
félon eux, par un débordement du Teint- ?
Euxin dans l’Heilefpont, qui' inonda en I
même tems une partie de l’Afie maritime.
L e déluge qui arriva dans la Grèce du
temps d’Ogygès ,'eft fi ancien, qu’on l’a
toujours regardé comme un évènement
qui tenoit aux temps fabuleux, & dont il
étoit impoffible d’établir la daté. Les chro-
nologifles chrétiens, plus habiles que ne
le. font les profanes dans leur propre histoire
, ont fait vivre Ogygès environ deux
cents ans avant Deucalion , dont l ’âge éft
plus connu & moins incertain ; c’eft-à-
dire qu’ils ont fait Ogygès contemporain
du patriarche Ifaac,
Soit que ce déluge d’Ogygès eût été
plus confidéràble, foit qu’il fût arrivé dans
un temps trop reculé , à peine en étoit il
fait mention dans les livres des anciens.
Il n’en eft pas de même de celui qu’on
nomme le déluge de Deucalion , parce
qu’il arriva du temps de ce prince. Au bout
de quatorze ou quinze fîècles, ce déluge
étoit encore célèbre chez les grecs. En
effet, une grande partie de la Grèce en
avoir été fubmergée ; 5c les hommes chez
qui un pareil événement efl arrivé & qui
fe. font fauves du péril, en dévoient con-
ferver long-temps la mémoire. On voypit
donc dans la Grèce des villes & des montagnes
qui tiroient leurs noms de ce fameux
de' la Grèce'; il n’échappa que ceux qui
purent fe retirer fur les [montagnes , ou
qui fe fauvèrent par bateaux dans la Thef-
falie où règnoit alors Deucalion. Audi
‘dit-on de lui qu’il ayoit rétabli le genre
humain.
déluge. La montagne de Mégare dans
l’Attique, ayoit été ainfi nommée, parce
qu’attiré par le chant des grives, Mégarus
s’ y étoit fauvé à la nage. D ’autres qui
»’étoient retirés fur le Parnaffe, guidés
dans les ténèbres par les hurlemens des
loups , y avoient bâti une ville , à laquelle
ils donnèrent lenomdeLicorée. Les grecs
montroient encore avec une efpèce de
frayeur un trou par lequel ils afluroient
que les eaux s’étoient écoulées. Un hifta-
lien fenfé nous dévoile la vérité obfcurcie
par tous ces nuages. Du temps , dit-il,
d’Amphidyon, roi d’Athènes, un déluge
<U périr la plus grande partie des peuples
Le déluge de Deucalion que les anciens
grecs avoient pris pour un déluge général,
ne fe fit point fentir ailleurs que chez eux.
Mais dans ces temps grofliérs les hommes
vivant dans l’ignorance 5c dans la finipli-
cité nè eonnoiffoient du monde que ce
qui les environnoit,' & jugeoient du relie
de la terre par les pays qu’ils habitoient.
C’efl ainfi que les premiers habitans de
la Grèce fe perfuadèrent qu’un déluge qui
leur étoit particulier, avoit fait périr tout
le genre, humain. Ç ’efl ainfi qu’apres l’em-
brâferfient de Sodome , les filles de Loth
s’imaginèrent être reliées feules fur la terre
avec leur père. Dans les derniers temps ou
la Grèce étoit dans la fplendeur ,,un débordement
de la mer fubmergea lés villes
d’Hélice & de Burrha dans T’Achaie. Sur
cela, Diodore remarque que quelques
perfonnes regardèrent1 cet accident comme
un évènement fort ordinaire & très-naturel.,
On peut ajouter que fi te débordement
fût arrivé dans ces temps grofliérs,' on en
auroit fait un évènement beaucoup plus
confidérable. Quoi qu’il en fo it , Juvénal
n’a pu s’empêcher de mettre au rang des
fables toutes les circonftances merveil-
leufes que les grecs racontoient de ce fa»
meux déluge.
On voit par ce qui vient d’être dit, que
les anciens convenoient qu’il étoit arrivé
en différens temps plufieurs déluges lur la
terre, Platon allure qu’il s’en faut beaucoup
que ceux dont les grecs font mention
foient les feuls que les hommes aient
éprouvés. Paufanias parlant des petites
ifles de Pélops , fituéesprochedeTrézène,
dit qu’une de «es ifles n’a jamais étéfubmer-
gée dans les plus grands déluges. Polybe,
Yarron, Cicéron, tous le* ancien* en u®
fttot, ne parlent jamais de déluges qu’au
nombre pluriel > fur quoi il efl à propos
de faire une remarque au fujet de ce
mot.
Aujourd’hui nous entendons ordinairement
par ce terme , une pluie abondante ,
qui, tombant impétueufement fur la terre
la noyé dans les eaux. Par-là nous diflin-
guons le déluge de l’inondation, qui n’efl
autre chofe qu’un débordement de la mer
& des rivières ; 5c nous faifons cette dif-
tinâion, parce que la Genèfe nous apprend
que le déluge par lequel Dieu fit périr
tous les habitans de la terre,' fut l’effet;
d’une pluie extraordinaire qui tomba du
ciel pendant quarante ■ jours & quarante
nuits.
Les anciens au contraire: ne faifoient
aucune différence de l’inondation & du
déluge. Ces termes étoient parfaitement
fynonymes chez lès grecs & chez les .ro-
mains, 5c fîgnifîoient également une inon-,
dation caufée ou par l’eau des pluies ou
par les eaux de la mer & des rivières.
C’eft pour cette raifon qu’ils:ont toujours,
donné le nom de déluges aux inondations !
êaufées uniquement par les débordemens
de la mer, tels- qu’ont: été les - déluges
d’Ogygès , de Deucalion & les autres dont
on a parlé.
Ce ne feroit pas rapporter tout ce qui
nous relie de l’antiquité au fujet des déluges,
que de ne rien, dire de la fameufe
aile Atlantide de Platon, que quelques-
uns prennent aujourd’hui fi ridiculement
pour l’Amérique. Les annales des égyptiens
faifoient grande mention de cette
ifle, qu’elles difoient avoir été autrefois
fubmergée par l’Océan. C’é to it, difoient
les égyptiens , un pays fort étendu, dont
les rois' avoient été fi puiflans, qu’outre
lifle qui étoit très-grande , ils ■ poflédoient
encore une, partie confidérable de l’Europe
& de l’Afrique. Platon apprit tous
t<8S détails en, E g y p te , & c’eft de lui que
j nous tenons le peu de cohnoiflance que
( nous avons fur cette ifle fameufe. Il nous
auroit fait plaifir de nous marquer plus
précifément fa pofîtion, & de nous
apprendre dans quel temps elle fut fubmergée
; mais il y a grande apparence que
les égyptiens eux-mêmes n’en favoient rien,
5c qu’ils débitoient à ce fujet plus de fables
que de ,vérités. Ce qu’il y a de confiant,
efl que fuivant le récit de Platon , l’Atlantide
étèût fort voifme de l’Europe & dr
l’Afrique, d’où il s’enfuit que ce ne peut
être l’Amérique qui en efl fort éloignée.
Outre-cela , Platon affure pofitivement
que cette ifle fut fubmergée par l’Océan;,
ce qui convient encore moins à l’Amérique
, qui quoiqu’abfolument inconnue
aux anciens n’a pas briffé de fubfifler.
Les peuples des environs du détroit de
Gibraltar étoient dans la même opinion,
avec ce quelles égyptiens racontoient de
l’Atlantide fubmergée par l’Océan. Plirie
parlant de ces deux fameufes montagnes
appellées vulgairement les colonnes d’Her-
cule , nous apprend que les habitans du
pays croyaient que l ’Océan s ’étôit autrefois
ouvert un paffàge ad travers de ces
montagnes & avoit ainfi changé la face
de la nature en inondant une partie de
la terre. On comprend fans peine qu’une
ifle fitaée proche du détroit aura pu être
fubmergée, lorfque l’Océan qui efl d’une
grandeur immenfe dans cet endroit, fa
fera jetté avec une'impétuofité inconcevable
dans le canal de la Méditerranée par
le pa{Tage qu’il venoit de s ’ouvrir. Il efl
permis de recourir aux conjectures pour
expliquer un fait dont la vérité efl d’elle-
même affez douteufe. Peut-être cette ancienne
Atlantide, étoit-elle comprife dan*
i’étendme du terrein que couvre aujourd’hui
la Méditerranée;' enforte que dan*
la fuite des temps les égyptiens mal informés
en auroient fait une ifle, quoique cet
fût un continent joint à l’Europe 8 c à
l’A frique, dont les rois de l ’Atlantide
poflédoient une partie, comme on l’a déjfc