
la fonrce d’un grand nombre d’erreurs : un peuple
mifêrable & long-temps elclave vient fe fixer dans
une contrée qui lui parole d’autant plus belle qu’il
a long-temps erré dans le defert; cette contrée eft
traverfée par plufieurs chaînes de montagnes dont
les principales forment un baflin de 7 y lieues d e .
long fur environ 20 de large. Un lac occupe le
centre de ce baflin , c’ efr une mer; une rivière s’ y
jette j c-eft la plus belle de la contrée, & comme ,
toute grande rivière qui fe jette dans la mer eft un
fleuve, le Jourdain reçoit le nom de fleuve.
Mais les fié clés s’écoulent, cette contrée ravagée
par les conquérans qui fe fuccèdent devient
prefque déferte, & le voyageur qui vifitedes lieux
que trois mille ans de Couvenirs ont rendus célèb
re s , fe rejouit de voir ce majeflueux Jourdain’,
il ne trouve qu’un ruifieau; l’Oronte même qui,
plus confidérable, a reçu des Anciens le titre de
fleuve , n’eft en quelque forte qu’ un torrent. On
cherche alors à expliquer la caul'e de cettaéton-
nante métamorphofe, 8c l’on va jufqu’ à foiitenir
que ces contrées font déchues , que les eaux y
ont tari avec la profpérité de leurs habitans , &
que quelques fiècles ont fuffi pour opérer ces chan-
gemens. 5
Si ces cours d’eau ou d’ autres qui femblent
avoir participé à la même déchéance , avoient
toujours porté le nom de rivières, ces idées ne
fe feroient point préfèntées à l’efpyt dt^voyageur.
L’Européen qui arrive en Orient, & qui, trompé par
le nom defleuve} s’ attend àtrouver dânsle Jourdain
8c l’Orome une étendue, une largeur comparables
à celles du Rhône, de l’Ebre ou du PÔ, doit né^
cefifaircraent être porté à chercher la caufe de
leur diminution. Cependant d’où naîtroit celle-
ci ? Les montagnes au pied defcpieHes le Jourdain
6c l’Oronte prennent leurs fources font-
elles moins hautes que jadis ? Certainement^ja diminution
qu’elles pourroient avoir éprouvée n’eft .
pas plus lenfibîe que celle qui a pu avoir lieu dans
les Alpes & dans les' Pyrénées , & cependant on
ne s’ell point encore a vile de dire que le Rhône
& l’ Ebre aient depuis mille ans diminué de largeur
& de rapidité. On a dit au fil que le Tibre avoit
’ éprouve une diminution fembiabld 5 mais c’eft parce
que l’ idée majeftueufe qu’en donnent les poètes
romains, idée qui tenoit à la fuprematie politique
de Rome 8c à-.i’orgueil--du peuple-roi, nous
a habitués dès l'enfonce à nous reprefenter le T i bre
comme un beau fleuve , & que nous fommès
étonnés en le voyant qu’ il ne réponde pas au
tableau que nous nous en femmes fait. Cependant
fes fources font toujours à la même place
dans lés Apennins. Son cours n’ a jamais excédé
60 lieues, ion lit a toujours été étro it, fes eaux
profondes & fon courant rapide.
Il eft donc eflentiel, pour éviter de femblables
conjectures à l’avenir, & principalement pour
l’ exaétitude des termes , objet d’uije grande importance
dans toutes les feiences, de définir ce
qu’ on doit entendre par ru’jfeau , rivière 8c
fleuve.
Un ruijfe.cm eft le plus petit de tous les cours
d’eau; fon cours „peut a-être pas toujours rempli*
Une rivière eft alimentée par un ou plufieurs
ruiffeaux , par une ou pluueurs rivières ; ^lle
peut ne pas être comme être navigable; elle
peut enfin fe jeter dans un fleuve comme dans
Une mer, mais fon cours eft toujours régulier.
Un Jîeuve eft alimenté par une ou plufieurs
rivières navigables ; il fe jette toujours dans la
mèr.
Il ré fuite de ces définitions qu’ une rivière -
qu’ un fleuve peuvent être plus ou moins coofidé-
rabies , mais qu’on ne les confondra jamais. Ainfi
une rivière qui n’auroic point d’affiuens ou qui fe
jetÈeroit dans la mer, auroit-elle même un cours
confidérable , n’en feroir pas moins une rivière;
tandis qu’une rivière, alimentée par plufieurs autres,
deviendra un petit nëuve, fi elle fe jette dans
l’Océan.
La dénomination de fleuve 8c de rivière, fondée
fur l’importance de leur cours 8c fur leur embouchure
dans la mer, eft d’autant moins exatfe qu’un
cours d’eau , comme la T amife , par exemple , de.- ‘
vroit, fous le rapport de fon importance , rentrer
dans la claffe des rivières, puifqu’ elle n’a que 80
lieues de cours, tandis que fous le rapport ae fon
embouchure dans la mer, confédérée comme un
titre à la dénomination de fleuve , elle obligeroit
à donner la même dénomination à beaucoup de
rivières plus ou moins importantes qui fe jettent
dans l’Océan. Ainfii’Orne pourvoit ê tre , fous ce
rapport, confédérée comme un fleuve.
Toutes ces incertitudes, nous le répétons,
exigent que l’on trace entre- les fleuves 6c les rivières
une ligne de démarcation bien tranchée.
Nous croyons donc, en attendant qu’ on en adopte
une meilleure, propofer la diftinèlion ci-deftus.
( J . H.)
Rivières qui fe perdent. On a parlé à l’article
Eau de ces. rivières qui fe perdent 8c dont plufieurs
exemples font connus en France..Nous avons vu
en décrivant le cours du Rhône, que ce fleuve fe
cache dans un endroit célèbre tons le nom de
perte du Rhône. Un grand nombre de cours d’eau
moins importans offrent ce phénomène d’une manière
meme plus marquée. On pourroit faire une
lifte confidérable de toutes les rivières qui fem--
blent difparoître ainfi dans le fein de la terre,
mais nous ne citerons que quelques-unes de celles
qui arroiënt notre fol. C e i'ontVAure , le Drom ,
\\Eure, VIton , le Kirvifien, la Meufe , la Rilie , le
Su[on , la Venelle 8c YYère.
U A arc 8c le Drom laiflent une partie de leurs
eaux dans les plaines & lesprairies des environs
de Bayeux ; elles fe réunifient enfuite pour fe
perdre daas un goufre appelé la Fojfe du Soucy,
dont
dont la largeur eft de vingt-cinq pieds 8c la profondeur
de plus de quinze. Elles continuent leurs
pentes vers la mer ; cependant ce n’eft qu’ à la
marée baffe qu’on voit reparoître leurs eaux à une
lieue du gourre.
UEure difparoît également fous une partie du
fol de. la forêt de Senonches.
UItont dans le département de l ’Eure, fe perd
à V illa le t, pour reparoître à une lieue & demie
plus loin. *
Le Kirvijten, petite rivière, ou plutôt ruifieau,
dont une partie coule dans un canal creufé pour
les mines d’H uelgoat, dans le département du Fi-
niftère, & dont l’autre difparoît entre des roches^,
où elle forme une belle cafcade & ne reparoit
qu’à environ huit cents pas plus loin.
La Meufe fe perd dans les terres au-deffous du
village de Bazoille, & ne reparoît qu’à Neuf-
château ; v
La Rilley dans le département de l’ Eure, s’enfonce
fous terre fur un efpace d’environ une lieue,
aux environs de Beaumont.
Le Su{On, dans le département de la Côte-d’Or,
difparoît dans les terres 8c reparoît bientôt.
La Venelle, dans le même département, s’ab-
forbe dans des prés aux environs de Selqngey,
fans laifler voir aucune cavité.
VYèrey petite rivière qui fe jette dans la Seine
à Villeneuve, eft une de celles dont les eaux fe
perdent auflî dans la terre.
Ces exemples, & beaucoup d’autres, prouvent
qu’ il exifte prefqu’ à la furface du fol des cavités
plus ou moins confidérables qui fervent de canaux
d’écoulement aux eaux de quelques rivières,
comme à celles des fources. (De fait n’a rien qui
doive furprendre ; nous y reviendrons en parlant
des Sources. (J. H .)
RIZIÈRES. Au mot Aracan on £ renvoyé le
leéteur à cet article; nous ne pouvons donc nous
difpenfer de parler de ces champs de riz fi fertiles
dans l’ Inde par les débordemens de certaines
rivières., quoique ce fujet fe rapporte plutôt
à l’agriculture qu’ à la géographie phyfique.,
Le riz eft, comme tout le monde le fait, une
plante annuelle de la famille des graminées; c ’eft,
de tous les végétaux utiles, celui qui nourritie
plus grand nombre d’hommes. Les peuples méridionaux
de l’ Afie , de l’Afrique 8c de l’Amérique
en font leur principale nourriture, & la plupart
des Européens en confomment beaucoup : c’eft
ce qui fait que fa culture eft même plus répandue
que celle du blé.
Le riz eft une plante en quelque forte aquatique
; il a befoin d’être inondé fouvent pour produire
d’abondantes récoltes. Auflî les débordemens
périodiques de quelques rivières de l ’Afie
font-ils favorables à la culture de cette plante.
Cependant elle n’ aime point indifféremment toutes
le s eaux; plus celles-ci font pures, mieux elle
Géographie-P hyfique* Tome V*
réuflît 8c plus fon grain eft bon : les eaux des
étangs 8c des marais ne lui font donc point convenables
? Il faut même pouvoir inonder les rizières
8c les mettre à fe c , en quelque forte à
volonté, pour obtenir une récolte abondante 8c
une belle qualité de riz. Quand les terres enfe-
mencées de riz ne font point, comme nous venons
de le dire, expofées à des inondations périodiques,
le cultivateur eft obligé de ménager au
milieu de fes rizières une grande quantité de rigoles,
dans lefquelles il dirige les eaux à volonté
6c en quantité fuffifante, au moyen de digues,
à l’aide defquelles il les raffemble dans certains
efpaces convenables. On cite, à la v érité,
quelques rizières placées dans la Cochinchine fur
des lieux élevés, mais il faut faire obferver que
les montagnes fur lefquelles elles font établies,
fon t, pendant l ’été , expofées à des pluies journalières
, qui remplacent en quelque forte les irrigations.
Nous en avons dit affez pour prouver que le
principal point de vue fous lequel on puifle con-
fidérer le r iz , dans les queftions relatives à la
géographie phyfique, eft l’abondance de l’eau
qu’il exige pour profpérer. Il eft donc eflentielle-
ment utile dans les contrées chaudes expofées à
des pluies fréquentes ou fur le bord des rivières,
qui, comme le N i l , le Gange, 8cc. , éprouvent
des crues périodiques qui amènent.des inondations
paflagèrès, ou qui facilitent les moyens
d’ arrofer le fol à volonté ; auflî eft-ce vers le 48e.
degré qu’ il profpère le plus. Un autre point de
vue'de géographie phyfique, fous lequel les rizières
peuvent être confiaérées, c’eft l’utilité du
riz comme nourriture, pour les peuples foibles
& énervés- de certaines contrées afiatiques. La
graine de cette plante renferme beaucoup moins
de parties nutritives que le froment, & cependant
une poignée de riz fuffit pour nourrir pendant
un jour l’ homme du peuple dans l’Inde &
dans la Cochinchine; 8c de plus, la préparation
du riz eft beaucoup plus facile que celle du blé :
il n’ a pas befoin d'être réduit en farine pour
fervir d’aliment ; ramolli Amplement dans l’eau
chaude, il fe digère moins vîte que lorfqu’on le
fait crever par la cuiflon, & il remplace alors avec
avantage le pain de froment. (J. H .)
RO A. Ile volcanique. Voye\ V olcans.
RO C DE T A U . Voye^ Gironde.
ROCHES. On comprend fous la dénomination
de roches , les fubftances minérales qui formant
des dépôts , des couches, ou des malfes plus ou
moins confidérables, compofenc la croûte ou , fi
l’on veut, l ’épiderme de notre planète. Les roches
font fimples ou compofées, homogènes ou hé<-
térogènes, fuivant qu’elles font formées d’une
ou de plufieurs fubftances. Leur groupement fous