
& laiffer à découvert la plus grande partie '
des terres qu’elle occupoit autrefois. Buf-
fon fait plus, il a recours à des caufes ac
cidentelles; il fuppofe que l’ancien & le
nouveau monde ne faifoient autrefois qu’un
feul continent, & que par un violent
tremblement de terre le terrein de l’ancienne
Ailantide de Platon s’étant affaiffé,
la mer aura coulé de tous côtés pour remplir
l’Océan altantique , & parconféquent
aura laiffé à découvert de vaftes parties des
deux continens qui font peut-être celles que
nous habitons. Ce changement a pu fe faire
tout-à-coup par l’affaiffement de quelque
valle caverne de l’intérieur du globe,
ou bien il s’eft fait par des progrès lents
& infenfibles.
De ce que l’Océan a un mouvement
confiant d’Ôrient en Occident & de ce
que ce mouvement fe fait fentir non-feu-
fément entre les tropiques comme.celui du
vent d’Eft, mais encore dans toute l’é-
tendue des zones tempérées & froides
où l’on a navigé , Buffon en conclut d’abord
que la mer Pacifique fait un effort
continuel co-htrë les côtes de la Tartarie ,
de la Chine & de l’Inde; que l’Océan
indien, fait effort contre la côte orientale
de l’Afrique, & que l’Océan Atlantique
agit de même contre toutes les côtes orientales
de l’Amérique , & qu’ainfî la mer a
dû & doit toujours gagner du terrein fur
les côtés orientales, & en perdre fur les
côtes occidentales. Il enréfulte auflî, fui-
vant Buffon, que le pays le plus ancien du
monde eft l’Afie & le continent oriental ;
que l’Europe au contraire & une partie
de l’Afrique & fur-tout les côtes occidentales
de ces continens, comme l’Angleterre,
la France',TEfpagne , la Mauritanie,
font des^terres plus nouvelles.
Mais Buffon invoque bien d’autres
caufes qui concourent avec le mouvement
continuel de la mer d’Orient en Occident
pour produire l’effet qui nous occupe ;
d’abord les montagnes s’abaiffent continuellement
par des pluies qui en détchçnt
•les terres , les entraînent dans les vallées,
& delà dans la ■ mer ; j ainfi peu à peu le
fond des mers fe remplit, la furface des
continens femet de niveau, & il ne-faut
que du tems pour que la mer prenne fuc-
(Cellivement la place de la terre. A ce principe,
Buffon ajoute des exemples en combinant
la caufe générale avec les caufes particulières',
& il veut nous rendre fenfibies
lés différens changemens qui font arrivés
fur le globe, foit par l’irruption de l’Océan
dans les terres, foit par l’abandon
de ces mêmes terres , lorfqu’elles fé font
trouvées trop élevées.
La plus grande irruption de • l’Océan
dans les terres eft celle qui a produit la
Méditerranée. Entre deux promontoires
avancés, l’Océan coule avec une très-
grande rapidité par un paflàge . étroit, &
forme enfuite une' vafte mer qui couvre
un efpace, lequel, fans y comprendre la
mer. Noire, eft environ fept fois grand
comme la Franc?. Ce mouvement par le
détroit de Gibraltar eft contraire à tous les
mouvemens de la mer dans tous les détroits
qui joignent l’Océan à l’Océan ; car le
mouvem8nt général de la mer eft d’Orient
en Occident, & celui-ci eft d’Occident en
Orient, ce qui prouve, fuivant Buffon,
que la Méditerranée n’eft pas un golfe de
l’Océan , mais qu’elle a été formée par une
irruption des eaux à la fuite ou d’un tremblement
de terre , lequel auroit produit
l’affaiffement des terres à l’endroit du détroit,
ou d’un violent effort de l’Océan.
Cette opinion parait confirmée par les
obfervations qu’on a faites fur la nature
des terres à la côte de l’Afrique & à celle
d’Efpagne, où l’on trouve les mêmes lits
de pierre , les mêmes couches de terre,
en-deçà & au-delà dü détroit.
L’Océan s’étant ouvert'cette çorte, a
d’abord coulé parde détroit avec Une rapidité
beaucoup plus (grande qu’il ne coule
aujourd’hui, & a couvert la . partie du
Continent qui joignoit l’Europe à l’Afrique
, les terres baffes dont nous n’ap-
percevon*
dereevens aujourd’hui que les éminences-
èc les fommets dans 1 Italie, dans les îlîes
de Sicile, de Malte, de Sardaigne, de
Corfe, de Chypre, de Rhodes & de l’Archipel.
Buffon n’a pas compris dans cette irruption
là mer Noire, parce qu’il paroît que
la quantité d’eau qu’elle reçoit du Danube,
du Niéper, du Don & de plufieurs autres
fleuves qui s’y déchargent eft plus que
fuffifante pour là former , & que d’ailleurs
elle coule avec une très-grande rapidité
dans la mer Méditerranée par le Bofphore.
Ainfi l’on peut regarder la mer Noire
comme un lac, comme la mer Cafpienne.
Buffon penfe qu’il arriveroit de même
une irruption confidérable de l’Océan dans
les terres, fi l’on çoupoit l’Ifthmc qui
fépare la mer Rouge de la Méditerranée ,
parce que la mer Rouge doit-être plus
élevée que la Méditerranée.
Mais il n’infifte pas beaucoup fur des
conjeétures qui pourroient paroître trop
hafardées, & il préfère de donner des
exemples récens & des faits certains for
les changemens de mer en terre & de terre
en mer. Voici les faits qu’il cite : A Venife
le fond de la mer Adriatique s’élève tous
les jours, & il y a déjà long-tems que les
lagunes & la ville feroient partie du continent
, fi l’on n’avoit pas un trcs-grand foin
de nettoyer les canautp ; il en eft de même
de la plupart des ports, des petites baies &
des embouchures de toutes les rivières.
En Hollande le Fond de la mer s’élève
auffi en plufieurs endroits; car le petit
golfe de Zuyderzée & le détroit du Texel,
ne peuvent plus recevoir des vaiffeaux
auflî grands qu’autrefois. On trouve à l’embouchure
de prefque tous les fleuves, des
ifles , des labiés, des vafes amoncelés &
voiturés -par les eaux, & en conféquence
la merfe remplit dans tous les endroits où
elle reçoit de grandes rivières. Le Rhin fe
perd daps les labiés qu’il a lui-mê,me acçu-
Geographie~Phyjique. Tome T.
mules; le Danube, le Nil & touslesgrands
fleuves n’arrivent plus à la mer par un
feul canal ; mais ils ont plufieurs bouches ,
dont les intervalles ne font remplis que des
fables ou du limon, qu’ils ont charriés;
tous les jours on voit foüs fes yeux d’affez
grands changemens de terres en mer», &
de mers en terres, pour être affuré que
ces.changemens fe font faits, fe font & fe
feront, enforte qu’avec le tems les golfes
deviendront des continens , . les ifthmes
feront un jour des détroits, les marais des
terres arides & les fommets de nos montagnes
des écueils de la mer.
Sî donc les eaux ont couvert & peuvent
encore couvrir fucceflivement toutes les
parties ' des continens terreftres , on ne
doit pas être étonné de trouver des productions
marines à leur furface , et dans
l'intérieur une compofition qui ne peut
être que l’ouvrage des eaux. Après avoir
montré comment fe font formées les
couches horifontales de la Terre , il paffe
aux fentes perpendiculaires qu’on remarque
dans les rochers , dans les bancs
de pierres calcaires, comme dans les ar-
gilles , & en général dans toutes les
matières qui compofent le . globe &
fur-tout dans les couches horifontales.
Plus les matières font molles , plus ces
fentes font éloignées les unes des autres.
Dans les carrières de marbre & de pierres
dures, les fentes perpendiculaires font
feulement éloignées de quelques pieds ,
au lieu que fi la maffe des.rochers eft fort
grande, on les trouve éloignées de quelques
toifes. Quelquefois elles defcendent
depuis le fommet des rochers jufqu’à leur
bâfe; elles font toujours perpendiculaires
aux couches horifontales dans toutes les
matières calcinables , au lieu qujelles font
plus obliques & plus irrégulièrement po-
fées dans les matières vitrifiables, où elles
font intérieurement garnies de pointes de
criftaux & de minéraux de toutes efpèces;
& dans les carrières de marbre ou d’autre«
pierres calcaire« , elles font remplies det