
pendant l’é té , ou même recevroit-il en
aucune faifon les neiges dont on parle.
En fuppofant même qu’il en tombât fur
quelques montagnes, il n’en tomberoit
jamais plus que fur les Alpes , les montagnes
de la Thrace & le Caueafe. Or les
fleuves originaires de ces. montagnes grof-
fllfeni dans le printemps ou au commencement
de l ’é té , & baiffent enfuite pendant
l’hiver. En effet les pluies du printemps
détrempent la neige, & les premières
chaleurs font difparbitre ce qui
avoit réliflé à la pluie. Le Rhin, le Rhône ,
l ’Ifler , le Caiftre , ne font point fujets à
cet inconvénient; ils ne groffiffent point
en été, malgré les amas énormes des
neiges accumulées fur les montagnes fep-
tentrionales. Le Piiafe & le Boryfthène
croîtraient aulïi dans la même faifon, fi
les neiges étoient capables de groffir les
fleuves en été. D’ailleurs fi c’étoit à cette
caufe que l’on dût attribuer les crues du
N i l , il devroit couler plus abondamment
fur la fin de l’été : les neiges font alors
en plus grande quantité; c’eft la couche
la moins dure qui fond ; mais le Nil pendant
quatre mois confécutifs groflit par
des crues uniformes.
Si vous en croyez Thalès, ce font les
vents étéfiens qui s’oppofent à la décharge
du N il, & qui arrêtant fon cours par les
flots de la mer qu’ils pouffent en fens contraire.
Aïnfi foulé, le fleuve reflue fur lui-
même : il ne croît pas comme on penfe,
mais il eft forcé de s’arrêter par les obllacles
de fon embouchure. Au défaut de la mer
dont l’accès lui efl interdit, il fe répand
dans les campagnes, par toutes les iffues
qu’il rencontre. Enthymene de Marfeille,
en parle comme témoin. « J’ai navigué ,
» dit-il, fur l’Océan Atlantique , & je puis
b affurer que le Nil fe déborde tant que
b durent les vents étéfiens, parce qu’alors
b la mer eft pouffée contre l’embouchure
a du fleuve par le fouille des vents. Quand
b ils font appaifés , quand la mer eft deve-
b nue calme, le Nil diminue , parce qu’il
» retrouve fa décharge ordinaire : au refie,
b les eaux de cette mer font douces , &
» l’on y trouve des animaux femblables à
» ceux du Nil b.
Pourquoi donc fi le Nil eft grolH par les
vents étéfiens, fes crues commencent-elles
avant, & durent-elles encore après ces
vents ? Pourquoi ne font-elles pas d’autan:
plus abondantes que le fouille de ces vents
eft plus violent? Pourquoi ne les voit-on
pas croître ou diminuer félon les différais
degrés d’impétuofité de ces vents? Ce qui
me manquerait, pas d’arriver fi leur fouille
étoit la caufe des crues du Nil. De plus,
les vents étéfiens battent direâement la
i côte d’E g yp te , & le Nil defcend contre
leur fouille. O r , il devroit fuivre la même
direâion que ces vents, s’il leur devoit fes
débordemens. D ’ailleurs fes eaux , fi
elles étoient repouffées par la mer devrôient
être pures & azurées & non pas troubles
& bourbeufes, comme on les voit. Ajoutez
que le témoignage d’Enthymène eft
réfuté par une foule de témoins qui atteftent
le contraire. On pouvoit enimpofer quand
la mer extérieure étoit inconnue : les fables
étoient pour lors de faifon; mais aujourd’hui
tous les bords de cette mer font
cotoyéspar les navires des marchands dont
aucun ne nous débite, ni que le Nil ait
la couleur de la mer, ni que la mer ait
la faveur du Nil : puifque le foleil pompe
fans ceffe les parties les plus douces &
les plus légères. Enfin, pourquoi le Nil
ne groflit-il jamais dans l’hiver? la mer ne
peut-elle pas aufli dans cette faifon être
agitée par ces vents , & même p:-r des
vents plus confidérables qu’en été ? En
effet, ceux qu’on appelle étéfiens font
doux. Si l’inondation provenoit de la mer
Atlantique , elle fubmergeroit tout d’un
coup l’Egypte entière , au lieu que fes
progrès font fucceffifs.
(Bnopide, de Cliio , prétend que, pen-
i dant l’hiver , la chaleur fe concentre fous
terre ;
terre ; voilà pourquoi , dit-il -, l’air efl
chaud dans les casernes , tk l’eau plus',
tiède dans lespuitSjjOètte'cbaleur intérieure
defféçhe les veinés .des fleuves ';. mais .dans
les autres pays;îés pluies de l’hiver fnp-.
pléent à cetfcpuilèmorit, au Ireu que le Nil
qui n’a point la réffource des'pluies doit
décroître dans cette faifon &_groffir enfuite
pendant, l’été, parcequ’alors.Ira terre u r delà
terre étant refroidi laiffe ’ aux. fotirces.
fouterraînes "là iibërtprHe s’écouter. Si ce.
principe étoit vrai ^'-¥büs.les, fleuves ~fiè-
vroieiït groffir pçndiàt l’été', &' l’eiitfc.uits
devraient s’acérbître .àuflî dans' la belle,
faifon. D ’ailleurs', la chaleur-foütçrraiVè,
n’eftpas pilis corifidérable pendant l’hiver/
L ’eau des Cavernes & des puits ''n’-feft. tiède,
que par lè défaut dé, contaél de l’air extérieur.
Ne diforis donc pas qü’e'lle acquiert
de la-chaleur, mais’ qu’elle rie reçoit pas
le Froid. Pour la.même raifon les mémos
eaux doivent fe - refroidir -pendant l’été.,-
parce qu’elles n’ont pas de communication"
avec la chàleuf de,,1’atmofphère. *,.
Diogène d’Appolpjue donne une autre
caufe aux crues ,du.Nil. Le foleil, dit-il,
pompe l’humiditéj la terré" defféphêe fup*-
plé.e à celle qu’ellé éperdue par les .eaux de
la mer ou des fleiivçs. O é , il ne peut fèè
faire qu’une, terre foirsècherar une autre,
humide,p^rce qvi’à la faveur des pores dont
elles font toutes criblées ; elles font mutuellement
perméables? Les terrainsffecs font
donc abreuvés par les terrains humides, Sc
fans cette communication il y auroit long-*
tems que la terre ferait defféchée. Le foleil
pompe donc ccnripuélifement les eaux ,
mais les endroits,expofés à fes rayons font
les pays lès plus méridionaux. La terre
defféchée attire à elle plu£ d;hu midité :
comme l’huile des lampes fe porte toujours
du côté de la flamme , de même l’eau-coule
toujours du côté' oirla.follicitent le-deffé-
chement & l’altération de l’état de latterre.*
Mais d’où vient cette eau ? des parties
du globe ou règne, un .hivçr : éternel
ceft-à-dire, des parties’ feptetîtrionales où
Géographie-Phyfique. Tome I.
les eaux font les plus abondantes ? Vo ilà
.pourquoi le. Pont-Euxin coule.fans celle
avec rapidité .dans la mer inférieure,, non
pas comme lés.autres mers par des. flux &
reflux alternatifs , mais par un écoulement
, confiant êc impétueux. Sans çg commerce
continuel qui fupplée à l’une , &
déchargé l’autre de fon fuperflu , depuis
long-lems la fécondé, ferait à fec & la
première d.ébordée. Je demanderais a
Diogène pourquoi au moyen de ce commerce
réciproque de ,1a mer avec tous les
Sérivès, ils rie groffiffent pas en tous lieux
pendant l’été ? Le foleil agit plus vivement
fur l’Egypte' & par cette "raifon, lè Nil
doi-t ayoir, un .accrbiffement plus confîdé-
rahle,. Mais dans lès autres pays les fleuves
doivent aufli «Recevoir , une augmentation
d’fiau plus ou' -moins abondante. D ’un
%utre côté , pourquoi trouve-t-on i de*
terres dépourvues d’eau , fi elles attirent
toujours celles des terrés voifir.es a proportion
dé ièur degré.de chaleur ? Enfin,
pourqùoû'les eaux dé Nil ne. font-elles
pas falées , fi" elles lui viennent de la mer 1
En effet, il -n’y. a point de fleuve,dont
les’ eaux aient unénlaveur plus douce.
K Réflexions fu r les crues du Nil.
. V o ic i " au ;fujet" des crues du N i l , les
réfultat's des obfervations de Maillet :
’elles ont. d’Jutant plus de" poids qu’il a
voyagé en homme inftruit & qu’un fé-
jbur en Egypte de plus de feize - ans
l’avoffi mis à portée de voir par lui même,
-& de ne rien avancer qui ne fut conforme
à la vérité. Nous favons à n’en- pas douter,
dit-il, que dans les Indes orientales & danj
l ’Amérique méridionale il pleut continuellement
, lorfque le foleil eft au zénith , &
qu’alors les rivières nombretifes & con-
lideràbles qui fe trouvent dans ces climats
s’enflent & fe débordent comme le Nil.
Cefte conno.iffance devoit: naturellement
faire conjeéturer. que la même chofe arri-
voit dans tous les’ 'pays qui ont la même
pofîtion fur notre globe , & qui occupent
fur-tout les parties voifiries de la ligne,
M m ni