
remarquer combien de circonfiances s’ oppofent
à ce que l'on puilïe raifonnablement admettre,
dans Tétât a&uelle des fciences, quelques conclusions
précifes relativement à cette importante
queftion. ce On s’eft plu depuis long-temps,
» d it- il, à confidérer la diftrioution des plantes
» fur les penchans des montagnes comme une
»» repréfentation de l’échelle végétale, prife de la
»» bafe de ces montagnes au pôle. C ’eft un de ces
»> grands aperçus qui naiffent d’un premier coupas
d’oeil jeté fur l’ordonnance de la nature, &
»> qui appartient à Tinftinét de la fcience plutôt
» qu’ à fes méditations.. . . Nul dt>_ute que l’abaif-
» fement progreflif de la température ne difpofe
« les végétaux à fe ranger fur les divers étages
» des monts comme aux différentes zones de la
»» terre. Il eft reconnu, par exemple, que les
» arbres s’ arrêtent à certaines hauteurs comme
» à certaines latitudes, & qu’il y a une analogie
» remarquable entre les plantes voifines des glaces
» arétiques 5 mais on doit s’attendre auiïi à trouver
» cette conformité plus ou moins modifiée par
« la nature des deux ftations & les circonfiances
» qui les diftinguent. Des températures qui fem-
»» blent pareilles, à ne confidérer- que leur terme
» moyen, font loin d’avoir la même marche &
« d’être pareillement graduées. On ne retrouve
« au nombre de leurs élémens ni le même ordre
» de faifons, ni une fuccefiion femblable des
« jours & des nuits. L’état de l’air, le poids de
« les colonnes, fa conftitution & fes mélanges,
** la nature des météores dont Tatmofphère locale
» eft habituellement le théâtre, viennent encore
sî apporter dans la fimilitude générale des diffcm-
» blances particulières. Enfuite les terrains ont
» leurs exigences ; la diffémination, les migra-
» dons des végétaux ont leu:s caprices, & les
» diverfes régions du globe, diversement dotées
» dans les diftributions primitives, livrent à Tin-
» fluence de climats analogues, des fériés d’ef-
» pèces toutes différentes. Ainfi, la fimilitude
» qui paroît régner entre la végétation alpine &
» la végétation polaire, doit fe borner à des ref-
» femblances généralès, & porter plus rarement
»s fur les efpèces, plus fouvent fur certains genres
» & certaines claffes. Les obfervations de détail
« qui tendent à fpécifier exactement les faits
w parviendroient feules à fixer le caractère de ces
» claffes. »
L’obfervation de Ramond eft extrêmement jufte :
la végétauon dans les différentes régions des montagnes
ne préfente que des analogies générales,
avec celle des grandes régions terrestres, & la
caufe en eft facile à comprendre, puifque ces
grandes régions éprouvent des modifications di-
verfes, fuivant la nature du terrain,-ou le degré
d'humidité ou de fécherefle auxquels elfes
font expofées, tandis que celle des montagnes
éprouve principalement l’ influence de la raréfaction
de l’air & de la chaleur du foleil 5 mais
il n’en eft pas moins certain, comme le démontrent
les obfervations les plus vulgaires, que l’élévation
du fol influe à un très-haut degré fur la
température & la végétation. Qui n’ a remarqué
le retard que celle-ci éprouve fur des plateaux
d’une centaine de mètres de hauteur feulement,
comparée avec celle des plaines baffes ou des
vallées ? Qui ne fait que l’hiver règne encore fur
les Alpes & les Pyrénées, lorfque les fleurs
printanières couvrent les plaines de la France
feptentrionnale ? Qui ne fait enfin que c’eft T élévation
du fol de l’Afie centrale qui étend fa région
froide jufqu'au 35*. parallèle, de telle forte qu’en
montant du Bengale au T ib e t , on fe croiroit
en peu de jours transporté de l’équateur fous le
pôle ?
Nous avons dit que l’obliquité des rayons du
foleil qui traverfent notre atmofphère contribue
à produire à la furface de la terre les différences
de température qu’on y obferve, ou du moins,
que cet aftre eft une des caufes qui influent le
plus fur cette température, car il ne faut pas oublier
que la chaleur propre du globe exerce
une aétion plus ou moins dire&e, dont les lois
feront peut-être connues un jour. Quelques auteurs
ont été jufqu’ à nier Ta&ion directe des
rayons folaires; fi cette opinion étoit bafée fur
des faits, il faudroit attribuer à la feule chaleur
centrale de la terre la température que Ton
éprouve à fa lurface; mais cette fuppolition eft
inadmillible, ca r , en l’admettant, il faudroit que
la température fût la même à la même hauteur dans
toutes les montagnes, & puifqu'il en eft autrement,
il eft naturel de penler, nous le répétons,
que les différences que Ton remarque tiennent
à Taétion du foleil fur les zones de Tatmofphère.
De là vient que la limite des neiges varie
de hauteur fuivant les latitudes, parce q ue , fuivant
K s latitudes, les rayons folaires traverfent
Tatmofphère avec plus ou moins d'obliquité.
T ableau de la limite des neiges dans les différentes
régions du globe.
Sous l’équateur, aux Andes..................... *,460
Sous le 19e. degré, au Mexique......... .. 2,550
Sous le 28e. deg. 17 min., au pic de T é -
nériffe................................ - .......... .. •-» .............1 >7°®
Sous le 30e. deg., pentes méridionales
de THymalaya................ . ....................... . U9J?
---- - pentes feptentrionales des mêmes
montagnes.............................. 1,605
Sous le 37e. deg. 10 min., à la Sierra
Névada d'Andaloufie, pentes feptentrionales
, feulement............................. ............... 1,300
Sous le 37e. deg. 45 min., à l'E tn a.----- 1,418
Entre les 41e. & 43e. d eg., au Caucafe. 1,650
Entre les 42e. & 43e. d eg ., fur les Pyrénées
, pentes méridionales......................... 1,300
-----pentes feptentrionales.................. ' 1 456
Encré .
tdifes.
Entreles45c. & 47e* deg., dans les Alpes. 1,370
Entre les 61e. & 62e. d eg., en N o rv è g e . 8 50
Sous le 65e. d e g ., en Iilande.................... ) )o
Entre les 65e. & 70*. deg., en Laponie. 366
Entre les 75e. & 78e. deg., à la Nouvelle-
Zemble & au Spitzberg.................................. 150
On a effayé de conftater quelle eft la marche
que fuit le décroiffement de la chaleur en s ’é levant
de la furface de la terre jufque dans les plus
hautes régions de Tatmofphère. Sauffure, à qui
l ’on doit tant d’ obfervations en ce genre, a reconnu
que les variations diurnes & annuelles,
que Ion reffent à la furface de la terre, deviennent
nulles à certaine hauteur. A environ
50 toifes au-deffus du niveau de la mer dans,
les climats tempérés, la température préfente
une différence d’ environ 50 deg. pour fes deux
extrêmes5 c’e f t - à - d i r e qu’en été elle pourra
être de cette quantité plus grande qu’en hiver, j
Sauffure eftime qu’ à 30,000 toifes cette variation
n’eft plus fenfible. A la furlàce de la terre,
dans nos climats, la variation diurne eft de 10
ou i f degrés j on eftime même que la plus
grande chaleur du jour, comparée a la moindre
chaleur de la nuit, pourra préfenter entre les
termes extrêmes une différence du double : à la
hauteur de 2,500 à 3,000 toifes, cette variation
diurne eft tout-à-fait nulle.
Pendant les afeenfions aéroflatiques que M. Gay-
Luffac fit en 1804, aux mois d’ août & de fep-
tembre, il a pu conftater des variations à la
hauteur la plus confidérable où nul homme ne
s’ étoit encore élevé. La rapidité avec laquelle,
pendant ces afeenfions, le ballon paffe d’une couche
atmofphérique à une autre, & la lenteur avec
laquelle le thermomètre prend la température de
l’ air, font des obftacles qui s’oppofent à ce qu’on
puiffe conftater d’une manière précife, dans de
telles expériences, la diminution de température5
aufli l’habile & courageux phyficien s’eft-il abftenu
de tirer aucune conclufion pofitive de fes obfervations.
11 a cependant conftaté qu’en comparant
la température du bas de la colonne d’ air avec
celle de la partie fupérieure, c’ eft-à-dire à 7,600
mètres d’élévation, le décroiffement de chaleur a
été d’un degré par.................................... 173 mètres.
Que du bas de la colonne parcourue
jufqu’à la moitié de la eburfe, c’eft-à-
dire jufqu’à 3,691 mètres, le décroiffement
a été de 1 degré par..................... 191
Que, depuis ce dernier point jufqu’au
terme de Tafcenfion, le décroiffement a
été de 1 degré par.................................... 141
Qu’enfin, de 5,000 à 7,000 mètres,
èfpace pendant lequel les variations de
température hçraires ont eu le moins
d'influence, le décroiffement a été de
1 deg. par...................... ............................ 134
Géographie-P hyfique. Tome K.
Ajoutons à ces faits le réfultat des obfervations
thermométriques faites par M. de Humboldt dans
les Andes & dans les Pyrénées, indiquant la température
moyenne, & nous verrons encore quel elt
fon décroiffement en raifon des hauteurs.
MÈTRES. TOISES.
ZONE TORRIDE.
L a c ir . o ' à i o ° .
ZONE TEMPÉRÉE.
L a t ic . 45 à 4 7 °.
O O 2 7 ,5 12,0
974 5 o o 2 1 ,8 5 ,0
i ,9 4 9 1,000 18 ,4 0 ,2
a,'9 23 i , 5 o o i 4 , 3 4,8
3 ,900 2,000 7 ,0 • . ”
4 ,8 7 a 2 , 5oo i , 5
Dans le tableau ci-deffus le décroiffement n’eft
pas proportionné à la hauteur, furtout quand
elle devient très-grande j cependant elle diffère
peu dans les deux zones à 974 mètres d ’élévation.
L’une donne 5 degrés t j , & l’autre 7 degrés : la
moyenne de ces deux quantités étant 6 on
trouve que 1 degré de diminution dans la température
répond à environ 154 mètres. Les différences
de 16 & 16 degrés tz des températures
extrêmes dans les deux zo n e s , conduifent
dans la première à 1 degré pour 187 mètres, &
dans la fécondé â 1 degré pour 174.
Température fuivant Vexpofition des terrains , les
latitudes & le voifinage des grandes mers. Perfonne
n’ ignore que fur un coteau incliné au midi d’ environ
45 degrés, le foleil étant élevé également de
45,degrés, le coteau recevra les rayons folaires
directement; tandis que dans une plaine, ces
mêmes rayons tomberont fous un angle obtus
de 45 degrés, plus grand qu’ un angle droit : c’eft-
à-dire que les rayons auront un quart de moins
d’énergie fur la plaine que fur le coteau. Un co teau
incliné au nord de 4 y degrés, fera au contraire
frappé des rayons folaires fous un angle de 90 deg. ;
ils glifferont alors fur fa furface & auront encore
moins d’intenfîté que dans la plaine. Si le terrain
au lieu d’être incliné de 45 degrés au nord, l’eft
fuivant une pente qui fe rapproche de la perpendiculaire,
il fera conftamment dans l’ ombre. Ces
différences, dont on trouve tant d’applications &
d’exemples dans la nature, expliquent celles qu’é prouve
la végétation fur les côtés plus ou moins
inclinés des vallées dirigées de l’eft à l’oueft.
L’ expofition d’un terrain préfente encore de
grandes différences, félon qu’il eft plus ou moins
dirigé vers l ’un des quatre points cardinaux :
ainfi, celle du couchant eft néceffairement plus
chaude que celle du levant. Dans cette dernière,
le foleil frappe le terrain incliné de 45 degrés depuis
le matin, fous un angle droit, jufqu'à midi;
a cette heure les rayons commencent à le frapper
fuivant une obliquité qui s’accroît jufqu’ au point
de ne faire que gliffer fur fa furface; tandis que
les coteaux expofés au couchant' reçoivent à