le précédent.
Le calcaire fecondaire des environs de C aen,
-connu fous le nom de Calcaire de Caen (voy. O rne) |
renferme auffi des reftes de ces animaux. Feu
Lamouroux, profefTeur d’ hiftoire naturelle à
C aen, poffédoit deux blocs de cette roche, qui
contenoient l’empreinte de la tê te , de la queue &
de plufîeurs autres os appartenant à une efpèce
qui offre quelqu’ analogie avec le Crocodilus prifeus.
Suivant les proportions ordinaires des Crocodiles
vivans, celui de Lamouroux annonce une taille
de près de vingt pieds de long. U eft à remarquer
que malgré les fractures qu’avoit éprouvées le
corps de l’animal iorfqu’ il étoit encore frais, fes
différentes parties foffiles ont confervé les écailles
qui les couvroient.
Quoique le but & le plan de cet article ne
nous permettent point d’ examiner la que fri on des
animaux foffiles fous le rapport zoologique, nous
ne pouvons paffer fous filence les favantes recherches
qu’a faites M. Geoffroy Saint-Hilaire,
fur le genre & l’efpèce auxquels appartient le Crocodile
de Caen.
Suivant ce célèbre zoologifte, l’ animal foffilé
dont il eft ici queftion eft très-voifin des Gayials,
mais il en diffère fous certains points de vue par
plufîeurs caractères d’ une telle importance, qu’il
prétend qu’on doit le confidérer comme un prodoit
mixte de mammifère & de Crocodile, c ’eft-à-dire,
qu’ il feroit placé fur la limite des reptiles & des
animaux beaucoup plus parfaits } d'où il a été
conduit à lui donner le nom générique de Teleo-
faurus ( t £;£/ƒ£/?, parfait, lézard), pour lequel
il a adopté la défignation fpécifique de Cadomenfis3
propofee par Lamouroux.
Enfin , des offemens d’un Crocodile de la même
efpèce fe trouvent dans le calcaire du Jura, &
comme le fait judicieufement remarquer M. C u vier
, il eft affez fingulier que cét animal, qui vit
dans l’eau d ou ce, ait laiffé d..ns une formation
marine des traces de fon exiftence.
Dans la marne bleue que l'on remarque fur les
bords de l’Océan, à Honfleur & au Havre, 0 fur
laquelle repofent ces énormes bancs de craie qui
forment les falaifes de la Normandie, ôn a découvert
des offemens appartenant à deux efpèces
de Gavials jufqu’alors inconnues}- l ’une ne paroît
pas avoir dû atteindre ?u-delà de douze pieds de
long.
Ils ont quelqu’analogie avecîe Crocodilus prifeus
de Soemmering. Ces deux foffiles, qui paroiffent
à la première vue voilins des'Gavials, à caufe de
la longueur de leur b e c , en diffèrent par les principales
parties offeufes d elà tête. M. Geoffroy
Saint-Hilaire leur a trouvé plus de reffemblance
avec les Crocodiles qu’avec fon Teleofaurus. Dans
la néceffité de les féparerde ces animaux,il leur
g donné pi ovifo ire men t le nom générique d e 57e-
neofaurus, pour indiquer l’étroitcffe de leur tête ,
& les dénominations Spécifiques de rofbro-mujor & de roftro-minor pour diftinguer la différence
qu’ ils offrent dans la longueur de leur bec.
Dans la foret de Tilgate en Angleterre, an
milieu d’un fable ferrugineux dont nous avons j
.parlé plus haut, & dont la formation eft inférieure
à celle de la craie, on a trouvé auffi dés
vertehres d’un Crocodile inconnu, dont la longueur
pouvoit atteindre neuf pieds.
Nous venons denumérer les principaux Sauriens
dont les offemens ont été découverts dans des
terrains Secondaires plus anciens que la craie j nous |
terminerons par un^coup d'oeil jeté fur la craie
inférieure qui appartient a la même formation.
La montagne de Saint-Pierre, près Maeftricht,
appartient évidemment, dans fa principale maffe,
à la craie, ainfi que l’ a fort bien fait remarquer
M. Brongniart. Elle paroît être recouverte d’ un
dépôt plus on moins épais de calcaire groffier,
qui renferme, ainfi que l ’ont ôbfervé Faujas &
Bory de Saint-Vincent, des coquilles bivalves,
telles que des peignes, des huîtres, des
cames, 8cc-, des fragmens d’univalves qui paroiffent
avoir appartenu à des murex, à des nautiles
} des enveloppes d’ourfins brifées, des dents
de fquales, des becs de feche, des dentales & des
débris de différens cruftacés & de madrépores.
« La roche qui compofe les parties inférieures
de cette montagne, dit M, Brongniart dans fon |
» Mémoire fur quelques terrains de craie hors du
m bajftn de Paris, s’éloigne de la craie blanche par
> fa ftruéhire grenue, fa confiftance friable, fa
» couleur jaunâtre , mais elle reffembie d’autant
« plus par là à la craie tufau. On ne remarque
» ici aucune ftratification difiinéle} la formation
« fédimentaire horizontale eft indiquée par de
» nombreux lits de filex, qui appartiennent plutôt
» aux filex cornés qu’ aux pyromaques, autres casa
raétères propres a la craie tufau. »
Nous pourrions ajourer à ces raifonnemens que
le calcaire de la montagne de Maeftricht femble
faire le paffage de la craie au calcaire groffier :
ce que l'on remarque d’ailleurs à quelques lieues
plus loin en remontant la Meufe} ca rc ’èft une loi
prefque générale en géo lo g ie , que toutes les
roches paffent par des nuances infenfibles d’ une
efpèce à une autre.
Mofafaurus. C ’eft dans la roche crayeufe de la
montagne de Saint-Pierre, riche d’ailleurs en débris
de divers reptiles , que l’on a découvert l’un
des plus grands Sauriens que l’on connoifle, &
auquel le favant géoîogifte anglais Conybeare a
donné le nom de Mofafaurus. Sa tête & quelques'
offemens, réunis dans un feul bloc calcaire, or nent
la riche collection du Muféum d’hiftoire naturelle
de Paris. C ’eft à la fois un des plus beaux
monumens géologiques & un des plus dignes trophées
des armées frànçaifes.
Faujas.rapporte, au fujet de ce foffile, une'
anecdote qui ne fera peut-être pas déplacée ici.
i
Lorfqu’on découvrit ces offemens en 1780, le
doéteur Hoffmann , habile naturalifte , qui raftem-
blo.it tout ce que l’on trouvoit d'intéreffant dans
la montagne, fe rendit à la carrière & travailla lui-
! même à les détacher avec précaution 5 mais il ne
demeura pas long-temps poffeffeur de ce morceau
que par fes foins, & furtout par fes connoiffances
en hiftoire naturelle, il étoit digne de conlerver.
Un chanoine de la ville , propriétaire du terrain
fous lequel étoit fituée la carrière, réfolut d’avoir
une chofe qu’on difoit être fi précieufe. « C e t
j » eccléfiaftique, dit Faujas ( Hijlûire de la mon-
» tagne de Saint-Pierre, pag. 44) , malgré fon peu
« de goût pour Thiftoire naturelle, imagina, à
« l'appui d’ une loi féodale , de réclamer un objet
« qui ne devoit certainement lui appartenir^ à
3D aucun titre, & qui ne pouvoit être aflîmilé à
n une mine d’or ou d’argent............... Hoffmann
»> défendit fa caufe avec courage } le chapitre in-
» tervint, le crédit du prêtre l’emporta, &
» Hoffmann perdit & paya les dépens.......... Le
» chanoine G . . . . , laiffant les remords aux juges
m pour je u r mauvaife déçifion, devint poffeffeur
>3 heureux & paifible de ce précieux débris. La
33 juftice, quoique tardive, arriva enfin avec le
33 temps. Il étoit dans la deftinée du crocodile de
33 changer encore une fois de place, & bientôt
33 après de maître. Les troupes de la république
I »3 françaife ayant, erç 17PJ, repouffé les Autri*