
près à exciter le feu , mais encore a
lui fournir de l’aliment, telles que les
bitumes Sc les charbons de terre fur-
tout. Or ces matièresfont dues à de grandes
forets qui n’ont pu être enfouies à une
certaine profondeur que par des révolutions
antérieures. L ’on doit même fup-
pofer qu’elles ont été très-confidérables
& très-fréquentes, vu la quantité immenfe
de charbon de terre dont on trouve
fouvent plufieurs couches les unes fur
les autres, & la plupart du tems fort
épailfes. On auroit tort de croire que
les pyrites feules en fe décompofant, c’efl-
à-dire, le fer & le foufre qui peuvent
exciter quelques embrâfemens momentanés
fourniffent fans les charbons de
terre de ces éruptions violentes- & durables
, comme nous les obfervons dans
le Véfuve & l ’Etna, & comme nous
fommes à portée d’en reconnoître les
réfültâts, en parcourant les vefiiges des
volcans éteints.
Pour prouver, comme nous Pavons
dit ci-deffus, que de foibles caufés peuvent
produire à la longue des effets très-confidérables
, nous allons donner ici le précis
d’un mémoire contenant des faits très-
propres à faire voir la manière dont
un grand nombre de couches ont été
formées.
La Sala ou Saala eft une rivière de
Thuringe qui fe jette dans l’Elbe ; elle
eft peu confidérable & peut être comparée
à la Marne. Schober voyant qu’ a
en repos , afin que le limon eût ta
tems de fe dépofer au fond. Au bout
de quelques jours quand l’eau contenue
dans les deux vafes fut éclaircie, il la
decanta 8c prit le limon qui étôit tombé
au fond qu’il fit fécher au foLeil : il
trouva que l’eau du premier vafe ayoit
dépofé deux onces & deux gros &
demi de limon ou de glaife, 8c que
celle contenue dans le fécond avoit feulement
la fuite d’une pluie , fes eaux s’etoient
chargées de beaucoup de terre, ce qui
les rendoit fort troubles, eut la curiofité
d’examiner combien oes eaux contenoient
de parties terrefkes. Pour cet effet il puifa
de l’eau de la Sala chargée de limon ,
& la mit dans un vafe qui en contenoit
jo livres 3 onces 2 g ro s , poids de
Drefde. Vingt quatre heures après il puifa
{a même quantité d’eau ,. & la dépofa
dans un vafe pareil. Il laiifa cés vaille aux
dépofé deux gros ainfi vingt
livres fix onces & demie d’eau, avoient
donné deux onces & 4 Slos ^ demi
de limon féché. Pour pouyoir faire fon
ca lcul, & avoir un poids commun, Scho-
bert humeda de nouveau la glaife & en
forma un cube qui avoit un pouce en
tous fens; cecubepefoit une deraie.onee
& 3 gros ; fur ce pied-là, un pied
cube ou 1728 pouces cubiques dévoient
pefer ÿ6 livres & 10 onces -J : le pied
cube d’eau pèfe yo livres, ainfi en prenant
138 pieds cubes d’eau telle,que ' celle qui
avoit été puifée -& dépofée dans le premier
vafe contre un pied cu’ -e de limon
ou de glaife , il faudra compter 247
pieds cubes d’eau pour les deux expériences
prifes à la fois. Schober obferve
que par une ouverture qui a un pouce
de largeur & douze pouces de hauteur,
il pafïe 1293 pieds cubes d’eau. L ’eau
de la Sala reffeirée par une digue , pâffe
par un intervalle de 186 aunes ou de
372 pieds de Drefde ; ce qui fait 4464
pouces. Si.elle eft reflée feulement pendant
une heure auffi trouble que celle
du'premier vaiffeau , il a dû paffer en
une heure 5,780,880 pieds cubes d’eau
qui ont entraîné 41,890 pieds cubes, de
limon ou de glaife, ce qui fait une
quantité de terre fuffifante pour couvrir
de Tépaiffeur d’un pied une furfaee
qtiarrée de 204 pieds ; mais en prenant
enfemble le produit des deux vaiffeaux ,
alors il eft vifible que fi 20 livres 6
| onces f d’eau ont donné 2. onces 4
I gros - de, limon, on trouvera que la
rivière ayant coulé de la même manière
I pendant vingt quatre heures, elle a du
fournir 13^,741,120 pieds cubes d’eau
qui ont charié .561,705 pieds cubes de
limon, lefquels fuffifent pour couvrir d’un
pied de hauteur une furfaee quarrée
de 749 pieds.
De ces expériences & de ces calculs
Schober conclut, que fi la Sala qui n’elt
qu’une petite riviere en comparaifon de
beaucoup d’autres, entraine une fi grande
quantité de limon, combien en doit-
on préfumer que les grandes rivières font
capables d’en entraîner dans l’efpace de
plufieurs fîecles. Par conféquent ce limon
doit former avec le temps des couches
immenfes de terres au fond de la mer ,
où ces rivières vont fe rendre , & par ces
dépôts fréquents le lit de la mer doit fe
hauflèr & fe remplir confidérablement.
Il efl vrai que tout ce.limon ne va. pas
jjifqu’à la mer, car il y en a une grande
partie qui fe dépofé en route , fur-tout
lorfque les rivières rencontrent des plaines
où elles peuvent s’étendre , & où par
conféquent leur courant n’eftplusfîviolent.
Mais comme les rivières deviennent plus
grandes à mefure" qu’elles approchent de
leur embouchure , elles regagnent de
refie ce qu’elles peuvent dépofer, &
elles doivent toujours finir par porter
une quantité prodigieufe de limon & de
vâfe à la mer.
La quantité de vêles que les rivières
charient dans la mer , doit cependant
varier confidérablement, ainfi que la nature
- des dépôts qu’elles y font. C’eft de-là
que viennent les différentes couleurs
que prennent leurs eaux ; cela vient
auffi des endroits où il pleut abondamment
fur les parties voifines des bords de ces
rivières, & fur-tout de la nature des
térreins que les eaux pluviales & torrentielles
traverfent avant de gagner le lit
des rivières. Voilà fur quoi efl fondée
la connoiffance de ceux qui habitent le
long des bords de la Sala ; par facouleur
ils jugent des endroits où il a tombé
de la pluie.
Il eft encore aifé de conclure de-là ,
qu’il doit fe former dans le lit de la mer
des couches de différente nature fem-
blables à celles que nous voyons à la
furfaee de la terre & dans fon intérieur.
Ces couchas doiventauffi varier beaucoup,
quant à leur épaiffeur , parce ? que les
rivières ne charient pas tous les ans
une égale quantité de terré, & d’ailleurs
ces couches doivent être ou plus fortes ,
ou plus minces , fuivant qu’elles font
formées plu^ ou moins loin de l’embouchure
des rivières qui ont entraîné
les matériaux qui font entrés dans leur
compofîtion. Il rl’eft point difficile de
concevoir la raifon pourquoi ces differentes
couches font remplies de poiffons ,
de coquilles & d’autres débris ou dépouillés
de corps marins. Schober fait- auffi
remarquer qu’il eft aifé de fentir en
fuivant toutes ces opérations de la nature
, pourquoi les furfaces de certaines
couches font inégales, raboteufes & offrent
des ondulations femblables à celles des
vagues agitées par les' vents. Il nous
apprend d’ailleurs qu’ai a trouvé des couches
de cette forte à 600 pieds de profondeur
en-terre dans les minés de fel de Pologne.
A l’humidité près qui ayoit difparu , elles
étoient comme fi l’eau de la mer n ’eût fait
que de fe retirer & les abandonner au
fond de fon balfin ; une de ces couches
s’étoit écroulée parce qu’on l’avoit minée
en deffous pour retirer la couche hori-
fontale de fel gemme qui lui fervoit de
bâfe & d’appui, & l’ on y diftinguoit
parfaitement les différens bancs dont elle
étoit compofée.
Des obfervations de ce genre font
très importantes & tres-propres à jetter
'du jour fur l’hiftoire naturelle de la terre;
elles prouvent, comme beaucoup d’autres,
, qu’il n ’eft pas befoin d’avoir recours au
déluge pour expliquer la formation d’un
grand nombre de couches.