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tirée de fon fein, & accompagnée d'artiftes, pour
faire connoître par des deffins les changemens
phyfiques du pays & Tétât des villes & édifices
ruinés. Malheureufement ces artiftes ne furent
pas très-heureux dans leurs repréfentations'de
l ’état du pays, furtout lorfqu'ils tentèrent d’exprimer
fur une grande échelle les révolutions
extraordinaires qu'un grand nombre de grands
& petits courans d'eau avoient fubies. Mais
plufieurs des gravures publiées par l'Académie
font precieufes, & nous nous en fervirons fré-
uemment pour expliquer les faits que Ton va
écrire. Outre les auteurs napolitains, notre
compatriote, fir William Hamilton , vifita le
pays, & fon efquiffe, publiée dans les Tranfaftions
phïtofophiques, fournit beaucoup de faits qui
autrement , euffent été perdus. Il a expliqué
d'une manière rationnelle beaucoup d'evénemens
q u i, rapportés dans le langage de quelques-
uns des témoins oculaires, paroifïbient merveilleux
& incroyables. xDoiomieu examina aufli
la Calabre peu apres la cataftrophe 5 il écrivit
une defcription du tremblement de terre & corrigea
une erreur * dans laquelle étoit tombé
Hamilton, en fuppofant que le territoire remué
confifloit en tu f volcanique. G'eft véritablement
une circonftance qui augmente l ’intérêt
géologique des commotions qui modifient fi
fouvent la furface de la Calabre, quelles font
bornées à un pays où il n'y a ni anciennes ni
modernes- roches d’origine ignée : en forte que,
dans les temps à venir, lorfque l'époque de troubles
fera panée, la cau.fe des premières révolutions
fera aufli cachée que dans les parties de la
Grande-Bretagne occupées maintenant exclufi-
vement par les formations marines anciennes. !
Les convulfîons de la te r re , de la mer & dé ,
l'air, s'étendirent fur toute la Calabre ultérieure, !
la partie fud-eft de la Calabre citérieure & !
à travers la mer, à Mefline & aux environs,
territoire fitué entre les 38e. & 39e. degrés dé
latitude. L é choc fut refîenti fur une grande
partie de la Sicile & vers le nord, jufqu'à Naples ;
mais la furface fur laquelle les feçoufles agirent
avec affez de force pour exciter une grande
alarme, n’excéda généralement pas jo o milles
carrés d'étendue. Le fol de cette partie,de la
Calabre eft compofé principalement, comme la
partie méridionale de la S ic ile , de couches
calcareo-argilacées d’une grande épaifleur & contenant
des coquilles marines. Cette argile »eft
quelquefois aflociée avec des lits de fable &
de calcaire. Ces formations reflemblent pour la
plupart aux marnes fous-apennines, avec leur
mélange de fable & de grès, & tout le groupe
a une analogie parfaite, par le peu de dureté
de leurs matériaux, avec la plupart de nos
dépôts tertiaires de France & d Angleterre.
Confidérées chronologiquement cependant, les
formations de la Calabre font,-comparativement
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, d’une date très-moderne, & abondent en coquilles,
que Ton peut rapporter à des efpèces vivant
maintenant dans la Méditerranée.
« Vivenzio nous apprend que le 20 & le 26 de
mars 1783, il y eut des tremblemens de terre dans
les îles de Zante, Céphalonie <k Sainte- Maure.
Dans cette dernière, plufieurs édifices publics
& particuliers furent renverfés & beaucoup de
gens périrent. Nous avons déjà fait’ voir que
les Îles Ioniennes font dans la ligne de la
grande région volcanique de la Calabre ; de
forte que les deux tremblemens de terre eurent
probablement une fource commune, &
il n'eft pas improbable que le fond de toute la
mer intermédiaire a été aufli remué.
35 Si Ton prend comme centre la ville d’Oppido,
en Calabre, & que Ton décrive autour un cercle
dont le rayon ait 22 milles , cetefpace comprendra
la furface du pays qui fouffrit les plus grandes
altérations & fur laquelle toutes les villes & les
villages furent détruits; mais fi l’on décrit un
cercle de 72 milles de rayon , on comprendra
alors tout le pays fur lequel fubfîftent des marques
peimanentes du tremblement de terre. La première
fecoufle, le f février 1783, renverfa en
deux minutes la plus grande partie des maifons
de toutes les cités, villes et villages, depuis le
verfant occidental des Apennins, dans la Calabre
ultérieure, jufqu'à Mefline, en Sicile, & boule-
verfa toute la furface du pays. Une autre fe-
coiiffe eut lieu , le 28 mars, avec prefqu’autant
de Violence. La chaîne granitique qui traverfe
la Calabre du nord au fud , & atteint quelquefois
une hauteur de plufieurs milliers de pieds, ne fut
que légèrement ébranlée; mais on dit qu'une
grande partie des feçoufles qui fe propageoient
avec un mouvement femblable à la 'houle de la
mer, à travers les couches récentes, de l’ oueft
à Teft , devenoieht très-violentes lorfqu’elles
atteignoient le point de jonêtion^avec le granité,
comme s'il fe produifoit une réaction à l ’endroit
où le mouvement ondulatoire des couches
molles étoit foudainement arrêté par des
roches plus folides. La furface du pays fe
foulevoit fouvent comme les vagues qui fe
gonflent; ce qui produifoit un étourdiflement
comme le mal de mer. On a particulièrement
d it , dans prefque toutes les relations, qu’im-
médiatement avant chaque fecoufle, les nliages
paroiffoient être fans mouvement, & , quoique
Ton ne préfeme aucune explication de ce phénomène,
il eft évidemment le même que celui
qu’on obferve en mer à- bord d’un navire
qui tangue violemment. Les nuages- femblent
arrêtés dans leur courfe aufli fouvent que le
vaille au s’élève dans une direction contraire ;
de forte que les Calabrais doivent avoir éprouvé
le même mouvement fur terre.
» Nous examinerons d'abord les changemens
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phyfiques, produits par la commotion,, qui fe
lient avec ceux des niveaux relatifs dans les
différentes parties du pays, & enfuite nous décrirons
ceux qui ont plus immédiatement rapport
à YaJféchemeut régulier du pays, & où
la force des eaux courantes s’eft jointe à celle
du tremblement de terre.
» Quant aux altérations de niveaux relatifs, aucune
des relations n’indique qu’elles ‘aient eu lieu
fur une grande échelle; mais on doit toujours
fe rappeler que la difficulté de prouver que le
niveau général a changé, eft en proportion de
l’efpace remué , à moins que les bords de la mer
n’aient participé au mouvement : même alors il
eft fouvent impoflible de déterminer fi une élévation
de quelques pieds a eu lieu, parce qu’ il
n’y a rien de nouveau dans un banc de fable &
de cailloux d’une largeur inégale, au-defîus du
niveau de la mer & marquant le point atteint
par les vagues dans les grandes marées ou les
tempêtes violentes.
t w Celui qui fait des recherches fcientifiques
n a pas un lavoir topographique fuffifant pour
découvrir fi l'étendue de la berge a augmenté ou
diminué, & celui qui a les connoiflances locales
neceflaires ne trouve aucun intérêt à s’ affurer de
la fomme d’élévation,ou d ’abaiflement du terrain.
Ajoutez à cela la grande difficulté de faire des ob-
leryations correctes par l ’effet des vagues énormes
qui roulent fur la côte pendant les tremblemens
de terre & effacent toutes les marques près du
rivage. C'eft évidemment dans les ports feuls que
Ton doit chercher les indications exaétes des
légers changemens de niveau, & quand on en
trouve, on doit préfumer qu’ ils ne feroient pas
Jar^s fur d’autres points , fi Ton avoit d’égales
facilités de comparer les hauteurs relatives. Gri-
maldi annonce ( & fon rapport eft confirmé par
Hamilton & autres ) qu’à Mefline en Sicile le
rivage fut déchiré, & que le fo i, le long du port,
9111 étoit auparavant de niveau, fe trouva enfuite
incliné vers la mer, que celle-ci elle-même devint
plus profonde près de la Bauchina ou fon fond fut
dérangé. Le quai delcendit aufli de 14 pouces
au-delfous de la mer, & les maifons dans fon voifi-
nage furent fîllonnéesde crevafles. Parmi les nom-
breufes preuves d’élévation & de dépreffion partielle
dans l’ intérieur, les acadéitiiciens mentionnent,
dans leur revue, que le fol étoit quelque-
rnis au même niveau des deux côtés des nouveaux
ravins & des nouvelles crevafles; mais que quelquefois
il y avoit un dérangement confidérable, foit par
le foulèvement d'un côté ou Tabaiflement de j’au--
tre. Ainfi, furies côtés de plufieurs longues fentes,
dans le territoire de Soriano, les mafies ftratifiées
avoientchangé leur pofition relative de 8 à i4palmes
(de 6 à 10 pieds & demi). On parle de femblables
rnouvemens dans les couçhes du territoire de Polil-
tina, où il y eut d’innombrables fiffures; une d ’elles
étoit très-large Sc très-profonde, & dans différentes
parties le niveau des côtés correfpondant
étoit confidérablement changé. Dans la ville de
Terranuova, quelques maifons furent élevées au-
deffus du niveau ordinaire & d’autres à côté
s’enfoncèrent dans le fol.
y» Dans plufieurs rues, le fol paroifloit pouffé en
haut & s’appuyoit contre les murailles des maifons
; une grande tour ronde, en maçonnerie
folide, qui avoit réfifté à la deftruction générale,
fut partagée par une fente verticale; un des côtés
fut élevé & les fondations fouleyées en dehors du
terrain. Elle fut comparéeparles académiciens à upe
groffe dent à moitié extraite de fon alvéole, avec la
partie fupérieûre des racines mife à nu. Le long de
là ligne de cette réparation, on trouva que le s’murs
adhéroient l’un à l’autre, & s’ajuftoient fi bien,
que les feuls lignes de défunion étoient le manque
de correfpondance dans les aflifes de pierre- de
chaque côté de la fente. Dans quelques murs qui
avoient été renverfés ou violemment fecoués,
à Monteleone, quelques-unes des pierres s'é-
toient réparées d’avec le mortier de manière à
iaifler un moule exaét, tandis que dans d’autres
cas le mortier fut broyé en»pouflière entre les
pierres.-
» Il paroît que les mouvemens ondulatoires &
ceux que Ton appelle tournoyons, produifirent
les plus capricieux effets ; ainfi, dans quelques
rues de Monteleone, toutes les maifons
furent renverfées excepté une, dans d’autres
excepté deux, & les bâtimens qui furent épargnés
étoient à peine endommagés.
33 Dans un grand nombre de cités de la Calabrè,
les édifices les plus folides furent renverfés, tandis
que ceux qui étoient légèrement bâtis échappèrent
à la ruine; mais à Rofarno & à Mefline, en Sicile
, ce fut précifément le contraire : les édifices
maffifs furent les feuls qui réfiftèrent. On obferva
que deux obélifques placés aux extrémités d’une
magnifique façade du couvent de Saint-Bruno,
dans une petite ville appelé Stefano del Bofio}
avoient éprouvé un mouvement d’une fingulière
efpèçé. On décrit le choc qui agita le bâtiment
comme ayant été à la fois horizontal & tournoyant.
Le piédeftal de chaque obélifque refta
à fa place primitive, mais les pierres réparées qui
étoient deflus tournèrent fur elles-mêmes & s'écartèrent
de près de neuf pouces de leur place
fans tomber.
« Il paroît évident que le déchirement de la
terre fut l’effet d'un violent mouvement de bas
en haut, dans une multitude de cas où les déchirures
& les crevafles s'ouvrirent & fe fermèrent
alternativement, nous devons fuppofer que
la terre.étoit tour-à-tour foulevée & abandonnée
à elle-même. On peut concevoir que le même
effet feroit produit en petit f i, par quelque
force mécanique, un pavé compofé de larges
dalles étoit foule vé & abandonné enfuite fou d ai