
& groupés fur d'autres rochers, de manière à
former un encaiffement long d'environ foixante
pas. A fa fortie de ce canal couvert, le fleuve
coule dans un canal profond, dont la largeur efl
peu co n fi dé râble en proportion de la maffe de fés
eaux. Enfortant du lac de Genève, fa largeur eft
d'environ foixante-dix mètres 5 lorfqu’il reparoît à
fa fortie du gouffre, elle n'efl plus que d'environ
feize mètres. Avant de difparoître, fes eaux fe
précipitoient avec fracas ; en' quittant le fouter-
rain , il coule avec lenteur au milieu de fon lit
étroit & profond, dont les bords s'élèvent à une
hauteur prodigieufe} mais bientôt fes bords
mêmes vont s’élargir, & fon cours va devenir
digne d’un des plus beaux fleuves de l'Europe.
Le Rhône fuit d'abord la direction du fud pendant
dix-huit lieues ; il fe dirige enfuite vers le
nord-oueft pendant huit lieues : deux rivières
viennent alors lui porter le tribut de leurs eaux }
l’une fur fa rive droite eft l'Ain, l’autre fur fa
rive gauche eft la Bourbe. Il prend enfuite pendant
dix lieues la dire&ion de l'oued jufqu'à Lyon,
ou , pour mieux dire, jufqu’à fa réunion avec la
Saône, rivière confidérable , qui defcendant du
nord-eft a plus de foixante-quinze lieues de cours.
Après s'être réuni à cette rivière, le Rhône
coule vers la Méditerranée , en fuivant la direction
du fud.
Il convient d'énumérer les rivières qui depuis
cette jonÇtion lui portent leurs eaux.
"Sur fa rive droite il reçoit leGier, le Doux,
l’Erieux, le Mezayon , rivières peu confidéra-
bles ; l’Ardèche, dont le cours eft d'environ
vingt lieues; la Cèze, qui en compte dix-huit,
& le Gard qui en a environ vingt ; toutes ces
rivières defcendent des Cevennes ou des montagnes
qui en dépendent. Sur fa rive gauche, il
reçoit la petite rivière du Suzon 3 l’Ifère, dont
le cours eft d'environ quarante-cinq lieues; la
Drôme, qui en a près de vingt 5 le Rombion 5
]'Aigues, de dix-huit lieues de cours, plufieurs
autres petites rivières, & enfin la Durance, dont
le cours eft d'environ foixante lieues : toutes ces
rivières defcendent des Alpes ou de leurs ramifications.
A partir d’Arles, le Rhône fe partage en deux
branches, qui vont fe jeter dans le golfe de
Lyon, à la diftance d'environ fept lieues l’une de
l’autre. Les attériflfemens que le fleuve a formés
près de fon embouchure, ont donné naiffance à
plufieurs îles & à plufieurs lacs ou étangs, dont
le nombre s’augmentera fans doute par la fuite.
Entre tes deux principales branches du fleuve ,
s'élève une île formée en quelque forte de la
réunion de plufieurs autres îlé s ion lui donne le
nom de la Camargue. Les. terrains qui la compofent
préfentent une luperficie de quatre-vingts lieues
carrées, fur lesquelles s'élèvent plufieurs villages
habités par des pafteurs & des cultivateurs , car le
fol de 1 île eft très-fertile j elle abonde en pâturages,
où l’on affure que plus de 40,000 moutons,
3 à 4000 chevaux & autant de boeufs y
paiffent chaque nuit.
N a tu r e d e s te r r a in s q u e p a r c o u r t l e R h ô n e . Toute
la vallée du Rhône, depuis fes fources jufqu'à
l’endroit où il tourne la Dent de Mordes, appartient
à la formation granitique} mais les pentes
occidentales de la montagne des Diablerets font
formées de dépôts appartenant aux terrains fe-
condaires & tertiaires.
La préfence de dépôts tertiaires fur le fommet
des Diablerets a été foupçonnée par M. Brongniart,
d’après la nature des coquilles foftiles
qu'on y trouve. Quelques-unes appartiennent à
des genres & même à des efpèces identiques avec
celles du calcaire groflier des environs de Paris.
Néanmoins ces débris fofliles pourroient appartenir
à une formation analogue à celle de la craie
inférieure. M. Brongniart (voyez R e ch e r ch e s f u r
le s o j fem en s f o j j i l e s , tome II, 2e. partie) préfume
que ces dépôts font d’une date moins ancienne,
parce qu’il paroît qu'on n'y a point trouvé d'ammonites
, de turrilites ni de bélemnites, &c.
Mais cette preuve négative eft-elle fuffifante pour
afligner aux pentes occidentales des montagnes
qui bordent l'extrémité orientale du lac de Genève,
une époque de formation aufli récente que
celle des terrains tertiaires ?
C’eft principalement fur les pentes qui dominent
toute la partie feptentrionale- du lac que
l'on trouve de véritables terrains tertiaires; Cette
formation fuit fes bords feptentrionaux jufqu'à
l’endroit où le Rhône le quitte pour fe diriger
vers la pointe méridionale du Jura. Quant aux
terrains qui conftituent le verfant dont les eaux
coulent du fud au nord dans le lac de Genève
ils paroiffent appartenir aux formations intermédiaire,
fecondaire & tertiaire, autant qu'on
en peut juger par quelques portions de ce verfant
, qui ont fubi les inveftigations de quelques
naturaliftes. On y remarque entr'autres, fuivant
M.^Macaire, de Genève, un calcaire jaunâtre
qui fert à colorer en jaune les boiferies de
Lapin j il eft friable, poreux, & quelquefois fe
montre difpofé en tubes qui ont l'apparence dè
ftala&ites, & réunis par une pâte calcaire. Quelquefois
ce dépôt enveloppe une grande quantité
de coquilles terreftres , &r forme des collines
adoffées aux pentes du petit Salève, montagne
qui domine la rive droite de i'Arve, comme le
grand Salève domine fa rive gauche. Ces collines
atteignent quelquefois la hauteur de 30 mètres ;
les couches qui les conftituent font irrégulières
& légèrement inclinées dans le fens de celles du
petit Salève. I
« Ce terrain non marin, qui s’éloigne un peu
des terrains d eau douce proprement dits,
» ajoute M. Brongniart, & qui paroît même avoir
» une origine différente, occupe une efpèce
» d'enfoncement que forme la montagne ? U
» femble le refte d'un dépôt plus étendu, en-
33 levé par la caufe qui a creufé la vallée de
» I’Arve. On retrouve le même calcaire près de
as l'étang de Veiry, au-deflous du château ruiné
»> du petit Salève, renfermant ici, avec des dé-
90 bris de coquilles terreftres, des empreintes de
»0 feuilles d’arbres dicotylédons. M. Macaire croit
»0 que ces coquilles & ces végétaux font abfolu*
39 ment femblables à ceux qui vivent dans la
9* contrée. o>
En remontant le cours de I'Arve jufqu’à quelques
lieues de fa fource, on trouve la montagne
de Varens , & celle des Fis, qui domine la vallée
de Servoz} les roches qui les conftituent appartiennent
à une formation analogue à celle de la
craie inférieure, ainfi que le prouvent les différens
genres & efpèces de coquilles qu'elles renferment.
Les roches de la p e r te d u R h ô n e ont été examinées
à diverfes reprifes par plufieurs naturaliftes,
parmi lefquels il fuffit de citer MM. Deluc',
oncle & neveu, & M. Al. Brongniart. Les ré-
fultats de leurs favantes inveftigations prouvent
que les terrains auxquels elles appartiennent conf-
tituent deux efpèces très-différentes. Le plus inférieur
eft, fuivant M. Brongniart, u n c a lc a ir e
c om p a c te f i n , g r i s , ja u n â t e , d i fp o f é en a ff ife s r ég u liè
r e s & p r e fq u h o r i z o n ta l e s , q u i n e la i f fc n t v o i r a u cu
n e s p é t r i f ic a t io n s . C'eft ce calcaire qui conftittie
les arches naturelles & la plupart des rochers au
travers defquels le Rhône fe fraie un paffage.
Entre les bancs de ce calcaire , & peut-être même
au-deftbus, comme le foupçonne M. Brongniart,
fe trouvent des lits de marne qui renferment une
grande quantité de coquilles } & comme cette
marne fe remarque au milieu des bancs du calcaire
du Jura, il eft vraifemblable que celui que
traverfe le Rhône appartient à la même formation.
Au-deffus de ce calcaire repofe une autre roche,
qui, par la nature des fo(files quelle renferme,
paroît être analogue à la craie chloritée. Ce calcaire
diffère cependant de la craie, en ce qu'il
préféine une ([ratification diftinéte, dont les
couches horizontales plongent un peu au fud-
eft. « L'aflife inférieure la plus épaiffe, ajoute
*0 M. Brongniart, eft compofée d’une roche cal-
»» c.aire jaunâtre, fou vent même nuancée ou Vei-
00 .née de parties argilo-ferrugineufesjèlle femble
30 compofée d’un amas immenfe de pierres lenti-
« culaires, qu’on a prifes d'abord pour des camé-
00 rines, ou coquilles multiloculaires, mais qui
0». ont été reconnues depuis pour être des petits
33 madrépores, auxquels M. de Lamarck a donné
0» le nom o r b it o l it e s ( o r b i t o l ï t e s l e n t i c u la t a ) . >3
Au-deffus de cette roche , repofent alternativement
de? lits de calcaire marneux & d’argile
iableufe mêlée de grains verts femblables à ceux
que l'on remarque dans les bancs inférieurs delà
craie. Ces lits renferment des corps Organifés
foffiles, qui ont la plus grande reffembiance avec
ceux de la craie chloritée, telle que celle de
Folkftone en Angleterre, & celle de la montagne
de Sainte-Catherine près Rouen.
La marne argileufe qui fépare, à la perte du
Rhône, le calcaire jura (fi que de la craie chloritée
, renferme du fer fulruré : ce qui donne à
ces lits la plus grande analogie avec la marne py-
riteufe du cap de la Hève, de Honfleur & de
Dives, ainfi qu’à celle de Téfworth en Angleterre.
Quanti la pierre lenticulaire, elle eft tellement
pénétrée d'oxide de fer, qu’on peut, avec
raifon, la confidérer comme analogue au fable
ferrugineux ( i r o n f a n d ) que l'on remarque au-
deffoùs de la craie chloritée.
« Ainfi, malgré l’éloignement très-confidérable
» des lieux, remarque avec raifon M. Brongniait,
« malgré la forme (i différente des montagnes &
*» des terrains, malgré quelques différences mi-
03 néralogiques, la roche calcaire ferrugineufe
» jaunâtre, mêlée de grains verdâtres, & c ., de
» la perte du Rhône, offre avec les terrains de
, w craie chloritée du nord de la France, & du
os fud-eft de l’Angleterre, des analogies qu’on
»» peut appeler complètes, pnifque les caractères
33 d’aflbciadons de roches , de minéraux & de
» fuperpofitions, s'accordent avec ceux que don-
>0 nent les corps organifés foffiles, pour établir
» cette analogie de formation. >o
Au point de réunion de la Saône avec le Rhône,,
aux environs de Lyon , le fleuve baigne des terrains
très-différens par leur nature. Sur fa rive
droite s’élèvent des roches de tranfidon , qui
s'appuient fur des roches primitives} fur fa rive
gauche, au contraire, s'étend jufqu’au-delà de
l'Ifère, & même jufqu'au bord de la Drôme, une
importante formation tertiaire. La rivière de Gier,
qui fe jette dans le Rhône un peu au-deffus de
Vienne, traverfe un terrain qui appartient en
grande partie à la formation fecondaire. Dans les
terrains tertiaires qui s'étendent jufqu'auprès de
Lyon, on a remarqué fur le chemin qui conduit
à la Corette, des dépôts de calcaire d’eau douce
qu’il eft facile de reconnoître aux nombreufes coquilles
qu’ils renferment. Il paroît, d'après les
recherches deM. Beudant, que fur la rive gauche
du fleuve, aux environs de Creft, dans le département
de la Drôme, on retrouve le même' terrain
lacuftre} mais c’eft principalement, & toujours
fur la même rive, dans le département de
Vaucîufe, far les bords de la Nefque, & près de
la fontaine même de Vaucîufe, que ce calcaire eft
îë mieux caractërifé. 11 eft compare, d'un grain
fin <k d’une couleur grifâtre } les coquilles qu’il
renferme font de petites paludines turriculées} il
eft accompagné d'un autre calcaire également grifâtre
, mais fi (file & prefque marneux ; il renferme,
entre fes feuillets , un grand nombre de limnées
&• de coquilles turriculées qui paroiffent être des
potamides.
Nous devons dire que depuis les rives de U