voulut, que dans le teins qu’il prenott fes
hauteurs, l’on rebâtit la■ Cathédrale de
•cette ville , & qu’après avoir levé le pavé
de Féglife, & ereufé 4 pieds 7 pouces ,
mefurc de Ravenne, on trouva un autre .
pavé fait du plus beau marbre. Cette
fingularitè fixa l’attention de Manfrédi ; il
compara la hauteur de ce dernier pave à
celle de la mer, & il vit qu’il n’étoit élevé
que de fix pouces feulement au-deffus de
la mer dans la plus balle marée, & qu’il
Êtoit de plus de huit pouces au-deffous
dans la plus haute mirée. Cette Cathédrale
avoit été conftruite fous l’empereur
Théodofe depuis environ 1330 ans;
Manfrédi conclut, [que dans cet elpace de
tems la furface de la mer s’étoit élevée de
plus de huit pouces , mefure de Ravenne.
Un examen fuivi du fol des environs de
Ravenne, concourut à prouver l’opinion
de Manfrédi. En effet on 11e trouva partout
qu’une terre molle, nbarécageufe ,
& qui i’avoit encore été beaucoup plus
dans les fièctes précédens ; p’uilque Sido-
nine ! Apollinaire , auteur du cinquième
fiècle , appelle cette contrée un marais
plein, (Teau ; & que Vitruvc, liv. ÿ , chp. 2,
ehfeignant la manière de bâtir fur des pilotis
avec folidité dans des endroits marécageux
, cite principalement Ravenne. Man-
frediconclut encore en faveur de fon opi
nion par un paffag'e de Vitruve, où cet
auteur dit : que les pilotis enfoncés dans
la terre , qui fervent de bâfe aùx édifices,
s’y corifervént à perpétuité , & peuvent
porter un fardeau incroyable, fans que
les maifons Toient dérangées dans leurs polirions,
Ainfi trouvant le pavé de cette
églife uni & horizontal fur dix pieds de
longueur & fur fix de largeur , il affura
que ce ne peut être le fol de la Cathédrale ,
qui en 13 30 ans , ait baille de huit pouces;
mais que c’efl la furface de la mer, qui
dans le tems donné , fe fera élevée à cette
hauteur.
On voit à Ravenne, ajoute Manfrédi,
les relies du tombeau de Théodoric de
Vérone, roi des goths. Ce monument fut
confirait en 495 ,&par conféquéht après
la Cathédrale. Perfounea ne peu* douter
que cet édifice n’ait été élevé fur des piloris;
c’ell une maffe énorme pour fa pe-
fanteur, fes murs font très-épais , & conf-
truits en pierre de taille , fa coupole formée
d’une feule pierre concave d un Coté,
convexe de l’autre, a 38 pieds de diamètre
& iy d’épaiffeur. Les liâmes colof-
fales des apôtres étoient placées autour,
elles y reftèr.ent j-ufqu’à la fin du quinzième
iîècle, tems auquel Louis XII, roi de
France les fît enlever. On ne voit plus
aujourd’hui au-deffus du fol que k moitié
de ce monument gothique: lè relie ell
engagé dans la terre.
Le bâtiment s’elt - il enfoncé pu la
terre s’elt-elle élevée autour de lui? Si on
admet la première luppoiition, on a rai-
fon de demander pourquoi la Cathédrale
n’auroit pas également fuibaiffé ; & dans
le fécond cas, pourquoi le terrain auroit-
il été élevé dans la même proportion autour
de la Cathédrale, tandis que le tombeau
du roi Théodoric ell fitué, hors de
la ville , où le fol devoit naturellement
être moins affermi ? J’ai moi-même, continue
Ferner, vérifié toutes ces obferva-
rions fur les lieux ; & les maifons de Ravenne
m’ont paru plus ou moins enterrées
, fuivant l’époque de leur çonflruc-
tion. Manfrédi rapporte pour confirmer
fon fentiment, différentes obfervations
àe. _Zendrini-, ce dernier dit que la Y©ûte
de l’églife Saint-Marc à Venife, prend
l’eau , & fe trouve au-deffous du niveau
de la mer- pendant la marée haute ; qu’une
partie de la place Saint-Marc ell élevée
d’un pied , & que malgré cette élévation,
elle ell quelquefois inondée : qu’une
marche de l’efcalier, vers le canal qui eu
auprès du palais du Doge, fe trouve à un
demi pied fous l’eau pendant la marée
haute, On peut répondre que ces furbaif-
femens n’ont rien d’extraordinaire, puifque
Ta ville de Venife ell bâtie dans Ta mer,
fi on en excepte les environs de Ponte-Rial-
to, & qu’une partie de la place Saint-Marc
n’a été' formée que par des décombres ; v
ainfi le terrein peut s’être affaiffé'd’un pied,
Si même de plus, depuis la fondation de
cette ville. Toutes les caves de Venife,
font: encore aujourd’hui confinâtes au-
deffous du niveau de. la mer-, elles ont été
fèches pendant plufîeurs années , & même
pendant.des fièclés; mais enfin eîle-sdépé-
rillent & prennent l’eau. Ainfi on conçoit
fans peine que.Féglife fouterraine de Saint-
Marc a pu fervir. autrefois d’églilè de pénitence
, quoiqu’elle fût plus au-deffous
du niveau de la mer qu’elle ne l’elt aujourd’hui
, mais que peu à peu ijeau slell fait
j our à travers fes murs.
Les raifons fur lefqüelles Hartfoëckr
.établit fon opinion y & qui l’engagent à ,
conclure que.le niveau de la mer hauffe
.chaque jour , ne portent pas avec elles
une plus gjrande certitude.. 11 çonfidère les ;
anciennes digues de la Hollande, & les.
.nouvelles affifes fur les anciennes. La ma-
jeu-re partie de ces digues ell faite, avec des'
terres de rapport; il; éfl certain que cette
terre occupe beaucoup d’efpaee. dans le-
commencement,, qu’elle s’affaiffe de plus
en plus , & qu’il y en a une partie aTez
confîdérablè entrainée par la pluie, diffi-
pée par les vents, &C, ainfi , fans comp-
ler l’affaifepient du fond , la digue baffle
continuellement, & par,conféquent elle
exige fans çeffe des rechauffemenî. Outre
cela, il ell très-naturel de fuppofer que les
vagues de la mer, venant à frapper avec
. force contre les parties inférieures,fappent
le terrein, le fupérieur s’écroule- n’ayant
plus de point d’appui ,&1 ’ancienne digue
Revient plus efcarpée quela nouvelle. Enfin
fi la digue ell revêtue de pierres , fon
plus ou moins de ravallement fera fuivant
l’idée de l’ouvrier, & cette idée peut varier
•'en différens âges. Quoiqu’il en fojt, ces
digues auroient toujours befoin d’être
réchauffées par les raifons qu’011 v.içnt de
donner lors même que le niveau de la mer
aie s’élèverait pas , & lors même qu’il baif-
feroif en moindre proportion que celui
de l.a-digue,"A
Gétgraphie^Phyfique. Tome I .
Hartfùëcher & Manfrédi étoient du
même fentiment fur la canfe de l’élévation
de la mer, quoique celui-ci fou-
tienne qu’il fe.faifoit .plus lentement, &
l’autre qu’il s’opéroit plus promptement,
Hiartfoecker le fuppofe d’un pied tous les
Cent ans, & Manfrédi. n’admettoit que
ctnq_pouces en trais cent quarante-huit
ans. L’un & l’autre prirent .pour bâfe
de leurs raifonnemens la quantité moyenne
de la pluie qui : tombe annuellement
fur la terre, & examinèrent ,en fuite combien
l’èau troublé des fleuves çontenoit
de- vafe, rd’ou ils eftimeiaiit la quantité
de. terre,que les fleuves portent, annuellement
à la mer. Quoique leurs reliai tats
(oient différens par rapport à la quantité,
cela n’empêche pas que la eaufe ne fbit
vraie en général,-fi Fon-prend pour,
principe que , la quantité d;eau a toujours
été la même. En effet, fi la terre portée
dans la mer fe place' fur le fond , la
furface de Ta nier doit s’élever eu proportion
; mais li cette terre fert-à augmenter
le continent', l’étendue de k mer deviendra
plus étroite,. & par conféquent le niveau
de la mer fe hauffera également; donc
la furface de la mer a toujours cté également
éloignée de' la-terre. Il fuit delà
qu’un tel volume d’eau doit être
annuellement converti -en corps folide,
pour correfpôndre à celui de la terre qui
ell annuellement emporté dans la mer 8c
pour le remplacer. Si le volume d’eau
converti en corps folide, éft annuellement
phrs grand que Celui delà terre emportée
dans la mer , il ell neceffaire que la fur-
face de la mer s’approche du centre de
la terre. Le dontraire arrivera, fi le premier
volume ell plus - petit que le fécond.
Nous ne nous arrêterons pas à faire des
réflexions à ce fu jet ; il ell tems d’expofer
le fyllême que Maillet, conful de France
dans le Levant, a imagmé fur la diminution
de l’eau de la mer.
Cet ouvrage connu fous le nom de
Telliamed, fut imprimé en 1740. On
pourroic le regarder comme un roman