
leurs excavations, 8c ont gagné ainfi jufi-
qu’à la profondeur aéluelle. Il n’y a donc
pas eu une irruption foudaine de la mer
IJoire dans la mer de Marmara, par l’ouverture
du capal • car cette ouverture exigeant
de longs efforts n’a pu s’opérer,
comme je l’ai dit, que par la même marche
dès eaux de tous nos fleuves qui ont creulé
Jeurs vallées. ...
Si la mer Noire a occupé autrefois un
baffin plus étendu , comme lé prétendent
ceux qui réunifient fes. eaux à celles de la
Cafpienne ; fi la Propontide a éprouvé à
certaines époques de grandes inondations
dont les habitans de quelques ifles de l'Archipel
ont confervé le fouvenir, tous ces
differens états, tous ces accidens peuvent
avoir été produits par les débordemens des
fleuves & des rivières qui déchargeoient
dans la mer Noire une maffe d’eau plus
confidérable que celle qu’ils y verfent maintenant
; & par conféquént il n’y a eu dans
tout cet ordre de chofes dont nous pouvons
contempler & étudier les réfultats,
ni de ses cataflrophes que tant d’auteurs
anciens & modernes ont imaginées, ni
de ces révolutions fubites , dont les agens
ne fe trouvent point dans l’économie delà,
nature.
Je pourroïs faire l’application des mêmes
principes à l’ouverture du canal des Dar-
Idanalles -, qui forme la communication. de
la mer de Marmara à l’Archipel, le même
fyflême d’exCavation s’étant diftribué dans
toutes les différentes parties du vafle badin
de la Méditerranée , & s’étant opéré par
l’effort des eaux qui' fe font toujours portées
de l’intérieur des terres dans les golfes
vers lefqtlels la pente du terrein en aéter-
pinoit la marche. Par une fuite de pette-,
même confidépation , je fuis très-élôigné
. de croire que les golfes de la mer Adriatique
aient été creufés, comme le dit Paw,
par l’irruption de l'Océan ou de la mer
des Indes dans cette mer, ni que l’Océan
Atlantiqqe fe Ipit ouyept lç détroit dé
Gibraltar. La décharge de toutes ces eaux
dé la Méditerranée fe. faifant comme je
l’ai dit de /’intérieur des terres par le*
détroits, en particulier par celui de Gibraltar
dont l’ouverture s’eft faite en mêine-
tems, & par la même marche des eaujf
qui fe font creufé le canal de la mer Noire
& des autres détroits de l’Archipel & de
l’Adriatique. ( P'oyeç dans le dictionnaire
les articles Méditerranée -, Gibraltar, Mar*
mara, Mer Noire, Adriatique, Cànal, &c.
Fondé fur les mêmes principes je ne.
puis approuver les füppofhions de Tour-
nefort, qui prétend que les différens golfes
de la Méditerranée ont formé autant de
grands lacs féparis les uns des autres, &
dans lesbaflins defquels, comme dans autant
de culs-de fa.cs , les eaux des rivières
venoient fe ramàffer jour & nuit , 8c qui
auroient couvert toutes les terres'voifînës,
s’ils n a voient forcé leurs digues' par quelque
révolution femblable à celle qu’il croit
auffi avoir préfidé à l’ouverture du canal
de là mer Noire.
Tous ces amas d’èau qui fe trouvent
à l’extrémité des fleuves, tels que la met
d’Azof, la mer Noire, la mer de Marmara
, la mer Adriatique, &c. doivent
donc être confidérés non pas comme de
purs égouts fermés ou d’anciens lacs , mais
comme les embouchures des rivières qui
s’y déchargeoient 8c qui avoient en même
tems leurs débouchés communs dans la
Méditerranée; ainfi Po ri doit'plutôt les
corifidérer connue des golfes ou comme les
lacs qui fe trouvent au milieu du cours des
fleuves , mais non comme des Les, qui
auroient forcé leurs digues par des moyens
que l’on ne peut trouver dans l’ordre
ordinaire des, .opérations de la nature.
Ce qui me confirme dans cette opinion»
c’eft que je trouve de même; à i’extrémite
de ia.mer Baltiquq ou plutôt du- golfe
de Finlande , deux canaux , ou efpèces de
bofphores , qui fervent de débauchés aux
lacs Qnega & Ladoga, fy qui vepfentLL
ceflivement leurs eaux dans la mer Baltique,
comme les deux canaux de la mer Noire &
des Dardanelles verfent les eaux de la mer
Noire 8c de la mer de Marmara dans l’Archipel.
Je vois que tous ces canaux font
aüfli anciens que les baflins de ces lacs.
La Neva eft ici comme le canal des Dardanelles.
On m’objeâera peut-être que le canal
de la mer Noire efi beaucoup plus large
Sc plus plein que la plupart de nos vallées ;
mais il eft ailé de voir que la maffe d’eau
fournie par la décharge de la mer Noire1,
eft beaucoup plus confidérable que celle
que nos fleuves charient, & que cette maffe,
pour peu qu’elle ait été agitée , a dû fe
porter avec force contre les bords de la
vallée , & par cette réaâion continuelle
les élargir & les abattre beaucoup plus
fortement que n’ont pu faire les eaux cou-,
rantes des fleuves fujettes d’ailleurs à des.
diminutions confidérables; c’eft ce qu’on
remarque auflï dans le canal de la Néva.
C’efl par la même action des eaux des
fleuves réunies dans les golfes de leurs
embouchures , que plufieurs de ces golfes
ont été réunis enfemble ; c’eft ainfi fur-
tout que la mer Adriatique ne forme qu’un
feul 8c vafte baflin qui n’a confervé que
les contours variés .des premiers bords
des golfes par ou les fleuves avoient leurs
embouchures féparées.
Suite de la difcufjion fur Vouverture du canal
de la mer Noire,
Je reviens encore au débordement du
ront-Euxin, pour ajouter à ce que j’ai
dit quelques nouvelles confidérations', ou
développer davantage celles qui précèdent.
Le débordement du Pont-Euxin, peut
Être confidéré ou comme ia fuite de l’ouverture
fubite d’un paflage par le bofphore
de Thrace Ce celui des Dardanelles, pour
®ne maffe d’eau confidérable qui dégorgea
«ans l’Archipel dont elle fubmergea les
itles julqu’au fommet de leurs montagnes,
& qui caufaenmême-tems d’affreux ravages
& de grands changemens fur les continens
de l’Afie Mineure & de la Grèce : ou bien
ce débordement s’eft opéré par le paflage
d’une maffe d’eau extraordinaire à travers
une ouverture fort ancienne qui s’étoit faite
à tnefure que les eaux s’étendoient dans
le baflin du Pont-Euxin ; enforte que les
bofphores de Thrace & des Dardanelles ,
dans cette hypothèfe , ont été creufés
comme des vallées ordinaires & fuivant
la marche générale de la nature dans l’ap-
profondiffenaent de ces vallées.
Tournefort regarde ici le bofphore de
Thrace comme ayant été tout-à-fait tranché
& ouvert par ce débordement ; ce
qui m’a toujours paru un accident fort
difficile à croire : car il n’eft pas feulement
queftion d’une digue peu large, mais d’une
longue fuite de canal dont il faut déblayer
les matériaux folides ou non avec une
célérité qui- ne s’imagine pas aifément.
N’eft-il pas plus naturel de penfer que
tous ces débouchés avoient été ouverts
par des vallées fort anciennes dont l’embouchure
étoit dans la Propontide, où il.
y en a beaucoup d’autres le long de fes
côtes , & dont la naiffance devoit être fur
les fommets qui bordent de ce côté le
Pont-Euxin près dés châteaux neufs d’Afîe
& d’Europe ? que par conféquént le Pont-
Euxin n’a jamais , été un lac. Si les eaux
lors du débordement defeendirent par ces
vallées avec une violente rapidité, ceci
fut l’effet du débordement accidentel du
Pont-Euxin, ce qui- ne préfente rien de
bien extraordinaire.
Ce qui favorife tous ces foupçons, c’eft
la difp'olïtion des lieux, & ce que Tournefort
dit ailleurs que dans la principale
partie du détroit comprife depuis le golfe
de Saraïa jufqu’aux Pierres Cyanées , les
côtes font efearpées de part & d’autre.
Les Pierres Cyanées, fl fameufespar les
naufrages & redoutées des anciens navi