
2.000 mètres en 14 minutes. En iSoy, M. deBüch
vit un torrent de lave s’élancer du Véfuve 6c tra-
verfer, en 3 heures, jufqu’ à la mer, un efpace de
7.000 mètres en ligne droite : c’ eft le seul exemple
d’une telle rapidité.
En général, cependant, les laves, je le répète ,
coulent avec lenteur. Leur viteffe fembLeroit tenir
à des caufes encore inconnues, puifque celles de
l ’Etna, coulant fur un terrain incliné, paffent pour
avoir une grande viteffe lorfqu’elles parcourent 400
mètres en une heure. Sur les terrains plats, elles
font même des journées entières pour s’avancer de
quelques pas. Dolomieu cite une coulée qui mit
deux ans à parcourir un efpace de 3,800 mettes.
Le dernier exemple que nous venons de citer
prouve avec quelle lenteur fe refroidirent certaines
laves. On cite même des courans qui couloient
encore 10 ans.après leur fortie du cratère 5 & des
laves qui fumoient, fur l ’Etna, 26 ans après
l ’éruption qui les avoient formées. Cependant
on ne peut nier, contre l’opinion de ceux qui ont
prétendu, avec le favant Dolomieu, que les laves
ne font pas douées d’ une grande chaleur, & que
leur liquidité eft due à la préfence du lo u fre , on
ne peut nier, difons-nous, qu’elles n’aient une
chaleur confidérable, puifque des morceaux de
filex enveloppés par elles ont été trouvés fondus
ou vitrifiés à leur fuperficie; puifque l’on a retiré
de la lave du Véfuve, de 1794, des morceaux de
fer malléables5 qui avoient triplé de volume, &
dont l’intérieur étoit criftallifé en oétaèdre; &
puifque des fragmens de métal de cloche y avoient
éprouvé une telle défunion dans leurs parties
conûituames, que le cuivre, le zinc & l’étain
étoient féparés.
L’étendue des courans de lave eft proportionnée
à la force & à l'importance des volcans. En
général, à hauteur égale les volcans éteints pa-
roiffent avoir été doués d’une force & d’une fécondité
fupérieures à celles des volcans bruians.
Ainfi le V é fu ve , dont la hauteur abfolue eft plus
confidérable que celle des volcans de l’Auvergne,
n'a pas produit de courans de lave aufli pu:ffans
en fui face & en épaiffeur que ceux des environs
de Clermont; mais fon élévation donnant une
plus grande impulfion à la lave, lui f it parcourir
une très-grande étendue. Suivant Hamilton, le
plus grand courant du Véfuve a 14,000 mètres
de longueur; celui de i 8oj en avoit 8,000; celui
de 1714 étoit long de 4,200 mètres, hrge de
100 à 400, & épais de 8 à 10. Mais l’Etna étant
plus confidérable que le Véfuve donne naiffance
à de plus forts courans : celui de 1787 avoit
î 6,0c.0 tirétrès de longueur. Dolomieu rapporte
que ce volcan en a fourni un de plus de 10 lieues
de long. L’Hck’a , en Irlande, a dépaffé le Véfuve
& l’Etna : en 1783 il donna naiffance à un courant
de 20 lieues de longueur fur 4 de largeur.
Eruptions aqueufes. Les volcans rejettent quelque-
foisde l’eau : ce la t a é t é conflaté. En 1 7 7 1 ,l’Etna
vomit pendant huit à dix minutes un torrent cl’eau
bouillante & falée : Hamilton & Dolomieu ont at-
tefté ce phénomène; l’H tkla, en Irlande, a pré-
fenté fouvent la même circonftanee. Il eft vrai que
ce volcan, comme tous ceux dont la cime fupporte
une maffs de neige, fe couvre d’eau par la fome
de cette neige, & provoque ainfi des inondations
plus ou moins dëfaftreulès ; mais du volcan de
l’île de Lancerote, on vit fortir un courant d’eau
qui coula pendant plufieurs jours. C ’eft fur-
tout fur le continent américain que ce fait a été
le plus fouvent obfervé. Ainfi la fécondé fois que
Guatimala fut détruite par l’aétion des feux fou-
terrains, dss deux volcans qui la renverfèrent, l’un
rcjetpit des torrens de laves, tandis que l’autre
vomiffoit des torrens d’eau bouillante. Pendant
le tremblement de terre qui renverfa Lima- en
1746, quatre volcans qui s’ ouvrirent à Lucanas
& dans la montagne de la Conception bcçafion-
nèrent une affreufe inondation. Les volcans de
Pechincha, de Cotopaxi 8c de Tunguragua, 8c d’autres
de la cordillère des Andes, rejetèrent aullî
par leurs flancs d’immenfes quantités d’eau; au
Pérou & à Quito, les eaux ainfi vomies firent
plus de ravages que les laves. On pourroit citer
plufieurs volcans du Japon qui préfentent {ouvert
des caraétèrent analogues. Sous ce rapport, l’un
des faits les plus finguliers eft celui qu’ offrent
quelquefois 1 s volcans de l’Amérique équinoxiale,
tels que le Cotopaxi, le Tunguragua, 1 *lmbabu.ru >
le Carguarai^o &c le Sangay ; non-feulement ils
rejettent de l’eau douce & froide, mais même
des poiffons dont la chair eft encore molle &
fraîche, & que les indigènes affurent être fouvent
vivans. Ce fu t eft rapporté par M. de Humholdt.
Ces poiffons appartiennent au genre Silure, fous-
genre pimélode (pimelodus cyclopum ) , efpèce que
l’ on trouve dans les ruiffeaux & dans les lacs des
environs de Quito.
On attribue l’origine des eaux rejetées par les
volcans à des lacs fouterrains. Souvent même
elles font dues à des lacs qui fe forment par l ac-
cumülation des eaux pluviales ou de celles qui
font ammenées par des canaux fouterrains au fond
des cratères refroidis. Si des poiffons fe trouvent
dans les eaux qui communiquent par ces canaux
avec le nouveau lac, ils s’y multipli ront; & lorsque
les volcans reprendront leur a&ivité, ou feulement
lorfque leurs entrailles feront remuées par
les commotions fouterraines, la rupture de leurs
flancs déterminera l’épanchement plus ou moins
violent des eaux qui entraîneront avec elles,
comme cela arrive quelquefois en Amérique, les
poiffons qui y vivènt.
Eruptions boueufes. Lorsque les matières pulvérulentes
que rejettent les volcans fe mêlent aux eaux
que leurs flancs ou leurs cratères renferment, elles
donnent lieu à ce qu’on appelle des éruptions boueu-
fes. Ces éruptions font beaucoup plus fréquentes
que celles d’eau pure. Une faut cependant pas confondre
les véritables éruptions boueufes avec le re-
fuitat des phénomènes qui fe paffent quelquefois
pendantlesconvulfions volcaniques. Breiflak, qui,
plufieurs fois obferva le Véfuve pendant fes agitations,
remarque que les nuages, fe réunifiant
autour du- fommet de ce- volcan, retomboient
fous forme de pluie, qui fe mêloit avec les
cendres dont fes flancs font couverts, &: formoit
de gros torrens de boue qui dévaftoient les campagnes
environnantes, renverfoient les maifons,
& portoient partout le ravage & - l’effroi. Il
penfe que ce que l’on a dit des torrens de boue
fortis du volcan même, n’ a pas d’autre caufe
que ce mélange d’eau & de cendres qu’il a
vu s’effe&uer fur fes flancs. Toutefois, il paroît
certain, malgré les doutes de ce favant géologue
italien, que les véritables éruptions boueufes ne
font point, comme il femble' le croire, le réfultat 1
d’une illufion. Le Véfuve;,,il eft vrai, paroît n’en 1
avoir offert que des exemples fort rares : on
pourroit même en dire autant des autres volcans
de l’Europe ;: mais c ’eft en Amérique qu’elles font
fréquentes. La plupart des volcans de cette
contrée n’ ont même que des éruptions, de cette
efpèce ; ce qui paroît être l’effet de leur énorme
élévation. A ins i, quelques-uns ont cinq fois celle
du Véfuve. On conçoit donc, comme le fait
remarquer M. Girardin, -dans fes Confidéradons
fur les Volcans, que fi leur foyer eft à une grande
profondeur, la lave ne peut être foulevée juf-
cju’aux bords du cratère, ni rompre les flancs
de montagnes qui fe trouvent renforcées par
les plates - formes qui les environnent jufqu’à
1,400 toifes de hauteur. 11 femble donc naturel
que des volcans fi élevés ne vomiffent par leur
cratère que des pierres ifolées , des cendres, des
flammes, de l’eau bouillante, de la boue, de
l’argile carburée & imprégnée de foufre, &c.
Lorfque les commotions fouterraines font affez
fortes pour ébranler.toute la mafiè du volcan,
les gouffres fouterrains s’entr’ouvrent, & l’on en
voit fortir de l’eau & du tuf argileux ; d’autres
fois, ce font les flancs de la montagne qui rejettent
ces matières à l’état boueux. Ainfi, le
4 février r.797, il fortit des flancs déchirés d’un
rocher de trachyte-, dans les environs de Péliléo,
une maffe boueufe, tandis que, prés du Rio-
Bamba,. une matière femblable fortit en même
temps de terre 8c y forma des collines coniques.
D ’üutres fois, une partie du volcan s’ écroule
& produit par fa chute une éruption boueufe. C ’ eft
ce qui arriva, dans la nuit du 19 au 20 juin 1798 :
la chute deJa cime du. Carguarai^o 3 montagne
de i8,oco pieds de hauteur, produifit une
éruption1 de b ou e , remplie de poiffons , qui
couvrit toutes les campagne environnantes, fur
un rayon-de deux lieues.
Eruptions ga^eufes. Quelques obfervateurs ont
nié qu’il fortît des cratères aucune véritable flamme;
il paroîtroit, d’ après leur opinion, que ce que
l’on prend pour des flammes n’ eft autre chofe
qu’ un dégagement de différens g a z , dont le principal
eft le gaz hydrogène fulfuré, ou l’acide hy-
dro-fulfurique. Les autres gaz font, le gaz acide
sulfureux, le gaz hydro-chlorique, l’a cd e carbonique’
& l’azote. Ils ne fe préfentent pas.tous
indifféremment dans tous les volcans. Ainfi, le
gaz acide fulfuré u x , très-abondant & prefque
dominant à l’E tna, tft rare au Véfuve. Dans
le cratère de ce volcan, au contraire, il fe dégage
une fi grande quantité de gaz hydro-
chlorique , qu’on peut l ’y recueillir très- facilement.
C ’eft à la préfence de cet acide que plu-
fieurs laves doivent leur coloration ou leur décoloration,
ainfi que l’ altération qu’elles- éprouvent
fi fréquemment dans les collections. Le
gaz acide carbonique fe montre quelquefois en
abondance; mais il fort plus ordinairement du
pied & de la bafe du volcan que de- la cime,
& plutôt après que pendant les éruptions. L’azote
eft le plus rare : cependant fa préfence a été
conftatée d'ans les cavités dés terrains volcaniques.
La plupart de ces gaz font accompagnés
de vapeur aqueufe. Les flammes qu’ ils produisent,
& fuitout celles du gaz hydrogène fulfuré,
s’élèvent fouvent, en forme de colonne, à
une hauteur prodigieufe. On a vu de femblables
flammes s’élancer du Véfuve, & atteindre une
élévation trois fois plus confidérable que celle
de ce volcan : en 1738, la colonne enflammée
qui sortit du Cotopaxi s’éleva à plus de i,2CQ
mètres*
Entremêlés de matières pulvérulentes ou de
vapeurs aqueufes , les gaz forment ces nuages de
fumée épaiffe qui s’élèvent des cratères; ces
nuages prennent même quelquefois les couleurs
le plus oppofées. En 1825, pendant l’éruption
du volcan de l’ île de Lancerote, qui dura plufieurs
jou rs , on vit fortir de la montagne tro,s
colonnes de fumée : l’une blanche, l ’autre noire,
& la troifième rouge.
Enfin, ces vapeurs tiennent fouvent en dif-
folution diverfes fubftances minérales qui fe
fubliment & fe dépofent dans les fiffures des
volcans, fur les parois des cratères, 8c dans
les foufflures des laves.
. Ces fluides, qui s’échappent verticalement,
lancent avec eux, dit M. Scroope, 8c des matières
pulvérulentes & des fragmens de roches
plus folides qu’ils ont traversées. La violence
avec laquelle ces fragmens fe heurtent, en s’é -
! lançant & en retombant, les réduit en une
pouflière qui refte fufpendue dans les airs comme
un nuage épais. « Bientôt ces vapeurs & ces
cendres s ’élèvent fous la forme d’une immenfe
colonne, dont la bafe repofe fur le cratère,
A une certaine diftance, elle femble être la
réunion d’ innombrables nuages arrondis, qui fe
preffent les uns contre les autres en fe fuccé-
dant continuellement 5 arrivés à une certaine
X x x x 2