
fubftances qu’elles renferment, le pavallér
lifme qu’elllfè obfervent conilamment
entr’èlles, ne nous annoncent-ils pas que
ce font les réfultats des opérations de la
nature dans plufieurs fiècles, & non ceux '
d’une inondation paflàgère & violente, telle
que le déluge '!1 Pour peu que i ’ori ait
obfervé, on s’appercevra fans-peine que
rien n’eft moins fondé que le dépôt des
fubftances qui compofeiit lés couches de
la terre, & que Woodward prétend s’être
fait en raifon de leur pefanteur Ipécifîque
à la fuite du déluge. Si l’on eût examiné
attentivement ‘ les amas decoqpilles & de
corps marins qui fe trouvent fi fréquemment
dans le fein. de la terre , on eût-
vu que ces coquillesne- font point jettées
au bafard, ni dans l ’état de confulion que
l’on imagine communément. On fe fût cou-"
vaincu que les amas ne font point les
mêmes dans tous Jes pays ; .que l ’on n’y
trouve conftamment enfemble que certains
corps, tandis que d’autres ne s’y rencontrent
jamais ou du moins très-rarement j on
trouve la même chofe dans la mer ; car
certains animaux teftacéss’ÿ'raffemblent
alfez régulièrement, de même que certaines-
plantes qui croiffent toujours enfemble
à la furface de la terre.. Rouelle de l’aca
démie des fciences eft le premier qui ait
fait cette belle remarque , comme nous
l ’avons dit à fon article. I l fera difficile
de rendre raifon de ce phénomène, quand
on voudra attribuer au déluge la préfence
de tous les corps marins que nous trouvons
dans les couches de la terre ; mais
ces difpofitions & ces arrangemens s’expliqueront
aifément, lorfqu’onifuppofera que
la terre que nous habitons aujourd’hui a
été autrefois, un, fond de mer qui a, été
mis à fec par la mutation de, l’axe de la
terre. En effet, une inondation paffagère
telle que celle du déluge auroit dû mettre
tout en défendre ; cependant on ne remarque
nulle part cette prétendue confulion ;
mais on obferve un ordre très-çonftant
dans l’arrangement des coquilles, dont certaines
familles fe trouvent enfemble, au.
point qu’à la vue de quelques-uns des individùs
décès amas, onpeut juger des autres.'
Nous n’infiftons pas for cette belle obfer-
vation,- attendu qu’elle fe trouve bien développée
à l’ardclé de Rouelle.
Ces obfervations, ainfi qu’une infinité
d’autres qu’il feroit trop long de rapporter
ic i’, prouvent que le fentiment le plus probable
eft celui des phylîciens qui croient
que depuis la création du monde,; & dans
des tems dont l’hiftoire ne nous a point
confervé le fouvenir, la plus grande partie
du continent que nous habitons aujourd’hui
a été le lit de la mer qui le couvrait
de fes eaux. Le fyftême du fé-jour de la
mer fur notre, continent eft d’une très-
grande antiquité, on en attribue la decouverte
à Xenophane-, fondateur de la
feéle Eléatique. C’étoit auffi l ’opinion du
philofophe Eratoftène & de beaucoup
d’autres anciens ; elle a été renoùyellée
par quelques modernes & entr’autres par
Bernard Paliffy,. Maillet , Scheid , Hol-
mann, & elle a été mife dans un très-grand
jour dans le premier volume dé l’hiftoire
naturelle par Buffon & d’Aubenton. Cette
théorie qui eft aujourd’hui embraffée par
tous ceux qui ont obfervé la nature avec
attention, eft là plus propre à rendre
raifon de la grande quantité de coquilles
& de corps marins que l’on trouve dans
le fein de la terre, de la formation des
mines de fel gemme , des fontaines falantes,
ainfi que d’un grand nombre d’autres phé-
’ nomènes que l’on n’expliquera jamais d’une
manière fatisfaifahte,' tant qù’on regardera
[le déluge univerfel comme la feule caufe
fde la formation des couches de la terre.
Pour mettre -à fec une fi grande potion
de continent, il a fallu une révolution
rès-conlîdérable. Suivant le fentiment le
Ips probable ,: elle efl? venue de la nuta-
ton de l’axe dé là terré. & du changement
i’inclinaifon de l’éclyptiquè furl’Equateur,
tccafionnés par le changement de foii centre
fe gravité. Ces événémens reconnus pat
la plupart des phyficiens , ont été fuffifans
pour produire les altérations les plus mar-
quées'à la furface de notre globe : ils ont
dû non-feulement faire difparoitre les eaux
de la mer des endroits ,où elles étoient,
pour en aller fubmerger d’autres, mais
encore ils ont dû altérer la polîtion totale
du globe , relativement au fo le il, & par
conféquent caufer un changement total
dans lés climats & influer fur les individus
qui s’y trouvent. Cela paroît devoir
nous fournir une explication naturelle
d’un grand nombre de phénomènes que
les couches de la terre nous préfentent.
En effet , comment fe fait-il que l’on
rencontre quelquefois dans les entrailles
de la terre en France, en Angleterre,
en Allemagne & fur-tout dans les parties
les plus froides de la Sibérie , la fubftance
que les naturaliftes nomment ivoire fojjile
qui n’eft autre chofe que de vraies défenfes
d’éléphails, dont quelques-unes n’ont fouf-
fert aucune altération dans la terre, tandis
que depuis long-tems ces animaux n’habitent
que la Zêne-Torride ? Gmelin dans
fon voyage de Sibérie nous donne la
defeription d’offemens & de fqüelettes
entiers, d’une grandeur déméfurée, que
l’on tire de la terre allez communément
dans ce pays , & à quoi l’on a donné
le nom d’Os de Mammouth. Il les regarde
comme les dépouilles d’un taureau dont
l’efpèce doit avoir dilparu de deffus la
face de la terre.
On a trouvé des o démens femblables
en Irlande & en beaucoup d’autres pays
de l’Europe. Pour ce qui concerne les '
bois ïéfîneux qui, fuivant toute apparence,
ont fervi à former les charbons de terre,
-on. a tout lieu d e ,croire que ces bois ,
ainfi 1 que ceux qui ont donné le fuccin,
l’ambre jaune., le; jayet& les bitumes, &c.
étoient très-différens de ceux qui croiffent
aujourd’hui ciansnos .climats. Les empreintes
que Pon voit fur un grand nombre de J
pierres & particulièrement fur les pierres'
feuilletées qui accompagnent les charbons 1
Géographie-P'hyfique. Tome I .
I de terre, font dues, fuivant la remarque de
Bernard Juflîeu , à des plantes qui ne
croiffent que dans les pays chauds & qui
nous font, parfaitement étrangères. C ’eft
ainfi que ce favant botanifte a trouvé dans
les ardoifes qui accompagnent les mines
de charbon de Saint-Chaumont en Lyon-
nois, le fruit de,-farbre Trille qui étoit
comme .embaumé dans.du bitume ; cependant
ce végétal ne croît que fur les côtes
de Malabar & de Coromandel. Les fougères
mêmes que l’on y trouve empreintes,
reffemblent à celles des pays éloignés.
Enfin , ce même botanifte nous dit qu’à
la vue de ces plantes fofliles, il fe crut
tranlporté dans un nouveau monde dont
j les plantes étoient entièrement différentes
des nôtres.
Les araignées, les mouches & les autres
infedes qui font renfermés dans le fuccin
montrent à un obfervateur attentif, des
caradères qui les diftinguent de ceux des.
pays , où l’on tire aduellement1 cette fubf-
; tance des entrailles de la terre.
En examinant de près , les coquilles
fofliles dont les couches de la plupart de
nos montagnes font remplies , . on voit
non-feulement'qu’il y e n a quelques-unes
telles que les belemnîtes, les cornes d’Am-
mon dont les analogues vivans font entièrement
inconnus, mais encore on recon-
noît que celles dont on croit que les
analogues ne nous font pas abfolument
étrangers, différent à certains égards des
coquilles du même genre qui font propres
aux mers les plus voifines de notre continent
: :& que c’efl dans la mèr des Indes ,
ou du moins dans des mers fort éloignées
de nous , qu’il faut , chercher leurs vrais
analogues, C ’eft une v.érité dont on peut
fe Convaincre I en comparant nos. coquilles
fofliles avec celles de nos mers qui leur
reffemblent ; enforte* que fuivant l’expïef-
fiop de Juffieu , on efl atitorifé à penfer
qu’un nouveau monde eft venu fe former
fur l ’ancien. Cet habile -homme à qui
1’hi.ftoire naturelle de la-terre a de fi grandes
I i