
après avoir coulé plufieurs jours, fe précipita
du haut d’une effroyable catara&e appelée Sta-
pafofsj- elle remplit l’abîme profond que cette
grande chute d’eau creufoic depuis des fiècles, 6c
reprit enfuite fon cours.
M Le 3 août, de nouveaux torrens de lave , for-
tant toujours du volcan par une nouvelle branche,
prirent, une autre dire&ion ; car le lit de la Skapta
étoit fi complètement rempli, & toutes les ouvertures
au nord & à l’oueft fi bien fermées, que
la matière fondue fut forcée de prendre une
autre route, 6c courant au fud-oueft., elle vint
le jeter dans le lit de la rivière Hverfisfliot 6c
y occafionna une fcène de deftruétion à peine
inférieure à la première. Ces laves d’IfLmde,
comme les anciens courans que l’on renconrre
en Auvergne & dans d’autres parties de la France
centrale, font mentionnées par Stapheufen comme
s'étant accumulées à une profondeur prodigieufe
dans les gorges étroites de rochers > mais lorf-
qu’elles arrivèrent aux plaines alluviales, elles
fe répandirent en grands lacs de feu, quelquefois
de i l à 15 milles de large fur îoo pieds de
profondeur.
33’ Lorfque le lac brûlant, qui avoit comblé la
vallée inférieure de la Skapta, eut été augmenté
par de nouveaux renforts j la lave rémonta la
rivière jufqu’au pieds des collines où elle prend
fa fource. Ceci fournit un cas fëmblàble à celui
que l'on peut préfenter comme étant arrivé à une
époque reculée dans la région du Vivarais , en
France, lorfqu’ un courant de lave fortit du cône de.
Thueys, & que, tandis qu’ une.de fes branches def-
cendoit, l’autre, plus puisante, remontoir l’Ardèche.
Les côtés de la vallée de Skapta préfenteur des
rangées fûperbes de colonnes-bafaltiques & de laves
plus anciennes, reffemblant à celles qui font à découvert
dans les vallées qui defcendent du Mont-
Dor, en Auvergne, où des courans-de laves plus
modernes, & fur une échelle bien inférieure en
grandeur à ceux d’ Iflande, ont auffi envahi ledit
des rivières exilantes. L’éruption de Skaptar-Jokul
ne ceffa entièrement qu’au bout de deux ans ; &
lorfque M. Paulfon vifita ce canton, en 17 74 , il
trouva que des colonnes de fumée s’élevoient encore
de diverfes parties de la bafe & des fentes
remplies d’eau chaude.
»3 Quoique la population de l’ Iflande n’excède
pas y0,006 âmes, il n’y eut pas moins de vingt
villages de détruits, non compris ceux qui furent
inondés; une immenfe quantité de bétail et plus
de 9,000 perfonnes périrent en partie par l’effet
de la la v e , d’autres par les vapeurs dangereufes
dont l'air étoit imprégné, 6c enfin par la famine
que caufèrent la chute des cendres dans toute l’île,
& la fuite des poilfons de fes parages.
3» Le volume de la matière fondue produite dans
• cette éruption eft réellement remarquable. Des
deux branches qui coulèrent dans des directions
prefqtfoppofées, la plus grande avoit yo milles
& la plus petite 40 de longueur ; la plus grande
largeur que la branche de la Skapta ait atteinte
dans les pays plats étoit de 1 y à 16 milles ; celles
de l’autre étoit de 7 milles. La hauteur ordinaire
des deux courans étoit de 100 pieds ; mais dans
les défilés ■ étroits elle' alloit jufqu’à 600. C e pendant
, quelque gigantefque que puiffe paroi
tre l'échelle de ces opérations volcaniques modernes,
elles font tout-à-fait infîgnifiantes, en
comparaifon des courans primordiaux, fi nous
adoptons les vues & les théories de quelques
géologues d’une grande célébrité. Le prbfeffeut
Brongniart -nous dit dans fon dernier ouvrage,
que ce aux époques géognoftiques anciennes, tous
33 les phénomènes géologiques fe paffoient dans
*3 des dimenfiôhs centuples de celles qu’ ils préfen-
33 tent aujourd’hui. 33 G ’eft pourquoi fi le Skap-
tar Jokul.eût été un volcan des anciens temps, il
eût vomi dans une feule éruption des laves cent
fois plus volumineufes que celles que la pré fente
génération a vues. Si nous multiplions le courant
décrit plus haut par c en t, 6c que nous fuppofions
que. la hauteur & la largeur retient les mêrrïes, il
s’écendroit à 9^000 milles , ou environ moitié, en
fis de la diftance du pôle à l’équateur. Si , d’un
autre côté, nous fuppofons fa longueur & f a largeur
rêvant lès mêmes , 6c que nous multiplions
la hauteurUans une égàle proportion, fon élévation
ordinaire fera de 10,000 pieds, 6c fà plus
grande plus du double de celle des monts Hymi-
laya. Parmi les. anciennes couchées, on n’ a pas
encore trouvé de roche ignée d’une grandeur
anfïi colofTale; de plus, il (eroit très-difficile de
montrer une matfe d’origine ignée d’ancienne
date, formée par une feule erupri m , qui put
rivalifer de volume avec, la matière' sortie du
SkaptarJokul en 178.3. C ’eft cependant un principe
reçu, non-feulement en France , mais, en
en Angleterre & dans d’autres pays., que nous devons
toujours fuppofer que l’énergie des forces
naturelles a été affaiblie 6c altérée, jufqu’à ce
qu’ôn puiffe démontrer le contraire;. 6c comme
nous n’avons encore examiné qu’une petite partie
du globe, il fe repréfentera peut être" plus tard
des preuves de la fupériorité de violence des fim-
ples éruptions volcaniques dans les temps reculés.
33 Eruption du Jorullo eni-j^y. Comme un nouvel
exemple de l’ étonnante échelle des' érup ions
volcaniques modernes, nous pouvons citer celte
du Jorullo, en 1759. La plaine de Malpais fait
partie d’un plateau élevé de 2 à 3,000 piedsau-
deffus du niveau de a mer, & eft bornée par des
collines compofées de bafaltes, de trachytes & de
tuf volcanique, indiquant clairement que cette
contrée déjà, quoique probablement à une période
reculée, été le théâtre de L’aètion ignée.
Depuis l’époque de la découverte du nouveau
Monde jufque vers le mi ieu du fiècle dernier j le
canton étoit reft’é tranquille, & l’emplacerifenc
s’élève aujourd’hui le vol an , & qui se trouve à
36 lieues de là mer la plus proche , étoit occupé
par des champs fertiles de cannes à lucre & d’ indigo,
& arrofé par deux ruiffeaux ,;le Cintimbajk:
le San-Pedro. Dans le mois de juin 1739, on entendit
des fans fourds d’une nature alarmante
les tremblemens de terre fe fuccédèrent pendant
deux mois, jufqu’ à ce qu’enfin, en feptembre,
des flammes fortirent de terre, 8c des fragmens
de rocs brûlans furent lancés à des hauteurs pro-
digieufes. Six cônes volcaniques compofés de
feories 6c de lave fragmentaire furent formés fur
la ligne d’une crevaffé qui couroit dans la direc-
tion’du N. N. E. au S. S. O. Le moindre de ces
cônes avoit 3-00' pieds de haut, & le ’Jorullo, le
volcan central, étoit élevé de i,6ç.opieds au-deffus
du niveau de la plaine ; il vomit de grands ruif-
feaux de lave bafaltique contenant des fragmens de
roches primitives, & fon aêfion ne ceiïa qu’en février
1760. M. de Humboldt vifîti ce pays vingt ans
après cet événement, & apprit des indiens que lorf-
qu’ils revinrent à la plaine long-temps après” la
la cataftrophe , ils en trouvèrent le ..terrain inhabitable
à caufe de fon excéffive chaleur. Lorfque 1er
voyageur pruffien vifita les lieux, il jLayoit autour
de la bafe des cônes, ^partant de ceux-ci comme
d’un centré, fur un efpace de 4 milles carrés,
ui.e malle de matière de yyc pieds de hauteur, de.
forme convexe, 6c s ’abaiffanr graduellement'vers
la plaine. Cette maffe étoit encore chaude; la
température, dans les fiffufes, affez élevée
pour allumer un cigare'à la profondeur de quelques
pouces. ^ur cette protubérance convexe il y
avoit des milliers de petites élévations coniques
et aplaties de'6 à-9 pieds de h a u t , 6c q ui, ainfi
que les fiffures qui traverfoientla plaine, àgiffoient
comme des fumeroles, 6c értfettoient des nuages
d’acide fulfur-ique & de la vapeur aquéufe &
chaude. Les deux petites rivières dont on a parlé
difparurent pendant l’éruption, fe perdant au-
deûous de l’extrémité orientale de la plaine, &
reparoiffant à l’oueft èn fources chaudes.
>3 Humboldt attribua la convexité de la plaine
à un. foulèvement, fuppofant que le terrain,
fur un efpace de 4 milles carrés, s^écoit euflé
en forme de veffie, jufqu’à l’élévation de yyo
pieds au-deffus de la plaine, dans la partie la
plus haute. Mais cette théorie, qui n’eft nullement
appuyée, fur l’analogie, n’ eft pas foutenue
par les faits, & il eft d’autant plus néceflaire
d’examiner les preuves sur lefquelles on fe
fonde, que l'opinion de Humboldt paroît avoir
été. admife^ comme fi elle eût été fondée fur
une obfervation directe, & l’on en a fait la
bafe d’autres théories hardies Ô extraordinaires.
M. Scrope a imaginé que l ’on pouvoit rendre
compte ae ce phénomène d’une manière beaucoup
plus naturelle, en fuppofant que les laves
coulant fimultanément des diffère ns orifices, &
principalement du Jorullo, s’étoient réunies en
GéOj aphie-Phyfique, Tome y .
une efpèce d’étang ou de lac. Comme elles
étoient répandues fur une furface précédemment
plate, fi leur liquidité n’ étoient pas très-grande ,
elles dévoient refter plus épaiffes & plus profondes
près, de leur fource, & diminuer de volume
vers les limites de l’efpace qu’elles occupent. De
nouvelles matières ayant probablement été rejetées
pendant l’éruption, qui dura un an, 6c quelques
unes d’elles reftant fur les premières qui
étoient forties, ne potivoient s’étendre qu’à une
petite diftance du côn e , où elles dévoient naturellement
monter à une grande hauteur. Les
matières "détachées & pulvérulentes provenant
des-fix cratères, & entr’autres du Jorullo,
dévoient être compofées de particules plus pelantes
& d’un plus grand volume près des cônes,
& dévoient élever le terrain à leur bafe, où èlles
avoient pu donner naiffance à l’argile noire que
l’ on décrit comme recouvrant la lave.
33 Les petites-é’évations coniques (appelées hor-
nitos eu fours) pouvoient reffembler aux cinq ou
fîx petites buttes qui exiftoient en 1823 fur la Jave
du Vefuve, & qui envoyoient des colonnes de
vapeurs, ayant été produites par le foulèvement
de petites maffes de laves en forme de dômes,
foulèvement occafîonné par le dégagement de
fluides élaftiques.
35 Les fiffures mentionnées par Humboldt comme
fe rencontrant fréquemment, font de l’efpèce de
celles qui arrivent naturellement par la confolida-
tion de la lave , qui fe contra&e en fe refroidif-
fân-tq & la difparition des rivières eft le réfultat
ordinaire de l’occupation par la lave, de la partie
inférieure d’ une vallée ou d’ une plaine, dont il y
a de très-beaux exemples dans les anciens courans
de laves de l’ Auvergne. La chaleur des hor-
nitos éprouva une diminution fenfible de ce
qu’elle étoit d’abord, 6c M. Btrllock, qui vifita
cet endroit plufieurs années après Humboldt,
trouva la température de la fource chaude très-
baffe, fait qui fembla indiquer claifëment la congélation
graduelle d’une couche inférieure de lave,
qui, par fon immenfe épaiflëur, peut avoir con-
fervé fa chaleur pendant un demi fiècle.
33 On cite comme un nouvel argument en faveur
de la théorie du gonflement intérieur, le fon
creux que font les pas d’ un cheval fur la plaine;
ce qui néanmoins ne prouve lien, fi ce n’eft que
les matériaux dont la maffe convexe eft formée,
font légers & poreux. Le fon appelé rimbombo
par les Italien*:, eft très communément produit
par un terrain factice lorfqu’ on le frappe vivement,
ôc on l’a obfervé non feulement fur les-côtés du
Vefuve & des autres cônes volcaniques où il fe
trouve une cavité au-deffous, mais encore dans la
.campagne de Rome, compofée en grande partie
de tufa 6c de roches volcaniques poreufes. La réverbération
en peut être excitée par des grottes
& des cavernes, car-ces dernières peuvent
être auffi nombreufes dans les laves du Jorullo
A a a ;a a