
parle Ici fur la Foi de Théophrafle * mais
il n’en eft pas de même de ceux du Rouf-
fillon , leur exiftence eft confiatéej, &
découvre même la fource de l ’erreur d’A-
riftote, de Théophrafle & de Pline,
l'ur les poilfons folfdes en général. Combien
les écrits des anciens n’offrent-ils pas
de faits de cette nature :que la crédulité
& l’ignorance ont transformés en prodiges,
que l’amour du merveilleux a publiés avec
empreffement, que la parefle naturelle à
l ’homme a toujours négligé de-vérifier ,
& q u i, s’ils étoient anaiyfés, difeutés &ï
examinés par de bons obferyateurs , ou'
feroient rangés dans, la claffe des traditions
fabüleufes , & iroient s’évanouir
avec elles , ou fe réduiraient à des phénomènes
Amples , ordinaires & aufïi faciles
à croire qu’à expliquer ?
Dans ce que je cité de Sénèque, il
n’eil pas feulement queftion de poilfons
fqfîiles ou de ceux qui vivent dans des
amas d’eau fouterrains ; mais encore des
débordemens fubits & extraordinaires
qu’éprouvent de temps en temps ces
amas d’eau qui fe portent au-dehors,
& entraînent avec eux une grande quantité
de ces poilfons. Je puis citer ici le
lac de Czirnits qui dégorge ainlî de temps
en temps, & donne lieu à des pêches très-
confidérables. La fontaine dè Sablé à
quelque diftance d’Angers, préfente les
mêmes phénomènes, mais moins en grand.
Plufieurs cavernes en Dalmatie, rejetent
alfez fouvent une grande malle d’eau, qui
eft alfez confîdérable pour inonder des
vallées étendues, y former des étangs où
fe'font des pêches abondantes , avant que
le s ’eaux aient regagné les réduits fouterrains
où elles s’engouffrent avec les poif-
fons qui échappent à l’adrelfe & à l’induf-
trie des" habitans. Je n’entrerai pas dans;
de plus’ grands détails’ à ce fujet, & je ;
renvoie les leâeurs qui délireront de s’inf-
tiuire plus complettement. fur le je u 1 de
■ ces eaux fou termines, à Partiel ^.Dégorgeoir ;
du diâiounaire, où tous les. faits font pré-.
fentes par ordre & difeutés dans l’étendu«
qui convient à notre o b je t, avec l’indication
des lieux où les phénomènes ont été
vus , obfervés & décrits.
Je dois dire encore que Sénèque fe
trompe en confidérant les poiflons qui fa r tent
des dégorgeoirs dont il nous parle,'
comme une nourriture mal-faine. Le contraire
eft conftaté parles pêches de Dalmatie
& celles du lac de Czirnitz; ainlî ce point
merveilleux doit difparoitre encore.
X.
S i NÈQUX.
Des fleuves & des rivières qui f e perdent.
On voit des fleuves qui tombent dan*
des abymes & qui difparoilfentfubitement,
d’autres ne fe perdent qu’infenfiblement,
& au bout d’un intervalle confîdérable
ils reparoiffent, & recouvrent leur nom
& leurs cours. La caufe en eft manifefte.
Ces fleuves trouvent des cavités fous
te r re , & l’eau fe porte naturellement dans
les lieux les plus bas quand elle les trouve
vuides j reçus dans les elpaces fouterrains,
les. fleuves y coulent en fecret, jufqu’à
ce que la rencontre d’un corps folide les
arrête, les force de remonter , de s’ouvrir
une ifiiie dans l’endroit qui leur offre le
moins de réfiftance , & de reprendre ainlî
leur ancien cours. Le Lycus & l’Erafinus
fuivant le po’éte Ovide font dans ce cas.
Le Tigre offre le même phénomène dans
l’Orient; englouti dans la terre où il relie
long-temps caché , il en fort à une diftance
confîdérable fans qu’on puiffe douter que
ce foit le même fleuve.
Réflexions.
Il paraît que les anciens avaient.obfervS
avec attention les phénomènes de la dif-
parution & delà perte des eaux dés fleuve*
^ des rivières, puifqu’ils en avoient fait
deux claifes bien caraâérifées ; certains
fleuves fe perdent tout-à-coup pour ne
plus reparaître; d’autres fe perdent infen-
flblement & reparoiffent enfuite : ces détails
font une preuve bien intérelfante
de l’ordre & de la méthode que les anciens
écrivains avoient mis dans leurs obferva-
tions. Ce qui précédé d’ailleurs fur les eaux
& leur circulation établit de même qu’ils
favoient voir. Il eft vrai que fouvent pour
lier les faits, ils avoient recours à des
explications 8c à des fyftèmes hafardés qui
Cependant ont pu féduire .les premiers
phyliciens modernes puifqu’ils les ont
adoptés & même embellis, fi l’erreur pou-
voit l ’étre. .Mais paffons maintenant aux
faits analogues à ceux des anciens que nous
avons recueillis , & qui prouvent que ces
phénomènes toujours étonnans font alfez
communs, &fepréfentent avec les mêmes
Caradcres dans certaines contrées particulières.
Quoiqu’on ne doive pas être furpris,
lorfqu’on y réfléchit bien, qu’une rivière
rencontre dans fon cours fouvent très-étendu
, un fol qui abforbe fes' eaux par des
ouvertures plus ou moins marquées, cependant
ce phénomène a été regardé comme
très-extraordinaire par les auteurs anciens 8c modernes. Ce n’efl pas feulement
parce qu’on n ’a connu qu’un très-petit
nombre de rivières dont les eaux difpa-
roiffoient ainlî , que le merveilleux fur
cette matière s ’eft confervé jufqu’à nos
jours, mais parce que les phyliciens qui
en ont parlé d’après Pline & Séneque ,
fe font contentés d’indiquer comme eux
de limples réfultats.
Il ne nous eft parvenu aucune des ob-
fervations inftruétives , aucun des faits
qui pouvoient éclairer fur les circonf-
tances de la difparution & de la réapparition
des eaux d’une rivière : cependant
ces faits avoient été allez précis pour
»utorifer les -anciens à diftinguer ces rivières
en plufieurs claffës , dépendantes de'
la manière dont elles -fe perdoient, ainft
que le fait ici Sénèque. Il n’eft donc re lié ,
comme on voit dans les anciens, qu’un
plan de travail d’après lequel on a pu être
encouragé à faire de nouvelles recherches
fur un fujet aufïi curieux ; en recourant
à la même fource d’inftrudion où les
anciens avoient puifé : l’obfervation de la
nature. C’eftavec ce fecours qui ne manque
jamais, que nous avons pû , ou partir des
réfultats des anciens, pour retrouver les
faits qui avoient fervi à les établir ou remonter
à ces faits pour vérifier ces réfultats.
Nous ne citerons donc pas ici toutes
les rivières dont les anciens ont parlé ; nous
nous bornerons aux feuls faits qui ont été
' obfervés & difeutés avec foin, afin de donner,
d’après ces faits , une idée du phénomène
qui en faifant difparoitre le merveilleux
, y fubftituera la marche fîmple de l ï
nature.
Nous avons obfervé en France un alfez
grand nombre de rivières qui fe perdent
& qui reparoiffent, pour être convaincus
que ces phénomènes, dépendent abfolu-
ment de la nature du f o l , dans lequel
le canal de ces rivières fe trouve creufé.
Ce fol eft compüfé de couches horifon-
tales de pierres calcaires & de terres mar-
neufes placées les unes fur les autres.
Les lits de pierres calcaires préfentent
des fentes multipliées , par lefqueiles les
eaux des pluies & des rivières s’infînuent-
affez facilement. Ces eaux parvenues fur
les terres marneufes qu’elles délayent aifé-
ment, les entraînent à travers les fente*
des lits de* pierres calcaires; & comme
l’eau s’infinüe par plufieurs fentes à la
fo is , les* premiers vuides favorifent les
féconds, 8c la continuité de ce travail
produit des excavations qui fe correfpon-
dent & qui s’étendent autant que les lit s.
Au moyen de Ces deftruâions ,- l’eau par»
i , 1 1 a