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» multipliées. On voit partout des traces de la
». violence avec laquelle toute cette vafte contrée
» a été réduire dans Ton état aétuel, état qu'on
» n’obferve point dans les Alpes d'Europe ni
» dans les monts Ourals , qui fe prolongent dans
» une autre direction du midi au nord.
» Mais je laide là les hypothèfes ; d'autres s’oc-
» cuperont de démêler ce grand phénomène : je'
» dirai feulement que le Rhinocéros dont je viens
» de parler, prouve le contraire dece'que j’avois
» ci-devant cru vraifemblable , favoir, que les
» animaux dont on trouve Us débris dans ces contrées
» y étoient nés, y vivotent, & n avoiery péri que par
*» le changement de climat. >»
M. Cuvier penfe que les Rhinocéros & les
Eléphans foffiles n’ o'nt point été apportés de loin
dans l'Afie feptentrionale ; que ce n’eft pas par
fuite de changement lents & ïnfenfibJes dans la
température qu'ils ont treffé d'y vivre. En effet,
d it- il, en parlant de celui qui rut trouvé dans la
glace avec fa chair & fa: peau, comment feroit-il
arrivé des Indes ou d’un autre pays chaudjufquen
Sibérie y fans fe dépecer ? Comment fe feroit-il-con-
fervé fi la glace ne /'eût faifi fubitement ? & comment
l 'eût-elle pu faifir de cette manière f i le changement
de climat eût été infenfible ?
Ajoutons que fi la température de la Sjbérie
n'a voie point changé, aucune caufe ne s’oppofe-
roit à ce que ces animaux n'y pùflTent vivre aujourd’hui.
O r , il n'exifte aucun Rhinocéros dans
ces régions. D’ uil autre cô té , il eft affez difficile
d'expliquer comment la température de la
Sibérie auroit pu tout-à-coup paffer de la chaleur
des tropiques au froid des glaces polaires.il fau-
droit pour cela que l'axe de la terre eut changé
fubitement. M. de La Place, dans fon bel ouvragé
fur la mécanique célefte, prouve l’impoffibilité
de cette cataftrophe. D'ailleurs, fi cette mutation
s'étoit opérée, il exifteroit fur quelques points
de la terre des contrées dont les roches calcaires
renfermeroient des débris d’animaux du Nord.
Les recherches des géologiftes ont au.contraire
confirmé cette règle générale, que tous les animaux
foffiles appartiennent à des régions méridionales-
Il feroit plus raifonnable de penfer que ces ani •
maux appartiennent à quelques terres boréales où
ils vivent peut être encore, & d’ou quelque irruption
marine a apporté en Sjbérie leurs corps, que
les glaces ont défendus de la corruption. Mais
peut-on s’arrêter à une idée qui fuppoferoit l ’exif-
tence d’un continent dans les mers du Nord,
explorées encore tout récemment?
Ainfi, quelle que foit l’opinion du célèbre
Pallas, quelle que foit celle de M. Cuvier , on
eft prefque forcé d'admettre deux hypothèfes pour
l'explication du phénomène de la découverte en
Sibérie d’ un Rhinocéros couvert de fes mufcles ,
de fa peau, de fes peils. La première, qu'à l’é poque
où ce pays commença à être peuplé d'Elé-
phans & de Rhinocéros, c ’eft-à-dire, lorfque
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l’Océan primitif le laifia à découvert, le -climat,
à caufe de l ’élévation de fon plateau, y fut moins
chaud que dans les régions méridionales. Ces
grands animaux y furent donc couverts d’une
grande quantité de poils. Ils y vécurent jufqu'à
l'époque où une irruption violente des eaux de
l’Océan vint combler de fable & de gravier les
vallées de la Sibérie, &r couvrir le fol même de
plufieurs Jieux élevés. IL eft donc probable que
j ’animai en queftio» fut enfoui dans ce gravier,
& qu'il y fut confervé intaél, grâce à Vépniffeur
de fon cuir, jufqu’à l’époque où la température
du Globe ayant généralement changé , la Sibérie
fe trouva fous un climat affez froid pour que des
glaces vinrent couvrir la place où ce quadrupède
étoit enfeveli. Il n’elt pas impoffible qu’un corps
enveloppé d’un cuir auffi épais que l’elt celui du
Rhinocéros, refte dans un certain degré de con-
fervation lorfqual eft enfoui dans le fable. Le
rapport de M. Argunoff porte, il eft yrai, que l’animal
étoit a moitié enfeveli dans lé fable; mais
depuis que la Sibérie eft foumife à une température
glaciale, quelque caufe accidentelle , comme
la crue des eaux du Wiihoui, a pu diminuer l’é-
paiffeur de‘ ce fable.
La fécondé hypothèfe eft fondée fur une ob-
fervation du célèbre naturalifte qui a exploré la
Sibérie.
Pallas penfe que l’Océan a dû franchir, à
une certaine époque , la chaîne qui borde cette
contrée au fud & fe dirige vers- le nord ; mais
comme on nè peut nier la fucceffion de plufieurs
irruptions marines fur notre (31o b e , il feroit pof-
fible qu’un continent boréal, dont leSpitzberg &
les îles connues fous le nom de filouvelle-Sibérie
indiqueroient. la trace, eût été habité par de
grands animaux tels que l ’Eléphant & le Rhinocéros,
modifiés dans leur organifation pour vivre
dans un pays froid , & qffiune irruption marine
venue du Nord eût couvért cette terre & qu’ elle
eût tranfporté dans^la Sibérie feptentrionale quelques
uns de ces animaux, puis par un mouvement
d’ofcillation qui n'a rien d'impoffible, que la
mer, en reprenant fon niveau, eûtlaiffé dans un
terrain de labié quelques cadavres de ces animaux
, que les glaces auroient enfuite confervés
dans un état prefqu’intaél. Cette cataftrophe,
qui appartiendroit à la plus récente des révolutions
de notre planète, expliqueroit à la fois la
préfence de ces animaux, qui par leur peau
couverte de poils indiquent qu’ils font originaires
d’une région boréale aujourd'hui engloutie ;
Elle laifferoit auffi l'efpoir de trouver encore vers
l’embouchure de quelques-unes des rivières qui
fe jettent dans l ’Océan glacial, d’autres individus
de la même efpèce confervés dans les glaces ;
enfin, elle expliqueroit la. configuration des contours
feptentrionaux des deux continens de l'Afie
& de l ’Amérique. Voye-{ Révolutions du G lobe.
Au furplus, un fait qui. s’accorderoit avec
cette hypothèfe, e'eft celui qui eft configné dans
le Journal de Phyfique, tome X iX , page 6 3 , & qui
porte que les fa.ivages du Groenland prétendent
qu’il exifte dans leur pays un animal noir & v e lu ,
de la forme d’un Ours & de fix brades de haut.
Quoique cette forme d’Ours ne s’accorde point
avec celle du Rhinocéros ni avec celle du Mammouth
dont ’nous allons parler , la tradition de
i ’exiftence d’un grand animal dans ces contrées
n’en eft pas moins curieufe.
• Mais quelle que foit celle de ces deux hypothèfes
à laquelle nous nous arrêtions, nous pen-
fons que le phénomène de la confervation de ce
Rhinocéros n’ eft point emoppofition avec la grande
idée de Butfon fur le refroidiffement de la terre.
V oy e i T errev
Les faits nombreux que -fournit la géologie
fervent plutôt à confirmer qu'à détruire l’hypo-
thèfè de cet homme célèbre.
11 eft fâcheux que Pallas ait négligé de décrire
les coquilles foffiles qui accompagnent, dit-il,
les nombreux offemens de ces quadrupèdes perdus,
ils auroient fervi à éclairer la quefiiop relative
à la température primitive de la Sibérie*' car
fi ces coquilles appartiennent aux mers méridio-
naîès, fi elles reffemblent à celles de nos terrains
calcaires de fécondé & troifième formation , il
faudroir bien renoncer à l’idée que cette contrée
a toujours été froide.
Nous avons tout lieu de croire que les terrains
de la Sibérie portent les mêmes caractères que
ceux qui ont été examinés fur d'autres points du
Globe. Nous favons que le fol de la BouckhaTie
préfente des roches de calcaire fecondaire très-
riche en ammonites & autres Corps organisés
foffiles. Pallas & Gmelin ont remarqué des roches
entièrement compofées de coquilles, depuis les
rives du Volga jufqu’aux portes'de Pétersbourg.
Nous favons auffi que les rivages occidentaux de
la mer d'Ochotsk , à une latitude auffi feptentrionale
que lë lieu où fut déterré le Rhinocéros ,
font bordés de collines compofées de calcaire
coquillier fecondaire ; nous devons donc croire
que la Sibérie a été foumife à peu près à la
même température que le refte de la terre.
Pallas paroît difpofé à recourir au déluge de
Moyfe pour expliquer la cataftrophe à laquelle il
attribue la rupture des chaînes de montagnes qui
bornent: la Sibérie méridionale, & la préfence
d’un Rhinocéros dans les glaces du Nord. Ce
n’eft point ici le lieu de difeuter ce point important}
qu’il nous fuffife de dire en paffant, que l’en-
femble des faits géologiques ne permet point de
confîdérer comme une caufe générale, une pluie
qui n’a pu avoir quelqu'influence que fur une région
très-circonfcritede la terre.
Revenons aux Rhinocéros foffiles de l’Italie,
& difons, pour terminer-, que d'après les
travaux du favant naturalifte dont nous rapportons
les réfultais remarquables, on doit dif-
tinguer quatre efpèces de Rhinocéros foffiles.
i° . Celle à narines cloifonnées, qu’il appelle
Rhinocéros tichorinus (d e rciyiori paries, & de pif,
nafus). C ’ eft la plus anciennement connue; onia
retrouve en Sibérie.
.2°. Celle d’Italie, à narines non cloifonnées,
dont les os du nez font plus minces; il la nommé
Rhinocéros leptorhinus (de \tzrc[os, tenuis, & de /»h,
nafus \
30. Celle d'Allemagne, de taille ordinaire &
munie de dents incifives, qu’il nomme Rhinocéros
incifivus.
4°. Enfin , la petite efpèce trouvée à Moiffac,
& qu’il nomme Rhinocéros minutus.
Elafmotherium. LJn genre voifin du Rhinocéros
a été découvert en Sibérie , & fignalé par M. Go-
thelf de Fifcher; on l'a nommé Elafmotherium.
M. Cuvier préfume que cet animal avoit des rapports
avec l'Eléphant, le Rhinocéros & le Cheval.
La ftruéture de Tes dents, qui font feftonnées en
relief à leur furface , & dont l’émail eft cannelé
fur toute la hauteur , annonce que cet animal
fingulier, qui pouvoir avoir à peu près la taille
du Rhinocéros , devoit fe nourrir de graminées.
Nous allons paffer maintenant aux plus grands
pachydeimes, aux Eléphans & aux genres qui
en font voifins., & dont on trouve auffi les reftes
dans les terrains d'alluvion.
Eléphans. L'innombrable quantité d’offemens
foffiles de ces gigantefques animaux a de quoi
fatiguer l’imagination la plus habituée à l’idée de
. l’immenfe fécondité de la nature, lorfque l ’on
confidère que depuis les temps hiftoriques les
plus reculés, l’ivoire foffile eft connu , que Théo*
phrafte & Pline en ont parlé, &que dans les temps-
modernes on en a découvert, foit ifolé , Toit avec
d’ autres offemens de ces animaux , en Italie , en
Efpagne , en France , en Allemagne, en Bohême,
en Hongrie , en Suède, èn Danemarck, dans toute
l l'Europe, dans l'Afie feptentrionale & en Amérique.
On en connoît plufieurs efpèces, & généralement
elles font plus .grandes que celles qui
vivent dans les climats méridionaux de l’Afie &
de l'Afrique. Nous ne citerons que les dèfenfes
& quelques offemens bien confervés de ces animaux
foffiles ; ils ferviront à donner une idée de
la taille de ces géans du règne animal.
Aux environs de Rome, en 1769 , le duc de La
Rochefoucauld & M. Dcfinareft, l’auteur des
quatre premiers volumes de ce Dictionnaire, en
découvrirent une qui avoit dix pieds de long fur
huit pouces de diamètre , quoiqu'elle ne fût pas
entière. 11 en exifte quatre morceaux au Muféum
d’hiftoire naturelle. :
Près de la porte d’Oftie, en 1698, on trouva
dans le tuf une défenfe dont parle Baglivi ; elle
avoit dix-huit palmesdelong ( 1 3 pieds 7 pouces).
Pafleri parle d’un crâne & d’une mâchoire inférieure
d’une grandeur confidérable, & d’un fémur