
La bafe du triangle climatologique de VEu-
» rope offre, fous le rapport de la végétation,
» quelques particularités remarquables que nous
» allons examiner, en procédant de l’eft à l’oueft :
» vers les bouches du Danube, les pommiers,
» les poiriers, les cerilïers, les pruniers, les
« abricotiers, couvrent les collines: la Valachie
» en poffede des forêts entières. Ces arbres frui-
» tiers franchisent la chaîne du Balkan, & gar-
» niffent quelques-unes des hautes collines de la
»» Romélie, de l'antique Macédoine & de l’Al-
« banie. Jufqu’ au 40e. parallèle, les oliviers &
» les orangers ne quittent pas les bords de la
» mer; mais les montagnes fe couronnent de
» forêts variées, où fe fuccèdent le pin, le fapin
» & le cèdre, le chêne, le hêtre, le noyer, le
»s châtaigner, l’érable, le cycomore & le pla-
» tane d’Orient. Au fud du 40e. parallèle, la
» végétation prend un autre afpeét, les pommiers
» & les poiriers difparoiffent; l’olivier, l’oranger,
» le figuier, le mûrier noir les remplacent & mê-
» lent leur feuillage à l’écarlate des fleurs du
3, grenadier, & leurs douces exhalaifons à celles
» du myrte & du jafmin. Sur le rivage du canal
« étroit de Conftantinople, quelques végétaux
m du nord croiffent naturellement à côté de ceux
» du midi. Les vignes des environs de Salonique
33 produifent dervirïs excellensj mille efpèces de
» plantes aromatiques foumiffent aux abeilles de
»3 l'Attique les fucs qui jadis valurent à leur miel
33 tant de célébrité. Les vallées & les rivages de
33 l’Albanie offrent beaucoup d’analogie avec les
33 parties les plus tempérées de l’Italie : au-def-
33 fous des forêts d'arbres réfineux qui couvrent
33 le Pinde, on voit des bouquets de fureaux,
33 des prairies couvertes de violettes, dé mrciffes
33 & d’hyacinthes, garnir les vallées alors que
i, les chaleurs de l’été n’ont pas defféché les
33 rivièies. La région méridionale de l’Italie pré-
33 fente un fpeétacle enchanteur : des forêts
»3 d’oliviers, d’amandiers & de figuiers, quelques
» cyprès majefteux, les fruits dorés de 1 oranger
33 & du citronnier annoncent une nature nou-
33 vellei les bords du baflin formé par les côtes
33 de la Tofcane, du territoire de Gênes & de
33 N ic e , & les rivages méridionaux de France,
33 forment un magnifique amphithéâtre garni par
33 quatre zones de végétation. Dans la plus baffe,
3> qui ne s'élève pas à plus de ic o mètres au-
33 di ffus de la Méditerranée, on remarque d’abord
33 les loudes, les panicauts & les échinophores ;
33 puis le latanier, le tithymale en arbre, la ca-
33 melëe à trois coques, le loti. r foyeux ; dans la
„ fécondé croiffent le laurier-rofe, toutes les ef-
33 pèces d’orangers, les platanes, les micocou-
33 liers; tandis qu’au pied de ces arbres, les jaf-
33 mins, les grenadiers, les jonquilles & les tubé-
»3 reufes marient leurs fleurs éclatantes à leur
» arôme délicieux ; la troifième zone eft occupée
33 par les oliviers, les figuiers & les vignes, les
>3 lauriers & les arboufiers; la quatrième enfin
»3 n’ offre plus, vers le fommet des montagnes,
33 que des caroubiers, des ciftes, des pins & des
»3 romarins qui croiffent lpontanément dans les
33 fiffures des rochers. Sur les pentes orientales
>3 de la péninfule hifpanique, on retrouve les
33 végétaux de la Grèce & de l’Italie» l’olivier y
»3 profpère jufqu’au cap Palos; le caroubier y
33 croît près du lentifque ; le laurier, le figuier,
>3 le grenadier & le mûrier y étendent leur
33 feuillage varié, la vigne y donne un vin ca-
»3 piteux & fortement coloré. E n f in , depuis
33 le cap Palos jufqu’ au cap Saint-Vincent,
»3 s’étend une région que l’on peut appeler afri-
>3 caine, caraétérifée près de l’Océan & de la
»3 Méditerranée par le palmier nain, le caétus &
»3 le bananier, tandis qu’une zone fupérieure com-
33 prend des végétaux de l’Italie, dominés par la
33 vigne, & enfin par des forêts d’arbres réfi-
33 neux. *3
Nous ajouterons à ce tableau, qu’en Europe|
on voit quelques pays fitués fous des latitudes différentes,
tels que la Laponie, l’Ecoffeôt la France,
dans lefquels les plantes phanérogames font en
nombre deux fois plus confidérable que les aga-
mes. C ’eft ordinairement dans les bois ombragés
& humides que croiffent les orchidées. On a remarqué
auffi que les primevères, les gentianes
& les saxifrages habitent plus particulièrement
les montagnes calcaires que tout autre terrain.
Suivant M. Hornmann, les îles danoifes dé
Laaland & de Falfter font les Hâtions les plus
feptentrionales de Vafpagarus ojficinaiis & des al-
chea, & la plus méridionale du ligufium fcotieum.
Le Bytter-Knegten, montagne de 1 île de Bornholm,
dont la cime, qui ne s’ élève cependant qu a
500 pieds, elt la plus haute du Danemark, fert
de limite à l’eft & au nord au carex extenfa , . i
Yulex europ&us & au melilotus ornithopodioides.
C ’eft au Holftein que celle au nord 1 ç menyanthes
nymph&oides.
t Loin de diminuer en s’ approchant du pôle,
comme on l’avoit cru jufqu’ à préfent, les o r c
h id é e s augmentent d’ une manière fenfible, ainfi
que l’ a fait remarquer M. Hornmann. En Allemagne
elles forment dé la végétation, & en
Laponie 75.
Les compofées fuivent une règle oppofce : en
Allemagne, elles font aux végétaux comme 1 elt
à 8 , & en Laponie comme 1 eft à 14. lien eft de
même des om b e li i f e r e s : en Allemagne, elles forment
la 29e. partie des autres plantes, & en
Laponie la f f e. Les c ru c ifè r e s 8>z les lég um in eu fe s
éprouvent la même diminution : les premières
forment en Allemagne le 18e. , en Danemarck le
21e. , & en Laponie le 24e. de la végétation.
Les fécondés forment en Allemagne la 18e. partie
, en Danemark la 20e. , & en Laponie la 35e.
I d s végétaux.
Enfin, les caryophyliées & les amentacêes fuivent
une règle contraire : les premières font en Allemagne
& en Danemark comme 1 à 2 1 , & en
L aponie comme 1 à 17 » les fécondés font en
Allemagne comme 1 à 39 , en Danemarck comme
i à 36, & en Laponie comme 1 à 17.
Suivant M. Viviani, les plantes indigènes de
l’Italie fe divifent en deux groupes : celui des
efpèces alpines, qui font communes à l’ Italie
feptentrionale & à l’Allemagne, & celui des e f pèces
littorales, qui fe montrent fur les côtes &
dans les îles. Sous le rapport de la végétation, la
péninfule italique ne peut être divifée en feptentrionale
& méridionale, comme on le fait en géographie,
attendu que les plantes du nord de cette
contrée préfentent les mêmes efpèces que le midi.
Sur les Apennins, qui s’élèvent entre Gênes &
Plaifance, on trouve à la hauteur de 1.847 toifes
les mêmes plant, s qui végètent à 2,000 toifes
fur les Alpes. Ces végétaux manquent cependant
fur les fommets du Gargano, vers l’extremité de
la péninfule italique * de l‘Etna, en Sicile, & des
montagnes de la Corfe.
Les plantes de 1’,Afrique feptentrionale fe propagent
en Italie par trois routes différentes :
i° . celles de la Libye fe trouvent en Grèce, en
Sicile & en Calabre » 20. celles des côtes africaines,
qui bordent la Méditerranée, fe retrouvent
en Sardaigne & en C o r fe ; 30. celles des cotes
de l’ Afrique occidentale s’étendent en Efpagne,
en Provence & dans les environs de Gênes. Les
principales de ces dernières, qui, étant communes
à l'Afrique orientalo-feptentrionale, ne
dipaflènt pas les montagnes de Gènes, font
Vins fifyrinchium, le cerintke afp era, le convolvulus
tricolor, 1 q prafium majus & minus, & le feabiema
urceolata. Celles de l’Afrique feptentrionalo-occi-
dentale, & qui ne fe trouvent pas dans l’ Italie
méridionale, font Vaphyllanthes monspellienfis,
le cnéorum tricoccum, le teucrium lucidum, VeUa-
gnus angufiifolia, le buplevrum fruticofum, &c.
Enfin, les plantes de l’Afrique feptentrionale,
qui ne fè rencontrent ni lur les plages occidentales
de l’Europe, ni dans l’Italie méridionale,
mais qui vivent en Sardaigne, en Corfe & aux
environs de Gênes, font l 'iris juncea , Vorchis acuminata
, le fcrophularia msèlffera, le ranunculus
fiabellatus & le carthamus crtÊcus.
Tout le monde fait que la hauteur plus ou
moins grande des dations donne à la végétation
les plus grands rapports avec des régions plus
ou moins rapprochées du pôle. Ainfi, M. Gaudin,
dans fa Flora helvetica, fait remarquer qu il exifte
en Suiffe un grand nombre de plantes qui vivent
lur les côtes de l’Océan arètique, foit en deçà,
foit au-delà du cercle polaire. Il ajoute même
que plus des trois quarts des plantes de la Laponie
font partie de la flore fuiffe.
Avant de quitter l’Europe pour examiner la
végétation des autres parties, du monde, rappelons
un fa it, à la vérité bien connu, c|eft
que dans les grandes chaînes la végétation
préfente la fucceffion des végétaux, les plus
importans par leur taille , les plus compliqués
dans leur organifation, aux végétaux les plus
chétifs & les plus Amples, depuis la bafe des
monts jufqu’à leur cime. Nous citerons à ce
fujet l’élégante peinture que fait Ramond de la
végétation des Pyrénées.
33 Immédiatement au deffous & à la fuite des
33 moufles, un certain nombre de plantes par-
33 faites, d’un caractère particulier, farouches,
33 fi l’on peut s'exprimer ainfi, & volontaires,
>3 qui ne fe plaifent que fur les hauteurs, qu’au-.
33 cun traitement ne peut apprivoifer, qu’aucun
33 foin ne peut naturalifer ailleurs, forment l’avant*
33 garde de la végétation. On les nomme alpejlres
>» parce qu’elles font en force fur les hautes
33 Alpes, & que les hautes Alpes ont donné leur
>3 nom à toutes les hauteurs qui leur reffemblent.
33 Partout elles fe préfentent les premières aux
33 infultes des frimats. Les neiges même, qui
33 fubfiftent les deux tië.'s de l’année, ne les ef-
33 fraient pas. Elles fortent toutes fleuries des
33 climats que le mois de juin fait difparoïtre.
*3 Elles profitent de tous les accidens des lieux
>3 & des faifons. D’elles proviennent toutes les
.33 entreprifes de la végétation fur la zone glaciale.
33 C ’eft dans leur famille qu’il faut ranger le caris
nillet mouffier, que j’ai vu au fommet du pic
33 du midi, & que M. de Sauflure a trouvé fur la
>3 pente du Mont-Blanc, à 1,780toifes de hau-
33 teur abfolue. C ’eft dans la même divifion qu’il
33 faut placer la charmante gentiane que j’ ai ren-
33 contrée au centre même des Pyrénées, à la
33 plus grande hauteur où je fuis monté : cette
33 gentiane dentée, qui n’a befoin que de quelques
•» jours fereins, entre la fuite des neiges & leur
33 retour, pour ouvrir fa jolie fleur, dont la cou-
33 leur eft l’azur foncé du ciel qui la voit épa-
33 nouir. Dans ces lieux, où la végétation devroit
33 expirer, ces plantes ont profité de quelques
33 climats particuliers qui interrompent la luc-
33 ceffion des climats généraux, & dont la tem-
33 pérature eft moins réglée par la fituation rela-
33 cive que par des caufes accidentelles de chaud.
>3 Là, ces fleurs folitaires, féparées de nos prés
33 par tant de déferts & de nos ’étés par tant de
33.frimats, ne font pas pour cela hors de la
33 portée du papillon. Cette fragile créature,
33 cette efpèce de fleur vivante qu’ un foüffle du
33 zéphyr met, dans les airs, à deux doigts du
33 naufrage, qui n’effleure pas la rofe fans com-
33 promettre le duvet de fes petites ailes, le pa-
33 pillon a , dans fa race, des aventuriers qui fran-
33 chiflentles précipices dont les monts du premier
33 ordre font environnés, qui, dans leur vole ras
rant, s’élèvent de proche en proche à ces
» régions de l’atmofphère d’où il tonne fur nos
33 têtes, & où l’aigle même tente rarement de