
tenir un filet d*eau jailliffant qui s'élève quelquefois
à une allez grande hauteur, mais qui , le plus
fouvent, départe de très-peu l'ouverture qui lui fert
d ‘ifiue. Les puits forés ont l’avantage incalculable
d ’être toujours auiïi abondans, tandis que les autres
puits varient de hauteur, & quelquefois même
tariffent dans certaines faifons. On n’eft point d'accord
sur i’a&ion qui produit ces eaux jaillififantes.
Quelques phyficiens, prenant pour exemple ce qui
fe pane dans les travaux où l'on a pour but d’orner
nos jardins par des jetsrd’eau dont la hauteur
a quelque chofe qui étonne & qui plaît , ont penfé
que les fontaines jaillififantes tiroient leurs eaux
de certains lieux élevés plus ou moins éloignés,
comme nous voyons nos jets-d'eau s’élever à la
hauteur des réfervoirs qui les alimentent ; d’autres
ont pensé que la théorie des siphons pouvoit donner
une explication fuffifantç de ce qui fe parte
dans le phénomène des puits artéfiens , aflimilant
un puits foré à la fécondé branche d’ un grand siphon
, dont la première eft le cours fouterrain que
fuivent les eaux dans lès couches de la terre. Suivant
d’antres enfin, ces puits ne doivent être
confidérés que comme un tube qui prouve la pref-
fion de l’eau fur une couche à laquelle aboutit le
puits foré. C e que nous avons dit plus haut pour-
roit fervir à foutenir également les opinions que
nous venons d’expofer ; on ne peut douter, par
exemple » que dans certains terrains les eaux descendues
de réfervoirs très-élevés et très-éloignés,
ne s’accumulent fur des couches d’argile où fou-
vent elles sont fort comprimées. Ainfi, dans le
creufement de certains puits on a vu les eaux fur-
gir avec tant d’impétuofité et tant d’abondance,
que des ouvriers ont été victimes de ces éruptions
fubites. Il n’eft point de pays qui n’offrent
des exemples du même phénomène. M. Barrois,
dans un Mémoire fur les puits forés, dit que de
quelque manière que s’épanchent les eaux dans
les couches de la terre, en defcendant des terrains
fupérieurs vers les inférieurs, foit en veines ,
filets ou torrens , foit en nappes ou niveaux , fi
elles viennent à rencontrer une iffue quelconque
dans les terres, elles s ’y infinuent & s’y élèvent
à une hauteur proportionnée au niveau d ’où elles
font parties , ou bien à une hauteur qui balance
la preflîon que l eau exerce contre les parois des
canaux qui la contiennent : « d ’où il fuit, fe-
« Ion M. Héricart de T h u ry , dans un écrit pu-
« blié récemment, que pour obtenir une fontaine,
*» jailljffàntè, ou mieux, remontant de fon d , il i
» faut : i° . chercher, fuivant la nature du terrain,
» à fa plus ou moins grande profondeur, à at-
teindre à un épanchement d’eau proyenant de
»3 bassins fupérieurs, & s’écoulant dans le fein de
» la terre entre des terrains compactes et imper-
*3 méables ; 2°. donner à cette eau , par le perce-
>3 ment d’ un puits foré à l'aide de la fon d e , la
>3 poflibilité de s’élever à une hauteur proportion-
33 hée à celle du niveau dont elle provient $3
» prévenir par des tuyaux defcendus dans le puits
» foré l'épanchement de l’eau remontante dans
» les fables ou dans les fentes & fiffures du ter-
»» rain traverfé par ce puits.
» D’où l’on v o it , ajoute-t-il, qu'on peut obte»
“ nir des eaux jailliflantes à l’aide de la Tonde à
» peu près dans tout pays préfentant, dans la
*• conftitution de fon fo l , des nappes d’eau fou-
» terraines entre les fuperpolitions alternatives ec
» continues de terrains perméables et imperméa-
» b lé s , s’étendant jufqu’aux pays où les monta-
» gnes recèlent les réfervoirs de ces nappes
» d’eau, & dont les bafes ou les pentes font re-
» couvertes par ces fuperpofitions 5 mais que
•> cependant il feroit poflible qu’un puits foré ,
»9 percé à une très-petite dilfance d’un puits foré
*» aquifère, ne donnât pas d’eau fi ce dernier étoit
*» alimenté par un courant fouterrain au lieu de
»» l'être par une nappe d’eau ; ou fi enfin , il étoit
»» percé fur l’extrémité d’un baflin à couches re-
» le v é e s , appuyé contre un terrain d’ une autre
»9 nature. »» On a en effet remarqué que lorfqu’une
colline eft compofée de couches inclinées , c’eft
principalement du côté où elles préfentent leur
dos que Ton remarque des fources, tandis que
fur celles qui préfentent leur tranche on n’en voit
aucune.
C e que les fources jaillififantes offrent encore
de remarquable, c ’eft le niveau qu’atteignent leurs
eaux relativement à leur point de départ. On fait
qu’il exilte à Paris, rue des Marais, une fontaine
femblable, dont l’eau vient de plus de 3 3 mètres
de profondeur. A Saint-Venant, dans le département
du Pas-de-Calais, on connoît une fource qui
remonte de plus de 60 mètres, & qui jaillit d’en-*
viron deux mètres au-deffus du fol.
Nous avons parlé des fources intermittentes 5
nous venons de donner les idées généralement
reçues relativement aux caufes qui produi.ent les
fources jailliflantes ; nous devons rappeler qu’ il
exifle dans certaines régions des fources qui font
à la fois intermittentes & jailliflantes. Les plus célèbres
font celles d’Iflande : on les nomme geyfer3
qui fignifie furieux. Dans la vallée de Rykum (yoy.
Vallée), on en trouve près de çent dans une
circonférence d’ environ une lieue, MM. Polvefen
& Stanley en ont fait la defcription : la durée de
leurs éruptions & de leurs intermittences eft très-
inégale ; les premières font d’environ ,d& minutes
, & les intervalles varient entre quelques mW
nutes & une demi-heure. L’eau du baflin d'où
fortent ces jets fe gonfle, déborde, & le j e t ,
avec un bruit fourd, s’élance à 120 & 130 pieds
d’élévation , fur un diamètre d’environ fix pieds :
la gerbe qui produit à peu près l'effet de celle que
Ton admire dans le parc de Verfaiiles , emporte
quelquefois avec elle les pierres que l’ on a jetées
dans le baflin. La plus puiflante de ces fources
jaillit d’un monticule de trente pieds de hauteur,
percé d'un trou cylindrique de neuf pieds de diamètre,
mètre, dont les parois intérieures font parfaitement
unies. La furface du monticule eft couverte
d'incruftations fîliceufes très-dures, & cependant
très - délicates, dont quelques-unes ont la forme
de choux-fleurs, & qui s'étendent à plus de 90
pieds autour de la fource. La température de ces
eaux, qui n’ont aucune odeur, varie entre 80 &
100 degrés du thermomètre centigrade. •
^ Nous devons dire que, dans beaucoup de fources,
l'écoulement de l’eau eft accompagné d'un dégagement
d’air qui fort avec tant d’ impétuofité que des
ouvriers, creufant des puits dans des lieux où ce
phénomène fe préfentoit, ont fouvent été renver-
fes par le choc du vent qui fe dégageoit au moment
où ils mettoient la fource à découvert : on
fait aufli qu’il exifte dans la province de Tenefiee,
aux E tats -Unis , des excavations profondes au
pied de plufieurs collines d'où s’ échappent de
gros ruiffeaux accompagnés d’un fort courant d’air.
Nous avons examiné près de V ayre, fur les bords
de l’A ilie r , une fontaine trop connue pour que
nous en donnions une description détaillée ; c’ eft
celle du Tambour. On y voit l'air fe dégager en
groffes bulles qui prpduifent un brui?périodique
aflez fingulier.
Nous en avons dit aflez pour ne point nous
étendre fur les fouces qui ne tariffent jamais ou
qui diminuent très-peu malgré les grandes chaleurs
3 ni fur celles dont l’abondance paroît
être fubordonnée à l’humidité des_faifons &
aux autres phénomènes atmofphériques. Nous
ne parlerons point non plus de celles qui dif-
paroiflent ou fe forment to u t - à - c o u p , pendant
le développement de divers phénomènes
volcaniques; ces confidérations nous entraîne-
roienttrop loin, & d’ailleurs ce que nous avons
dit de plus important fur' la caufe des fources,
fuffit pour donner une idée des modifications
qu’elles peuvent éprouver dans certaines cîrconf-
tancesi
Il nous reste à parler des fources Calées ; mais
avant, nous devons fîgnaler ici la découverte
d’upe fource inflammable, dans le comté de Har-
riffon, aux Etats-Unis, dont un journal américain
a donné la relation. Des entrepreneurs étoient
à la recherche du fel gemme; à la profondeur
d’environ 24 pieds, ils trouvèrent une groffe
veine d’un eau limpide, un peu faumâtre au goût,
mais exceffivement froide. A la diflance d’environ
118 pieds, la fonde traverfa une couche de
minerai de cuivre de 4 pieds d’épaifleur ; à la profondeur
de 180 pieds , elle ouvrit une abondante
veine d ’air qui s*échappa avec un bruit, épouvan-'
table , en faifant jaillir avec force une colonne
d’eau de 32 pieds de hauteur. Le diamètre du
puits n’étoit que de deux pouces & demi, & cependant
la quantité d’eau fortie par cette ouverture
fut eftimée à 160 gallons par minute : mais
ce qui furprit beaucoup les afliftans, ce fut de voir
autour de ce jet d’eau une vapeur gazeufe qui
Géographie-Phyfîque* Tome V %
s'enflammoit toutes les fois qu'on la mettoit en
contaét avec le feu; chaque fois que Ton retiroit,
après un invervalle de huit à dix jours, la perche
qui bouchoit l’orifice du puits, l’eau s'élevoic
avec la même force & toujours accompagnée de
ce gaz inflammable.
Les fources falées font d’autant plus importantes
, qu’elles remplacent dans beaucoup de cir-
conftances les avantages que Ton retire de l'exploitation
des mines de fel gemme. On a remarqué
qu’elles fortent ordinairement des parties les plus
fupérieures des terrains falifères, principalement
des marnes argiieitfes ; & comme fouvent elles ne
traverfent point de véritable fel marin, il y auroit
un défavantage incalculable à les abandonnée
pour recourir à la rechërche du fel.'Les fources
tariffent par un grand froid & augmentent par
la chaleur, fans que la pluie ou la féchereffe paroif-
fent influer fur ces différences.
Les fources falées font répandues dans un grand
nombre de pays* En France, on connoït celles de
Saillie, au pied des Pyrénées, près d’Ortès ; de
Salie, près de Touloufe, dans le département de
la Haute-Garonne ;• de Salins & de Mont-Moror,
dans le département du Jura; de Dieuze, de
Moyen-Vie & de Château-Salins, dans le département
de la Meurthe; de Sultz, dans le département
de Bas-Rhin, & plufieurs autres qui ne font
point exploitées ou qui font abandonnées. Ces
fources contiennent ordinairement 13 à 1 y pour
cent de fel.
Angleterre. Les fources de cette contrée ont
la faculté de jaillir avec une grande force lorfque
l ’on perce la couche d’ argile qui les recouvre :
les plus anciennement exploitées font celles de
D-roitwioh dans le Worceftershire.
Allemagne. Les fources falées font très-nom-
breufes dans cette contrée; on en compte plus
de foixante. importantes : en Weftphalie, celles
. de Rheme ; en Hanovre, celle de Lunebourg ; dans
le duché de Brunfwick, celle de Salzdalen; dans
le Holftein, celle de Oldeshoë ; dans le duché de
Magdebourg, celles de Schænebeck & de Hall;
dans le comté de Mansfeld, celles d’Arten; dans
la Poméranie, celles de Kolberg & de Greiffwald;
dans la Heffe, celles d’AUendorff & celle de
Noheim; dans la Franconie, celles de Kiflingen
& de Schmalkald. Gn en connoît aufli en Souabe,
en Bavière, dans le T y ro l, le Saltzbourg & la
haute Autriche. Dans ces deux pays on cite celles
de Berchtefgaden & de Reichenhall.
Suijfe. Les plus importantes font celles de Bex.
Italie. Les fources falées de la Tofçane fortent
des collines fituées au fud de Volterra; on en
connoît aufli près de Naples & dans la Calabre
eitérieure, au pied des Apennins. La Sicile en
renferme un grand nombre.
Moldavie. Les fources des environs d’Ockna.
Hongrie &.Transylvanie. Celles de Marmarofch,
de D e s , de Tord a, de Paraïd & de Vifuckna.
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