
D'où il était aifé de conclure que depuis
le mois de mars jufqu’au moi» defeptembre,
il pleut en Ethiopie. Les,piuiésJquiçpm-
bent dans ces. contrées entre les deux équinoxes
, commencent vers la ligne & s’étendent
environ julqu’au 20 degré de latitude
-nord. Ainlt la plus confîdërable.
partie du royaume de Sannar efl exempte
de pluies pendant1 que la méridionale en
efl. noyée. Delà cm efl foridé à conclure
que. la croiffance & la décrpiffance du Nil
n’aincont.eftablem.ent aucune'autre paüfe
que Tabondalîce des pluies qui dans- la
même faifon tombent èrî'Ethiopie ,■ & la
ceffation de ces „mêmes, pluie_s*lQi'fque le
foleil a repaffé la ligne:.'* .
Ce ne font pas.'certainewê'nt les neiges
de l’Ethiopie qui fourniffent des eaux au,
Nil pendant l’hiver: Il ne tombe .jamais'
de neiges dans ces contrées, elle,y .efl même
tellement inconnue que lés Ab}7(Tins n’ont
pas de termes pour- l’exprimer.- Ainfi il
faut néceffairement coiiveni-pqtte dans cette
faifon le cours de ce fleuve. efl entretenir
par des écoulemens dé divers laps quelles
pluies ont formés pendant l’é té ,.S de ces
fontaines fans nombre’ qui.fortentfles diffé-r
rentes montagnes de çe vafléjroyaume.
On trouve dans le voyage de Norden
en Egypte & dans la N-ubiepj une réflexion
très importante fur là fertilité,; de
l’Egypte qui vient à la fuite des crues & 'des.
inondations dujNii : fertilité que les âiiçiens
& même les modernes ,ont fort- exagérée.“
Les auteurs qui ont-entrepris de donner
des dfefèr-iptions de l’Egypte , dit ce.favant
voyageur , contents d’avoir dit que la fertilité
du pays dérive uniquement de'cette
inondaiton annuelle .du Nil , s’en. font tenus
là : & ce lïlence a donné lieu de croire
que l’Egypte efl un paradis terreflre , où
l’on n’a befoin ni. de labourer ,1a terrpj
ni de ia femer , tout, étant .produit comme
de foi-même après l’ écoulement des,
eaux du N iL "On s’y trompe bien , &
j ’ofeiois avancer } fui ce que j ’en ai yu dq
mês propres yeux,.qu’il n’y a guères de
ipaysoùla terre .ait un plus grand befoin de
.culture qu’en Egypte".LaTechereffe efl fi
grande que le terrain n’a pas feulement be->
•foin d’une inondation-générale,, il demande
encore que quand les eaux du Nil commencent
à baifl’er on ne les laide pas
s’écouler, trop .promptement. Il faut
donner le temps aux terres de s’en abreuver
& de's’én imbiber.. Cette néceffité a depuis
long-temps fait chercher les moyens de
retenir l ’eau & ' de 7 la ' confèrver pour
l’açrpfeinent des terres. Les- Anciens y
avbiênt réuffi à merveilles : & de leur
temps on voyo'it tout fe terrein dans une
beàüté floriffante jufqu’au pied des montagnes.
' Mais lé cours'* du temps & les
dîverfes délolations dont ce royaume a été
affligé ont tout fait tomber dans une telle
(décadence que- fi une extrême néceffité
n’ o.biigeôit les Arabes.-à travailler, dans
moins d’un fiècle l'Egypte, fé trouveroit
|rédüite à un auflî trifie état 'que la petite
Barbarie, dans Te voifinage des, çatarades ,
,où l’on ne laboure & l’en ne- Cultive guères
que.l’efpace de vingt, à trente pas de terrein
au bord du fleuve..
L*s anciens Ont-top? méconnu la véri-
'tahle-.caufe de if ac'cîôiffe ni en t régulier &
fde.i’inondatiôn périodique dû N,il ; il n’y
a prefqu’ailCune philofophe^ '"ni hiflo‘
rien àncien,1 qui n’ait, exercé Ton imagination
& foiifigénie. fur cette matière J
cette qüëftion .»efl en effet devenue
une. des plus importantes de l ’antiquité.
En'effet-,‘ ce fleuve a toujours pafle
pour avoir quelque 'çlTo'fe de divin & de
facré-, foit à caufe de la grande pureté de
fes eaux , foit pour l’heureufe ■ influence
de Tes «grandes inondations fur la fertilité de
l’E gypte , foit par l'ignorance abfolue où
l’onï étoit de fa lource, & de fon origine,.
Toit, enfin par l’immen'fité de fon cours,
qui efl de près de 700 lieues du midi au
nord en droite ligné , fans compter les
détours & dpnt plus.de la moitié étoit
inconnue aux anciens. Sénèque nous a
tranfmis tout ce qu’on éroyoit & tout ce
qu’on avoit écrit: & perde avant lui Tuiles
caiifes de ce phénomène : & Ton voit
avec quel avantage il combat & détruit
lés opinions,'différentes qui s’étoiënt fu ccef-
fivemeht élevées fur la naiffance , le cours |
& ' les ' inondations de ce fleuve unique,
dans’ -notre zone tempérée. . ?‘
L a ’véritable (caufe de l’erreur dé toute,
l’antiquité, vient de ce qu’on né;voyàgeoit
guère“ au-delà des cataraâes de ce. fleuve ,
quifé trouvent bien encore en-deçk du tro-
piqtie-, ou . plutôt de ce queélë's voyageurs-:
anciens, qui, ont pénétré plus loin, étoient
la’, plupart des hommes ig n ô r a n s d ’une:
ihteiffgènée.borriee & incapables _ de s’oc-1 ..
cuper- de ces objets, avec l ’attention , lav
fuite & l’opiniatrëtfuju’ils exigent. £gf
Il faut cependant convenir qué le fameux?.]
Néa-rque avoit déjà obfervé .dans fes7
voyages les.'.pluies exceflives qti oh efiu
dans certaines faifons, entie les tropiqtiès,
&les crüeffff’èau'*dans lp? rivière# qui y
ont leurs1 cours ; ; mais il -ne paroît pas
qu’oit ait applique les. faits obferves par ce
voyageur., aux crues régulières du Nil.
Le premier qui en ait parlé d une
manière poli ave , efl , ce me femble-,,:
François Àivarès qui accompagna en ly a o , -
l’ambaffadeur'de Portugal qui fut envoyé-
auprès du Preteffèan.,, Il remarque a après.:
le rapport des. peuples, de ces contrées, que
laj faifon des pluies, qui-e fl leur printemps
commence dans cette partie de l’Ethiopie-
au mois de fl:ai , & dure-jufqh en ^septembre
; & il ajoute qu-ils en.efîùyerent né
continuelles 8c d’excefiives pendant tôijtj
le mois de juillet qu’ils'-furent en route. - ;
Enfin il-efl confiant auj ourd’hui', d après
le rapport de.plufîeurs voyageurs jéfunjps
& autres , que ees’Cpues'régulières. du Nil ^ s
font dues uniquement £UX pluies abondantes
qui tombent entre lés deux tropiques,
pendant les mois de mai , de juin,
de juillet &c.
Le flçüyè paroît fortïr de deux Tources
ou de deux lacs, placés dans, l’Abyffinie
& à quelque diflance l’un de i’autre enyi-
srbh‘ vers le onzième degré de latitude
fepteiurionale ; il efl même vraifemblable
que ces lacs font eux - mêmes formés &
entretenus par des torrents qui defcendent
dês'montaghes de la Lune., fitüées'(encore
plus pf.ès'd e i’Equ ateu l . Etcbmme ce fîë.uvs
“reçoit eh chemin faifant , entre les.»tropiques
, Te tribut d’une, infinité1 dé rivières
qui y arrivent de .tops côtés, il n’eft plus
■ étonnant que. dans ' la faifon des- pluies,
toutes ces eaux amfi raffemblées & rednies
-enfin en un feul lit , viennent couvrir
i ’E g y p te , qui.leur fort de décharge, en
lui iaillant, avècTe linipn qu’-'eljès/ÿ.dépp-
fént'-l, uiiftfouj'ce abondante de prolfféîités.
« Le débordemènrtdù Nil n’éfl donc
>> plus , dit Banipierrè, un m y flè fe '.S i
" » T’ôn veut Te .dpnner là peine dé ç.om-
?» parer. ie ‘temps où arrivent lés inonda-
» Tions de l’Egypte avec'celui où elles
» fe font dans quelques unes des .parties
i?» de la Zô:nêT?T,ofride-où paffe le N il, on
? » trouverai. que l’époque de l’inondation
» de TvE'gÿp'te , efl autant ppftérieure à
??»- celle de certaines parties de*cette Zone ,
» qu’on péùt“ raifonnabïement concevoir
» qu’il faut de rems aux eaux- qui- orôiffent
i) jxbu.làlés'“ jours , pouî*à parcourir une
» auffi grande étendue de.pays.: Læ anciens
» auroient "tout auflî bien pu.- trier au
» miïacie ,P à l ’égard de toutes les .riviè-
» resl^ui.viennent d’un peu loin dans la
S1 Zône-Torride ; mais ne connoiffant que
» ]a Zohe-Tempérëeifeptentrionale , & le
a Nil étant la feule “grande rivière que
» l’on fut qui, venoit d’un pays fort éloi—
, » : gîté , & fitué prés 'de la . ligne , ils ne
» jpùrènt*que prendre c e feul fleuve pour
7 » tefujet de lèurs recherches.... A l’égard
',i> de la Zône-Torride,ajoute-t-ilenfuite ,
'» lés inondations annuelles & leurs caufes
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