ne peut point raifonner par analogie de
ce qui fe paffe à cet égard fur notre hé-
mifphère, pour déterminer ce qui devroit
avoir lieu dans celui-là. Là où le froid
règne , il s’étend dans toute fa force fur
la moitié du terrein qui , par fa pofition,
devroit être fous un climat tempéré. D’ailleurs
, tous les climats froids de l’Amérique
feptentrionale font de plufieurs degrés
plus froids que ne le font ceux qui
font fitués en Europe & en Àfie fous une
égale latitude ; ainfi, par exemple, laNou-
velle-Angleterre , qui eft prefque fous la
même latitude que la Grande - Bretagne ,
elt pour un européen d’un froid infuppor-
table. Terre - Neuve , la baie du fleuve
Saint-Laurent & le Cap-Breton qui font
fîtués au regard des côtes de France,
éprouvent unfroidextraordinaire.Newport
&.laPenfilvanie, fouvent couverts de neige
& de-glaces , font fous les mêmes degrés
de latitude que l’Efpagne & le Portugal.
En approchant mêm'e des parties de l ’Amérique
qui correfpondent aux plus beaux
climats de l’Alie & de l’Afrique , on y
éprouve encore les rigueurs du froid ; il
a même une telle influence fur là partie
la plus chaude de cet hémifphère , qu’il
y tempère l’excès de la chaleur qu’on y
reffentirait fans cela : & fi l’on approche
des confins de la. Terre-Ferme , on y
trouve des lacs glacés & des pays incultes
& inhabitables par l’excès du froid , bien
plutôt qu’on ne les rencontre dans le nord
de l’Âfie.
Plufieurs caufes concourent à établir
cette grande différence entre lès climats
du nouveau Monde & ceux de l’ancien.
Les pays du premier s’étendent, autant
que nous pouvons le favoir , beaucoup
plus loin du côté du pôle arâique, que
ceux du dernier; ils font aufli beaucoup
plus allongés dù côté de l’oueft. Une chaîne
prodigieute de montagnes , toujours couvertes
dp neiges & de glaces , parcourt
tout le pays inhabité. Le vent, en paffant
par-deffus ces glaces , acquiert un degré
de froid pénétrant, qu’il conferve même
lorfqu’il atteint les zones tempérées ; cm
peut affurer ajjffi qu’il ne fe radoucit entièrement
que lorfqu’il eft parvenu aux
environs du golfe du Mexique. Dans toute
l’Amérique, le vent du nord-ouefl eft le
plus froid ; & il eft ce que chez nous, en
Europe, font les vents du nord & du nord-
eft. Dans les tems les plus doux , dès que
le vent fe tourne au nord-oueft , on eü
tranfi de froid , & il fe fait un changement
litbit & funefte dans la température de
l’air.
Il y a d’autres caufes qui diminuent la
chaleur fur les terres du continent de l ’Amérique
, fituées entre les tropiques. Dans
ces-contrées, le vent fouffle invariablement
de l’eft à l’oueft. Ce vent qui traverfe l’ancien
hémifphère, paffe fur les terres qui fe
trouvent le long de la côte occidentale
de l’Afr ique, chargé de toute la chaleur
qu’il a ramaffée dans les plaines de l’Alie
& dans les fables btûlansde l’Afrique. Mais
ce vent qui augmente fi confidérablement
la chaleur des terres , déjà expofées par
leur pofition à la plus grande ardeur du
foleil , traverfe la mer Atlantique avant
d’atteindre les côtes de l ’Amérique; il perd
dans ce trajet de fa grande chaleur ; de
telle forte, qu’il procure quelque rafraî-
çhiffement fur les côtes du Bréfil & de la
Guyane : & c’e ft, comme on v o i t , un
moyen dont la nature fe fert pour rendre
les pays de l’Amérique, qui devroient être
les plus chauds , affez tempérés en com-
paraifon de ceux de l ’Afrique qui font
fitués fous la même latitude , & prefque
à la même hauteur au-deffus du niveau de
la mer.
Ce même vent pourfuivant fa courfe à
travers l’Amérique méridionale , paffe pan
deflus des plaines inhabitées , couvertes de
forêts impénétrables , où l’on trouve des
rivières , des lacs & des marais confide-
rables, & où il ne peut plus acquérir
aucun degré de chaleur ; il parvient enfin
aux Andes qui traverfent l ’hémif| hère en
entier du nord au fud. En franchiffant dans
cet état de température les fommets glacés
dé ces hautes montagnes , il fe refroidit
au point, que lés terres qui font fituées
dans le voifînage des Andes j éprouvent
uné température très - douce en conipa-
raifon de celle qu’elles devroient reffentir
d’après leur fituation. D.uis les autres pays
de l’Amérique, fitués en Terre-Ferme ,
le long des côtes occidentales jufqu’au
Mexique , la chaleur du climat fe tempère
par leur fituation , élevée au-deffus de la
mer : ailleurs, cet effet eft produit par
leur humidité extraordinaire; enfin , dans
d’autres contrées, par les montagnes fort
élevées qui y dominent.
On ne parviendra pas à expliquer d’une
manière aufîï fatisfaifante, lacaule du froid
qu’on relient vers les limites méridionales de
l’Amérique & les lacs qui s’y rencontrent.
On croyoit autrefois qu’il y avoit un vafte
pays fitué entre l’Amérique méridionale &
îe pôle antarâique , mais on en a été
défabufé. Cependant on peut fe fervir des
mêmes circonllances dont on a fait ufage
pour expliquer pourquoi il règne un fi
grand froid dans le nord de l’Amérique,
pour rendre raifon des frimats qu’on rencontre
aux environs du Cap-Horn ; mais
comme on a cherché en vain cette Terre-
Ferme , & qu’on a trouvé au contraire que la
pleine mer occupoit l’efpace où on laplaçoit,
on a été obligé de recourir à toutes fortes,
d’hypothèfes , dont nous ne donnerons pas
ici les détails. V o y e z les articles Amérique.
Cet imménfe pays eft divifé en deux
parties par ITfthme de Darien. Cet Ifthme
n’a pas foixante milles anglaifes de large^
mais une chaîne de montagnes le traverfe
dans toute Ton étendue , & lui donne affez
de malle pour réfifter au choc des vagues
qui l’attaquent des deux côtés. Ces montagnes
font couvertes de forêts impénétrables.
L ’Amérique feptentrionale 'peut fe partager
en deux parties ; l’une qui eft fituée
au fud , comprend le Mexique , dont
les terres qui avoifinent les côtes font très-
connues ; mais on n’a pas des notions
exaètes fur l’intérieur de ce pays. La partie
de l’Amérique feptentrionale qui eft fituée
au nord ; n’eft connue que dans les contrées
qui font habitées par les établiffemens
des Européens. Mais la Californie , le
nouveau Mexique ; les terres fituées à l’embouchure
du Miflïlîîpi, & quelques-unes
de celles qui bordent l'Ohio n’ont point
encore été décrites.
L ’Amérique méridionale a des côtes qui
ont été vifitées & décrites avec beaucoup
d’exaâitude , mais l’intérieur du pays jul-
qu’aux extrémités du détroit deMagellan,
n’apoint encore été décrit convenablement.
Ainfi l’intérieur du Bréfil, du pays des
Patagons, les contrées orientales du Chili
& du Pérou, & c. font totalement inconnus,
& mériteroient les vifites & l ’examen des
naturalifles & des perfonnes inftruites ,
capables de nous donner une idée vraie
de la nature de ces vaftes pays.
D ’après ce que nous avons dit ei-deffus,
l’ancien continent forme un fîxièine , &
le nouveau Monde un treizième de la fur-
face entière du globe ; des trois autres
quarts qui relient , la moitié nous eft tellement
inconnue , que nous ignorons fi
elle confifte en mers ou en terres. Nous
ne favons prefque rien des pays qui environnent
le cercle polaire arftique à la dif-
tance de dix ou douze degrés. Les contrées
Auftrales nous font encore moins connues.
Depuis la terre de Feu jufqu’à la nouvelle
Zélande d’un côté , & la terre de Diemen
de l’autre , nous ne favons rien de tout ce
: qui fe trouve vers le fud , & même nous
ne connoiffons qu’une partie des pays que
je viens de nommer ; ainfi peut-être exifte-
t-il un troifième continent que nous ignorons,
quoiqu’il puiffe égaler en grandeur
les deux autres enfemble. (T o u te cette
partie du globe eft connue depuis les
voyages de C o o k , & le troifième continent
l ne s’eft pas réalifé. )
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