
roient pas aujourd'hui changés en efpaces arides.
C ’eft à cette fu-efte imprévoyance qu'il faut attribuer
la pénurie de forêts en Angleterre, &
celle dont la France eft menacée. On fait que des
terrains déferts ou fablonneux, qui portent »encore
le nom d e forêts en Anglete;rey étoient jadis
couverts d’une magnifique végétation. On fait
auflî qu’en France , dans le département des
Hautes - Alpes, certaines forêts qui couvroient
plufieurs montignes ayant été détruites dans
des vues de cupidité & changées en terrains
arables, les lieux qu’elles occupoient font menacés
de devenir tout-à-fait ftériles, parce que
la réunion des grands végétaux attire les eaux de
l’atmofphère & entretient dans les lieux environ-
nans une humidité féconde, & que de plus leurs
ratines retiennent des terres q ui, fans leur appui,
ne réfifteroient pas à F.aéfcion entraînante des
pluies. En dëtruifant les forêts fituées fur les
flancs des montagnes, l'homme détruit les moyens
de fubfiftance des générations futures; & déjà l’on
remarque dans les départemens des Hautes & des
Baffes-Alpes cet effet, funefte : plufieurs pentes qui
ont été dégarnies de forêts ne retiennent plus les
terres qui les couvroient, & les pluies qui enlèvent
le fol arable l’entraînent dans de Fertiles
vallées qu’elles ravagent. Ain fi l'imprévoyance
que nous lignai o ns n’eft pas-feul-ment
funeffe aux fucceffeurs de ceux qui ont détruit
ces forêts, mais encore aux propriétaires des
terrains bas que ces mêmes forêts protégeoient.
Enfin, pour n’indiquer que les principaux incon-,
.yéniens de la deftruéfcion des forêts, nous dirons
qiv.e depuis que les départemens de la Normandie
n font dégarnis, Paris & tous les pays
fitués a l’oueft de, cette capitale font.conftamment
expofés ai} fouffie des vents«de mers, qui y portent
l’humîcüté- de fes brouillards ; auffi le climat
de Paris e ft - îî aujourd’hui beaucoup plus pluvieux
qu’ il ne T étoit jadis. Ajoutons encore que j
dans d’ autres région.s le climat a également changé :
par la deftruéfcion des forêts : ainfi la Syrie & la
Paleftine, aujourd’hui h arides, ne doivent leur !
féchereffe qu’à la deftruCbon des bois qui couvroient
les montagnes de ces contrées.
M. Baudrillart, dans un Mémoire 'fur le déboi-
f&menc des montagnes, a parfaitement examiné la
queition dont nous nous occupons. Nous allons
en citer quelques paffages.
“ Lorfque les montagnes.font couvertes de bois,
elles donnent naiffance aux fources & aox rivières
qui arrofent & vivifient les campagnes, -&
qui, par leur réunion, forment les grands coui’.s
d’eau, fi utiles aux transports des produits de la ,
nature & de l ’induftrie; elles offrent à de nombreux
troupeaux de vaftes pâturages; elles fourni
fient des bois à la marine, aux conftruéfcions
civiles, aux arts & au chauffage; elles modèrent
la violence des vents, avivent & arrêtent les
nuages, qui fe réfolvent en pluie, ou qui, frappés
par la gelée dans les régions élevées de l’atmofphère,
y dépofent les neiges deftinées à fournir
dt s eaux dans-les -chaleurs de l’ été ; enfin, el'es
•forment des abris protecteurs aux cultures fur les
coteaux & dans les plaines.
” Mais fi la main de l’homme détruit imprudemment
les bois qui ceignent les plateaux fupé-
rieurs; fi, pour quelques miférahles récoltes,
elle remue , la foible couche de terre végétale qui
recouvre le roc; f i, enfin., la dent des- beftiaux
empêche la reproduction des arbres, alors les
eaux pluviales n’éprouvant plus d’obftacles fe
creufenc des milliers de canaux qui s’ élargi fient
à mefure qu’ ils s’éloignent des fommets, & qui
fe terminent par de profonds ravins. Ces eaux
entraînent la couche de terre que les racines ne
confondent plus & s’échappent en torrens dévaf-
tateurs, les neiges amoncelées durant l’hiver glif-
fent le long des pentes au retour des chaleurs,
& comme ces énormes maffes ne trouvent plus
de digues qui lès .arrêtent, elles fe précipitent
au fond des vallées, décruifant dans leur chute
prairies, beftiaux, villages, habit ans- Une fois
le t oc mis a nu, les eaux qui pénètrent dans Fes
fîfiures le minent fourdement, les fortes gelées
le délit-nt & le dégradent; il tomb.1 en ruina , &
fes débris s’accumulent à la bafe des montagnes.
Le mal eft alors irréparable ; les forêts bannies des
hautes cimes r.’y remontent jamais.
» Ainfi le déboifement des montagnes a pour
! réfultat l’entraînement de la terre végétale, la
! ftérilité des montagnes, la .diminution des eaux
de fources, l’aiigmentation des eaux fuperficielles,
la formation des terrains & des avalanches qui
bouleverfent bientôt les terrains intérieurs, les
couvrent d’énormes débris, &r q ui, fe renouvelant
chaque année, changent bientôt en déferts
fauvages des vallées populeuses & floriflantes.
» Ces effets fe remarquent partout où l’homme
n’a pas fu refpeéfcer l’ouvrage delà nature.
Le voyageur qui parcourt la Grèce ne trouve
à la place des belles forêts dont les montagnés
étoient couronnées, des riches moifions que récoltaient
des nations induftrieufes, & des nombreux
troupeaux qui fertilifoient les campagnes,
que des rochers décharnés & des fables arides.
II cherche varnement plufieurs fleuves dont l ’hif-
toire à confervé les noms ; ils font effacés de la
terre.
» La deftruéfcion des forêts fut* les Alpes &
Us Apennins a produit de grands dé ! affres dans
plufieurs parties de l’ Italie. On lui attribué un
extrême dérangement dans le cours des eaux,
Us d. bordemens & les ^tterriffemens des principales
rivières, l’envahiffement par les torrens de
plufieû’us vallées des Apennins, la formation des
marais qui portent atteinte à la falubrité de l’air,
l’abaiffement de la température qui menace pln-
fieurs cultures & notamment celle de l’olivier;
enfin, une grande diminution dans Us produits, '
& par fuite dans.- la population, qui étoit fi nom-
breufe autrefois qu’elle, eft encore un fujet d’éton-
tonnement,.
« Si les royaumes de Naples & des Deux?Siciles
n’ont point éprouvé les mêmes défaftres qui ont
affeéfcé le refte de r ita lie , ils doivent cet avantage
à la confervation de la plupart de leurs forêts fur
.les montagnes.
» L a S u iffe , dont la population réduite aune
furface, très-reftreinte de terres arables, peut difficilement
trouver des refiburces pour fa nourriture
& celle de: fon bétail, reconnoît aujourd’hui
la néceftité de mettre un terme aux défriçhe-
men-s & de chercher un moyen de concilier la
confervation de fes bois avec l’économie rurale.
L’Efpagne eft: le pays du midi de l’Europe
où les forêts ont reçu le moins d’atteintes. Les
v chaînes nombreufes de montagnes qui bordent ce
pays au nord & qui le traversent du nord eft au
fud-oueft font couvertes de forêts dont on attribue
la confervation 2u peu de progrès de l’agriculture.
Les grandes montagnes de l’intérieur de
ce royaume n’étant pas très-élevées, produifent
les plus beaux arbres de coniirudtion. »
Sous le rapport politique, la pénurie toujours
croîffante des forêts eft une calamité à laquelle
les nations civilifées doivent s’empreffer dé porter
remède. La France, qui eft un état maritime,
eft aujourd’hui tributaire de l’étranger pour entretenir
(a marine. Voici l’évaluation de Tes forêts
en 182.8 :
Hectares.
L ’E.tat pofledout alors.. . . . . . . . 1 , 1 6o,q66
La couronne.............. 6 y .969
Les communes & les établiffemens
publics. . . . . . . . ....................... 1 $96,741
Les particuliers............................ 3 »2.37, y 17
T otal............ 6,360,697
C ’ eft à peu près la neuvième partie du territoire ;
de la France, que l’on fait être d’ environ 54 mil-
lions-d’hedtares-.
Dans les bois de l’Etat on compte 25,000 hectares
où le chérie domine ; 30,000 où ce font le
chêne & le h être, & 30,000 où ce font le hêtre,
le charme & d ’autres arbres.
ce Les contrées de la France qu’occupent les
Vofges, le Jura, les Alpes & les Pyrénées ont
v u , ajoute M. Baudrillard, s’opérer de grandes
deltru6fcions.de bois fur les montagnes. Nous nous
bornerons à parler de celles qui ont eu lieu fur
les Alpes & les Pyrénées.
m Suivant un, mémoire de M. Dugied, ancien
préfet du département des Baffes-Alpes, on évalue
la contenance des terrains improduétifs de ce
département à 430,613 heétares, ce qui forme
plus de la moitié dé fa füperficie. A une époque
ancienne, la majeure partie de ces terrains étoit
couverte de forêts,. & alors.la température de. Ja
Haute-Provence étant plus douce, fes eaux mieux
dirigées & fes vallées moins encombrées, la;fertilité
de cette province étoit remarquable.
« Aujourd’hui, les.montagnes de,ce pays font
p.refque toutes déboifées & fans pâturages, &:
les terres des vallées font, pour la moitié au
moins, emportées, par les torrens. Rien de plus
hideux que ces monts hériffés de rochers nus
& noirâtres, & rien de plus affligeant que le fpec-
tacle des vallées, jadis compofées des meilleures
terres, aujourd’hui couvertes, de cailloux dans
prqfque toute ku r largeur & fillonnées feulement
de quelques filets, d’eau. En apercevant pour la
première fois ces vaftes lits de cailloux, on fe
demande quelle pu.iffan.ee inconnue a pu y amener
tant de débris ; mais lorfqu’on s’élève fur les
hauts fommets & que l’oeil, après avoir embraffé
les. monts les moins élevé s, pénètre jufq.u’ au
fond des vallées, alors le voile qui couvre la
caufe de tant de ravages, fe fou lè v e , & l’on reconnoît
que l’homme eft le principal auteur de
la défoiation qui règne, autour de lui.
» Cette déplorable fituation a deux grandes
c au fe .s la deftruétion des bois fur les montagnes
& le défrichement du fol. Les bois attiroient &
retenoieut les nuages, qui fe. réfolvoient en ro-
fée, & dont les eaux, pénétrant jufqu,’aux réfer-
voirs intérieurs, alimeritoient les fources & te-
noient les rivières à un niveau prefque confiant.
L’effet du déboifement a été de détruire la
double attraéfcion des forêts & des fommets. La
première attraéfcion n’exiftant plus, la dernière
feule ne ftiffit pas pour retenir les nuages; ils
obéiffent aux vents & portent ailleurs le tribut
de leurs eaux. C ’eft ainfi que Ton paffe dans les
AlpesNdes mois, prefque des années, fans recevoir
de pluies; niais tout-à-coup les nuages arrivent
de tous les. points de l’horizon , s’entaffenr
comme prefies par des vents oppofés & fondent
en torrens qui entraînent tout dans leur cours.
» Si Ton ajoute au déboifement des fommets
les défrichemens non moins imprude-ns du fo l,
qui ont été exécutés depuis trente ans fur les
flancs des montagnes, on concevra dans quelle
progreflion le mal a dû s’ accroître dans les Baffes-
Alpes, furtout lorfqu’ on faura que les pentes de
ces montagnes forment avec l’horizon des angles
de 6y à 70 & jufqu’ à 75 degrés. Il eft impoflible,
fous une inclinailon aufli rapide, que des terres
remuées & fans foutien puiffent rëfiftir aux orages;
& comment le pourroient e lk s quand les
pluies ordinaires fûffifent pour les entraîner? L’auteur
du projet du boifenient des Baffes-Alpes, à
qui nous empruntons ces renfeignemens, n’héf.ce
point à dire que fi l’ on ne fe hâte de porter remède
à cetre fâcheufe fituation, bientôt la population
ira diminuant dans la partie haute de ce
département, & cela avec une gran,de rapidité.
. « C e que l’on vient de dire des Baffes-Alpes
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