
Cette montagne offre le fingulier phénomène
de l'alternance des dépôts qui font le produit du
feu & de ceux qui font le produit d’unê précipitation
marine. Il fembleroit que des coulées de
laves l’ auroient pénétrée à la fois dans le fens
vertical & dans le fens horizontal, après fa formation,
à moins qu’on ne fuppofe que ces lits
volcaniques &’ calcaires ne fe foient fucceffcvement
formés fous les eaux , jufqu’au moment où la
montagne a été fendue verticalement par la lave,
de manière à y laitier une coulée importante qui
recouvre le tout. Quoi qu’ il en foit, fa coupe
générale préfente, fuivant les obfervatjons de
M. Bertrand-Geflin : d’abord fur le point culminant,
un dépôt de tufa volcanique, puis un dépôt
puiflant de calcaire difpofé en plufieurs lits , dont
les fupérieurs offrent cette réunion de petits grains
appelés pifolhh.es, & dont les inférieurs contiennent
cette coquille des terrains tertiaires appelée
Nummulite. Sous ces bancs git un dépôt de fchifte
calcaire feuilleté contenant des poiflons.
Au-defîous de ces poiflons reparoiffent de nouveaux
lits calcaires contenant un dépôt de pifo-
lithes , puis un calcaire peu coquillier avec madré*
pores, filex & palmiers changés en lîlex- Au-
deffous de ces couches reparoît un fécond banc
de fchifte à poiflons.
Plus bas on aperçoit un dépôt de tufa volcanique,
auquel on voit fuccéder quatre bancs
de la foche ignée noirâtre, appelée bafanite
par M.Brongniart, & qui alternent avec des bancs
plus puiffans d’un calcaire faccaroïde, qui .a toiit
l’ afpeét du marbre. Au-deffous de ce marbre reparoît
un nouveau banc de calcaire à nummulites,
puis enfin le dernier dépôt de poiflons.
Sous ce dépôt paroiffent quatre aflifes de calcaire
à coquilles, qui repofent fur un puiflant
dépôt volcanique, compofé d’un banc de bafanite
, puis de tufa & de bafalte.
Les empreintes de poiflons du mont Bolca v a rient
depuis un pouce de long jufqu’à trois pieds
& demi, lis repofent généralement fu r ie c ô té .5
leurs corps ne préfencent aucune contorfion 5
enfin , ils femblent avoir péri par une çaufe te llement
rapide, que dans la collection du Muféum
d'hlftoire naturelle de Paris, oh en remarque un
qui eft more âu moment où il en avaloit un
autre. M. de Blainville a reconnu dans ces empreintes
foixante-treize efpèces toutes marinès ,
dont la plupart, peu douteufes, ont leurs analogues
dans la Méditerranée & dans d’autres
mers. En voici l’énumération :
Genre S qualus (Squale) : S. innominatus;
S. glaucus ; S. catulus.
Genre Rata (R a ie ) : Trygonobatus vulgaris ;
T. crajjicaudatus; Narkobatus giganteus (Torpille
plus grande que celle de la Méditerranée).
Genre Balistes (Balifte) ; B. dubius.
Genre T etraodon (Tétrôdon) : T. Homkenii;
T. hifpidus.
Genre D fodon (D iod o n ) : D. retîculatus.
Genre Palæobalistum : P . orbiculatum• P011-
fon inconnu à l’état vivant.
Genre C en triscus (Centrifque) : C. longt-
rofiris ; C. aculeatus.
Genre S yn gna tu s (Syngnathe) : S. typhlei S.
breviculus. M. de Blainville n’ofe rapporter à au-*
cun genre un autre poiflon foflile de la même lo calité
, parce qu’il n’en connoît point dans lequel
on puiffe le placer.
Genre Sciæna (Sciene), d on tl’efpèce eft dou-
teufe.
Genre Lophttjs (Baudroie): L. pifeatorius.
Genre F istu la r ia (Fiftulaire) : F . bolcenfis;
F. dubia.
GenreEsox (Brochet) : E. longirofiris; E.fprec;
E.falcatus; E. f auras ; E. macropterus.
Genre C lupjea (Hareng) : C. murænçïdes ; C,
cyprinoides ; C. thrifoïdes ; C. evolans.
Genre Mu g i l (Mu ge) : M. brevis.
Genre S comber (Scombre)î S. altalunga; S.
' thynnusÿ S. cordyla ■& S. pneumatophorus y S. çhloris;
S. glaucus.
Genre S comberoïdes (Scomberoïde) : S .o f -
cynus.
Genre âm ia . (Amie) : A. indica.
Genre L u t jan u s (Lutjan) : L. ephippium.
Genre H olocentrus (Holocentre) : H. macro-
cephalus.
Genre S parus (Spare) ; S. vulgaris ; S, macro-
phthalmus.
Genre Salmo ( Saumon ) : S. fargus.
Genre Labrus ( Labre ). : L. turdus ; L. reMifrons„
Genre C hætodon ( Bandouillière ) : C. pinnatu
formis; C. fubvefpertilio ; C. fubflriatus ; C. fubar-
cuatus ; C. argus ; C. rhombus ; Ç. faxatilis ; Ç. chi~
rurgus; C. ignotus; C. trio fie gus; G. ve lifer; Ç, canus;
C. fubaureus ; C. papilio ; C. rhomboïdes ; C. Kurtus,
Genre Z eus (Z é e ) : Z . platejfus ; Z . rhomb eus ,*
Z. triurus.
Genre M onopteru §.( Monoptère) : M.gigass
de Volta. .
Genre Plétjropfectus . ( Pleuronecie ) : P. qua*
drat ulus.’
Genre G obtus ( Gobie) : G. barbatus; G. Smyr?
neufs. Douteufe.
Genre Blochïus (Blochie) : B. Longiroftris.
Genre S ilurus : S. bagre (Callionymus vefiens,
de Volta).
Genre Blennius (Blennie) : B. cuneifoymis.
Genre Muræna : M. anguilla.
Genre C oncilia (C oe c ilie ) . Efpèce douteufe.
Genre A mmodytes (Ammodyte). Efpèce inconnue.
Si l’ on remarque que dans la détermination
qui en a été faite par M. de Blainvillé, les poif-
fons du mont Bolca offrent de nombreufes e f pèces
douteufes, ou qu’ il eft impoflible de reconnoitre,
d’autres tout-à-fait inconnues, peut-être
doit-011 en conclure que plufieurs de ces efpèces
oiit difparu de nos mers, ou qu’elles ont éprouvé
quelques modifications qui en ont altéré les caractères
primitifs.
Quelques autres calcaires, quoique moins im-
portans pour le nombre de poiflons fofliles qu on
y trouve, que ceux du mont Bolca , ne doivent
pas être pafles fous filence. Aufli le terrain volcanique
& calcaire des environs de Monte-Viah
près Vicence, & que M. Brongniart rapporte à
la formation tertiaire, a-t-il été cité par Faujas.
( Effai de géologie y tome Ier. ) Il dit feulement que
les petits poiflons fofliles qu’on y trouve appartiennent
au genre Ch&todon : ce qui feroit extraordinaire,
parce que la couche dans laquelle ils font
porte les caractères d’un dépôt d’eau douce. C ’eft,
félon lu i, un fehifie brun bitumineux argilo-calcaire.
31 eft, dit-il, contigu à une mine de charbon non
exploitée. Ce. charbon n’eft certainement qu’un
dépôt de lignite ; ce qui, joint aux amas de madrépores
& de coquilles qui accompagnent le
fchifte, confirme l’opinion de M. Brongniart.
Je penfe qu’on doit clafler dans la même formation
la localité de Salcedo dans le Vicentin ,
où, fuivant Fortis , on trouve des poiflons fofliles
dans un calcaire fiflile analogue à celui du mont
Bolca ; celle deSal^o, au pied des Alpes, à vingt
milles au nord de Vicen ce , où fur une éminence
élevée de trois cents to ile s , & entourée de produits
volcaniques, on trouve vers le haut, dit
Faujas, des dépôts d’un fchifte feuilleté bleuâtre,
dur, rempli de végétaux, & auxquels fuccèdent
plus bas d’autres couches femblables qui adhèrent,
félon lui, à des mines de charbon, & félon
nous à des dépôts de lignite , & qui contiennent
des poiflons femblables à ceux de Monte-
Via/e; celle .de l’ île de Cérigo , fur laquelle on a
peu de détails , mais dont le calcaire reffemble,
dit Faujas , à celui du mont Bolca j celle d' ALejfano
à la pointé de l’ Italie ; enfin, celle de Tolme^o,
dont les couches fifliles ont, fuivant Faujas, une
grande reflemblance avec celles des environs de
Vérone. .
reut être faut-il rapporter à la formation tertiaire
plufieurs autres localités, fur lefquelles on
^ mâlheureufement peu de renfeignemeps, géo-
gnoftiques ’.telles feroient, celle de Maraf^o-Stru-
\ i a n o dont le calcaire fiflile reffemble beaucoup
à celui du mont Bolca, & dont un poiflon, examiné
par M. de Blainville, a été appelé par lui
Clupea dent ex ; celle de' l’île' de Lefina en Dal-
matie, *où ils repofent,, dit Fortis, dans un calcaire
rougeâtre feuilleté.
Les environs, de Tou lou fe, qui appartiennent
au calcaire de la formation tertiaire, recèlent aufli
des poiflons que Ton regarde comme femblables
à ceux du Véronais.
A Antibes, dans les environs de N ic e , on
trouve dans un calcaire -crayeux jaunâtre, qui
paroit repofer fur un dépôt analogue au calcaire
fecondaire du Jura, plufieurs efpèces de poiflons
fofliles, dont un e , qui a été obfervée par M. de
Blainville, eft confiaérée par lui comme très-
voifine du Zeus triurus du mont Bolca.
On doit probablement rapporter à la même
formation le calcaire marneux du mont Liban ,
qui renferme beaucoup de poiflons fofliles, dont
M. de Blainville a obfervé, dans une collection ,
deux efpèces qu’il a reconnues appartenir au genre
Hareng (Clupea), & auxquelles il a donné les
noms de C. brevijfmus & C. Beurardi.
Les poiflons fofliles des environs deSaint-Jean-
d’A c re , & des terrains du pied feptentrional de
l’Atlas, appartiennent à la même formation.
Dans une argile bitumineufe qui repofe entre
les bancs du calcaire coquillier des îles de Maire
& de S ic ile , on trouve des poiflons, dont un
échantillon mutilé a paru à M. de Blainville être
voifin du Cyprinus amarus.
M. de Blainville a v u , dans la collection de
M. de D ré e , un morceau de marne fiflile venant
des environs de C ad ix , & qui femble appartenir
au terrain tertiaire d’eau douce 5 il renfermoit le
fquelette d’un poiflon qui lui femble voifin du
Cyprinus tinca ( la Tanche), ou du C. Leuf i f eus ( la
Vaudoife).
Les terrains tertiaires d’eau douce , qui, dans
le département de l’Ardèche , aux environs de
Privas ; dans celui du Puy-de-Dôme, aux environs
d’Aurillac, & près du bourg de Menât, fe trouvent
fous les terrains volcaniques, recèlent une
affez grande quantité d’offemens fofliles & de
fquelettes de poiflons. La localité de Roche-Sauve,
vifîtée par Faujas, lui a offert de ces débris,
mêlés à des reftes de plantes, dans une marne
grifâtre feuilletée qui repofe, dit-il, fous plus de
120.0 pieds de laves diverfes, furrrontées par- de
vaftes chauffées bafaltiques. Il a cru reconnoître
dans un de ces poiflons le Cyprinus idus ( l ’Id e ).
Le mont V entoux, en Provence , préfente dans
fa bafe occidentale un terrain analogue à celui des
environs de Paris. Les couches inférieures font
formées d’un calcaire d’eau douce contenant des
Lymnées & des Plan orbes; au-deffous repofent
des bancs gypfeux fouvent fort épais, entremêlés
de lits de marnes; fous ces bancs s’étend un calcaire
filiceux compaêle d’eau douce ; enfin la
tnafle inférieure eft formée d’ un calcaire marin
rempli de coquilles brifées, que M. Brongniart
rapporte à celui du Juta. C ’eft à la formation
gypfeiife de cette montagne qu’appartiennent les
plâtrières que l’on exploite près d’Aix. On a
trouvé dans la marne qui fépareles bancs de gypfe
un grand nombre d’ empreintes de poiflons d’eau
douce & marins, parmi lefquels M. de Blainville
a reconnu les efpèces ci-après :
Le Mugil cephalusy qui a beaucoup d’analogie
avec le même poiflon qui vit dans la Méditerranée.
La Perça minuta, efpèce inconnue dans nos
mers, & dénommée par lui ainfi que la fuivante.