filons , puifque leurs coupures de l ’un &
l’autre bord £b correlpondent également,
& qu’on y difiingue des traces & des
lignes parallèles à la furface de l’eau où le
rocher étoit un peu moins dur. On re-
marqüe outre cela dans le lit.de la rivière
des faillies pareilles aux cordons des routes
pavées; ces faillies fe trouvent aux endroits
où fe réunifient les extrémités des filons
qui ne font pas étroitement unis. Lôn'qu’il
fe trouve dans le filon une partie moins
dure que le refie , on efl fur d’y rencontrer
une cavité , & même lorfque le filon eft
d’unepâte moins dure dans toute fon étendue
, le lit s’y trouve plus large & plus
profond. On rencontre dans beaucoup
d’autres montagnes'des rivières qui avec
le temps fe font crSufé un canal proportionné
à la mafle d’eau qu’elles roulent,
& même comme ici à travers des montagnes
tres-folides. Par-tout , lès Alpes,
l’Apennin , les montagnes de la Suifife,
oflrent de pareils exemples.
Il-eft évident que ce canal a été creufé
par les eaux mêmes de la Torrita, depuis
que la mer a laifîé cette contrée à découvert.
Si Filluftr-e BufFon eut^pris la peine
de vifiter cet endroit , il eft probable qu’il
auroit approuvé cette théorie. Targioni
combat cette propolîtion générale, que
les lits des fleuves ont été creufés par les
confins de .la mer. L ’auteur des lettrés
anonymes à un américain , a raïfon , félon
fiui, quand il dit que Buffon ayant fupp ôfé
que les fcoviee de verre a\ oient fo.’ iné une
croûte unie & fans interiuption fous les
eaux de la mer , il ne pouvoit par con-
feqùerit y avoir de courans ; qu’il ne pouvoit
y en avoir non plus avant la formation
des montagnes ; que les vents n’ont
s’élever fucceffi veinent à mefure que la
luneparcouroit tous les méridiens ; comme
il n’a pas dû y avoir d’interruption, cette
circulation continuelle n’ayant éprouvé
aucun obftacle, il réfulteroit d’un mouvement
pu influer fur les profonds abîmes de la
mer ; que les effets du flux font prefque
imperceptibles en pleine mer, & que lorf-
qu’elle ccravToit foute la terre à la hauteur
que fuppofe Buffon , le* mouvémens cfu
flux & du reflux dévoient être prefque j
nuis. Buffon nous dit que les eaux ont dû f
auffi régulier, que la forme de la
furface de la terre fe ferait plutôt confer-
vée qu’altérée, parce que le flux &
refluxauroient été trop foibles pour catifer
ces tournans d’eau , ces agitations violentes
néceffaires à l ’approfondiffement de
la moindre vallée. Il objeéte encore que
Buffon n’afligne pas un emplacement convenable
à cette prodigieufe maffe d’eau
qu’il met en.jeu , & avec laquelle il couvre
la terre. Il faudroit fuppofer que cette: eau
en laiffant laterre à découvert fefût creufée
une cavité équivalente dans la mer. Il
femble contradiéîoire à ce critique que les
inégalités du g lob e , c’eft-à-dire, les côtes
& les' mo~magnes aient été formées par les
fédimens de la mer , & que ces fédimens
en aient été détachés. I l lui femble enfin
qu’il n’y a pas lieu de tirer aucune confé-
quence des angles faillans & re'ntrans , que
l’on apperçoit dans les bords dès fleuves,
puifque cette règle eft fouvent fauffe, &
que l’on voit diftinctement dans le détroit
de Gibraltar, dans le Pas- de- Calais, dans
le Bofphoi-e dé T h ra ce , des angles faillans
oppofés l ’un à l’autre. Il donné encore
beaucoup d’autres raifdns plïofibles contre
la formation des lits des fleuves y yeile
qu’elle a été propofée par Buffon; mais
qu’il eft facile de renverfer unfyftême, &
difficile au contraire d’en élever un nouveau
! Cet auteur après avoir prétendu
expliquer la formation des filons de nos
montagnes avec les fédimens fuccefîîfs des
fubftances pétrifiantes du fond de la mer
& des vafes tombées des montagnes, veut
que fur la fin du déluge univerfel, les eaux
qui .s'écoutaient des anciennes montagnes
enveloppées à une certaine hauteur de ees
fédimens , & feprécipitoient vers la mer ,
Aie ccs eaux, dis-je, aient détruit le*
fiions qu’elles avaient d’abord dépofés,
niais qui n avoient pas encore pris affsz
de confirtance .pour refiler à leur impe-
tuofité, & qu’elles aient ainfi creufé les
lits modernes des rivières. Il prétend d’ailleurs
, que dans le temps du déluge , lés
torrens qui s’élânçoient avec rapidité des
montagnes , formèrent des courans dans
fia mer, & que la mer elle-même en s’élevant
& avant formé de.nouveaux courans
altéra la ftrudure des montagnes. Enfin il
avance que les angtes faillans & rentrans
qu’on obferve dans les lits des fleuves ont
été formés par les eaux, qui fur la fin
du déluge fe retirèrent de deffus les conti-
nens, & que ce fut peut-être en cette
occafion que fe forma la Méditerranée
par la rupture du détroit de Gibraltar. Il
n’ell pas l’auteur du fyftême que les lits
desfleuves ont été creufés par les eaux qui
fur la fin du déluge-fe précipitèrent dans le
baflin de la mer. Jofeph Antoine Conftan-
tini avocat l’avoit dit avant .lui, &.annon-
çoit à ce fujet plufieurs obferyations. Cet
écrivain ingénieux a bien diftingué les col-jf
Unes des montagnes primitives, mais il
les a crues une produâion du déluge uni-
verfel. Selon les idées reçues fur le déluge,
l’écoulement des eaux a dû fe faire régulièrement,
c’eft-à-dire , avec une rapidité
graduellement lucceflive, & ne devoitpas
produire fur le globe des effets aufli marqués
que les lits des fleuves. Targioni
demande enfuite à l’auteu r des lettres à un
américain , pourquoi dans la coupure de
la montagne appellée les éclufes , toute
compofée de pierres femblables & uniformes
, les courans de la mer , les torrens
ou les écouiemens du déluge , ne fe font
ouvertsque cette routé étroite & peu étendue
, lorfque les pierres encore tendres
ne leur auroient oppofé qu’ une foible réfif-
Unce. Il ajoute que fi l ’auteur anonyme
prétend que cette différence provient de
la réfiftance qu’oppofqient les pierres plus
ou moins durcies, il lui répondra que,
ou les filons de ce défilé de montagne
appelle les éclufes, étoient peu durs,,
& alors les eaux tombantes des vaftes
flancs fupérieurs dévoient s’ouvrir une
voie plus large, proportionnée à leur volume
& à leur rapidité , ou que ces liions
étoient déjà très-durs & difficiles à entamer
, & qu’en ce cas les eaux n’auroient pu
faire cette coupure en peu de feniaines
que dura le déluge; mais qu’elles fe feroient
plutôt jettées fur un autre côté de la pente
plus facile à ronger. La même ration milite
contre l’effet des courans fuopofés de
la mer durant le déluge; car en peu de
jours les pierres, fi elles euffent été tendres,
auroient dû être plus rongées par les c o u rans
qui ne les auroient ptefque pas altérées,
fi elles euffent été dures. En outre, il
faudroit fuppofer ces courans infiniment
plus rapides qu’ils ne pouvoient ferre dans
i’hypothcfe dé Buffon. ,
On peut voir par toutes ces difcuffio.ns
quels embarras l’întroduélion du déluge
a mis dans les fyttêmes d’explications de
Conftantini &: de l'auteur des lettres à un
américain. C ’eft ainfi qu’on trouvera toujours
des obftacles dans l’étude des opérations
de la nature , tant qu’on ajoute)a
aux réfultats de ces opérations qu’on a fous
les yeux les traditions d’évènemens extraordinaires,
& qui ne peuvent être rangés
que parmi lès miracles dorfqu'on les admet.
§• I I.
Sur la vallée du Serchio, & fur les caufes
de Vofcillation des rivières.
Avant de déboucher dans la plaine de
Lucques , le Serchio coule dans une vallée
: étroite & tortueufe , creufée par l’aélion
impétueufe de fes eaux, à travers la mafia
: des montagnes de SanGennaro , lefquelles
: fe liant aux montagnes de Barga, circonf-
crivent & limitent de ce côté la vallée du
Serchio. Effeftivement depuis le Pont à
: Mariano, jufqu’à l’embouchure de la val-
; lée d’Ânchiano, le fleuve coule dans un
I canal très-étroit & très-tortueux qu’il s’eft
' formé par l’effort de fes eaux, en minant
1 & féparant de vaftes fommets de mou