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B o u l a n g e r .
N o tice des ouvrages que Boulanger
a faits relativement à /^Géographie-
P h y fiq u e .
Boulanger étant entré dans'les ponts &
chauffées , fut envoyé en Champagnepour -
y travailler à différens ouvrages publics.
Il y fut d’abord occupé à tracer Ja route
de’ Langres à Saint-Dizier, laquelle fuit'
dans toutefonétenduelavalléejdela Marne;i
c’eft-là que fes premiers goûts pour l’hif-
toire naturelle fe dévoloppèrent. La carte
à grands points qu’il fut obligé de lever
de cette vallée & dont les détails font auffi
vrais que frappans , lui donna lieu de
réfléchir fur la forme des grandes & des
petites vallées , & fur les progrès de leur
appt ofondiflèment. La vue des coteaux
& des collines • des couches Sc des bancs
qui compofoient l’intérieur des maffifs de
là plupart des valions latéraux qui s’abouchent
dans la valléeprincipaledela Marne
tels font les objets avec lefquels il com-
mençoit à fe familiarifer lorfqu’il fut obligé
de quitter cette province. Il iavoit déjà
que la plupart des couches de la terre
étoient formées des débris des coquillages
marins j que tous ces dépôts avoient primitivement
compofé des bancs continus
dans le baffin.de la mer , & que ce n’étoit
qu a la fuite de là retraite que ces dépôts
»voient été çreufés par les eaux courantes.
I l reprit ces memes travaux ôc ces mêmes
niéditations dans la Touraine le long de
la L o ire , du Cher & de l’Indre ; & après
un certain féjour dans cette dernière contrée
, remplie d’objets curieux , il fut
pappellé à Paris & attaché au département
de Meaux ; ce fut alors qu’il revit le canal
*
de la Marne (k qu’il en fuivit les bords
depuis Charenton jrffqu’à Meaux , &même
au-delà de la Ferté-fous-Jouarre. I l tâcha
de lier les nouvelles obfervations qu’il
fut à portée d’y faire avec celles qu’il avoit
commencées en ‘Champagne quelques
années auparavant. De toutes ces recher-
, ches, il compofa un ouvrage où il eflàyoit
de montrer le travail de l’eau dans toute
l’étendue de la vallée ; il y avoit admis
une éruption abondante de l’eau fouter-
reine par les fources , comme un moyen
qu’il croyoit néceffaire pour creufer la
vallée de la Marne. Il avoit fait plus , il
avoit cru que cette vallée & les autres
latérales n’avoient pu s’approfondir comme
elles fo n t, que par une malle d’eau allez
conlidérable pour combler toutes ces
excavations à mefure qu’elles fe faifoient.
Il finiffoit cetouvrage lorfque je le connus;
c’ell alors qu’il me lit part de plulieurs
notes fur le fond de fes recherches & de
fes méditations. Je les crois allez intéref-
fàntes pour les publier ici comme pouvant
fervir à donner une idée de cet
ouvrage, & en même-tems de l’elprit de
recherches qui avoit préfidé à la collection
des obfervations & des faits qu’il y
avoit raffembiés,
Notes f i obfervations tirées de l'ouvrage
de Boulanger fu r le cours de la
Marne.
I. Dans les pays où les montagnes font
moins hautes & les terreins moins durs,
les fources fortent de côtes circulaires &
efcarpées, & fouvept d’un entonnoir ifolé
qui forme le cu l-d e -fa c où commence
la vallée, Telle efl la fource de la Marne.
Qn
On teconnoît ailément fur les lieu* que
ce font les eaux autrefois plus abondantes
de cette fource qui ont creufé cet efpace ,
en emportant & détruifant ce qui les
gênoit le plus dans leur éruption. On ne
peut difconveniren confidérant la coupe
des lits de pierre qui fe montrent à découvert
, que malgré l ’intervalle qui les
fépare, ces lits n’aient été autrefois continus
& les vuides d ’aujourd’hui pleins
de matériaux tout femblables à ceux
de ces terreins. Le travail de cette
fource s’eft fait en demi-cercle , qui peut
avoir quelques centaines de toifes d’ouverture.
Mais on peut confîdérer à la fois
les trois principales fources delà Marne;
favoir , la Marne proprement dite, la
Bonelle & le' petit Lié. L ’on yoit d’abord
que chacune en particulier efl logée dans
un petit golfe , & qu’enfemble elles en
forment un autre plus grand d’une lieuej
de profondeur fur trois lieues de largeur.
L ’infpeâion de ces trois vallées fait de même
connoître qu’elles ont été creufées par les
fources, & que les terreins qui les remplif-
foierii, ainfi que ceux qui les recouvraient,
ont été détruits & emportés par leur courant
, dont le choc efl encore très-recon
noiffable fur tous les revers efcarpés que
l ’on y remarque ; on voit que ce -long
promontoire, à l’extrémité duquel la ville
de Langres ell lituée , étoit autrefois continu
avec les terreins de Brevonne, de
Poigney , de Noydan, de Môlandon, &c.
On peut j ugèr par cet exemple de l’origine
des enfoncemens qui fe remarquent
vdans la direétion de la ligne des points de
partage, des eaux en Europe ; chaque,
fourcequi en fort s’efl Creufé un petit entonnoir
; les principaux ruiffeaux en ont
fait de plus fenfibles ; la tête des rivières :
a formé par leur réunion des golfes plus
grands , & enfin lès fleuves en ont fait
qui embraffent de grandes contrées, C ’eft
ainfi que la nature a toujours été la même
dans fes effets , mais elle les a opérés plus
ou moins grands, fuivant les circonftances
plusou moins favorables où fe font trouvés
G éographk-Bhyfique. Tome I .
fes agens. L ’elpace qui occupe l’intervalle
qu’on trouve entre les fommets qui côtoient
la Saône & ceux du Mont-Jura, a
été approfondi par la Saône & le Doubs.
Il en efl: de même de ces grands baffins de
la Suiffe qui ont été ouverts par l’éruption
des fources du R h in , comme les pre-
mfers par l’éruption des fources du Doubs
& delà Saône. Les monts-ifolés , les pics
qui fe trouvent dans ces vallées, doivent
être regardés comme les témoins de tous
les terreins qui ont été ébranlés, foulevés
& emportés par les torrens anciens.
Les eaux & le torrent produit par l’éruption
des fourcçs qui ont rempli toute
la- vallée de la Marne, defcendoient allez
diredement vers le Nord en lortant du"
fommet général ; en forte que lès revers
font d’une égale qualité & ordinairement
prefque dépouillés de terres fur les plaines
élevées , excepté dans le haut Baffigny ;
parce que ce pays étant fîtué fur la naiffance
des torrens & formant diflérens points de
partage , il y régnoit un calme qui l’a
fertilifé & couvert, de vafes. Le torrent
ayant reçu vingt à vingt - deux lieues
plus bas une autre impulfion , il efl
retombé fur le fommet occidental de la
Marne où font aujourd’hui les finages
d’Ambrières , de Haute-Fontaine , de
Hauteville & des Arzilliers. Le revers de
ce fommet qui regarde la Marne efl circulaire
, : fe c , peu fertile & couvert de
landes srixl n’en efl pas de même du revers
oppofé qui defc.end vers l’Aube , c’efl un
pays bien plus fertile, rempli de vafes,
de marais & d’étangà. La plaine du Per-
thois qui efl une contrée extrêmement
fertile de la Champagne , fe trouve fituée
dans la ' partie de la vallée, de la Marne,
qui fait le coude ; elle efl toute .formée
des fables qui fe dépofoient fur . le revers
que le torrent étoit contraint d’abandonner
, & qui, s’allongeoit en pointe
vers la partie où il s’étoit: jetté.
La réfiftance que les terreins depuis
Ambrièiesjufqu’aux Arzilliers oppofoient