
fujet aux changemens. C ’ell à la vicîffitude
des chofes que tous les êtres doivent leur
origine, comme elle eft la caufe de leur def-
truüion. LorfquTIomère appelle l’Océan
le pere des dieux , il veut dire par-là, dit
Platon, que tout elt produit par cette vicif-
fitude continuelle de la nature qui nous elt
repréfentée par le flux & reflux de la mer.
Les anciens n’ont point exempté la terre du
changement auquel ils ont cru que toutes
chofes étoient fujet tes ; ceux mêmes qui
ont foutenu qu’elle occupoit le centre du
monde,& qu’elle conferveroitéterneliement
cette p la ce , n’ont pas laiffé de convenir
qu’elle étoit fujette à certains accidens qui,
fans détruire fa forme, ni rien changer à fa
figure , prife en général, pouvoient cependant
l’altérer & y produire quelques chan-
gemens particuliers. Il n’eft pas queftion
ic i des altérations infenfibles qui arrivent
dans les entrailTës de la terre par la production
des minéraux & des végétaux( Nous
ne parlons pas non plus des changemens
régiiliers peuconfidérables qu’on remarque
fans celle à fa furface qui , quelquefois eft
aride, & quelquefois couverte de verdure.
I l s’agit ici d’altérations plus importantes,
d’accïdensSinguliers capables de déranger
une partie de cette fuperficie même, enforte
qu’elle en devienne méconnoilfablè.
Les déluges, les débordemens des fleuves
& dès rivières, les trembleméris de terre ,
les embrâfemens des feux fouterrains, ont
été regardés de tout tems comme les caufes
principales des grands changemens qui ar~
rivrênt fur-toüt à la fuperficie du globe.
Outre cela , les anciens ont toujours cru
que la mer pouvoir fe retirer de certaines
contrées, & les laifl’er à fe c , & en revanche
en occuper d’autres qu’elle ne couvroit
point auparavant.
l ’ai vu , dit Ovide, faifant parler Pitha-
gore dans fes méïamorphofes ; » J’ai _vu
» ce qui étoit précédemment une terpe
» ferme devenir une mer ; j’ai vu des
» terres forties du fein de l’Océan, &
j» leurs entrailles femées de coquilles
» nées dans le fein des mers. » Nous
favons , dit Ap u lé e , que des continens
ont été changés en ifles, . & que par la
retraite de la mer, des ifles ont été
jointes aux continens. Hérodote étoit per -
fuadé que la mer avoir autrefois couvert
la Baffe-Egypte jufqu’à Memphis. Il avoit
la même opinion de plulîeurs autres pays,
tels que les campagnes d’I lion , d’Ephèfe .
& les plaines qu’arrofe le Méandre. C ’eft
une penfée de Sénèque, qu’un auteur
moderne n ’a point entendue, lorfqu’il
fait dire à ce poète, d’un ton prophétique,
qu’on découvrira un jour le nouveau
monde. Sénèque n’a voulu dire autre
chofe dans l’endroit dont il s’agit, fi non
que la mer quelque jour fe .retirant des
lieux qu’elle couvre aujourd’hui,-découvrira
de nouvelles terres, enforte que
fille de Thulé ne fera plus l’extrémité
du monde. Enfin Pline, fait une longue
énumération des terres que la mer a abandonnées
, de celles qu’elle a couvertes,
& de celles qui ont été jointes aux continens.
Les floïciens & quelques autres, nous
ont parlé de cet embràfement général du
’monde, qui devoir un jour confondre la
terre & les cieux : & je puis citer à cette
occafîon ce que Sénèquenous dit à ce fujet,
& les réflexions que nous y avons jointes.
Examinons à prêtent es qu’on penloit. dans
l’antiquité de certains embrâfemens particuliers
auxquels la terre étoit -fujet té , félon
ceux-là même qui la croyôiem éternelle, &
qui foutenoient qu’elle ne feroit jamais
détruite. Ces embrâfemens particuliers
étoient à-peu-près femblables à ceux que
nous voyons arriver aujourd’hui dans les
pays remplis de matières combuftibles
très-inflammables. C’ell ce qui a produit
l’Etna, le Vefuve & les autres volcans
qui vomilfoient des feux &. des matières
fondues il y a trois mille ans, comme ils
en vomiffent encore de nos jours.
Les tremblemrns de te rre , caufé*
comme on le croit par les feux fouternm
s, n’étoient pas autrefois plus ■ ter-
ribles que celui qui, au liècle paiïe, ap-
planit les montagnes & fit difparoître quelques
rivières du Japon, ou plus fréquens
que ceux qui défoient fi fouvent la Calabre
& la Sic ile , l’ifie de Ténériffe &
tant d’autres pays. Enfin tout Ce que les
anciens racontoient des embrâfemens
particuliers du globe terreftre, étoit fondé
fur ces fortes d’accidens naturels & ordinaires,
auxquels ils le croyoient journellement
fujet. Platon nous apprend que
la fable de Phaëton droit fon origine d’un
pareil incendie qui confirma une alfez
grande étendue de pays ; & elle pafibit
affez communément chez les anciens pour
être fondée fur quelque événement réel.
Il efi vrai qu’on ne nous a confervé aucunes
circonftances de cet évènement.
Apulée faifant l'énumération des accidens
fâcheux auxquels la terre efi expo-
fée n’oublie pas celui-ci ,& dit que félon
l’opinion de quelques-uns, cet embrâfe-
ment étoit arrivé dans les pays orientaux.
Strabon étoit du même fentiment & vou-
loit aufli donner une origine naturelle
à toutes ces fortes d’événemens , lorfque
parlant de l’incendie de Sodome & de
Gomorrhe, il aifuroit qu’il n ’étoit pas
étonnant que ces villes euffent été autrefois
Gonfumées par le feu , puilque le
pays;où elles étoient fituées étoit pétri
de foufre j. de, bitumes & d’autres matières
inflammables.
L ’embrâfement de Phaëton efi le feul
accident particulier de cette nature , dont
les anciens aient fait mention ; ils n’ont
parlé qu’en général des autres incendies
auxquels, félon eux , la terre a été fujette
dans tous les temps. Il n’en efi pas de
tweme des déluges & des inondations.
L’antiquité peut en fournir plufîeürs
exemples : nous les avons recueillis avec
{Lin , & leur hiltoire vient naturellement
a L fuite du grand déluge univerfel décrit Par,Sénèque , & des réflexions auxquelles |
*5Uc description a donné lieu, A l’égard j
'du déluge univerfel, il eft certain qu’un
événement fi confîdérable a été abfolu-
ment inconnu aux hifîoriens grecs &
romains. Jofëphe allure à la vérité , que
Bérofe chaldéen , Nicolas de Damas, &
■ Jérôme l ’égyptien , en ayoient parlé à peu-
près comme Moyfej mais ce que raconte
Jofephe à ce fujet, contient des circonftances
fi peu probables, qu’on ne peut
en rien conclure en faveur de ce déluge.
On conviendra d’ailleursIqu’il efi étonnant
que les grecs, qui faififfoient avidement
tout ce qui tenoit du merveilleux ;
que les romains qui favoient bien démêler
la vérité d’avec les fables , n’aient jamais
parlé de ce déluge qui a dû engloutir tous
les hommes en général. Nous pouvons
même ajouter qu’un événement fi frappant
& fi terrible n’auroit jamais pu s’abolir
de la mémoire des hommes qui s’en
étoient fauvés & de celle de toute leur
poflérité,à un point que ni les Indiens,
ni les Chinois, ni aucun peuple du monde
n’en aient pas confervé le moindre fou-
venir.
Mais palîbns aux déluges particuliers
dont il eft fait mention dans l’hifloire.
Si la chronologie des égyptiens avoit
.quelque certitude , ou fi l’on veut quelque
fvraifemblance, on pourroit affûter que
celui qui arriva fous le règne d'Ohris, eft
le plus ancien dont il foit parlé dans l’antiquité.
Ofiris roi d’Egypte , qui règnoit
plus de vingt mille ans avant Alexandre,
■ étant occupé à étendre fes conquêtes , il
arriva pendant fon abfence une inondation
qui fubmergeaune partie de l’Egypte.
Le même auteur dont nous tenons ce fa it,
Diodore , nous apprend encore que les
habitans de fille de Samothrace, affuroient
qu’il s’étoit fait chez eux un déluge antérieur
à tous les autres; 'que ceux qui en
-réchappèrent fe retirèrent fur leslimx les
plus élevés de l’ifle, que de-là ils firent des
voeux a» ciel. Ce déluge avoit été caufé,