
C ‘eft un fait généralement admis, que le voifî-
nage de la mer modère les températures exceflives :
ainfi , fous les zones brûlantes, les régions maritimes
font moins chaudes que les plaines centrales,
& dans les latitudes élevees , les côtes & les îles
font moins froides que l'intérieur des continens.
La caufe en eft fans doute dans la nature & la
tranfparence de l'eau qui la rendent moins fufcep-
tible de s'échauffer & de fe refroidir que la terre.
Ajoutons aufli que les eaux de la mer > mêlées
conftamment par le mouvement qu’elles .éprouvent
à différentes profondeurs & latitudes , doivent
avoir leur furface expofée à une uniformité
de température que l'on n'éprouve point à la ftn>
face de la terre. De là vient que, dans les environs
de Marfeille, Raymond a vu la chaleur du fol
s'élever à y 3 de g . , tandis que celle de la mer
dépaffoit à peine 25 deg.
D e l' in f lu e n c e d e l a c u lt u r e f u r l a t e m p é r a t u r e . Les
vaftes forêts, les lacs, les marais & les étangs contribuent
à entretenir, dans les contrées où ils
dominent, une température plus baffe que dans
celles où ils font en moins grand nombre : les
Gaules du temps de Céfar étoient expofées à un
climat rigoureux ; c ’eft à la deftrudtion des forêts,
au defféchement des terrains marécageux que le
foi de la France doit la douceur de fa température
; les antiques forêts qui couvrent une grande
partie de l'Amérique feptentrionnale 5 ces lacs,
qui dans le même pays occupent une fi grande
fuperficie , contribuent, fans aucun doute, à
la rigueur du froid. Le favant Malte-Brun a
parfaitement exprimé, dans fon Précis de géog
r a p h ie u n iv e r f e lle , l'aCtion bienfaifante des travaux
de l'agriculteur fur la température. Nous
ne pouvons réfifter au plaifir de citer le paffage
dans lequel il peint cette action avec tant d’élégance
:
« L'homme influe lentement mais puiffamment
» fur la température de l’air. Sans la culture il y
» auroit peu de climats falubres & agréables.
» Contemplons un pays défert : les rivières, aban-
» données à leur fougue, s’engorgent & fe débor-
a» bent; leurs eaux ne fervent qu'à former de
»» triftes marais 5 un labyrinthe de buiffons & de
» ronces couvre les plus fertiles coteaux 5 dans
» les prés, de hideux champignons & la moufle
» inutile étouffent les herbes nutritives} les forêts 1
» deviennent impénétrables aux rayons folaires,
» aucun vent ne vient difperfer les putrides exha-
» laifons des arbres qui ont fuccombé fous le
» poids des liècles ; le fo l, privé de la bienfaifante
» chaleur atmofphérique, n'exhale que des poi-
*» fons » le fouffle de la mort plane fur cette con-
» trée. Mais le courage & l’induftrie viennent-ils
» y aborder, les marais font deftechés; les ri-
» vières coulent dans leurs lits déblayés 5 la hache
*> & la flamme éclairciffent les foré es ; la terre,
m fillonnée par la charrue, s'ouvre aux rayons du
*> jour, au fouffle des vents 5 l'a ir , le fol & les
» eaux prennent peu à peu un caractère de falu-
*» brité, & la nature vaincue cède fon empire à
*» l’ homme qui s’ eft créé un patrie. »
Cependant la deftrpdtion des forêts , pouflee
trop loin, peut avoir des réfultats fâcheux pour
l’homme lui-même} ainfi dans les îles du Cap-Vert
c ’eft l’incendie des forêts qui a produit le deffé-
chemenr de l'atmofphère j c’ eft par la même caufe
que l’Italie, la G rèce, la Perfè & plufieurs autres
contrées ont perdu leur heùreUfe température;
dans nos Pyrénées françaife, la deftruétion des
bois qui les couvroient a rendu malfaine la vallée
d’Azun, en biffant un libre paffage aux vents du
fud; dans la péninfule hifpanique, la Caftille &
l’Aragon éprouvent les mêmes effets de la def-
tru&ion de leurs forêts.
Après avoir examiné fous fes principaux points
de vue la queftion de la température de la terre,
il nous refte à dire un mot des plus grands froids
& des plus grandes chaleurs que l’on éprouve à
fa furface. Il fera curieux de voir quels font les
limites extrêmes de température que l’homme peut
fupporter.
Yeniffeisk eft un des lieux de la Sibérie où l’on
voit geler le mercure, ainfi que l’a obfervé Gmelin
au mois de décembre de l’année 1734. La co n g é lation
de ce métal indique une température de 39
degrés 77 au-deffous de o. En 1817, le capitaine
Parry obferva, pendant fon hivernage à ■ l’île de
Melleville, que le mercure y gèle pendant y mois
de l’année, ce qui indique une température analogue
à la précédente ; cependant elle dépaffe
quelquefois 40 degrés, puifqu’ au mois de fé vrier
1819, ce navigateur, dans fa première expédition
au pôle nord, vit lë thermomètre def-
cendre jufqu'à 47 degrés, & que le capitaine
Francklin .Je vit même à yo -au fort Entre-
prife. Un froid aufli rigoureux pourroit faire
croire, d’après ceux qui nous paroiffent fi rudes
dans nos contrées, qu’il eft capable de tarir les
fources vitales ; cependant le capitaine Parry parle
d’oifeaux & de divers quadrupèdes rencontrés fréquemment
par les chafleurs de fes équipages, il
ajoute même : « qu’ un homme bien vêtu pouvoit fe
» promener fans inconvénient à l ’air libre par une
» température de 46 degrés, pourvu que i’atmo-
■» fphère fût parfaitement tranquille; mais qu’il
» n’en étoit pas de même dès que le plus petit
» vent fouffloit, car alors on éprouvoit fur la face
» une douleur cuifante fuivie bientôt d’ un mal de
» tête infupportable. » Si les habitans des régions
tempérées peuvent fupporter un fr.oid aufli in-
tenfe, on fera moins étonné que les Eskimaux
n’en foient point incommodés, & qu’ ils n’aient,
pour fe mettre à l’abri des injures de l'air dans
ces régions polaires, que des huttes conftruites
en neiges durcie, taillée comme de la pierre, &
fermées par un morceau de glace qui permet à la
lumière d’y pénétrer. %
Q u e l 'o n c om p a r e c e s f ro id s r ig o u r e u x a y e c la
chaleur extrême que l’on éprouve à certaines latitudes
où le thermomètre, placé à l’ombre loin de
toute influence de la réverbération du fol & des
objets environnans, s'élève encore à 46 degrés;
que l’ on compare furtout la température obfervée
au foleil par les favans français à Philoe en Egypte,
au-deflus des cataractes, température qui s’eft
élevée à 70 degrés; qu’ on la compare, difonsnous,
aux yo degrés de froid obfervés au fort
Entreprife, on verra que la fomme de 120 degrés
furpaffera de 20 degrés l’intervalle du terme de
la congélation à celui de l'eau bouillante.
V o ic i, pour terminer, la lifte de quelques lieux
habités, où le maximum de la chaleur fe rapproche
le plus de la quantité de degrés obfervés à l'ombre
dans les régions les plus chaudes du globe.
A 13 degrés 13 minutes de latitude feptentrionale, M a d r a s ......................................... 40, degres.
A 50 -i— 2 ———-1 ; idem. Le Caire......................................... yo,x
A 33 — 4 9 -------------------- méridionale, Paramatta (Nouvelle-Hollande). 41,1
A 33 — y y --------- | idem. Le Cap de Bonne-Efpérance.. . 43,7
A. 14 — 36 ------ feptentrionale, Manille........................................... 43,7
A 11 — y y ---------- idem. Pondichéry...................................... 44*7
A 30 — 4y î----- idem. Baffora................................................ 4S
Voye%» Pour Ie complément de cet article,
aux mots C lim at s & Phénomènes atmosphériq
u e s . (J. H .)
TÉNÉRIFFE, la principale des Canaries, eft
aujourd’hui le fiége du gouvernement de cet archip
e l, fiége q u i, vers le commencement du dernier
fiè c le , fut tranfporté de Palma, capitale de la
grande Canarie, à Sainte-Croix. Cette île a 24 lieues
au moins du nord-eft au fud-eft, iy dans fa plus
grande largeur, & près de 6y de circonférence. Ses
côtes font prefque partout brufquement coupées à
p ic , & formées, s’il eft permis d’employer cette
expreflion, de falaifes volcaniques qu’interrompent
de diftance en diftancè des barancos ou
valons étroits que creufent des torrens q u i, en
defeendant des hautes montagnes voifines, déchirent
profondément le fol. Il n’y a point de rivière
s , à proprement parler, dans le pays; le fol
s’ élève très-brufquement vers des fommets de
mille à i,y o o toifes au-defifus du niveau de la
mer, & vers le milieu du pays, un peu plus au
nord, le célèbre pic couronne, en les dominant,
les vaftes amas de rochers qui lui fervent de bafe.
Cette montagne, qui pafla long - temps pour la
p us haute du g lo b e , qu’enfutte, d’après de faux
calculs, on évalua feulement à 1,700 toifes, &
qu’on peut diftinguer de foixante lieues en mer
environ , n'a guère moins de quatre mille mètres.
Il eft conféquemment peu d’ïles où l’on trouve
un aufli impofant fommet.
Ténériffe paroît avoir été primitivement défi-
gnée en Europe fous le nom d'Infierna y & Scory
penfe qu'elle avoit été appelée ainfi par les premiers
Européens qui s’établirent à Palma lorfque l’île
n’étoit pas encore conquife. Ils la croyoient être
Fune des bouches de l'enfer à caufe des éruptions
volcaniques dont ils diftinguoient les feux. Comme
l ’hiftoire des îles qui fe groupent autour de T é nériffe
eft fort intéreflante & fe rattache probablement,
ainfi que celle de plufieurs autres îles
atlantiques, à de grandes cataftrophes qui eurent
lieu à des époques fort reculées dans la vafte
étendue des mers où nous en voyons furgir les
fommets, il devient nécefiaire de s'étendre ici fur
les Canaries, qui ont été un peu négligées dans
l ’ancien article de Defmarets.
Les Anciens connurent ces îles, quoiqu'elles fuf-
fent fituées en dehors du détroit ae Gades , au-
delà des colonnes d’Hercule ; c'eft elles évidemment
qu’ ils défignoient fous le nom de Fortunées,
fi célèbres parmi les poètes, qui les fuppôfoient
être les Champs-Elyfées. Ptolémée les plaçant
entre le 14e. & le 16e. degré au nord de l’équateur
, quelques auteurs ont prétendu que c'étoit
des îles du Cap-Verd qu’avoient entendu parler
le géographe d'Alexandrie. Quoi qu'il en fo it,
les Canaries, où les Carthaginois avoient évidemment
pénétré, ont été aflez exactement caraCté-
rifées plus tard par Pline l ’ancirn. C e compilateur
rapporte que Juba voulant connoître les contrées
voifines, mais peu fréquentées de fon empire,
expédia des vaifleaux expreflement chargés d’explorer
les îles Fortunées, & qu’ au retour de l’expédition
, ayant lui-même rédigé la relation du
voyag e, il l’adreflà à l’empereur Augufte. Juba
nomma les îles vifîtées par fes marins, Junonia
major & Junonia minor , où les auteurs modernes
croient reconnoître Lancerote & Fortaventure,
tandis que d’ autres cherchent Junonia dans Go-
mère ; Canari a , où l'on trouva de grands chiens
d'une efpèce particulière, & qui valurent à cette
île le nom d’où feroit dérivé celui de Canarie ;
Nivaria , où l’on voyoit les neiges en toutes fai-
fons fur une haute montagne, ce qui ne peut
convenir qu’ au pic de Ténériffe ; Capraria , où
l’ on trouvoit des chèvres, & que l ’on rapporte à
Palme ; enfin Pluvialia q u i, ne pofledant nulle
fource, n’étoit arrofée que par les eaux du ciel.
On a penfé que Pluvialia étoit l’île de F e r , en
effet aflez fèche & prefqu'entièrement fterile. Les
envoyés de Juba avoient aufli parlé de Purpuraria,
où d’Anville dit que le roi de Mauritanie fongeoit
à faire un établiffement pour teindre en pourpre,
& dans laquelle, mais a to r t, ce lavant géographe
croit reconnoître Lancerote.