
terre a plus gagné' fur la mer qu’elle n’a
perdu ; car indépendamment de toutes
tes côtes en pente douce que la retraite des
eaux de la Cafpienne & de l ’Aral a laifle
a découvert, les grands fleuves ont pref-
que tous formé des ifles 8c de nouvelles
contrées, près de leurs embouchures. On
fait que le Delta de l’Egypte, dont l’étendue
eft fort conlîdérable, n’eft qu’un aterrif-
fementproduit par les dépôts du Nil. En
Amérique , la partie méridionale de la
Louiliane ; aux deux, côtés, du fleuve
Miffiflrpi & la partie orientale fituée à
l’ embouchure du fleuve des Amazones ,
'fo n t des terres nouvellement formées par
les dépôts de ces grands fleuves.
Si nous paffons maintenant à l’efpèce
humaine , Buffon nous la fera envifager
comme paffant d’A fte , où fe font établis
les premiers hommes, par la même route
que les Eléphans-, & fe répandant dans
les terres de l’Amérique feplentrionale
& du Mexique. : enfuite franchiffant les
hautes terres au-delà de l’Ifthme, & s’éta-
blifîànt dans celles du Pérou & dans les
contrées les plus reculées de l’Amérique :
méridionale. C ’eft dans ces dernieres ;
contrées que fe trouvent des hommes j
tous plus grands , plus carrés & plus -
forts que ne le font les autres hommes
de la terre. Buffon croit que quelques
géans avant paffé de l’Àfie en Amérique,
& s’étant trouvés pour ainfi dire feuls,
leur race s’e lt conlervée dans ce continent
défert, tandis qu’elle a été entièrement
détruite par le nombre des autres hommes,
dans les contrées peuplées.
Autant les hommes fe font multipliés
dans les terres qui font atlu ellement chaudes
& tempérées , autant leur nombre diminue
dans celles qui font devenues trop froides.
L é Nord du Groenland, de la Laponie,
du Spitzberg , de la nouvelle Zemble ,
de la terre des Samôïedes , aulîi bien qu’une
partie de celles qui avoifinent la mer
Glaciale, jufqu’à l’extrémité de l ’A f le ,
.au Nord du Kamfchatka , font aâueliement
défertes ,' ou plutôt dépeuplées depuis tin
tems affez moderne.
Ainfi les terres du Nord , autrefois affez
chaudes pour faire multiplier les Eléphans
& les Hippopotames, s’étant déjà refroidies
au point de ne pouvoir nourrir que
des Ours blancs & des Rennes , feront
dans quelques milliers d’années entièrement
dénuées & défertes par l’effet du
réfroidiffement. C ’eft par la même caufe
que toute cette plage polaire , autrefois
terre ou mer, n’eft aujourd’hui que glace.
Buffon confidère comme une preuve
démonftrative de la réalité de ce réfroidiffe-
ment de la terre ce qui fe paffe fur les
hautes montagnes de nos climats. On
trouve au - deffus des- - Alpes dans une
longueur de plus de foixante lieues, fur
vingt & même trente de largeur , une
étendue immenfe & prefque continue de
vallées , de plaines & d’éminences' de
glaces; la plupart fans mélange d’aucune
autre matière , prefque toutes permanentes
, &qu i ne fondent jamais en entier.
Ces grandes plages de .glaces, loin de diminuer
dans leur circuit, augmentent &
s’étendent déplus en plus : elles gagnent
de i’efpace fur les terres voifînes &.plus
balles. Buffon envifage l’aggrandiffement
de ces. contrées de glace comme la preuve
la plus palpable du réfroidiffement- fuc-
cefîîf de la terre, & duquel il eft plus facile
de fdfir les degrés dans ces pointes avancées
du globe que par-tout ailleurs.
En tranfportant cette idée fur la région
du pôle , Buffon non feulement ne doute
pas qu’elle ne foit entièrement glacée,
mais même que le circuit & l’étendue des
glaces n’augmentent de fiècle en fiècle, &
ne continuent d’augmenter avec le réfroidiffement
du globe. Il regarde les glaces
qui ont empéché le capitaine Phi,. ps de
pénétrer au-delà du quatre-vingt deuxième
degré fur-une longueur dé r lus de vingt
degrés en longitude; comme foïmant une
• partie de la circonférence de l’immènfë
fla mer du' Nord-,- dans1 l ’Océan ‘ orienta!,
■ dans'les pmei-s dit Midi & dans -la Caf-
i-iennë, partent également de cettg région,
élevée; qui fait . aujourd’hui-partie de^ la
Sibérie méridionale & de la Tartarie. C eft
là que. .Buffon établit ,1e premier peuple
créateur des fciencés., des arts & de toutes
les inttitutions utiles. .11 leur attribue
l’ invention de la période lunifolalre de
ïix çénts ans : cônnoiffance qui fuppofe
une longue fuite de recherches , d étude
&! .de travaux àftroïiomiqùes, & deux ou
tiôis niiiie;ans de culture à i ’efprit humain.
Six mille arts, à compter de ce jour, ne font
pas fuffifâns pour 'remonter a 1 époque la '
pLus belle de l’hifloire de l’homme, &
même .pour le fuivrè dans lés premiers
progrès qu’il a faits, dans. les .arts &c dans
lés fciencés. .
glacière dé notre jpôle , qu\l détermine
déplus de cent trente htille lieues carrées >
envahies par lé réfroidiffement & anéantîtes
pour la nature vivante/'Et pqmmçTe iroid ,
eft plus-grand dans1 les régions, dtt f :
auftral ; Buffon prékime:;qüe l’etiyabiffe- j
ment dés1 glaces 'y eft àtrfli pliis^;gratid ,
puifqu’on en rencontre dans Quelques-unes
de ces plages auftrâlfes dès le qùarante-
feptième degré. Cet hémifphère auftral a
été de tout tems beaucoup plus, aqueux & ,
plus froid que le nôtre, & îl n’ÿ a pas d’apparence
que. paffé.de cinquantième degré
l’on y trouve jamais des terres heureufes 8c tempérées. On Voit par Céè‘ déthils que
les glaces ont envahi une -plus grande étendue
fous le pôle antarâjque, & que leur
circonféreiice s’éténd peut-être beaucoup
plus loin que celle des glaCek du pôle arctique.
Ces imiTienfes glacières1 des deux
pôles, produites par le réfroidiffement
de la terre , fuivant Buffon , iront
comme les glaciers des Alp e s, toujours
en augmentant, & feront à ce qu’il efpèrfe
une preuve de fa; tliëdfie. (Àfioye%_ l ’Atlas. )
Septième époque.
Buffon, après avoir, jetté un coup-d’oeil
fur les premiers hommes difperfés & s’ef-
fayant comme les fauvages aux premier.es
ébauches des. arts , après les avoir repré- j
fentes comme recueillant les traditions de
tous les.malheurs.du monde, parle de ces
mêmes hommes réunis en fociété : c’eft
dans les contrées.feptentriunalés de i’A f ie ,
que l’homme réuni en fociété a donné du
corps-à: les connoiffances ; tout cela fup-
pofe des hommes aétifs; dans un climat
heureux, fous un ciel pur pour l’obferver,
fur une terré féconde pour la cultiver ,
plus élevée &—par conléquent plus anciennement
tempérée que les autres. Buffon
trouve toutes, ces conditions , toutes ces
circonflances dans le centre du continent
de l ’Afie , depuis le quarantième degré de
• latitude' jùfqu’au cinquante- cinquième,
1. -s fleuves qui portent leurs .eaux dans
Mais înalheüreufémént ces fciences ont
été perdues,- & ne nous font parvenues que
par débris; c’eft de-ià qu’eft venue la formule,
d’après laquelle les brames calculent
les 'éclipfes , puifqu’ils" r/ont pas connu
les éléniens d’après lefquels. ces formulés
font été conftruites. "
Les chinois un peu plus éclairés que
les brames, calculent aflé-z greflierement
les éclipfes , & les calculent toujours de
même depuis deux ou trois mille ans. Il
né paroît pas queies chaldéens , les perfes,
les égyptiens & les grées , aient rien reçu
de ce premier peuple éclairé; car dans ces
contrées du Levant,’ la nouvelle allrono-
mie n’eft due qu’à l’opiniâtre affiduité dés
obfervateurs chaldéens , & enfuite aux travaux
des grecs.'
La perte des fciences fut l’effet d’une
malheureufe révolution; Buffon penfe que.
quand les terres fîtuées au nord de cette
heureufe contrée ont été trop refroidies,
les hommes qui les habitèrent , encore
ignorans , farouches foc barbares , auront
reflué vers cette même contrée riche ,
abondante & cultivée par les arts , & qti ils
| ont détruit non-feulement le germe, mais