
gui n’a point .eu de commencement ne I
ooit point avoir de fin ; tous' ceux gui ont f
cru te monde éternel, ont afiuré qu’il I
fubfi-fteroit éternellement dans le même
état où il eft, fans s’affoiblir & fans fp offrir- ,
de changement ùotable , au moins quant1:
à fon tout & à fes pariSes principales.'Ce )
n’ell donc que de ceux^tjui ont foütenu
que le monde a commencé, que nous
devons parler ici $ puilqu’ils fdnt les feuls
qui ont avancé que conféquemment à leur
principe , il devoit 'finir un jour.
Pour trouver chez les anciens quelque
chofe depolitif fur la fin du monde, il
faut rdefeendre aux philofophes : grecs. . •
Ceux d’entr’eux qui affuroient que le
monde avoit commencé.,, foutenoient
avec la même certitude qu’il devoit finir.
Selon les atomilles, la caufe de fa fin 1
doit venir de ce que les .arômes fe decro-
.chant & retournant à leur mouvement
confus, donneront lieu à la deftruâion de
toutes les chofes qu’ils avoient formées --
en s’accrocliantiles uns aux autres. Yoici
de quelle manière'Lucrèce en parle, fui-
vant l’opinion d’ Ebicure : Vous v o y e z ,
dit-il , « le cielj, la te’rre & la. mer , ces
» villes corps d’ une nature-’ d’une
» elpèce fi différente.; un jour viendra
» qu’ils feront î détruits , 8c la -machine’*
» du monde : après,, avoir duré tant de
» fièeles, s’écroulera & fera totalement
» renverfee, »
Comme le renverfement général de cette
machîïie efi une idée qui étonne & frappe
vivement l’imagination , ■ & que par confé-
quent elle fournit une matière convenable
aux poètes de la repréfenter avec fuecés,
lorfque l’occafion s’en preferite, Sénèque
& Lucain ont fait la.defcription de cette ,,
ruine de l’univers j'd’une manière capable
«J’infpirer l’horreur & l’effroi. Y o ic i comment
le premier s’èn,/ explique : « Ce
» jour ■ fatal étant arrivé, d it-il, où les
» loix par lefqüelles le monde fubfifle
V feront détruites, le pôle auflral tom-
». bant iuipétueufement fur la terre, ëcra-
» fera les peuples de l’Afrique : le pôle
» aréhque accabler a de même les habitans
» du Nojd. I.e foleii obfcurci ne rendra
» plus aucune lumière ; lés, colonnes du
» ciel . feront rènverfées , 8c dans leur
» chûte .entraîneront la ruine,générale du
» genre humain. Les dieux mêmes n’en
» feront point exempts, tout rentrera
». dans le. cahôs , & la mort terminera
« le deflin de tous les êtres. ,» Lucain
ne “'t'expriui.e pas avec moûts de force &
d’énergie.
Ceux qui étoient dans le fyitême de
l’année périodique, fur-tout les ffoi'ciens,
ne fe contentèrent pas de dire, Amplement
comme les atonïîftes que le monde peri-
roit par la défunion & la confufion de fes
paitiçs. Ils àffurèrent qu’il finirent, par le
feu , & que l’univers ferolt détruit par. .un
enibràfement général. Sénèque qui a fait
tant-d’honneur à la feâe ftoïque, ne s’ex-
'primé pas autrement. C ’eft conformément
à cette Opinion de l’embrâlement général
du monde, qu’Ovide a dit au commencement
de fes métamorphofes : « Ilmefi
» écrit dans le livre du deftin qu’il viendra
y t:n temps où la terre, la -mer 8c .les
» creux s’enflammeront, & où la pefante
ï» machine du monde fera renverfee.
Quoique l’opinion de l’embrâfement
général de l’univers foit- du nombre de
celles dont l’ origine..fe perd dans l’antiquité
, on peut cependant affurer que
parmi les ancièns, les peuples chez lef-
quels elle paroît avoir été le mieux établie,
font les fyriens & leli phéniciens. Jofephe
rapporte que les enfans de Seth, fils
d’Adam , ayant appris de leur père & de
leur ayeui qu e'le monde-., périroit par
l’eau & par le feu, 8c voulant traiifmettre
cette tradirion à leur poflêrité , ■ la- gravèrent
fur deux colonnes qu’i'ls élevèrent ,
dont l’une étoit de briques & l’autre de
pierres, afin que s’il arrivoit qu’un déluge
ruinât la colonne de briques, celle de
pierres pût réfifier à la violélice des eaux i
& conferver la mémoire de ' ce qu’ils j
avoient écrit. On ne peut s’empêcher,
d’être convaincu par ce récit, que la doc- j
trine de l’embrafement futur de l’uniygrs
étoit fort ancienne dans la Syrie.
Les ftoïciens s’étoient imaginé que le :
feu des étoiles s’entretenoit & fe nôurrif-
foit des vapeurs qui s’éle.voient de la terre, >
de la mer'fur-tout & des eaux; & fur ee
principe , ils fondoient la càjjfe de l’embrâfement
futur de Funivers.Ils aflüroifcnt
qu’après une longue fuite d’années, la
fubltance humide des eaux étant épuifée,
& la terre fe trouvant enfin defféchée &
hors d’état de fournir plus long“-temps*:' '
à la nourriture des affres à caiife de foi!
aridité, le feu s'attacherait à toutes les
parties du monde & ' confumeroit toutes'
chofes.
Il n’y a nulle'apparences que ni les fy- .
riens, ni les phéniciens , ni ceux qui ies j
premiers jont affu-ré . que. le monde périroit
par' le fe u , en eulTent d’autre raifon
qu’une fimple;:-opinion. O s a toujours
cru qu’à la lin du monde le ciel & la terre,
fe confondroient. Jéfus-Chrift dit pofiti-
venient qu’alors.ple$' étoiles tomberont.,
du,ciel : c’étoit la tradition commune , &
dans l’imagination des peuples , il ne faut
pas chercher d’autre: caufe d’un embrâfe-*
ment général que. ce mélange du ciel &
de la ierfe, Qu.qiquè les. anciens ne don-
naffent pas aux étoiles leur jufte grandeur ,
ils les concevoient cependant comme, de
vaftes cor';:s enflammés, & ils ne pon-
voient imaginer qu’ils dufferit tomber fur
ja terre fans l’embrâfer en même temps &
>a réduire'en cendres.
Si le. temps précis de la formation du
monde a toujours été regardé comme une
% qu’il étoit impoflible de découvrir ,-
onJ} * pas jugé qu’il, y eut moins' drim-
poflibilité à déterminer fa durée & à fixer
inlLnt de fa fin. I l n’y a rien dans toute
l’antiquité payenne qui puiffe nous faire
penfer que jamais on fe foit avifé de pref-
crire le moment auquel le monde a commencé.,
m celui auquel il doit finir. Les
juifs qu’on accufoit d’avoir fixé l’époqua
dSjl origine du monde pour faire remonter
la leur jufqua.ee .terme reculé , communiquèrent
çetefprit aux premiers chrétiens.
Ceux - c i ‘"à l’exemple des autres, s’avi-
ferént de marquer dés bornes à la durée
q u monde , comme fes juifs avoient défi-
,gné le moment de fon commencement; &
malheureufenient pour eux , ils àffurèrent
que fa dernières heure étoit prochaine; ils
olèreht publier' qu’il ne dureroit qu’autant
dê milliers d ruinées que Dieu avoit emplo
yé' dej jours à le former, c’efl-à-dire
:qu il ne fnblifteroit que pendant fis mille
alls ? au bout defqw sis arriverôit l’embrâ-
fement-dti ciel & “ds la terre ; éc comme ils
fuiv.oient la chronologie des" feptantes,
felqn laquelle le mondé, avoir duré déjà
cinq mille huit céntsans, ils en.concluo.ient
que la lin n’étolt pas fort éloignée. C’eft
Pour cette raifon qu’ils attribuoient les
mortalités 8c les calamités publiques à la
vieilleîfe du monde., qui au rapport de
jplulieurs chrétiens , m’avoit plus'la même
vigueur qu'autrefois. Tertuiiïen difoit
qu ils prioiënt pôiir la durée àè l’empire
romain, parce qüe iachant certainement
qu» l ’umyèrsufin.îroit avec fu ï , ifs ’vou-
loient ëi-oigner les maux dont les hommes
'étoient menacés;"â la fin du monde. Nous
devons aj puter ici que jamais on ne s’eft
imaginé dans l ’antiquité que le monde’
dût retomber un:,jour dans le néant. Ceux
des phjlofophes qui donnoient à l’univers'
‘un commencement comme ceux qui te-
noient pour ■ fon éternité., les floiciens
comme ,les atomilles ,' étdiént également
perfuadés "que le monde' ne feroit jamais
réduit à rien , & fi q u e l le s uns deux lui
attribuoient une fin , ils la regardoient
comme un -changement qui devoit arriver
a fa forme & non pas comme une' deftruc-
tion de la lubftance. Les premiers chrétiens
comme les ftoïciens étoient dans la
même opinion fur la lin du monde ; ils