
& les anévrifmes, & les hémorragies de toute
e fp èce, notamment ces pertes utérines & ces
précoces menftruations, fi communes fous le ciel
ardent des tropiques.
Les mufcles ne font point exception à cette loi
générale; mous, flafques, ils font , en général,
fans énergie, & les peuples des zones brûlantes
ont communément peu de force mufcu-
laire ; les expériences dynamométriques faites par
Péron, & répétées depuis par Quoy & Gaymard,
lors de l’expédition autour du Monde commandée
par la capitaine Freycinet, en font une preuve ir-
récufable. De là naît pour ces hommes un befoin
extrême de repos, des habitudes de parefle & de
nonchalance, un défaut de courage, dont le def-
potifme a fu tirer parti. Chez eûx un maître règne
en tyran ; ils fe courbent fans murmurer fous un
joug de fe r , ils confentent à vivre & à mourir
efclaves » quelques clafles végètent dans un état
d’oppreffion auffi injulte qu’ il eft révoltant; ils
fe laiffent vaincre, conquérir, dépoflederî les
plaintes, la réfiftance, la guerre, leur donneroient
trop de peines; ils dorment, ils fe repofent, &
le repos eft l’exiftence pour ces hommes afFoiblis.
De ce t épuifement continuel occafionr.é par
la chaleur, réfulte auffi un affoibliffement du fyf-
tème digeftif; de là , des digeftions pénibles , la-
borieufes, imparfaites, le dégoût des viandes,
des alimens nutritifs, un goût prononcé pour les
légumes, pour les fruits, pour tout ce qui ne
donne pas un chyle riche & nourriffant ; de là ces
lois fages, ces coutumes religieufes, comme dans
l’ Inde, qui interdifent l ’ufage des viandes, lois
parfaitement appropriées aux climats chauds, favorables
à leurs habitans, mais qui n’ ont plus
d’avantages, & n’ont ordinairement plus d’effets
lorfqu’on cherche à les tranfporter dans d’autres
pays, fous un autre ciel. Il eft donc néc'effaire
de modifier quelques-uns des ufages d’un culte ,
lorfqtie ce culte paffe d’une contrée à une autre.
La manière de vivre des Brames eft hygiénique
dans l’ Inde ; elle feroit contra:re en Sibérie, au
Groenland, & il faudroit la modifier fi le bra-
mifme s’étendoit vers les pôles. La religion
grecque qui prit nailfance fous le beau ciel de
l ’Hellénie, avoit recommandé à l’es testateurs des
jeûnes répétés & quatre carêmes, pendant iefquels
toute nourriture animale eft interdite; ces régle-
mens font abfurdes en Ruflie & dans les autres
pays froids.
L’emploi des épices n’eft pas, pour les Méri- '
dionaux, une contradiction dans leur manière de,
vivre, ils n’aiment que les alimens doux, ces alimens
feuls leur conviennent; mais leur eftomac
affoibli, fatigué, énervé , a befoin de ftimulant,
& c’eft à ces condimens que le fol brûlé des tro- !
piques produit en abondance , qu’ ils empruntent j
les moyens de réveiller leurs fondions digeftives. i
En revanche le vin & les liqueurs fpiritueufes y
font rarement employés; dans ces contrées on
I évite avec foin tout ce qui peut exciter le cerveau
, l’exalter, affez de caufes déjà le mettent en
effervefcence. Les habitans du Midi ne connoif-
fent prefque jamais les excès de l’ivrognerie.
De cette foiblefle de quelques fyftèmes, réfulte
auffi là prédominance de quelques autres. Dans le
Midi, l’appareil fenfitif, l’ enfemblé des nerfs &
du cerveau eft^ dans un état d’érétifme prefcjue
continuel. Voilà pourquoi ces hommes qui fuient
la fatigue corporelle avec tant de foin, fe livrent
avec fureur au je u , à la danfe, aux plaifirs de
toute efpèce; pour eux les fenrimens font des
paffions, & leurs paffions font conftamment fuivies
d’ effroyables excès. La religion y eft prefque toujours
dufanatifme, l’amour un emportement furieux,
la haine une férié de crimes Dans ces climats
on trouve bien plus d’enthoufiaftes, bien plus
de fous. C ’eft là que l ’on rencontre en foule des
hommes livrés à des manies contemplatives, -à
des pratiques abfurdes; c ’eft là qu’abondent ces
ermites, cès moines, ces caîoyers, ces fakirs,
ces fantons, ces marabous, ces bonzes, ces tal appoints,
ces derviches, & c ., d'autant plus nombreux
& plus abfurdes que le pays eft plus ex-
pofé aux rayons du foleil. Ces effets de la chaleur
ont été connus & fignalés par Montefquieu, Ef.
des lois, 1 .1. liy. X IV. ch. 2 & 3. « Dans les pays du
Midi, dit ce grand publicifte, une machine délicate
, foible mais fenfible, le livre à un amour qui,
dans un férail, naît éc fe calme fans ceffe, ou bien
à un amour qui, laiflant les femmes dans une plus
grande indépendance, eft expofé à mille troubles.............
f La claleiir du climat peut être fi exceffive
que le corps y fera abfolument fans'fôrce.
Pour lors l’abattement paffera à l’efprit même;
aucune curiofité , aucune noble entreprife, aucun
fentiment généreux ; les inclinations y feront toutes
paffives ; la parefle y fera le bonheur___. . . .
La nature, qui a donné à ces peuples une foiblefle
qui les rend timides fle u r a donné,auffi une
imagination fi vive que tout les frappe à l’excès.
Cette même fiélicateffe d’organes qui leur fait
craindre la mort, fert auffi à leur faire redouter
mille choies plus que la mort..............Approchez
du xVlidi j vqus croirez vous éloigner de la morale
meme; des paffions plus vives multiplieront les
crimes ; chacun cherchera à prendre fur les autres
les avantages qui peuvent favorifer ces mêmes
paffions.. . . . . . j 53
Cette exaltation du cerveau & de toute la fen-
fibilké donne aux habitans des climats chauds
une imagination vive & brillante, une conception
rapide, une intelligence précoce. De là ces
féeries fi ingénieufes, cette croyance aux enchan-
temens, ces élans finguliers d’imagination dans
leurs arts, comme la fculpture, la peinture, la
mufique, la poéfie; ou ces idées exagérées qui les
portent à s’impofer des auftérités effrayantes,
des fupplices même, pour appaifer leurs divinités.
Mais de ces deux caufes réunies, le relâchement
des tiflus & l’aéfcivité fans ceffe renaiffante du
fyftème fenfitif, naiflent bientôtl'épuifement général
& une vieilîefle prématurée. On vit rapidement
fous les-tropiques, les corps font épuifés par la chaleur,
par les transpirations, par les mauvaifes nutritions;
les intelligences s’affaiffènt parce qu’elles
agiffent trop vivement & trop conftamment. C ’ eft
vainement qu’ on y a recours aux narcotiques, tels
que l ’opium, la mangue , & c . , pour diminuer la
fenfibiiité nerveufe, pour endormir le cerveau,
le moral s’ufe trop vîte encore. Auffi la femme;
féconde dès l’ enfance ceffe de l’être bientôt,
& fe trouve déjà .vieille quand dans d’ autres climats
elle commenceroit feulement à connoître les
douceurs de la maternité. L’homme épuifë par
des jouiflances précoces, traîne bientôt une vie
inutile & défenchantée, & meurt de vieilîefle &
de décrépitude, quand lotis un autre ciel il pour-
roit encore efpérer un long avenir.
La chaleur qui exerce une fi grande influence
fur la conftitution, fur les fondtions organiques,
fur la fenfibiiité & jufque fur la civilifation des
habitans du Midi , ne modifie pas moins leur ftruc-
'ture &r leur conformation. Les hommes des çii*
mats chauds vivent trop promptement pour arriver
à une taille élevée ; auffi font-ils en general petits
M atteignent-ils rarement cinq pieds. Leurpeau fans
celfe expoiée à une chaleur ardente, à une lumière
v ive ,e ft prefque toujourshâiée,brune;quant à la
teinte jaunâtre qui,y domine conftamment, & qu’on
peut difiinguer fans peine à travers toutes les nuances
originaires, elle dépend d’ une prédominance
du fyftème biliaire, & annoncechezces peuples une
difpofitiori toute particulière à toutes les maladies
bilieufes. Leurs yeux conftamment frappés par les
rayons du foleil, font dans" un état de contraétion
qui finit par dégénérer en habitude; l'arcade lur-
cilière eft failiante., le folircil eft noir & garni d’une
-grande quantité de poils, la pupille eft retrecie,
tout enfin y femble calculé pour laifîer arriver à la
rétine la plus petite quantité poffible de rayons lumineux.
Cependant on trouve beaucoup d'aveugles
dans ces climats ; leur vue, comme plpfieurs
autres,de leurs facultés,-s’éteint fouvent ayant la
fin de la vie. '
Dans les pays chauds, il eft rare d é trouver de
l’ embonpoint ; la plupart des individus y font maigres,.
fecs, dépourvus de graille & prefque de
tiflu cellulaire ; leurs formes font peu prononcées,
peu faillantes, & tout en eux annonce la foibleffe
& la caducité, & ce n’ eft pas fans quelque raifon
que l’ on a dit que les zones brûlantes n’étoient
peuplées que de vieillards.
Quant aux maladies auxquelles ces peuples font
expofés, elles font nombreufes & graves; la peau
fans ceffe excitée par la chaleur & les tranfpirations,
eft, outre la lèpre dont j’ ai déjà parlé , en
proie à une foule de maladies éruptives, tels que
le pian, les y a v s , la fy phi lis, i'éléphantiafis, la
variole, la rougeole, & c . Les mauvaifes digeftions,
le peu d’énergie des forces de l ’eftomac, donnent
naiffance au cholera-morbus, à la fièvre jaune,
aux fiatuofités, à des dyflenteries prefque toujours
funeftes, à des diarrhées opiniâtres, à des
infiltrations lymphatiques, à des hydropifies partielles,
à l’ar.afarque, &c. ; l’extrême fufeeptibi-
lité du fyftème nerveux y occafionne fréquemment
des névrofes, l’épilepfie, l’hypochondrie, la mélancolie
& tous les genres d’aliénation mentale ;
enfin, ces climats font en outre expofés à ces
affreufes maladies épidémiques ou endémiques,
qui déciment fouvent les populations : la p e lle ,
les typhus, toutes les maladies contagieufes les
plus funeftes fe montrent chaque année dans le
Midi.
Si maintenant nous jetons un regard rapide fur
les pays froids , nous y trouvons des hommes diffère
ns, des Habitudes, des moeurs, des coutumes,
des inflitutions oppofées en tout point à
celles qui fe montrent dans les pays brûlés par le
foleil ; fi dans les zones torrides tous les êtres
portent l’empreinte de la vieilîefle, dans le Nord
on ne trouve plus que les caractères de la jeunefle
& de la vigueur. Le froid fortifie tous les organes,
donne à la circularion de l'énergie, développe le
tempérament fanguin, augmente la force mufeu-
laire, permet aux humeurs & à la graille de s’accumuler,
& diminue l’énergie du fyftème nerveux.
De là ces difpofitions aux pléthores, aux maladies
inflammatoires ; de là cette rareté des tranfpirations
& ce befoin de les faire naître au moyen
des bains de vapeur, fi communs dans les pays
feptentrionaux ; de là auffi cette ardeur au travail
, ce goût pour la chafîe, pour la guerre, cette
témérité turbulente, ce befoin de dangers, ce
mépris pour la douleur & pour la m or t, cette loir
de la gloire, qui diftinguent les peuplades du Nord.
Toujours les habitans du Midi ont été vaincus par
ceux des-climats froids; mais auffi ces vainqueurs,
lorfqu’ ils confentoient à vivre fous un ciel nouveau
, ne tardoient pas à y perdre leur énergie
première; la chaleur &r de nouvelles habitudes
en faifoient bientôt des hommes dû Midi.
Le froid fait vivre lentement, fous les zônes
glacées, le corps s’accroît avec lenteur ; ce n’eft
que par une longue enfance que les hommes Sc
; les femmes parviennent à la puberté, ce n’eft auffi
que lorfque tous leurs organes font parfaits, qu’ils
commencent à donner naiflance à des enfans qui
font tous forts, vigoureux comme leurs pères.
Chez ces peuples, dont la fenfibiiité eft en quelque
forte engourdie par le froid , on ne rencontre
prefque jamais ces paffions fi communes dans le
Midi; pour eux l’ amour n’a ni fureur, ni jaloufie,
ni galanterie, la haine eft peu durable, l’amitié
fans détours. Forts, énergiques, ils aiment le
mouvement; ils défendent leur indépendance, ils
repouflent toutes les agreffions, ils vont même
1 avec joie chercher de nouveaux ennemis, & fi