
De cette généralifation on tire avec
avantage des principes çonftans , qu on
peut regarder comme le fuc extrait d’un
riche fonds d’obfervations qui leur tiennent
lieu de preuves juftificatives. On
part de ces principes comme d’un point
lumineux , pour éclaircir de nouveau
certains lu jets par 1 analogie ; & en con-
féquence de la régularité des operations
de la nature , on en voit naître de nouveaux
faits qui fe rangent eux-mêmes par
ordre de fyfiême. Ces principes font pour
nous les lois de la nature , fous l’empire
defquelles notisfoumettons les phénomènes
fubalternes ; étant comme le mot de l’énigme
, ils offrent dans une précifion lumi-
neufe plus de jeu & de facilité à l’efprit
obfervateur, pour étendre fes connoif-
fances. Enfin, ils ont cet avantage très-
important, de nous détromper fur une
infinité de faits défigurés ou abfolument
faux; ces faits difparoîtront ou fe refli
fieront à leur lumière, comme il efl facile
de fuppléer une faute d'iroprelfion, lorf-
qu’on a le fens de la chofe.
Mais pour établir ces principes généraux
, qui ne font proprement que des effets
généraux apperçus régulièrement dans la
difcuffipn des faits combinés, il efl né-,
ceffaire que la généralifation ait été exaâe
& févère ; qu’elle ait eu pour fondement
une fuite nombreufe & variée de faits liés
étroitement, & continuée fans interruption.
Sans cette précaution , au lieu de
principes formés fur des faits & des réalités,
vous aurez des abflraétions générales d’où
vous ne pourrez tirer aucun fait qui fe
trouve dans la nature. De quel ufage
peuvent être des principes qui ne font pas
le germe des découvertes ? Et comment
veut-on qu’une idée étrangère a la nature,
en préfente le denoument ? Ce n efl feulement
que de ce que vous tirez du fonds
de la nature, & de ce qu’elle vous a laîffé
voir , que vous pouvez vous fervir comme
d’un inflrument fùrpourdévoiler ce qu’elle
vous cache.
Si l’induâion par laquelle vous avez
généralité , n’a pas été éclairée par un
grand nombre d’obfervations , le refultat
général aura trop d’étendue : il ne comprendra
pas tous les faits qu’on voudra
lui foumettré ; & cet inconvénient a pour
principe cette précipitation blâmable qui,
au lieu de craindre les exceptions où les
faits manquent , & où leur lumière nous
abandonne , fe laiffe entraîner fur les fi impies
foupçons gratuits d’une régularité
confiante.
On voit aifément que cette méprife n’a
lieu que parce que dans la difcuflion des
faits , on n’a pas diftingué l’effentiel de
l’acceffoire, & que dans l’énumération &
la combinaifon des phénomènes, on a formé
l’enchaînement fans y comprendre les exceptions
; il falloit en tenir un compte
aufli exaft , que des convenances qui ont
fervi aux analogies.
D’un autre côté , je remarque que les
obfervations vagues & indéterminées ne
peuvent fervir à l’établiffement d’aucun
principe. Toutes nos recherches doivent
avoir pour but de vérifier , d apprécier
tous les faits, & de donner furtout une
forme de précifion aux réfultats : fans cette
attention , point de connoiffance certaine,
point de généralifation , point de réfultats
■ généraux.
Les principes ont fouvent trop d’étendue
, parce qu’ils ont été rédigés fur des
vues ambitieufes , diâées par une hypo-
thèfe favorite , car alors, dans tout le
cours de fes obfervations on a éludé, par
difiimulation ou par des diflinâions fabules
, les exceptions fréquènteS ; on les
a négligées comme inutiles, & 1 on â toujours
pourfuivi, au milieu de cés obftacles,
la généralifation des-réfultats. Si dans la
fuite on trouve des faits contraires, on
les ajufle comme s’ils étoient obligés de
fe prêter à une règle trop générale.
D’autres réfultats fe préfentent fouvent
avec
avec une infinité de modifications & de
reftriâions qui font craindre qu’ils ne foient
■ encore fubordonnés à d’autres. Cette timidité
avec laquelle l’-on efl obligé de mettre
au jour fes principes ,:'vient d’un défaut
d’obfervations; il n’y a d’autre parti à;
prendre pour leur affurer cette folidité ,
cette étendue , cette précifion qu’ils méritent
peut-être d’acquérir , que de con-
fulter la nature ; fans cela les principes
dont la généralifation n’eft pas pleine &
entière, & dont l’application n’eft pas
fixe & déterminée feront continuellement
une fource de méprifes ou d’illufions.
Ce n’eft qu’en s’appuyant fur des. faits,
difcutés , avec foin , liés avec fagaché,
généralifés avec difcernement, que Ton
pourra fe flatter de tranfmettre à la poftérité
des vérités folides , des réjultats généraux
inco.nteftables , enfin des principes féconds;
& lumineux.
Des canes propres à la Géographie-
Phyjique.
Après avoir expofé les différens principes
de la méthode laplus propre à diriger
les recherches des obfervateurs qui s’occuperont
par la fuite à raffeinbler les faits
dont peut s’enrichir lagéographie-phyfique,
il convient depaffer maintenant a la difcuf-
fion d’un moyen aufli fécond pour affurer
les progrès de cette fcience : ce font les
cartes géographiques. Nous allons montrer
les avautages qu’elles nous offrent, avec
d’autant plus de foin que cette grande
reffourcea été jufqu’à préfent négligée par
les naturaliftes.
Noùs ferons remarquer d’abord que les
différentes dimenfions: qu’on donne aux
cartes, doivent toujours être afforties a la
malle & au genre d’obfervations dont on
fe propofe de faire ufage. L’on aura donc
l’attention de les varier , & quant à l’échelle
&, quant au deffin, de manière à préfenter
tous les1 objets qui y figureront avec autant
dé netteté que de précifion.
Géographie-Pkj'fique. Tome I.
8oj
Nous commencerons 3’abord par Indiquer
jles'cîrconftarices qui exigeront des cartes gé-
jnêralës l’on doit fentir aifément qu’il y a
îtelles collections d’obfervations formées
; d’après les .voyageurs qui , pour -être
-.- embraffées dans toute leur étendue, exi-
igent de ces cartes.Telles font les recherches ^
îqui 'concernent les1 variétés de l’efpcce-
; humaine , difperfées - fur toute - la furface
du globe. Telles font aufli celles qui ont
J pour objet les différentes efpèces d’anî-
. maux quadrupèdes , attachées à l'ancien
I ou aü nouveau continent , ainfi qu’aux
latitudes & climats de ces grandes bandes
-de terre, &c. Il efl vifible que la mappe-
qmonde efl le champ naturel de ces con--
fidératidns, C’eft par. les développemens.
qu’elle nous offre que l ’on pourra fuivre.
Ta comparaifon des diverfes pofitions .de.
ces êtres avec la température des contrées -
qu’ils habitent & la nature des denrées qui
fleur-fervent de nourriture.: G-’efl par de tels
'fecours qu’on rendra ces enfembles & plus
faciles à faifîr & plus Jnftruâifs. Je fuis
même porté à croire que nulle méthode
de ciâffrfication de ces animaux.: ne >peut
être mife en parallèle avec leur diftribution
fur des cartes générales , fi l’on réfléchit
à la grandeur & à l’intérêt du fpeâacle.
Si nous paffons enfuite à l’examen des
parties du globes, dont les phénomènes ne
peuvent être ni envifagés ni préfentés que
fous des points de vue très-étendus qui
nous montrent les réfultats des o-pera-
; rions de la nature en grand , il efl évident
-que tous ces -objets doivent être figurés
' fur des cartes des dimenfions les plus fortes
après la mappemonde. Telles font la marché
& la circulation des eaux ■ courantes
dans les rivières & les fleuves ; telle efl la
direâion des différemes chaînes de montagnes
qui fervent à déterminer les points
départagé de ces eaux & l’origine des pentes
qu’elles fuivent.
Lorfque nous nous’ occuperons de
l’étude des contréesoù figureront dans des
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